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Quoi répondre ?

Voici.

J'ai beau chercher, en lisant le traité, en écoutant les argumentations développées, je ne saisis pas bien ce qui justifie cet antagonisme frontal.


1. Un texte avec lequel on n'est pas d'accord doit être rejeté. Et la partie III inquiète.

  • Les avancées sont dans les seules parties nouvelles (I et II). Le reste, on le garde de toute façon ; et c'est en vigueur depuis longtemps.

2. En le rejetant, on espère avoir l'occasion de l'améliorer

  • Si le non l'emporte, il n'y aura pas de possibilité d'alliance - les critères de l'extrême-droite et de la gauche n'étant pas précisément les mêmes - pour renégocier efficacement.
  • Car voter oui signifie qu'on accepte le traité, mais on peut voter non selon une foule de critères.
  • Le traité est le fruit d'un compromis à 28 (Roumanie, Bulgarie et Turquie, potentiellement adhérents, on le sait, ont participé), les attentes étaient très diverses, et la Consitution est largement inspirée de la Consitution française ; espérer d'obtenir encore plus est illusoire.
  • Historiquement, le cas de rejet est simplement suspensif : la Grande-Bretagne ou le Danemark ont simplement revoté les mêmes textes ! (les autres attendant bien gentiment leur décision)

3. Le droit de l'Union prime sur le droit des Etats membres.

  • Il ne manquerait plus qu'on nous fasse voter un texte qui ne s'appliquerait pas! Oui, bien sûr, il prime et unifie, mais chaque Etat est libre de se retirer de certains protocoles qui lui déplairaient.

4. Le texte est trop libéral.

  • En admettant que le libéralisme soit par essence un fléau (le terme est aujourd'hui galvaudé et désigne plutôt ses dérives oppressives, mais qui se plaindra de la libre-circulation des idées et des personnes?), la constitution est moins libérale (dans le sens négatif du terme) que les traités existants, qui sont l'équivalent de la seule partie III. La mention économie sociale de marché, bien nécessaire, a eu du mal à être arrachée aux pays opposants.

5. Les services publics seront peut-être démantelés.

  • Les services publics sont simplement ouverts aux opérateurs étrangers, qui, s'ils fournissent le même service, peuvent participer. Le service public n'est pas censé disparaître ; simplement l'Etat devra répartir équitablement les subventions entre les entités qui remplissent le cahier des charges.
  • Ces cahiers des charges, qui garantissent les obligations de qualité demeureront ou non selon les gouvernements, pas selon la Constitution.

6. La France gardera-t-elle sa puissance?

  • Je n'aime pas trop ces arguments nombrilistes, qui ne sont pas l'essentiel. Mais il faut savoir que ce n'est pas un problème, puisque par rapport à Nice, qui plaçait le poids de la France sensiblement identiquement à celui de la Pologne et l'Espagne (29 voix contre 26), le nombre de voix sera rééquilibré sensiblement en faveur de la France du fait du nouveau traité.

7. Le texte va financer le développement des nouveaux membres aux frais des anciens.

  • L'exemple de l'Espagne a prouvé qu'en intégrant un pays retardataire économiquement, le financement était amplement amorti par la dynamique qui s'ensuivait. L'Espagne est aujourd'hui un point fort de l'Europe.

8. Le texte va favoriser les délocalisations.

  • L'espace de Schengen existe depuis longtemps. La Constitution ne fait que confirmer cette libre-circulation des personnes et des biens déjà établie. Ce sont ensuite les directives (qu'on appellera désormais des lois) qui vont, tout comme aujourd'hui, en organiser les règles précises. Mais le Parlement européen, qui aura plus de pouvoir, fera que ces décisions seront toujours un peu plus démocratiques.
  • Après, on peut toujours rêver qu'un meilleur texte ne mentionne pas l'ouverture des frontières. Mais l'Europe n'a jamais fonctionné sur un autre modèle, et ce serait la tabula rasa - pour aller où ? Qui le sait ?

9. Avec ce texte, la Turquie peut entrer dans l'Union Européenne.

  • Remarque liminaire : Je ne suis pas hostile à l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne, et l'argument géographique est un grandiose concerto pour pipeau solo et choeur d'hypocrites. Toutefois, je comprends bien qu'en l'état, du fait de ses normes politiques et de ses valeurs sensiblement distinctes, il soit difficile de parvenir à des consensus internes. Et qu'il ne faille surtout pas conclure les négociations pour l'instant.
  • Pour répondre à cette neuvième question : Ce texte ouvre en effet une possibilité à la Turquie et à l'Ukraine d'entrer dans l'Union. Mais des référendums seront organisés, et il faudra de toute façon modifier le mode de fonctionnement des institutions pour le permettre, sinon le gouvernement serait totalement déséquilibré du fait du poids démographique.
  • Si on garde Nice, il me semble que les statuts empêchent l'entrée de la Turquie ; il faudrait donc une dérogation pour le permettre.
  • Si on prend le nouveau traité, il sera impossible d'accepter l'entrée de la Turquie sans attiser la colère de bon nombre de peuples et surtout bloquer l'Union ; il faudra donc d'abord voter un nouveau texte, à l'unanimité. Ce qui peut signifier que, paradoxalement, ce texte repousserait pour longtemps l'entrée de la Turquie : le temps que ce Traité devienne obsolète et qu'on résolve de nouvelles négociations...

10. Le texte est bien long pour en saisir toutes les finesses, prudence.

  • Il synthétise les traités précédents, il rend donc la procédure plus efficace. Du coup, il donne plus de lecture au citoyen, mais il lui permet aussi, en compulsant le texte, de prendre connaissance du fonctionnement
actuel de l'Europe, c'est-à-dire de ce qu'il gardera s'il vote non.
  • Cette longueur est nécessaire en ce que l'Europe combine le droit de plusieurs Etats, ce qui rend complexe le lien à faire entre des lois divergentes, vers lesquelles il faut établir des ponts.

11. On ne pourra pas changer le texte une fois voté.

  • Probablement pas tout de suite, évidemment ; puisqu'on l'aura voté, il faudra bien l'essayer ! Mais il est normal que l'on ne puisse changer les règles du jeu qu'à l'unanimité entre les joueurs. Imaginez que vous preniez une pouce et qu'on vous oblige en cours de partie à réaliser une garde contre ! (comparaison n'est pas raison, mais c'est juste manière de rappeler ma lointaine jeunesse...)
  • Ensuite, il y aura, il faut y penser, un plus grand pouvoir du Parlement (il devra désormais approuver ou rejeter les règlements de la Commission, c'est confirmé par une spécialiste du droit communautaire que j'ai consultée), et un droit à l'expression référendaire d'initiative populaire, ce qui signifie que l'on aura toujours un peu plus de mainmise sur les décisions, y compris celle-là. Et que cette garantie n'est peut-être pas si négligeable pour la rejeter sous prétexte qu'elle ne pourrait pas nous être enlevée !

12. Mais alors, pourquoi se défie-t-on du texte ?

  • Depuis le début de la campagne (qu'il était bien de traiter en référendum, mais dont on voit ici le logique effet pervers), je me dis la chose suivante, du fait que le texte est simplement utile. La majorité qualifiée en est le principal intérêt, très opportune à vingt-cinq, dont de nombreux partisans du non se plaignent même de ce qu'elle ne soit pas étendue au texte constitutionnel lui-même. Le reste contient surtout des voeux pieux, qu'il est bon de faire (les droits fondamentaux, of course), mais qui ne changera pas énormément de choses concrètement. Dans ce cas, pour un texte utile, sans être renversant de progrès, un soupçon, une incertitude s'installent facilement : pourquoi vote-t-on? Alors même qu'il n'y a pas d'obstacle sérieux. Et que sans, le fonctionnement européen sera fortement entravé, pourtant.



On voulait un débat européen, rendre les citoyens concernés, on l'a astucieusement fait en les consultant. Après, devant un texte purement fonctionnel, et pas vraiment fort idéologiquement (en pratique, tous les droits fondamentaux sont déjà en oeuvre) que l'incompréhension domine, ce n'est pas illogique.
Mais cela n'enlève rien à l'utilité du traité !



(Edit : Ci-dessous, une longue discussion avec Tom autour de la forme du TECE et des perspectives de réforme de l'Europe. Bien que le sujet ne me semble pas directement lié au référendum, où il est essentiellement question de se prononcer sur l'approbation ou le rejet du texte proposé, selon qu'on le considère comme un progrès ou non, la publication m'en a semblé indispensable, puisque l'effort est fait de replacer la construction européenne dans son contexte et sa signification.)


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Commentaires

1. Le mardi 17 mai 2005 à , par Tom

Comparaison n'est pas raison, tu le dis toi-même, or dans ce débat, tout n'est que comparaison, et c'est bien là que se situent les problèmes. Premier problème: que compare-t-on? Deuxième problème: sommes-nous d'accord sur la valeur que nous donnons aux éléments de la comparaison?

Que compare-t-on ?

Depuis le début de ce débat, les plus fervents partisans du oui disent: "les parties II et III ne comportent rien de nouveau, il faut juste se prononcer sur la partie I, et elle ne contient que des avancées" Problème: "rien de nouveau" par rapport à quoi? Par rapport au traité de Nice. Oui, mais le traité de Nice, premièrement je ne l'ai pas voté, moi électeur moyen. Est-ce trop tard pour donner mon avis? Deuxièmement, le traité de Nice, comme son nom l'indique est un "traité", pas une constitution... cela n'est pas la même chose car un "traité" ne prévaut pas au droit des Etats, un "traité" n'est pas la norme suprême du droit, un "traité", on peut le modifier facilement, ou sortir de son champ d'application... La question n'est donc pas: Qu'est-ce qui change dans le contenu? mais Quelle force voulons nous donner à ce contenu? Voulons-nous donner au traité de Nice, légèrement amélioré, force de constitution ? Personnellement, non ! Parce que je ne suis pas d’accord avec son contenu ? Certes, mais même si j’étais d’accord, je ne souhaiterais pas cette transformation, car ces articles de politique économique n’ont rien à faire dans une constitution !

Comparons donc ce qui est comparable, à savoir ce « traité constitutionnel » avec d’autres constitutions. Que voit-on ? Misère, la seule constitution dans l’histoire à inclure des politiques économiques était la constitution soviétique. La séparation des pouvoirs exécutifs et législatifs n’est pas respectée dans ce texte ! Certes, les pouvoirs du parlement ont été étendus par rapport à Nice (!), mais ce n’est pas suffisant dans un texte à portée "constitutionnelle". Dans un grand nombre de domaines, et les plus importants, bien qu’il soit assez ardu de les identifier dans ce texte si abscond, il n’a même pas la codécision, il est simplement consultatif (1). Qui détient donc le pouvoir législatif ? Le conseil européen. Qui est le conseil européen ? La réunion des chefs de l’exécutif des pays membres, que M.Guetta sur France Inter a voulu nous faire prendre pour une « chambre haute » équivalant au Sénat ! Mais enfin, ces gens ont été élus pour exercer un pouvoir exécutif contrebalancé par d’autres, élus pour exercer un pouvoir législatif ! Et voilà que ces gens-là s’octroient eux-mêmes le pouvoir législatif à l’échelle européenne, en oubliant, au passage de créer un contre-pouvoir parlementaire digne de ce nom ! Bilan, qu’avons-nous ? Les dirigeants des pays membres nomment les membres de la Commission Européenne, détentrice du pouvoir exécutif européen. Ces mêmes dirigeants nationaux, réunis en conseil européen, sont détenteurs du pouvoir législatif européen. Le Parlement, seule vraie émanation de la souveraineté populaire, n’a qu’un rôle fantoche, codécisionnaire et sur les sujets les plus sensibles, consultatif.

Conclusion, en tant que constitution, ce texte n’est pas acceptable.

Solution : rédiger une véritable constitution, et non un texte bâtard jusqu’en son nom de « traité constitutionnel ». Comment ? De la même manière que toutes les constitutions sont rédigées et adoptées : élection d’une assemblée « constituante », dont le but est uniquement de rédiger cette constitution, qui, une fois son texte présenté, sera dissoute, et ratification de ce texte au suffrage universel dans l’ensemble des pays membres. Cette constitution se contentera de dicter les règles institutionnelles de l’union, veillera à la séparation des pouvoirs et à un équilibre des contre-pouvoirs et laissera la politique économique aux traités.

Quelle valeur accordons-nous aux éléments de la comparaison ?

Comme je le disais en introduction, le gros argument des partisans de ce traité et de dire : »Rassurez-vous, cela ne va pas changer grand-chose ». Cet argument, personnellement, ne me rassure pas ! Car si je suis européen, c’est justement parce que j’espère que l’Europe nous aidera à changer les choses. La véritable question de ce référendum ne serait-elle pas : de quel monde voulons nous pour demain ? Je suis pour ma part, intimement convaincu que la route que nous avons empruntée depuis 50 ans, à savoir celle du libéralisme, est mauvaise. J’encourage tout le monde à se pencher sur ces questions économiques, pour comprendre les conséquences dramatiques que ces politiques ont sur les pays du Tiers Monde, sur l’environnement, sur la santé…(2) Je sais que pour beaucoup, ces réflexions sont de l’ordre de l’utopie et que la réalité est tout autre. Je suis pour ma part intimement persuadé du contraire : nous n’avons plus le luxe de considérer que trouver des réponses à ces problèmes est utopique. L’Afrique est mourante, l’Amérique latine exsangue, le climat bouleversé, l’écosystème en cycle d’autodestruction,… et nous cherchons encore plus de croissance, encore plus de richesse, encore plus de consommation. Pour moi, l’utopie est de croire que ce système peut encore continuer.
Quel rapport avec le Traité constitutionnel ? Avec le referendum ? Si ce traité est adopté, nous signons pour 50 ans de plus de cette politique catastrophique, et en plus, nous abdiquons notre souveraineté populaire pour changer de route en cours, car à part de préjuger de la bonne conscience politique de nos dirigeants, face à des mouvements populaires, le peuple et son émanation institutionnelle, le Parlement, ne disposeront plus d’aucun contre-pouvoir effectif. Je ne dis pas qu’en votant Non, tout va s’arranger. La lutte restera à faire, les changements seront durs à réaliser, mais en votant Non, nous pouvons garder espoir qu’ils se fassent rapidement. A nous, par la suite, de faire en sorte qu’ils se produisent. Et je veux encore y croire ! En votant Oui, nous renonçons. Nous abandonnons l’espoir. Nous nous abandonnons à cette route qui nous mène au mur.

J’envie sincèrement l’optimisme de ceux qui pensent que ce traité pourra nous aider dans ces changements. J’envie ceux qui pensent que ce droit de pétition sera d’une quelconque utilité, mais dans la mesure ou les propositions faites devront l’être « dans le cadre de la constitution », je n’y vois guère l’espoir de la modifier…

Tom


(1) Pour l’analyse constitutionnelle du texte, je renvoie au site d’Etienne Chouard, etienne.chouard.free.fr
(2) Je recommande particulièrement "l’Antimanuel d’économie" par Bernard Maris, "la Grande Désillusion" de Joseph Stiglitz,"l’Horreur Économique" de Vivianne Forrester, et le plein d’espoir "Un autre monde est possible si..." de Susan George.

2. Le mercredi 18 mai 2005 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Tom,

Et merci de ton commentaire !

Une fois de plus, nous allons pouvoir nous crêper le chignon avec entrain. :-)
En tout cas, c'est très bien argumenté, et tu poses des question très intéressantes, auxquelles je me fais une joie de me joindre.


***Comparaison n'est pas raison, tu le dis toi-même, or dans ce débat, tout n'est que comparaison, et c'est bien là que se situent les problèmes. Premier
problème: que compare-t-on?***

Oui.


***Deuxième problème: sommes-nous d'accord sur la valeur que nous donnons aux éléments de la comparaison?***

Je te suis, allons-y !


***Que compare-t-on ?

Depuis le début de ce débat, les plus fervents partisans du oui disent: "les parties II et III ne comportent rien de nouveau, il faut juste se prononcer sur la partie I, et elle ne contient que des avancées" Problème: "rien de nouveau" par rapport à quoi? Par rapport au traité de Nice. Oui, mais le traité de Nice, premièrement je ne l'ai pas voté, moi électeur moyen.***

C'est très juste.


***Est-ce trop tard pour donner mon avis?***

Pas pour donner ton avis, mais pour empêcher d'avoir le choix entre le TECE et Nice, je crains que ce ne soit trop tard en effet.
Ce ne serait qu'une protestation non suivie d'effet.


***Deuxièmement, le traité de Nice, comme son nom
l'indique est un "traité", pas une constitution... ***

<mode sophisme on>Et la "Constitution", comme l'indique son nom, est un Traité établissant etc.<mode sophisme off>


***cela n'est pas la même chose car un "traité" ne prévaut pas au droit des Etats, ***

Tu remarqueras le nombre de dispositions qui permettent aux Etats de se retirer de la plupart des protocoles, du caractère non normatif de la plupart des dispositions de la partie II, etc.


***un "traité" n'est pas la
norme suprême du droit, un "traité",
on peut le modifier facilement,***

A l'unanimité... Pareil, quoi.


***ou sortir de son champ d'application... La question n'est donc pas: Qu'est-ce qui
change dans le contenu? ***

Un peu quand même. :-)


***mais Quelle force voulons nous donner à ce contenu? Voulons-nous donner au traité de Nice, légèrement amélioré, force de
constitution ? ***

Le TECE n'a pas la force d'une véritable Constitution. Elle tâche d'unir les droits constitutionnels des Etats souverains, sans s'y substituer.

En outre, si l'on doit attendre d'un texte nous convienne parfaitement avant de le voter, on sombre dans l'immobilisme. La Constitution française n'est pas sans défauts ni failles, loin s'en faut. Il faut surtout considérer si le texte est utile.

C'est d'ailleurs ce qui m'amuse beaucoup : dans une démocratie, quelle que soit la question posée ou l'homme à élire, on tourne presque toujours, hors exceptions notables, autour de moitié de chaque côté. Comme si toutes les questions étaient également problématiques. (C'est amusant, certes, mais ce n'est pas un argument non plus.)


***Personnellement, non ! Parce que je ne suis pas d’accord avec son contenu ? Certes, mais même si j’étais d’accord, je ne souhaiterais
pas cette
transformation, car ces articles de politique économique n’ont rien à faire dans une constitution !***

Je ne suis pas sûr qu'une opposition de principe soit la meilleure attitude à adopter. Je raisonne de façon plus concrète : j'ai le choix entre deux modes de gouvernement de l'Europe, sachant que, quel que soit mon degré de protestation, je n'obtiendrai rien d'autre. Je ne redéveloppe pas mon étonnement face à l'hésitation sous prétexte du "plutôt mieux". Mon dernier billet renvoie vers un site d'économiste qui en explique mieux que moi la disposition logique.
operacritiques.free.fr/do...


*** Comparons donc ce qui est comparable, à savoir ce « traité constitutionnel » avec d’autres constitutions.***

Je veux bien, mais on ne nous le propose pas !

En outre, "Traité constitutionnel" entre plusieurs Etats n'est pas précisément l'équivalent d'une Constitution. Les Etats demeurent souverains, avec leur Constitution propre, et de multiples possibilités de se retirer des protocoles - il n'y a que très peu d'articles contraignant ou juridiquement, ou surtout pratiquement.


*** Que voit-on ? Misère, la seule constitution dans l’histoire à inclure des politiques économiques était la constitution soviétique. ***

Tiens! Je n'avais jamais lu cet argument. C'est d'autant plus rigolo qu'on fustige le modèle libéral à l'oeuvre. Mais comparaison n'est pas raison : cela ne prouve pas grand-chose. On écrivait aussi de la musique tonale élargie en Union Soviétique, et pourtant Thierry Escaich n'est pas suspect de vouloir manger les abbés.


*** La séparation des
pouvoirs exécutifs et législatifs n’est pas respectée dans ce texte ! ***

Chez nous, si, mais ce sont les mêmes hommes qui les détiennent. [soupir]
Ta remarque est juste, je suis d'accord. Cependant l'Europe a toujours fonctionné comme cela. On ne peut pas tout exiger tout de suite d'une délibération à 28, ni vouloir absolument la tabula rasa. Moi aussi j'aurais voulu plus, comme tout le monde. Mais on ne me pose pas cette question-là. Si on rejette le texte, soit on devra le revoter plus tard, soit on reste purement et simplement à l'existant, avec le même problème pourr revoter tout nouveau texte, qui aura de nouveaux vices, etc.
Et comme tu le dis, on gagne toujours un peu plus de pouvoir au Parlement.


*** Certes, les pouvoirs du parlement ont été étendus par rapport à Nice (!), ***

Oui, c'est peu, mais c'est toujours bon à prendre, comme le référendum d'initiative populaire.


***mais ce n
’est pas suffisant dans un texte à portée "constitutionnelle". Dans un grand nombre de domaines, et les plus importants, bien qu’il soit assez ardu de les identifier dans ce texte si abscond, ***

Pour du droit, ça m'a semblé plutôt clair. Mais nous soulevons là un grave problème, c'est-à-dire celui du régime démocratique.
Les votants ont-ils les compétences pour se prononcer justement? L'incompétence qui obtient la majorité est-elle le meilleur choix?
L'alternative, c'est la technocratie, donc le pouvoir aux compétents. Est-ce mieux? Je l'ignore, je n'ai pas essayé, mais je reste aussi dubitatif dans un cas que dants l'autre... Et comme personne n'a tenté de système réellement mixte, difficile de savoir.

Bref, le fait que le texte soit absons me semble assez inévitable pour du droit, et du droit synthétisant les dispositions précédentes et unifiant le droit de vingt-cinq pays. Ou alors il faudrait un texte simplifié, mais serait-il juridiquement opérationnel ?


*** il n’a même pas la codécision, il est simplement consultatif (1). ***

Un bon tiens vaut peut-être mieux que deux tu l'auras, non ?


*** (1) Pour l’analyse constitutionnelle du texte, je renvoie au site d’Etienne Chouard, etienne.chouard.free.fr ***

Oui, de très bonnes questions.

Voir le point de vue de Nicolas Vanbremeersch sur le même sujet :
publiusleuropeen.typepad....

Mais ce débat me semblait porter sur des points essentiellement métatextuels, ce qui est bien, mais insuffisant pour se décider, à mon sens. Les arguments d'Etienne Chouard sont réversibles et ne portent pas sur des points décisifs, qui sont bien _à l'intérieur_ du traité, plus que dans sa forme.

C'est pour cela que j'ai préféré citer, dans un autre billet, operacritiques.free.fr/do... ,
le site de Publius, qui propose un lien vers le site d'Etienne Chouard parmi de nombreux autres sites argumentés pour le Non. La majorité des rédacteurs sont pour le Oui, mais ce sont là les analyses les plus fouillées que j'aie pu lire. Il ne faut pas omettre de consulter les liens pour le Non et les très nombreux commentaires développés hostiles au Oui pour se faire une idée complète.


*** Qui détient donc le pouvoir législatif ? Le conseil européen. Qui est le conseil européen >? La réunion des chefs de l’exécutif des pays membres, que M.Guetta sur France Inter a voulu nous faire prendre pour une « chambre haute » équivalant au Sénat ! ***

Si tu prends garde aux interventions à la radio, évidemment, tu ne peux que te lamenter du degré partisan et peu argumenté de la plupart des intervenants. Ou de l'angle d'attaque partiel. Non, non, il faut de l'écrit pour avoir le temps de vérifier, d'en démonter les rouages.


*** Mais enfin, ces gens ont été élus pour exercer
un pouvoir exécutif contrebalancé par d’autres, élus pour exercer un pouvoir législatif ! Et voilà que ces gens-là s’octroient eux-mêmes le pouvoir
législatif à l’échelle européenne, en oubliant, au passage de créer un contre-pouvoir parlementaire digne de ce nom ! Bilan, qu’avons-nous ? Les dirigeants des pays membres nomment les membres de la Commission Européenne, détentrice du pouvoir exécutif européen. Ces mêmes dirigeants nationaux, réunis en conseil européen, sont détenteurs du pouvoir législatif européen. Le Parlement, seule vraie émanation de la souveraineté populaire, n’a qu’un rôle fantoche, codécisionnaire et sur les sujets les plus sensibles, consultatif.***

Fantoche est exagéré. Dans nos sociétés de l'image, même un rôle consultatif, pour un organe élu au suffrage universel direct, peut être déterminant. Après, il faudrait lister les cas de codécision pour décider lesquels sont importants et lesquels ne sont que d'inoffensives marottes.


*** Conclusion, en tant que constitution, ce texte n’est pas acceptable. ***

Evidemment, avec les réserves que j'ai exprimées, je n'aboutis pas au même endroit.

- D'abord parce que ta critique est essentiellement métatextuelle, ce qui me semble occulter la part la plus importante de la décision, à savoir le contenu et l'effet de ce texte.

- Ensuite parce que parmi les critiques que tu avances, certaines me semblent très réfutables, d'autres peu décisives.


*** Solution : rédiger une véritable constitution, ***

Cette solution est largement fantasmatique, les oppositions étant trop disparates (il y a des nonniens dans tous les camps, et des ouistes aussi), et les reproches faits sous nos cieux, essentiellement propres à la Belgique et à la France, avec les remarques inverses en Pologne ou au Royaume-Uni. L'appareil ne reproduira pas de sitôt un nouveau texte, et il faudra se coltiner l'ancien pour un bon moment.

Historiquement, les réfractaires ont eu pour seul choix de revoter le _même_ texte.


*** et non un texte bâtard jusqu’en son nom de « traité constitutionnel ». Comment ? De la même manière que toutes les constitutions sont rédigées et adoptées : élection d’une assemblée « constituante », dont le but est uniquement de rédiger cette constitution, qui, une fois son texte présenté, sera dissoute, ***

Une des très bonnes remarques d'Etienne Chouard. Pourtant, on a choisi, pour des raisons techniques, de nommer un convention.
Pourquoi ?

- Rapidité de la nomination.
- Pas de majorité parlementaire à former, donc plus d'efficacité, moins de clivages politiques.
et surtout
- Association des différents organes du pouvoir (dont des membres du Parlement élu), ce qui permet une plus grande compétence technique que des élus issus des élites politiques nationales, pas nécessairement au courant. Cet argument me paraît fondamental.


*** et ratification de ce texte au suffrage universel dans l’ensemble des pays membres. ***

C'est le cas. Les pays où la ratification parlementaire a été choisie le font au suffrage universel indirect. Ce sont les représentants de la Nation, élus au suffrage universel direct, qui votent.


*** Cette constitution
se contentera de dicter les règles
institutionnelles de l’union, veillera à la séparation des pouvoirs et à un équilibre des contre-pouvoirs et laissera la politique économique aux traités.***

Oui, mais pour d'autres, le problème est strictement dans le contenu. Il n'est pas sérieusement envisageable d'avoir un meilleur texte avant assez longtemps. Voire pas envisageable, si les autres pays ratifient, d'avoir un autre texte tout court.

Le texte que nous avons à voter est hybride (traité établissant une Constitution), ce qui explique en partie certains mélanges. Si on devait renégocier un texte (sur les revendications de qui? des souverainistes, de la gauche radicale, ou des opposants à la pure facture technique du texte? et par quel médiateur _compétent_?), puis le revoter, toujours à l'unanimité, puis élaborer un traité pour définir la politique économique, enfin le ratifier, en comptant les échecs à un niveau ou à l'autre du processus, on sera rendu dans les cinquante ans annoncés, oui ! Et pour quelque chose qui ne te satisfera probablement toujours pas, en raison des compromis inhérents à un projet à 28.


*** Quelle valeur accordons-nous aux éléments de la comparaison ?

Comme je le disais en introduction, le gros argument des partisans de ce traité et de dire : »Rassurez-vous, cela ne va pas changer grand-chose ». Cet argument, personnellement, ne me rassure pas ! ***

Il n'est pas rassurant du tout. Il aide juste à choisir. 'Un peu mieux', c'est toujours mieux que 'rien', sachant qu'il n'y a pas d'autre texte en vue. Et même lorsqu'il y en aura un, on ne sait pas du tout à quoi il ressemblera !


***Car si je suis européen, c’est justement parce que j’espère que l’Europe nous aidera à changer les choses. La véritable question de ce référendum ne serait-elle pas : de quel monde voulons nous pour demain ? ***

Non. La véritable question de ce référendum est : "Approuvez-vous le projet de loi visant à ratifier le Traité Etablissant une Constitution pour l'Europe ci-joint?".
Le reste, ce sont des réflexions à faire, très légitimes, mais sur lequel le vote du 29 n'influera pas.
Désolé d'être si terre-à-terre ; je me dis que tant qu'à se prononcer, autant être efficace.

Ta question serait plus adapté pour un scrutin uninominal classique.


***Je suis pour ma part, intimement convaincu que la route que nous avons empruntée depuis 50 ans, à savoir celle du libéralisme, est mauvaise. ***

Je vois. Mes avis sont assez contradictoires sur le sujet (pas forcément fondamentalement opposés à cette Europe, mais violemment critiques en tout cas), je ne me prononce pas. Je ne me prononce pas, aussi, parce que je ne vois guère comment le changer, surtout avec un scrutin binaire.
Il faut fonder une assoce, et informer, faire pression. Tiens, j'aurais bien envie de te suivre dans l'aventure, pour le coup.


***J’encourage tout le monde à se pencher sur ces questions économiques, pour comprendre >les conséquences dramatiques que ces politiques ont sur les pays du Tiers Monde, sur l’environnement, sur la santé…(2)
(2) Je recommande particulièrement "l’Antimanuel d’économie" par Bernard Maris, "la Grande Désillusion" de Joseph Stiglitz,"l’Horreur Économique" de Vivianne Forrester, et le plein d’espoir "Un autre monde est possible si..." de Susan George. ***

Merci pour ces références. Je te transmets le courrier des lecteurs ? ;o)


*** Je sais que pour beaucoup, ces réflexions sont de l’ordre de l’utopie et que la réalité est tout autre. ***

Tout dépend pour quoi. Si tu crois que tu peux avoir de l'effet en t'opposant à ce texte qui n'est qu'un rouage d'une immense machine, alors je te réponds que tu te leurres.

Si tu crois qu'il est nécessaire de réformer notre façon de penser le monde, et qu'on ne peut pas se payer le luxe d'y échapper, qu'il faut fonder des associations, inonder nos élus de requêtes, agir sur l'ensemble du système, là non seulement je t'approuve mais je t'admire.


***Je suis pour ma part intimement persuadé du contraire : nous n’avons plus le luxe de considérer que trouver des réponses à ces problèmes est utopique. ***

Tout à fait. Raison de plus pour ne pas prendre des moyens illusoires de le résoudre, comme de dire Non à un texte meilleur pour rejeter l'ensemble du système, ce qui est d'une part inefficace, d'autre part contre-productif.


*** L’Afrique est mourante, l’Amérique latine exsangue, le climat bouleversé, l’écosystème en cycle d’autodestruction,… et nous cherchons encore plus de croissance, encore plus de richesse, encore plus de consommation. ***

Tu mélanges tout de même deux problèmes, à savoir la production des richesses et sa répartition. Oui, il faut produire (donc des consommateurs, du marché et blablablabla). Mais on ne peut plus organiser la production comme cela. D'accord avec toi pour constater l'impasse. Pas tout à fait d'accord pour ta représentation du problème, qui me semble très simplifié.
On ne peut pas résoudre ces problèmes sans richesses. Néanmoins, pour les résoudre, il faut sortir du régime actuel d'exploitation de ces richesses.


*** Pour moi, l’utopie est de croire que ce système peut encore continuer.

Pour ça, je n'en sais rien. La forme est très jolie, mais depuis le temps qu'on dit que le monde s'écroule... En tout cas, il ne va pas bien, c'est sûr, et il ne faut surtout pas attendre.


***Quel rapport avec le Traité constitutionnel ? Avec le referendum ? ***

Excellente question. Tu vois, tu y viens. :-)


*** Si ce traité est adopté, nous signons pour 50 ans de plus de cette politique catastrophique, ***

Si on vote Non, le problème, c'est que c'est pareil. Sans les menus gains.


*** et en plus, nous abdiquons notre souveraineté populaire pour changer de route en cours, ***

Ca c'est faux, tu le dis toi-même : le Parlement a plus de pouvoir, et il y a le référendum d'initiative populaire. Ce n'est pas beaucoup, mais il serait faux de dire que c'est pire, tout de même !


*** car à part de préjuger de la bonne conscience politique de nos dirigeants, face à des mouvements populaires, le peuple et son émanation institutionnelle, le Parlement, ne disposeront plus d’aucun contre-pouvoir effectif. ***

Je renvoie à mes deux remarques précédentes.


*** Je ne dis pas qu’en votant Non, tout va s
’arranger. La lutte restera à faire, les changements seront durs à réaliser, mais en votant Non, nous pouvons garder espoir qu’ils se fassent rapidement. ***

Pas plus qu'avec le Oui. Même moins, puisqu'il faudra l'unanimité sur toutes les décisions (y compris celle d'un nouveau traité, bien sûr). La structure que propose la Constitution (et c'est là son mérite majeur) est tout de même beaucoup plus souple.


***A nous, par la suite, de faire en sorte qu’ils se produisent.***

Comment? Tu as un programme? En votant Non, on n'aura pas plus de poids qu'en votant Oui - au contraire, les institutions étant ce qu'elles sont et la représentativité du pouvoir s'apparentant trop souvent à un véritable barrage envers la souveraineté populaire.


*** Et je veux encore y croire ! En votant Oui, nous renonçons. Nous abandonnons l’espoir. Nous nous abandonnons à cette route qui nous mène au mur.***

Je dirais plutôt qu'on améliore les institutions existantes, et qu'on assouplit le mode de décision pour mieux avancer.

Le Oui ou le Non n'ont rien à voir avec l'orientation globale de l'Europe. Ils sont purement un choix institutionnel. Voter Non parce qu'on n'aime pas l'Europe telle qu'elle est, je le comprends, mais c'est inefficace et contre-productif, encore une fois.


*** J’envie sincèrement l’optimisme de ceux qui pensent que ce traité pourra nous aider dans ces changements. ***

Même réponse que précédemment.


*** J’envie ceux qui pensent que ce droit de pétition sera d’une quelconque utilité, ***

C'est toujours plus, un point de prise supplémentaire sur les élus. Je ne dis pas que ce soit une solution, mais ce n'est pas un régression, au contraire ! De même façon qu'on est content qu'on nous consulte par Référendum même si le pouvoir définitif renvient au Président (qui peut reconfier le texte au Parlement). C'est toujours plus que rien, et c'est toujours bon à prendre. Si les ouvriers qui réclamaient la journée de huit heures avaient réclamé les trente-cinq heures hebdomadaires, il n'auraient jamais rien obtenu. Il faut savoir prendre ce qu'on peut gagner. Rien n'empêche de continuer à réclamer plus.


*** mais dans la mesure ou les propositions faites devront l’être « dans le cadre de la constitution », ***

Tu connais beaucoup de Constitutions qui régissent des lois anticonstitutionnelles, toi ?

Evidemment que si on vote un texte, tout se fera dans le cadre des institutions qu'elle prévoit, même les réclamations sur le texte lui-même ! Comme partout.


*** je n’y vois guère l’espoir de la modifier… ***

Pour cela, il faudra l'unanimité, comme à présent pour la voter.


Merci de ta contribution développée !

David - contributeuraussi

3. Le mercredi 18 mai 2005 à , par Tom

Bonjour,

Je continue le débat en points par points comme tu l’as fait. Pardonne ma véhémence, mais ce débat est tellement passionné, et les partisans du Non accusés de choses si dures et si fausses que le retour de certains arguments est parfois douloureux. Je me suis lancé dans ce débat, ainsi que dans l’engagement politique en raison d’une grande angoisse quant à l’avenir, et je mets toute mon énergie à convaincre que le fantasme et l’utopie sont l’urgence et que les réalistes et pragmatiques sont des menteurs, des profiteurs, des inconscients. Rien n’est impossible, si chacun accepte simplement qu’effectivement, rien n’est impossible. Mais nous aurions à lutter contre une machine institutionnelle bien lourde, qui plus est portée par une légitimité populaire, si le Oui l’emportait. J’espère que ces réponses ne vont pas alourdir ton blog. Merci, en tout cas, doffrir cet espace de débat !



« Depuis le début de ce débat, les plus fervents partisans du oui disent: "les parties II et III ne comportent rien de nouveau, il faut juste se prononcer sur la partie I, et elle ne contient que des avancées" Problème: "rien de nouveau" par rapport à quoi? Par rapport au traité de Nice. Oui, mais le traité de Nice, premièrement je ne l'ai pas voté, moi électeur moyen.Est-ce trop tard pour donner mon avis?***

« Pas pour donner ton avis, mais pour empêcher d'avoir le choix entre le TECE et Nice, je crains que ce ne soit trop tard en effet. »


- Voilà donc LE grand argument des partisans du Oui, celui que je trouve tellement malhonnête que je l’ai oublié ! Si vous votez Oui, vous approuvez la Constitution, si vous votez Non, vous approuvez le retour au Traité de Nice. Quelle arnaque ! Personnellement, pour ma génération, ce vote est le premier que je peux faire sur l’Europe, et je n’ai pas l’intention de le limiter à ce choix biaisé et, je répète, malhonnête ! Je me moque de savoir pourquoi les autres votent Non, je parle ici de « mon » Non, et je clame haut et fort mes raisons : je vote Non à cette Constitution, parce qu’elle est la conséquence logique de l’ensemble des traités précédents qui m’ont été imposés, et auxquels j’ai enfin l’occasion de dire Non. Parce que cette politique libérale à laquelle nous avions le droit de croire au moment du traité de Rome, mais que nous n’avons plus moralement le droit de continuer aujourd’hui doit cesser.

« Ce ne serait qu'une protestation non suivie d'effet. »

- C’est toi qui le dis ! Personnellement, je n’ai aucun moyen de le savoir. Je pense néanmoins qu’une victoire du nom entraînera une modification des rapports de forces à l’intérieur des partis de gouvernement – notamment de gauche – et à partir de là, une volonté beaucoup plus affirmée de trouver des alternatives, rapidement.


« Si tu crois que tu peux avoir de l'effet en t'opposant à ce texte qui n'est qu'un rouage d'une immense machine, alors je te réponds que tu te leurres.

Si tu crois qu'il est nécessaire de réformer notre façon de penser le monde, et qu'on ne peut pas se payer le luxe d'y échapper, qu'il faut fonder des associations, inonder nos élus de requêtes, agir sur l'ensemble du système, là non seulement je t'approuve mais je t'admire. »

- Les choses ne sont pas forcément si compliquées, ou si radicales. Pour ma part, je me suis engagé dans un parti politique, proche de mes convictions profondes, non parce que j’adhère complètement à leur discours, mais parce que j’en ai eu assez d’attendre dans mon canapé qu’un homme politique me dise exactement ce que je pense. Si ça ne vient pas, je vais y aller, leur poser les questions, discuter leurs réponses, éventuellement changer d’avis, éventuellement les faire changer d’avis – les deux cas se sont déjà produit. D’ailleurs, ô rage, ô désespoir, ce parti appelle à voter oui !



« ***Deuxièmement, le traité de Nice, comme son nom l'indique est un "traité", pas une constitution... ***

<mode sophisme on>Et la "Constitution", comme l'indique son nom, est un Traité établissant etc.<mode sophisme off> »

- Ce sophisme, malheureusement, est au cœur même de notre débat, cher David ! C’est la bâtardise de ce texte qui est problématique (vilain mot pour vilain texte ;)). Si chacun passe, quand ça l’arrange de la rhétorique du « traité » à celle de la « constitution », le débat ne peut avoir lieu… Je veux dire, si quand je dis « c’est important parce que c’est une constitution », on me répond « mais non, c’est un traité », mais que quand je dis, « ce n’est pas trop grave, c’est un traité », on me réponds « oui, bon, d’accord, mais c’est quand même une constitution, alors, hein ? »… je suis sûr de me faire arnaquer, au final !




« Le TECE n'a pas la force d'une véritable Constitution. Elle tâche d'unir les droits constitutionnels des Etats souverains, sans s'y substituer. »

- Je suis intimement persuadé, qu’une fois le texte ratifié, on nous fera bien sentir qu’il a force de constitution, puisque de fait, il l’a – « le TECE prévaut le droit des États-membres »



« En outre, si l'on doit attendre d'un texte nous convienne parfaitement avant de le voter, on sombre dans l'immobilisme. La Constitution française n'est pas sans défauts ni failles, loin s'en faut. Il faut surtout considérer si le texte est utile. »

- Cela n’est pourtant pas bien compliqué, il suffit comme je l’ai dit, de rédiger une véritable constitution, et que celle-ci se limite aux institutions déjà existantes, avec un équilibre des pouvoirs. Je ne vois pas qui s’opposerait à cela ! En l’état, - et cela sans endosser les habits de M. G. Buffet ou d’O. Besancenot – ce texte est utile aux patrons, aux actionnaires, au nivellement par le bas de notre niveau de vie sociale, économique, culturelle,…


« Je ne suis pas sûr qu'une opposition de principe soit la meilleure attitude à adopter. Je raisonne de façon plus concrète : j'ai le choix entre deux modes de gouvernement de l'Europe, Mon dernier billet renvoie vers un site d'économiste qui en explique mieux que moi la disposition logique.
operacritiques.free.fr/do... »

- Si je comprends bien l’idée de cet économiste et les tiennes, vous êtes d’accord sur le fait qu’un plan B est de toute façon préférable au TECE comme à Nice. Ma question : pourquoi ne pas consacrer toute votre énergie à l’élaboration de ce plan B, en partant du principe que l’Europe sera à repenser, après les victoires du Non en France, en Hollande, en Pologne, en Angleterre, etc… ;-)



« *** Comparons donc ce qui est comparable, à savoir ce « traité constitutionnel » avec d’autres constitutions.***

Je veux bien, mais on ne nous le propose pas ! »


- Bien sûr qu’on nous le demande, puisqu’on nous demande si nous souhaitons que ce TECE prévale à notre constitution !!!! Enfin !!!


« En outre, "Traité constitutionnel" entre plusieurs Etats n'est pas précisément l'équivalent d'une Constitution. Les Etats demeurent souverains, avec leur Constitution propre, et de multiples possibilités de se retirer des protocoles - il n'y a que très peu d'articles contraignant ou juridiquement, ou surtout pratiquement. »

- C’est parce que tu as cédé aux sirènes consolatrices de nos amis partisans du oui que tu es si confiant ! La seule juridiction capable de trancher si un État-membre ne se comportait pas conformément à la constitution –j’entends, à ses clauses normatives, pas aux avancées sociales qu’elle « suggère »- ou refusait l’application d’une directive de la commission, ralliée à la majorité par le conseil, avec l’appui – ou pas, « who cares ? »- du Parlement, la seule juridiction est la cour de justice européenne ! L’État-membre ne saurait se soustraire à la loi européenne qu’en sortant de l’Union. Et ceux qui poussent des cris d’orfraie en imaginant une victoire du Non, seraient ceux qui disent : « on vote oui, et puis si on n’est pas content, on peut toujours quitter l’Union ! »… Allons, allons, soyons sérieux !




*** La séparation des
pouvoirs exécutifs et législatifs n’est pas respectée dans ce texte ! ***

Chez nous, si, mais ce sont les mêmes hommes qui les détiennent. [soupir]
Ta remarque est juste, je suis d'accord. Cependant l'Europe a toujours fonctionné comme cela. On ne peut pas tout exiger tout de suite d'une délibération à 28, ni vouloir absolument la tabula rasa. Moi aussi j'aurais voulu plus, comme tout le monde. Mais on ne me pose pas cette question-là. Si on rejette le texte, soit on devra le revoter plus tard, soit on reste purement et simplement à l'existant, avec le même problème pourr revoter tout nouveau texte, qui aura de nouveaux vices, etc.
Et comme tu le dis, on gagne toujours un peu plus de pouvoir au Parlement.


- Mais enfin, n’est-ce pas la moindre des choses que nous soyons en droit d’exiger depuis Montesquieu, une véritable séparation des pouvoirs, dans un texte constitutionnel à valeur de droit suprême ! Ce texte serait jugé « crime contre l’humanité » aux USA !


Oui, c'est peu, mais c'est toujours bon à prendre, comme le référendum d'initiative populaire.

- Il n’est pas question de referendum, mais de droit à la pétition, nullement contraignant pour la Commission, et encore moins suivi d’un vote au suffrage universel !



« Mais nous soulevons là un grave problème, c'est-à-dire celui du régime démocratique.
Les votants ont-ils les compétences pour se prononcer justement? L'incompétence qui obtient la majorité est-elle le meilleur choix?
L'alternative, c'est la technocratie, donc le pouvoir aux compétents. Est-ce mieux? Je l'ignore, je n'ai pas essayé, mais je reste aussi dubitatif dans un cas que dants l'autre... Et comme personne n'a tenté de système réellement mixte, difficile de savoir.

- Au moins je vois que tu as la franchise de dire que l’abandon des principes de la démocratie ne te choque pas, et donc que tu ne le nies pas ! A part ça je suis choqué ! Il est trop facile d’accuser les « gens », les votants, « les cons » à qui la démocratie a donné le pouvoir ! En revanche, la démocratie est déjà malmenée : le principe n’est pas, comme on le croit aujourd’hui que « la majorité a toujours raison », mais que la majorité « l’emporte » ! C’est la règle démocratique, car cela n’exclut pas que la majorité puisse avoir tort ! Les hommes politiques sont également responsables d’utiliser la démocratie en jouant la carte du populisme, de l’abêtissement, de la propagande, etc… Je suis pour ma part favorable à des mesures radicales pour lutter contre ces dérives, comme l’inscription automatique, le vote obligatoire et l’annulation d’un vote en cas d’une victoire des blancs/nuls… non pas pour punir les « cons « qui ne votent pas, mais pour forcer les hommes politiques à changer de cible, à vraiment s’adresser à tous… Je choque beaucoup de gens en disant cela, mais jamais, JAMAIS, je ne renoncerai aux valeurs démocratiques, au profit de n’importe quelle technocratie, oligarchie ou dictature éclairée de je ne sais quel voltairien anachronique !


Bref, le fait que le texte soit absons me semble assez inévitable pour du droit, et du droit synthétisant les dispositions précédentes et unifiant le droit de vingt-cinq pays. Ou alors il faudrait un texte simplifié, mais serait-il juridiquement opérationnel ?


- En droit, une constitution doit être ratifiée par tous, et donc pouvoir être lue par tous, son caractère abscons est donc rédhibitoire ! Un texte plus court, centré sur les institutions serait juridiquement opérationnel, beaucoup plus légitime en tant que constitution, et laisserait la chance à une Europe forte, unie dans ses institutions, de quitter la voie libérale, et d’occuper la place de leader dans la logique du développement durable et de la décroissance positive !



*** il n’a même pas la codécision, il est simplement consultatif (1). ***

Un bon tiens vaut peut-être mieux que deux tu l'auras, non ?

- Qui vole un œuf, vole un bœuf



*** (1) Pour l’analyse constitutionnelle du texte, je renvoie au site d’Etienne Chouard, etienne.chouard.free.fr ***

Oui, de très bonnes questions.

Voir le point de vue de Nicolas Vanbremeersch sur le même sujet :
publiusleuropeen.typepad....

Mais ce débat me semblait porter sur des points essentiellement métatextuels, ce qui est bien, mais insuffisant pour se décider, à mon sens. Les arguments d'Etienne Chouard sont réversibles et ne portent pas sur des points décisifs, qui sont bien _à l'intérieur_ du traité, plus que dans sa forme.


- Mais enfin, c’est quand même incroyable ! la colère me prend en lisant le texte de Vanbremeersch ! « le texte est partisan, dit Etienne Chouard, c’est faux répond, Vanbremeersch, avant de dire oui la partie III est partisane, mais pas la partie institutionnelle ! » Ce qui me renvoie à ma question : Que fait cette politique économique dans une Constitution ? Il précise encore que cette partie III n’est pas vraiment partisane, elle protège des extrêmes, mais laisse la place à l’alternance gauche/droite. D’une part, je n’ai plus confiance dans cette alternance molle, d’autre part, cette constitution est plus contraignante pour une politique de gauche, mais elle va dans le sens d’une politique de droite. Enfin, même si je ne suis un partisan ni d’extrême droite, ni d’extrême gauche, il me semble que la présence d’extrêmes est un effet secondaire inévitable de la démocratie, et les « interdire de fait » me paraît un signe de son affaiblissement.


*** Qui détient donc le pouvoir législatif ? Le conseil européen. Qui est le conseil européen >? La réunion des chefs de l’exécutif des pays membres, que M.Guetta sur France Inter a voulu nous faire prendre pour une « chambre haute » équivalant au Sénat ! ***

Si tu prends garde aux interventions à la radio, évidemment, tu ne peux que te lamenter du degré partisan et peu argumenté de la plupart des intervenants. Ou de l'angle d'attaque partiel. Non, non, il faut de l'écrit pour avoir le temps de vérifier, d'en démonter les rouages.


- Je signale que notre ami Vanbremeersch fait cette même et plaisante analogie, et qu’après avoir dit que le Conseil détenait le pouvoir législatif et une partie du pouvoir exécutif, il ne craint pas d’affirmer néanmoins que la séparation des pouvoirs est respectée !!!


Dans nos sociétés de l'image, même un rôle consultatif, pour un organe élu au suffrage universel direct, peut être déterminant. Après, il faudrait lister les cas de codécision pour décider lesquels sont importants et lesquels ne sont que d'inoffensives marottes.


- Je refuse d’avoir pour contre-pouvoir la supposition que des commissaires plénipotentiaires cèderont à une pression populaire et/ou parlementaire sans légitimité constitutionnelle. Quel qu’ait été le développement des médias depuis, cela me rappelle trop la Charte octroyée par Louis-Philippe en 1830 !
- Quant à lister les domaines de codécision, Etienne Chouard le fait dans sur son site.

*** Conclusion, en tant que constitution, ce texte n’est pas acceptable. ***

Evidemment, avec les réserves que j'ai exprimées, je n'aboutis pas au même endroit.

- D'abord parce que ta critique est essentiellement métatextuelle, ce qui me semble occulter la part la plus importante de la décision, à savoir le contenu et l'effet de ce texte.

- Le contenu, venait après, c’était fait exprès ! Je persiste dans l’idée que ce referendum, parce que dernière consultation européenne avant longtemps, en cas de victoire du Oui, a une autre portée, au moins dans la réflexion qu’il impose.


*** Solution : rédiger une véritable constitution, ***

Cette solution est largement fantasmatique, les oppositions étant trop disparates (il y a des nonniens dans tous les camps, et des ouistes aussi


- À nous de faire en sorte que le fantasme se transforme en réalité nécessaire. Allez, au boulot !


Pourtant, on a choisi, pour des raisons techniques, de nommer un convention.
Pourquoi ?

- Surtout pour ne pas se préoccuper des revendications populaires, foncièrement contradictoires avec les volontés économiques, libre-échangistes des dirigeants, politiques et économiques. On nous a quand même servi comme garantie démocratique de la Convention que ses discussions avaient été publiques !! Merci, ça me rassure !


Il n'est pas sérieusement envisageable d'avoir un meilleur texte avant assez longtemps. Voire pas envisageable, si les autres pays ratifient, d'avoir un autre texte tout court.

- Je ne vois pas pourquoi on n’appellerait pas la partie institutionnelle modifiée de manière démocratique « Constitution » et demander ensuite aux institutions démocratiques créées par cette constitution de décider, voter et appliquer une politique économique commune !



Non. La véritable question de ce référendum est : "Approuvez-vous le projet de loi visant à ratifier le Traité Etablissant une Constitution pour l'Europe ci-joint?".
Le reste, ce sont des réflexions à faire, très légitimes, mais sur lequel le vote du 29 n'influera pas.
Désolé d'être si terre-à-terre ; je me dis que tant qu'à se prononcer, autant être efficace.

- Tu n’es pas terre-à-terre, tu es naïf si tu crois vraiment qu’un gouvernement libéral freinera ses réformes anti-sociales ou anti-écologiques alors que la majorité de la population viendra de signer un texte comportant tous les principes du libéralisme, en disant, « c’est ça que nous voulons pour l’Europe ». Évidemment, ce referendum a une portée idéologique sur le futur que nous voulons, et crois-moi, à moins de quelque chose de vraiment énorme, nous aurons ce pour quoi nous voterons le 29 mai ! Et je répète, si nous votons non, nous ne décidons rien, nous laissons la porte ouverte à autre chose. Quoi ? je ne sais pas. Je sais ce que je veux, et je me battrais pour que ce soit ce qui arrive. Et vous ?

*** L’Afrique est mourante, l’Amérique latine exsangue, le climat bouleversé, l’écosystème en cycle d’autodestruction,… et nous cherchons encore plus de croissance, encore plus de richesse, encore plus de consommation. ***

Tu mélanges tout de même deux problèmes, à savoir la production des richesses et sa répartition. Oui, il faut produire (donc des consommateurs, du marché et blablablabla). Mais on ne peut plus organiser la production comme cela. D'accord avec toi pour constater l'impasse. Pas tout à fait d'accord pour ta représentation du problème, qui me semble très simplifié.


- Lis B. Maris et Stiglitz, tu verras que le raccourci entre l’état du tiers monde et celui de l’environnement, et la politique ultra libérale du FMI et de la Banque Mondiale, de l’OMC et des politiques industrielles des pays libéraux, n’est pas exagéré. Le lien est étonnamment direct ! Relis la constitution à cette lumière, c’est effrayant !


On ne peut pas résoudre ces problèmes sans richesses. Néanmoins, pour les résoudre, il faut sortir du régime actuel d'exploitation de ces richesses.


- Sans richesse, non. Sans nouvelles richesses, il le faut ! il n’y en aura bientôt plus.



*** et en plus, nous abdiquons notre souveraineté populaire pour changer de route en cours, ***

Ca c'est faux, tu le dis toi-même : le Parlement a plus de pouvoir, et il y a le référendum d'initiative populaire. Ce n'est pas beaucoup, mais il serait faux de dire que c'est pire, tout de même !

- C’est pire parce que ça s’appelle « Constitution » et que le Parlement aura moins de pouvoir (euphémisme) que les Parlements nationaux sur lesquels la Commission et le Conseil prévaudront



Je dirais plutôt qu'on améliore les institutions existantes, et qu'on assouplit le mode de décision pour mieux avancer.

Le Oui ou le Non n'ont rien à voir avec l'orientation globale de l'Europe. Ils sont purement un choix institutionnel. Voter Non parce qu'on n'aime pas l'Europe telle qu'elle est, je le comprends, mais c'est inefficace et contre-productif, encore une fois.


- Voter Oui, en se disant c’est un peu mieux mais qu’il faudra faire encore mieux, je le comprends, mais je n’y crois pas. Les avancées promises par les partisans du Oui sont celles promises par les libéraux, et celles promises par le marché et la concurrence. Or, les économistes libéraux eux-mêmes reconnaissent qu’en matière d’équilibre (social, économique , environnemental), le marché est incompétent, la concurrence dévastatrice. Les derniers libéraux (FMI Banque Mondiale, etc,…) en sont au point où en étaient les Trotskistes : pour que le marché équilibre, pour que la concurrence ait un effet positif, il faut que tout soit marché, que tout soit concurrence libre. C’est complètement irréaliste, et c’est pourtant ce que fait ce texte en établissant comme règle suprême de l’Union la « concurrence libre et non faussée ». C’est un cauchemar, je vais me réveiller…..


*** J’envie ceux qui pensent que ce droit de pétition sera d’une quelconque utilité, mais dans la mesure ou les propositions faites devront l’être « dans le cadre de la constitution », ***

Tu connais beaucoup de Constitutions qui régissent des lois anticonstitutionnelles, toi ?

Evidemment que si on vote un texte, tout se fera dans le cadre des institutions qu'elle prévoit, même les réclamations sur le texte lui-même ! Comme partout.


- Ben faudrait savoir ! Quand je dis que la Constitution n’est pas bonne », tu me dis qu’il y a le droit de pétition, et quand je pointe le fait qu’il permet de commenter la politique, pas de sortir des règles politiques de la Constitution, tu me dis que c’est normal ! Je reviens donc à ma première affirmation : la Constitution n’est pas bonne !



4. Le vendredi 20 mai 2005 à , par DavidLeMarrec

Tom : Bonjour,

dlm : Bonjour Tom ! Déjà là !


Tom : Je continue le débat en points par points comme tu l’as fait.

dlm : Avec grand plaisir. Ce n'est pas si souvent qu'on trouve des opinions construites pour ne pas se réjouir d'en rencontrer chez soi, même de contradictoires !
Et le débat point par point est très appréciable, il évite l'emporte-pièce et l'omission. Dans ma première réponse, j'ai mis un point d'honneur à ne rien couper de ton message original, qui le méritait. (là, en revanche, il a bien fallu, comme tu l'as fait, alléger les citations, mais aussi peu que possible)


Tom : Pardonne ma véhémence,

dlm : Jusqu'à présent tout va bien, c'est plus de l'enthousiasme que de la véhémence.


Tom : mais ce débat est tellement passionné, et les partisans du Non accusés de choses si dures et si fausses que le retour de certains arguments est parfois douloureux.

dlm : J'en suis navré. Tu me diras où tu juges que ce n'est pas juste ?


Tom : Je me suis lancé dans ce débat, ainsi que dans l’engagement politique

dlm : Dans quel sens, l'engagement politique ? Individuel, associatif, dans un un parti ? (tu peux évidemment m'y répondre par courriel, même si je ne serai probablement pas en mesure de le lire durant les prochaines semaines pour des raisons techniques)
[Pour ma part, bien que ces carnets ne soient pas destinés à parler de moi : je n'appartiens à aucun groupe. Ce qui ne m'empêche pas, le temps venu, de collaborer à tel ou tel, mais ni en permanence, ni par principe.]


Tom : en raison d’une grande angoisse quant à l’avenir, et je mets toute mon énergie à convaincre que le fantasme et l’utopie sont l’urgence et que les réalistes et pragmatiques sont des menteurs, des profiteurs, des inconscients.

dlm : Je te remercie. J'espère que je ne suis pas tout cela à fois? ;) Et on ne peut pas mêler le rêve et le pragmatique, non? J'aime bien les voies nuancées, parce que l'organisation du monde me semble complexe, précisément.


Tom : Rien n’est impossible, si chacun accepte simplement qu’effectivement, rien n’est impossible.

dlm : Là, tu touches à un problème plus large de systèmes logiques, voire de foi.

1) Tout le monde, c'est une structure logique et psychologique établie, ne peut pas croire que rien n'est impossible et agir en conséquence, comme en atteste, parmi d'autres choses, le fameux 'dilemme du prisonnier' : fr.wikipedia.org/wiki/Dil... .

2) Je pense qu'il est illusoire de penser sincèrement que tout le monde peut se lever d'un même coup et tout renverser. Dès lors, pourquoi les . Je ne te fais l'affront de te renvoyer à De la servitude volontaire de La Boétie et à sa réception contemporaine, mi-admirative, mi-sceptique, mais l'expérience montre parfaitement que c'est possible, mais que cela n'arrive que dans des circonstances particulières, pas du seul fait du bon vouloir commun et autre nécessité générale (on retourne au dilemme du prisonnier).

3) Nous sommes dans un système donné, et ce système se nourrit de lui-même (chez nous, par exemple : les élites instruites, qui donnent les élites élues, qui par conséquent peuvent ne représenter le peuple souverain que selon leur volonté propre). L'Institution a une force d'inertie assez considérable. Il est donc difficile de faire changer les choses rapidement. Ou alors de façon brutale, mais c'est une non-solution, puisque tout le monde n'est pas d'accord sur les aspirations et les modes de mise en oeuvre, et ce ne serait qu'une nouvelle confiscation et non-réponse.

Reste le lobbying patient, ce qui est loin de l'utopie.

Soyons clairs, je le déplore. Mais croire que rien n'est impossible ne me semble pas la solution la plus efficace, puisqu'elle est partiellement illusoire.
En revanche, je suis entièrement d'accord pour dire qu'il ne faut pas limiter ses aspirations.


Tom : Mais nous aurions à lutter contre une machine institutionnelle bien lourde, qui plus est portée par une légitimité populaire, si le Oui l’emportait.

dlm : La machine est là. Elle ne disparaîtra pas si le Non l'emporte. C'est pareil, légitimité populaire ou pas, puisque nous vivons dans un système de représentation qui confisque la souveraineté populaire au profit de ses représentants, sans que le peuple souverain ait un véritable poids sur les décisions de leurs représentants.


Tom : J’espère que ces réponses ne vont pas alourdir ton blog.

dlm : A priori non, le texte ne pèse pas lourd. Et je dois avoir des possibilités pour élargir mon espace. Sinon, je déménagerai, pas grave, mon but n'est pas d'avoir du passage, mais de servir ponctuellement de support sur des sujets divers.


Tom : Merci, en tout cas, doffrir cet espace de débat !

dlm : En fait, le but était surtout de donner quelques réponses à des objections d'amis, en leur donnant mon point de vue sur le débat et sa nature, encore plus que sur le texte, pour prendre un peu de recul.
Je pensais même verrouiller les commentaires pour empêcher des débats trop virulents avec des agitateurs potentiels.
Mais devant la qualité de ton argumentation, je crois avoir un devoir de la publier. Tu abordes des points très intéressants qui donnent de la perspective, ce dont le débat manque cruellement.


Tom disait : « Depuis le début de ce débat, les plus fervents partisans du oui disent: "les parties II et III ne comportent rien de nouveau, il faut juste se prononcer sur la partie I, et elle ne contient que des avancées" Problème: "rien de nouveau" par rapport à quoi? Par rapport au traité de Nice. Oui, mais le traité de Nice, premièrement je ne l'ai pas voté, moi électeur moyen.Est-ce trop tard pour donner mon avis?***

dlm répondait : « Pas pour donner ton avis, mais pour empêcher d'avoir le choix entre le TECE et Nice, je crains que ce ne soit trop tard en effet. »


Tom : - Voilà donc LE grand argument des partisans du Oui,

dlm : Celui ci-dessus, je suis au regret de te dire que je l'ai trouvé tout seul.


Tom : celui que je trouve tellement malhonnête que je l’ai oublié !

dlm : Merci. Je comprends mieux ton exorde. :-)


Tom : Si vous votez Oui, vous approuvez la Constitution, si vous votez Non, vous approuvez le retour au Traité de Nice.

dlm : Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que, de fait, on revenait au Traité de Nice, pas que les nonniens l'approuvent, loin s'en faut !
Je parlais du résultat concret, pas de l'intention. Le résultat demeure cependant, et xc'est pour cela que je l'ai pris en considération.


Tom : Quelle arnaque !

dlm : Là, je te suis tout à fait. Revenir à Nice, c'est de l'arnaque.


Tom : Personnellement, pour ma génération, ce vote est le premier que je peux faire sur l’Europe,

dlm : Hors élections parlementaires, quand même ! Et pour les votes nationaux, il y a un minimum syndical de projet européen, aussi.


Tom : et je n’ai pas l’intention de le limiter à ce choix biaisé et, je répète, malhonnête !

dlm-masqué, découvrant ses dents d'europivore : gniark gniark.


Tom : Je me moque de savoir pourquoi les autres votent Non, je parle ici de « mon » Non, et je clame haut et fort mes raisons :

dlm : En cela, tu as raison.


Tom : je vote Non à cette Constitution, parce qu’elle est la conséquence logique de l’ensemble des traités précédents qui m’ont été imposés, et auxquels j’ai enfin l’occasion de dire Non.

dlm : Je m'avoue un brin déçu. Tu votes Non pour dire non, mais... tu vas où ? Concrètement, je crains que ce ne soit à grands pas vers le statu quo. Malgré tes intentions, très belles au demeurant.


Tom : Parce que cette politique libérale à laquelle nous avions le droit de croire au moment du traité de Rome, mais que nous n’avons plus moralement le droit de continuer aujourd’hui doit cesser.

dlm : Tiens, voilà une question intéressante dont personne ne parle jamais sérieusement ! Est-ce que tu pourrais développer sur la question morale? Pour ma part, je ne suis convaincu, ni de la moralité ontologique de l'Europe, ni de l'immoralité intrinsèque du libéralisme, alors je te laisse prendre les devants si tu as une conviction forgée.
Au vu de ton discours, j'imagine san speine que tes considérations dépassent assez largement "les vilains actionnaires qui ouvrent notre monde douillet", et que tu poseras des questions pertinentes, toi. Ca fait du bien, soit dit entre nous, de réfléchir à plus long terme et sans chercher à s'entre-tuer.


dlm disait : « Ce ne serait qu'une protestation non suivie d'effet. »

Tom : - C’est toi qui le dis !

dlm : Bien vu.


Tom : Personnellement, je n’ai aucun moyen de le savoir.

dlm : Un peu quand même, et ce, même si tu t'abstiens de déchiffrer Michel de Nostredame.
Historiquement, lorsqu'un processus de l'Europe s'arrête, on le reprend quelque temps après, là où on l'avait laissé. Comme pour l'entrée du Royaume-Uni. Comme pour les référenda en Irlande et Danemark.
On est bien d'accord, on aimerait être consulté sur l'orientation de l'Europe, plutôt que pour ratifier des traités qui ne font qu'améliorer une Europe pourtant non choisie. Ce n'est pourtant pas en refusant ces améliorations, surtout lorsqu'elles ont un effet démocratique (Parlement, pétition, et tout ce qui va avec), qu'on fera changer de cap. Je suis d'accord pour protester de toutes les façons possibles, mais refuser une amélioration ne me semble pas la bonne, _sachant que ces modifications seront nécessairement lentes à obtenir et appliquer_.


Tom : Je pense néanmoins qu’une victoire du nom entraînera une modification des rapports de forces à l’intérieur des partis de gouvernement – notamment de gauche – et à partir de là, une volonté beaucoup plus affirmée de trouver des alternatives, rapidement.

dlm : Je n'en suis pas persuadé du tout. On aura des têtes qui changeront peut-être, mais la définition de l'Europe n'aura pas changé, surtout qu'il n'est pas possible de définir dans le cadre d'un Référendum (c'est le vice de la chose) les motivations du refus, d'autant plus qu'elles sont ici très multiples.
Je ne crois donc pas à une impulsion salvatrice. Comme je l'ai dit, il sera impossible de renégocier selon les revendications des opposants au Traité, puisqu'elles sont très diverses et vont largement à l'encontre de celles des autres pays. La France a déjà obtenu énormément de références à sa propre tradition, je ne vois pas comment elle pourrait en exiger plus, très sincèrement.

Pour finir, les têtes qui changeront seront issues des mêmes milieux, donc avec le même fonds culturel (donc pas de volonté puissante d'alternative), et cela ne se passera qu'en France. Rien de suffisant pour changer l'Europe des Vingt-cinq.


dlm disait : « Si tu crois que tu peux avoir de l'effet en t'opposant à ce texte qui n'est qu'un rouage d'une immense machine, alors je te réponds que tu te leurres.
Si tu crois qu'il est nécessaire de réformer notre façon de penser le monde, et qu'on ne peut pas se payer le luxe d'y échapper, qu'il faut fonder des associations, inonder nos élus de requêtes, agir sur l'ensemble du système, là non seulement je t'approuve mais je t'admire. »

Tom : - Les choses ne sont pas forcément si compliquées, ou si radicales. Pour ma part, je me suis engagé dans un parti politique,

dlm : Bon, j'ai ma réponse de ci-dessus, alors.


Tom : proche de mes convictions profondes,

dlm : Que tu as de la chance ! Même modérément éloigné de ma perception du monde, je n'ai pas trouvé.


Tom : non parce que j’adhère complètement à leur discours,

dlm : Je le devine au tien, qui n'est pas classable tel quel dans un parti existant.


Tom : mais parce que j’en ai eu assez d’attendre dans mon canapé qu’un homme politique me dise exactement ce que je pense.

dlm : C'est une très bonne chose. A titre personnel, le discours de parti m'insupporte, et je suis trop éloigné de toutes les formations existantes. En revanche, je me tiens prêt à m'insérer dans les débats via des associations, ou la place individuelle que je peux avoir dans la société. Ton choix est très courageux.


Tom : Si ça ne vient pas, je vais y aller, leur poser les questions, discuter leurs réponses, éventuellement changer d’avis, éventuellement les faire changer d’avis – les deux cas se sont déjà produit.

dlm : Ca se précise.


dlm : D’ailleurs, ô rage, ô désespoir, ce parti appelle à voter oui !

Je commence à voir sérieusement de qui tu parles, le jeu se réduit. Laisse-moi te dire que, s'il s'agit d'eux, ton argumentaire est d'un niveau nettement plus développé que celui qu'ils montrent.


Tom précisait : « ***Deuxièmement, le traité de Nice, comme son nom l'indique est un "traité", pas une constitution... ***

dlm renchérissait : <mode sophisme on>Et la "Constitution", comme l'indique son nom, est un Traité établissant etc.<mode sophisme off> »

Tom : - Ce sophisme, malheureusement, est au cœur même de notre débat, cher David ! C’est la bâtardise de ce texte qui est problématique (vilain mot pour vilain texte ;)). Si chacun passe, quand ça l’arrange de la rhétorique du « traité » à celle de la « constitution », le débat ne peut avoir lieu…

dlm : Très juste. D'ailleurs, je m'aperçois avec horreur de l'ambiguïté de mon texte. Je voulais dire que pour moi, la "Constitution" (d'où les guillemets) est un Traité élargi, pas vraiment une Constitution, d'où son nom. La reprise du terme était ironique, mais ambiguë à la lecture.

Oui, tu as raison, on passe de l'un à l'autre. Je crois plus au flou qu'à la malhonnêteté, dans le cas présent. Les parties constitutionnelles ne font qu'un lien faible et non contraignant entre les Constitutions nationales. C'est surtout un traité amélioré, avec quelques voies constitutionnelles, à mon humble avis.
C'est vrai que l'argumentaire est versatile sur ce point.


Tom : Je veux dire, si quand je dis « c’est important parce que c’est une constitution », on me répond « mais non, c’est un traité », mais que quand je dis, « ce n’est pas trop grave, c’est un traité », on me réponds « oui, bon, d’accord, mais c’est quand même une constitution, alors, hein ? »… je suis sûr de me faire arnaquer, au final !

dlm : Ce qui marche dans les deux camps, d'ailleurs. Pour moi, je l'ai posé, ce texte a l'importance d'un traité, pas d'une Constitution. Il s'agit de synthétiser, d'améliorer et d'adapter à la situation présente les dispositifs précédents. Je trouve que c'est plutôt bien fait. Mais il ne faut pas y voir le socle inébranlable d'une politique européenne. On s'y est contenté de faire paraître des symboles de l'unité, ce qui est au demeurant fort bien.
Ce texte, fondé sur un compromis, ne peut pas être une solution à tous les problèmes du monde. Ce n'est ni le but d'un traité, ni même d'une Consitution, d'ailleurs.

Les politiques, facilitées par ce TECE, doivent s'y atteler, elles restent à écrire, mais dans des rouages qui seront plus huilés si le Oui l'emporte, donc bien plus efficaces.


dlm disait : « Le TECE n'a pas la force d'une véritable Constitution. Elle tâche d'unir les droits constitutionnels des Etats souverains, sans s'y substituer. »

dlm ajoute : Bon, c'est bien, c'est ce que je dis depuis le début, je suis donc un débatteur correctement honnête, Tom ? ;o)


Tom : - Je suis intimement persuadé, qu’une fois le texte ratifié, on nous fera bien sentir qu’il a force de constitution, puisque de fait, il l’a – « le TECE prévaut le droit des États-membres »

dlm : Cette mention aussi m'a fait tiquer. Sauf que dans presque tous les articles, ce qui m'a encore plus fait tiquer, il y a de noté une possibilité de se retirer, ou la responsabilité intégralement laissée aux Etats souverains.
A titre personnel, je suis plus gêné par la tiédeur qui fait que le TECE n'ait pas plus de caractère normatif, même pour un traité. Après tout, on érige une méta-règle, c'est bien pour qu'elle unifie les autres, non ? Sinon l'Europe ne sert à rien, si elle n'a aucune règle commune !


dlm disait : « En outre, si l'on doit attendre d'un texte nous convienne parfaitement avant de le voter, on sombre dans l'immobilisme. La Constitution française n'est pas sans défauts ni failles, loin s'en faut. Il faut surtout considérer si le texte est utile. »

Tom : - Cela n’est pourtant pas bien compliqué, il suffit comme je l’ai dit, de rédiger une véritable constitution, et que celle-ci se limite aux institutions déjà existantes, avec un équilibre des pouvoirs. Je ne vois pas qui s’opposerait à cela !

- ceux qui votent Oui pour aller plus vite, vers l'efficacité (un bon petit nombre)
- ceux qui votent Non par opposition à l'Europe (souverainistes)
- ceux qui votent Non par opposition à l'Europe telle qu'elle est (extrême-gauche notamment)
Ca fait une somme. Avec le temps de renégociations, les choses qu'on pourra obtenir ou pas. On ne sait pas du tout ce que l'on obtiendra, et une pure Constitution serait, je le crains, moins audacieuse et précise, lorsqu'on attend, justement, que ce traité soit salvateur sur trop de domaines.
Sans compter que tu passes sur l'unification des traités précédents, et les avancées du présent texte, sans changer du tout l'orientation de l'Europe. Immobilisme total, pour le coup.

Pour finir, je ne vois pas comment on pourrait décider de faire une pure Constitution, puisque ce qui gêne le plus, c'est justement que ce texte soit (vaguement) constitutionnel : "on sera obligé... l'Europe aura décidé..., etc".


Tom : En l’état, - et cela sans endosser les habits de M. G. Buffet ou d’O. Besancenot

dlm : Dieu les ait en Sa sainte garde...


Tom : – ce texte est utile aux patrons, aux actionnaires, au nivellement par le bas de notre niveau de vie sociale, économique, culturelle,…

dlm : Ca, c'est du pipeau. On a des obligations sociales (droit à la sécu, par exemple), qui n'étaient pas garanties précédemment. Nous passons d'une économie de marché à une économie sociale de marché.
Et les frontières, pour les patrons, sont totalement ouvertes depuis Schengen, et le seront à tous les pays membres quelle que soit l'issue du vote.

Ce texte n'accentue rien de ce point de vue, tout est déjà totalement ouvert. Au contraire, il pose plusieurs garde-fous à partir des droits de la personne.


dlm disait : « Je ne suis pas sûr qu'une opposition de principe soit la meilleure attitude à adopter. Je raisonne de façon plus concrète : j'ai le choix entre deux modes de gouvernement de l'Europe, Mon dernier billet renvoie vers un site d'économiste qui en explique mieux que moi la disposition logique.
operacritiques.free.fr/do... »

Tom : - Si je comprends bien l’idée de cet économiste et les tiennes, vous êtes d’accord sur le fait qu’un plan B est de toute façon préférable au TECE comme à Nice.

dlm : Non, voici ce que conclut Antoine Belgodere :
<i>A partir de là, sauf à considérer que Nice est un meilleur texte que le TCE, le « Oui » ne me semble pas poser un problème sérieux d’irréversibilité. Si bien que l’argument consistant à dire « acceptons toutes les avancées, même si elles sont petites » me paraît défendable.</i>
Ce qui rejoint assez la position du juriste Paxatagore : publiusleuropeen.typepad.... .
C'est leur raisonnement qui est intéressant, à savoir qu'il est difficilement explicable qu'on veuille voter Non sous prétexte que le texte durement arraché est "un peu mieux".

Et, non, je ne rêve pas de plan B, sachant, encore une fois :
- qu'il a été difficile d'obtenir tout cela et que les autres membres de l'Europe ne comprennent pas cette fine bouche de qui a tant obtenu (il n'est que de voir les commentaires ahuris de la presse étrangère). Il ne faut pas croire qu'on aura mieux de sitôt, ne serait-ce que parce que nous sommes vingt-cinq et différents.


Tom : Ma question : pourquoi ne pas consacrer toute votre énergie à l’élaboration de ce plan B, en partant du principe que l’Europe sera à repenser, après les victoires du Non en France, en Hollande, en Pologne, en Angleterre, etc… ;-)

dlm : Parce que si la Pologne et l'Angleterre disent Non, ce sera par défiance envers le manque de libéralisme de la Constitution. Ce qui signifie qu'on aboutirait, au mieux, à des compromis semblables ; au pire, à "économie de marché" tout court, "valeurs chrétiennes", etc.
Nous ne sommes pas dans la même perspective de revendications. C'est pour cela qu'il ne faut pas penser que le plan B arrivera de sitôt, ni qu'il sera meilleur dans l'état actuel de nos sociétés. La concertation dont tu parles serait en fait un affrontement. Rendu plus crispé par les refus nationaux. Donc l'immobilisme dans l'Europe que tu n'aimes pas, au lieu de se donner les moyens de faire un petit pas.


Tom proposait : *** Comparons donc ce qui est comparable, à savoir ce « traité constitutionnel » avec d’autres constitutions.***

dlm remarquait : Je veux bien, mais on ne nous le propose pas !


Tom : - Bien sûr qu’on nous le demande, puisqu’on nous demande si nous souhaitons que ce TECE prévale à notre constitution !!!! Enfin !!!

dlm : La question tient du sophisme.
1) Une """"Constitution"""" européenne sera toujours le fruit d'un compromis, donc moins française que la Constitution française (sans blague).
2) Une """"Constitution"""" supra-nationale est faite pour unifier les droits, donc il est normal qu'elle chapeaute l'ensemble des législations nationales. Pourtant, les Etats restent souverains, les dérogations omniprésentes, et la Constitution française demeure parfaitement en vigueur, et non révisée. L'article général qui cite la prépondérance du droit communautaire est en fait démenti article par article pour les sujets importants détaillés plus loin. Le but est de faire un pont entre les droits nationaux, pas de s'y substituer, nous demeurons dans une Europe des Etats-Nations. C'est pour cela qu'il s'agit bien d'un traité plutôt que d'une Constitution.


dlm disait : « En outre, "Traité constitutionnel" entre plusieurs Etats n'est pas précisément l'équivalent d'une Constitution. Les Etats demeurent souverains, avec leur Constitution propre, et de multiples possibilités de se retirer des protocoles - il n'y a que très peu d'articles contraignant ou juridiquement, ou surtout pratiquement. »

Tom : - C’est parce que tu as cédé aux sirènes consolatrices de nos amis partisans du oui que tu es si confiant !

dlm : Je me fie à ce que je lis du texte avant de croire un commentaire, et j'ai été interloqué dès la première lecture par cet état de fait.
Sinon, je n'ai jamais été aux Canaries, pourquoi ?


Tom : La seule juridiction capable de trancher si un État-membre ne se comportait pas conformément à la constitution –j’entends, à ses clauses normatives, pas aux avancées sociales qu’elle « suggère »- ou refusait l’application d’une directive de la commission, ralliée à la majorité par le conseil, avec l’appui – ou pas, « who cares ? »- du Parlement, la seule juridiction est la cour de justice européenne ! L’État-membre ne saurait se soustraire à la loi européenne qu’en sortant de l’Union.

dlm : Je ne vois pas où est le problème.
1) En adoptant une législation, tu en respectes les règles, sinon elle est inutile.
2) Concernant le TECE, il y a d'autant moins de risques de sanctions que les Etats ont beaucoup de possibilités de se retirer des protocoles en cas de désaccord. Il y a problème lorsqu'ils sabrent les protocoles _auxquels ils participent_ !


Tom : Et ceux qui poussent des cris d’orfraie en imaginant une victoire du Non, seraient ceux qui disent : « on vote oui, et puis si on n’est pas content, on peut toujours quitter l’Union ! »… Allons, allons, soyons sérieux !

dlm : Effectivement, il n'est pas sérieux :
- d'envisager l'alternative "TECE ou retrait de l'Union" (certains partisans du Oui en mal de rhétorique ratée)
- de vouloir avoir une règle commune sans qu'elle soit jamais contrôlée et appliquée (des partisans, très drôles, des deux camps)


Tom disait : *** La séparation des
pouvoirs exécutifs et législatifs n’est pas respectée dans ce texte ! ***

dlm disait : Chez nous, si, mais ce sont les mêmes hommes qui les détiennent. [soupir]
Ta remarque est juste, je suis d'accord. Cependant l'Europe a toujours fonctionné comme cela. On ne peut pas tout exiger tout de suite d'une délibération à 28, ni vouloir absolument la tabula rasa. Moi aussi j'aurais voulu plus, comme tout le monde. Mais on ne me pose pas cette question-là. Si on rejette le texte, soit on devra le revoter plus tard, soit on reste purement et simplement à l'existant, avec le même problème pourr revoter tout nouveau texte, qui aura de nouveaux vices, etc.
Et comme tu le dis, on gagne toujours un peu plus de pouvoir au Parlement.


Tom : - Mais enfin, n’est-ce pas la moindre des choses que nous soyons en droit d’exiger depuis Montesquieu, une véritable séparation des pouvoirs, dans un texte constitutionnel à valeur de droit suprême !

dlm : J'ai déjà répondu, je n'y reviens pas :
- on peut le regretter, mais on n'obtiendra pas mieux pour autant dans l'état de nos sociétés
- ce n'est pas une raison suffisante pour rejeter un traité qui contient des progrès que son mode de production
- cela a permis plus d'efficacité, un brassage des institutions présentes, moins de langue de bois et de politiquement correct de la part d'élus nationaux, moins de blocages nationaux, et surtout moins d'incompétence d'élus non formés. Ce n'est pas un si mauvais bilan.


Tom : Ce texte serait jugé « crime contre l’humanité » aux USA !

dlm : Heu, faut pas pousser non plus (d'autant plus que l'élection des juges ne passerait pas, de son côté, en France). De toute façon, avec leur Nobel Kissinger, leur secrétaire d'Etat accusé de crimes contre l'humanité en Allemagne, et sans Tribunal Pénal International, ils ont du plomb dans l'aile, ces juges-là.


Tome II ci-après.

David - fromager

5. Le vendredi 20 mai 2005 à , par DavidLeMarrec

TOME II, suite de la réponse précédente.


dlm disait : Oui, c'est peu, mais c'est toujours bon à prendre, comme le référendum d'initiative populaire.

Tom : - Il n’est pas question de referendum, mais de droit à la pétition,

dlm : Si, des deux.


Tom : nullement contraignant pour la Commission, et encore moins suivi d’un vote au suffrage universel !

dlm : Exactement comme en France avec le Référendum - pourtant choisi par le chef de l'Etat !
(Tu penses bien que sinon l'Europe entière réclamerait moins d'impôts et plus d'avantages.)


dlm disait : : « Mais nous soulevons là un grave problème, c'est-à-dire celui du régime démocratique.
Les votants ont-ils les compétences pour se prononcer justement? L'incompétence qui obtient la majorité est-elle le meilleur choix?
L'alternative, c'est la technocratie, donc le pouvoir aux compétents. Est-ce mieux? Je l'ignore, je n'ai pas essayé, mais je reste aussi dubitatif dans un cas que dants l'autre... Et comme personne n'a tenté de système réellement mixte, difficile de savoir.

Tom : - Au moins je vois que tu as la franchise de dire que l’abandon des principes de la démocratie ne te choque pas, et donc que tu ne le nies pas !

dlm : Je n'ai pas si cela. J'ai dit que je ne savais pas. C'est une question, j'en ai conscience, qui choque mes contemporains, mais que je me pose réellement, depuis longtemps.
Je manque un peu de temps ces temps-ci, mais nous pourrions en discuter plus largement.
En deux mots : pour moi, nous vivons plutôt dans un système oligarchique, avec des élites à peu près hermétiques, et des représentants sourds qui confisquent le pouvoir. J'y vois deux meilleures solutions : la démocratie ou la technocratie (pas celle dont on parle aujourd'hui, je veux dire un pouvoir à ceux qui sont compétents). L'idéal serait à mon sens un mélange des deux : pouvoir au peuple pour garantir le respect du plus grand nombre possible - sachant que la démocratie donne toujours tort aux minorités, mais la majorité étant changeante, on fait avec -, contrôle des techniciens pour assurer que les décisions prises ne sont pas que du désir, mais aussi réalisables.
Je réfléchis à une réorganisation du pouvoir en France, notamment. Nous pourrions vraiment en discuter, je suis sûr que tu dois avoir un avis là-dessus.


Tom : A part ça je suis choqué ! Il est trop facile d’accuser les « gens », les votants, « les cons » à qui la démocratie a donné le pouvoir !

dlm : Ce n'est pas ce que je fais. Je crois que mon petit éclaircissement ci-dessus devrait te permettre d'y voir un peu plus clair dans ma sentence initiale (non développée, il est vrai, étant un peu hors sujet).
Pour moi les problèmes sont :
- quelle part à ceux qui sont dans les minorités votantes ?
- quelle part de discernement en donnant le vote à tous ?

J'ajoute que je ne vois pas de solution, algébriquement ou logiquement : si on ne veut pas que le pouvoir soit confisqué, mieux vaut le donner à tous, et si on le donne à tous, je ne vois pas d'autre issue que le 50%... Mais j'ai conscience que ce n'est pas satisfaisant - et aussi que ce n'est pas respecté aujourd'hui.


Tom : En revanche, la démocratie est déjà malmenée :

dlm : Tout à fait. En fait, c'est plus l'esprit de la société (discours accessible au peuple, aides sociales) que les institutions qui sont démocratiques, aujourd'hui.


Tom : le principe n’est pas, comme on le croit aujourd’hui que « la majorité a toujours raison », mais que la majorité « l’emporte » ! C’est la règle démocratique, car cela n’exclut pas que la majorité puisse avoir tort !

dlm : Exactement. C'est là le grave (et passionnant) paradoxe de la démocratie.


David - gravis

6. Le vendredi 20 mai 2005 à , par DavidLeMarrec

TOME III : suite et fin de la réponse


Tom : Les hommes politiques sont également responsables d’utiliser la démocratie en jouant la carte du populisme, de l’abêtissement, de la propagande, etc…

dlm : Vi !


Tom : Je suis pour ma part favorable à des mesures radicales pour lutter contre ces dérives, comme l’inscription automatique, le vote obligatoire et l’annulation d’un vote en cas d’une victoire des blancs/nuls…

dlm : Encore une fois, je suis d'accord sur le principe, mais pas forcément en pratique.
- pas pour le vote obligatoire : je connais des gens qui votent au hasard, sur des détails insignifiants. Mieux vaut s'abstenir (ou voter nul/blanc) si on n'a aucune idée de ce que l'on fait. Mais ça me fait rêver, 100% de participation. Je me console en me disant que mon vote compte double ou triple, sur la population française...
- l'annulation d'un vote, oui. Mais ce sera avec les mêmes hommes, ou au minimum les mêmes programmes. Sans compter que tout le monde voudrait protester et que cela reviendrait une fortune, prendrait un temps fou - avec la possibilité du pouvoir en place de faire traîner en longueur pour conserver l'interminable intérim. Néanmoins, si cela est bien organisé (changement nécessaire des hommes présentés) et bien encadré (une seule annulation de scrutin permise, par exemple), ce ne serait peut-être pas mal.
Il faut y réfléchir avant de se trouver dans une situation impossible, mais je n'y suis pas nécessairement opposé, au contraire.


Tom : non pas pour punir les « cons « qui ne votent pas, mais pour forcer les hommes politiques à changer de cible, à vraiment s’adresser à tous… Je choque beaucoup de gens en disant cela,

dlm : Ah bon. Ca me semble plutôt dans l'air du temps. Le bon air, j'entends. Il n'y a que les élites aux pouvoirs que ne veut lent pas en entendre parler, non ?


Tom : mais jamais, JAMAIS, je ne renoncerai aux valeurs démocratiques, au profit de n’importe quelle technocratie, oligarchie ou dictature éclairée de je ne sais quel voltairien anachronique !

dlm : Mince, moi qui me voyais Leviathan !
Plus sérieusement, je n'ai pas fini, mais je cherche mieux que la démocratie, du moins telle qu'elle est pratiquée. Ce n'est pas pour autant que je préfère l'un des régimes précités -surtout tels que je devine que tu te les représentes !


dlm disait : Bref, le fait que le texte soit absons me semble assez inévitable pour du droit, et du droit synthétisant les dispositions précédentes et unifiant le droit de vingt-cinq pays. Ou alors il faudrait un texte simplifié, mais serait-il juridiquement opérationnel ?

Tom : - En droit, une constitution doit être ratifiée par tous, et donc pouvoir être lue par tous, son caractère abscons est donc rédhibitoire !

dlm : C'est vrai, en théorie. De la même façon que nous sommes tous égaux en droit, mais qu'on ne l'applique pas pareil...
Pratiquement, il me semble difficile de faire respecter le principe que tu évoques, surtout qu'il s'agit, encore une fois, non pas d'une Constitution au sens strict, mais d'un traité unificateur (et synthétisant les dispositifs précédents), ce qui le rend beaucoup plus complexe et touffu.


Tom : Un texte plus court, centré sur les institutions serait juridiquement opérationnel, beaucoup plus légitime en tant que constitution,

dlm : Bon, si je comprends bien, tu veux une Constitution, toi. Un spécimen rare, je crois, puisque ce qui fait peur à tout le monde, élites et prosélytes du Oui y compris (sans parler du Non!), c'est le caractère unificateur du texte. Je ne vois pas qui irait le négocier.
Sans compter qu'une Constitution stricte ne règlerait pas le problème de synthétisation des traités et, moins souple, ne pourrait garantir les mêmes avancées que ce texte.


Tom : et laisserait la chance à une Europe forte, unie dans ses institutions,

dlm : On peut toujours rêver, en effet. Une bonne Constitution ne changera pas plus l'Europe que ce bon traité. J'aurais même tendance à penser moins (texte plus réducteur).

Et on retombe toujours sur le problème de qui renégociera quoi, sachant que parmi les nonniens comme parmi les ouistes potentiellement vaincus, tu es très minoritaire et as peu de chances de te faire entendre, même si ta proposition est de loin la plus cohérente de celles que font les nonniens, je ne te le cache pas.


Tom : de quitter la voie libérale,

dlm : Ah. C'est à mon sens plutôt illusoire (dilemme du prisonnier à l'échelle mondiale).
Mais, surtout, qu'est-ce que tu mets derrière 'libéralisme' ?

Je sais que c'est très mal vu de le dire, mais le libéralisme a de nombreuses composantes pas toutes négatives : production accrue de richesses (à condition de les redistribuer, nous sommes entièrement d'accord), et ouverture au monde (libre-circulation des personnes, des idées). Il y a aussi les corollaires négatifs, très réels, dont on parle beaucoup.

Je ne suis donc pas opposé fondamentalement au libéralisme, je voudrais surtout changer certaines de ses finalités stériles (se nourrir lui-même en boucle) - même si je ne suis pas opposé non plus au changement de système.
C'est pour cela que je voudrais savoir plus précisément ce que tu entends là.


Tom : et d’occuper la place de leader dans la logique du développement durable et de la décroissance positive !

dlm : Très beau programme.
Sincèrement, une Constitution, vraie ou fausse, n'y suffira pas. Sinon, ça m'intéresse beaucoup, ce que tu proposes là.


Tom disait : *** il n’a même pas la codécision, il est simplement consultatif (1). ***

dlm disait : Un bon tiens vaut peut-être mieux que deux tu l'auras, non ?

Tom : - Qui vole un œuf, vole un bœuf

dlm : Je voulais juste gagner du temps pour exprimer concisément ma pensée, pas pour me référer à un adage. Je voulais dire que c'est toujours ça de gagné, la place accrue du Parlement, et qu'en renvoyant le texte pour longtemps dans les limbes, on n'est pas du tout sûr pour autant d'avoir mieux - on est même assez certain d'obtenir le contraire, pour toutes les raisons évoquées précédemment.


Tom disait : *** (1) Pour l’analyse constitutionnelle du texte, je renvoie au site d’Etienne Chouard, etienne.chouard.free.fr ***

dlm disait : Oui, de très bonnes questions.

Voir le point de vue de Nicolas Vanbremeersch sur le même sujet :
publiusleuropeen.typepad....

Mais ce débat me semblait porter sur des points essentiellement métatextuels, ce qui est bien, mais insuffisant pour se décider, à mon sens. Les arguments d'Etienne Chouard sont réversibles et ne portent pas sur des points décisifs, qui sont bien _à l'intérieur_ du traité, plus que dans sa forme.

Tom : - Mais enfin, c’est quand même incroyable ! la colère me prend en lisant le texte de Vanbremeersch ! « le texte est partisan, dit Etienne Chouard, c’est faux répond, Vanbremeersch, avant de dire oui la partie III est partisane, mais pas la partie institutionnelle ! » Ce qui me renvoie à ma question : Que fait cette politique économique dans une Constitution ?

dlm : Ce n'est pas une Constitution, mais un traité qui a des parties qui s'apparentent à une Constitution, non partisanes, et une synthèse des traités existants, qui subsistent de toute façon, même avec une vraie Constitution.


Tom : Il précise encore que cette partie III n’est pas vraiment partisane, elle protège des extrêmes, mais laisse la place à l’alternance gauche/droite. D’une part, je n’ai plus confiance dans cette alternance molle, d’autre part, cette constitution est plus contraignante pour une politique de gauche, mais elle va dans le sens d’une politique de droite.

dlm : C'est très vague, tout ça. Politique de gauche, de droite ? Tu veux dire quoi, au juste? (je n'arrive pas deviner sur ce point) Que les traités précédents, synthétisés, sont fondés sur de l'économie de marché? Oui, et tempérés par la partie constitutionnelle, comme elle le serait par une Constitution qui comprendrait les mêmes clauses.


Tom : Enfin, même si je ne suis un partisan ni d’extrême droite, ni d’extrême gauche, il me semble que la présence d’extrêmes est un effet secondaire inévitable de la démocratie, et les « interdire de fait » me paraît un signe de son affaiblissement.

dlm : Je ne vois pas bien à quoi tu fais allusion. Aux garde-fou? Je trouve cela plutôt bien. Ce n'est même pas leur liberté d'expression qui est ici mise en cause.


Tom disait*** Qui détient donc le pouvoir législatif ? Le conseil européen. Qui est le conseil européen >? La réunion des chefs de l’exécutif des pays membres, que M.Guetta sur France Inter a voulu nous faire prendre pour une « chambre haute » équivalant au Sénat ! ***

dlm : Si tu prends garde aux interventions à la radio, évidemment, tu ne peux que te lamenter du degré partisan et peu argumenté de la plupart des intervenants. Ou de l'angle d'attaque partiel. Non, non, il faut de l'écrit pour avoir le temps de vérifier, d'en démonter les rouages.

Tom : - Je signale que notre ami Vanbremeersch fait cette même et plaisante analogie, et qu’après avoir dit que le Conseil détenait le pouvoir législatif et une partie du pouvoir exécutif, il ne craint pas d’affirmer néanmoins que la séparation des pouvoirs est respectée !!!

dlm : Je ne suis pas Nicolas Vanbremeersch, pas plus que Versac n'est dlm. Je crois me souvenir que sa démonstration était convaincante sur ce point, mais je reste très dubitatif en effet. Les pouvoirs sont mieux séparés, mais ils ne le sont pas entièrement.


dlm disait : Dans nos sociétés de l'image, même un rôle consultatif, pour un organe élu au suffrage universel direct, peut être déterminant. Après, il faudrait lister les cas de codécision pour décider lesquels sont importants et lesquels ne sont que d'inoffensives marottes.

Tom : - Je refuse d’avoir pour contre-pouvoir la supposition que des commissaires plénipotentiaires cèderont à une pression populaire et/ou parlementaire sans légitimité constitutionnelle. Quel qu’ait été le développement des médias depuis, cela me rappelle trop la Charte octroyée par Louis-Philippe en 1830 !

dlm : La fameuse qui garantit les libertés d'expression mais interdit Le roi s'amuse de M. Victor H*** - on se croirait presque sur Operadatabase ! (www.operadatabase.com)
Nous sommes d'accord, même si le pouvoir populaire est accru dans un tel cas par les médias, ce n'est pas suffisant.
Pourtant, en France, les représentants font tout autant la sourde oreille. Il faudrait changer la Constitution française, déjà. Alors ne parlons même pas de l'organisation pour l'Europe... C'est souhaitable, mais comme ce sont ces élites, Assemblée Constituante ou pas, qui rédigent les textes, nous n'y aurons de toute façon pas droit.



Tom disait : *** Conclusion, en tant que constitution, ce texte n’est pas acceptable. ***

dlm disait : Evidemment, avec les réserves que j'ai exprimées, je n'aboutis pas au même endroit.

- D'abord parce que ta critique est essentiellement métatextuelle, ce qui me semble occulter la part la plus importante de la décision, à savoir le contenu et l'effet de ce texte.

Tom : - Le contenu, venait après, c’était fait exprès ! Je persiste dans l’idée que ce referendum, parce que dernière consultation européenne avant longtemps, en cas de victoire du Oui, a une autre portée, au moins dans la réflexion qu’il impose.

dlm : Dans la réflexion, je suis parfaitement d'accord, et nous le faisons abondamment ici. Mais le vote Non n'est pas efficace pour une réforme de l'envergure de celle que tu ambitionnes.


Tom disait : *** Solution : rédiger une véritable constitution, ***

dlm : Cette solution est largement fantasmatique, les oppositions étant trop disparates (il y a des nonniens dans tous les camps, et des ouistes aussi

Tom : - À nous de faire en sorte que le fantasme se transforme en réalité nécessaire. Allez, au boulot !

dlm : Tu me dis comment tu fais ?
Les extrêmes ne changeront pas d'avis, c'est leur fonds de commerce. Les ouistes ne seront pas forcément d'accord, puisqu'ils approuvaient ce texte. Les gouvernements et opinions publiques européennes seront les mêmes, et leurs réserves sont à l'opposé des réserves françaises, dans pas mal de cas. Et qui pour négocier?
Si tu as une solution concrète pour pallier à ces problèmes, je ne dis pas.


dlm disait : Pourtant, on a choisi, pour des raisons techniques, de nommer un convention.
Pourquoi ?

Tom : - Surtout pour ne pas se préoccuper des revendications populaires, foncièrement contradictoires avec les volontés économiques, libre-échangistes des dirigeants, politiques et économiques.

dlm : Parce que nos élus ne votent pas ce type de loi à l'opposé des attentes du citoyen? Non, ce n'est pas une garantie non plus.


Tom : On nous a quand même servi comme garantie démocratique de la Convention que ses discussions avaient été publiques !! Merci, ça me rassure !

dlm : C'est mieux que rien, même si ce n'est pas beaucoup, mais ce n'est pas là la question du texte. Comme je te le disais, la compétence d'élus lambda aurait été moindre, l'accord beaucoup plus tiède (les alliances de parti nécessaires dans le scrutin à la proportionnelle qui s'impose) et le texte plus bancal et frileux (espérant obtenir une petite circonscription au retour).


dlm disait : Il n'est pas sérieusement envisageable d'avoir un meilleur texte avant assez longtemps. Voire pas envisageable, si les autres pays ratifient, d'avoir un autre texte tout court.

Tom : - Je ne vois pas pourquoi on n’appellerait pas la partie institutionnelle modifiée de manière démocratique « Constitution » et demander ensuite aux institutions démocratiques créées par cette constitution de décider, voter et appliquer une politique économique commune !

dlm : Avec ton programme, tu en as pour quelques demi-douzaines d'années, pour obtenir le même résultat (une Constitution générale et des traités libéraux), voire rien du tout si la machine patine.
Pour ma part, le texte est enfin prêt, il est meilleur que les précédents, donc je commence par le prendre (sachant qu'il faut l'unanimité pour modifier toute règle fondamentale commune, avec Nice ou avec le TECE), ce qui ne m'empêche pas de me mobiliser pour continuer à avancer.


dlm disait : Non. La véritable question de ce référendum est : "Approuvez-vous le projet de loi visant à ratifier le Traité Etablissant une Constitution pour l'Europe ci-joint?".
Le reste, ce sont des réflexions à faire, très légitimes, mais sur lequel le vote du 29 n'influera pas.
Désolé d'être si terre-à-terre ; je me dis que tant qu'à se prononcer, autant être efficace.

Tom : - Tu n’es pas terre-à-terre, tu es naïf si tu crois vraiment qu’un gouvernement libéral freinera ses réformes anti-sociales ou anti-écologiques alors que la majorité de la population viendra de signer un texte comportant tous les principes du libéralisme,

dlm : "Tous les principes du libéralisme" ? Ce n'est pas du tout, mais alors pas du tout ce qu'en disent Polonais et Anglais (pour ne parler que d'eux, bien qu'ils ne soient pas isolés).
Le TECE tempère au contraire le libéralisme débridé (garanties de la partie II), même si c'est timidement : il ne l'encourage pas.


Tom : en disant, « c’est ça que nous voulons pour l’Europe ». Évidemment, ce referendum a une portée idéologique sur le futur que nous voulons, et crois-moi, à moins de quelque chose de vraiment énorme, nous aurons ce pour quoi nous voterons le 29 mai ! Et je répète, si nous votons non, nous ne décidons rien, nous laissons la porte ouverte à autre chose. Quoi ? je ne sais pas.

dlm : C'est bien là le problème. Il est impossible de concilier tous les avis si divergents d'un rejet (sachant que si le Non l'emporte, il reste tous les pays ayant voté ou allant voter Oui en plus des 49% de Oui français).
=> Donc on aura ou un statu quo jusqu'à ce qu'on nous repropose celui-ci (sous la même forme ou sous une autre - je penche pour la première hypothèse) ou que, pour arranger tout le monde, on en refasse un, encore plus bâtard pour faire le moins de vagues possibles.
Je préfère prendre l'avancée, pour en préparer d'autres, au lieu de piétiner pour obtenir nécessairement la même chose - en moins bien - au bout du chemin.


Tom : Je sais ce que je veux, et je me battrais pour que ce soit ce qui arrive. Et vous ?

dlm : En ce qui me concerne, je réfléchis d'abord à ce qui peut arriver (paragraphe précédent) avant de penser que dire Non, c'est imposer ce que je veux.


Tom dressait le constat : *** L’Afrique est mourante, l’Amérique latine exsangue, le climat bouleversé, l’écosystème en cycle d’autodestruction,… et nous cherchons encore plus de croissance, encore plus de richesse, encore plus de consommation. ***

dlm objectait : Tu mélanges tout de même deux problèmes, à savoir la production des richesses et sa répartition. Oui, il faut produire (donc des consommateurs, du marché et blablablabla). Mais on ne peut plus organiser la production comme cela. D'accord avec toi pour constater l'impasse. Pas tout à fait d'accord pour ta représentation du problème, qui me semble très simplifié.

Tom : - Lis B. Maris et Stiglitz, tu verras que le raccourci entre l’état du tiers monde et celui de l’environnement, et la politique ultra libérale du FMI et de la Banque Mondiale, de l’OMC et des politiques industrielles des pays libéraux, n’est pas exagéré. Le lien est étonnamment direct !

dlm : Mais ça, c'est lié, c'est ce que je dis ! C'est le problème de la répartition. Ce n'est pas exactement la même chose que la recherche de la production des richesses. Dans ta première phrase ("L'Afrique..."), tu mêles certaines choses indépendantes. Dans ta seconde description ("Lis..."), là, tu ne traites que de la seconde partie, et c'est en effet cohérent.


Tom : Relis la constitution à cette lumière, c’est effrayant !

dlm : J'ai beau chercher, je ne trouve pas. Il faudrait fournir des exemples précis.
Mais oui, nous sommes globalement sur la pente que tu décris. Le TECE n'y change rien, ce sont les politiques qui sont à mener.
Un président de la Rép. intelligent, ça pourrait aider, par exemple.


dlm : On ne peut pas résoudre ces problèmes sans richesses. Néanmoins, pour les résoudre, il faut sortir du régime actuel d'exploitation de ces richesses.

Tom : - Sans richesse, non. Sans nouvelles richesses, il le faut ! il n’y en aura bientôt plus.

dlm : Je ne parlais pas que des richesses naturelles, mais il faut évidemment les gérer convenablement. En cela, notre système n'est pas forcément pervers, s'il est bien réformé - ce qu'il nous faut obtenir de nos gouvernants, les textes généraux n'y peuvent rien.


Tom disait : *** et en plus, nous abdiquons notre souveraineté populaire pour changer de route en cours, ***

dlm disait : Ca c'est faux, tu le dis toi-même : le Parlement a plus de pouvoir, et il y a le référendum d'initiative populaire. Ce n'est pas beaucoup, mais il serait faux de dire que c'est pire, tout de même !

Tom : - C’est pire parce que ça s’appelle « Constitution »

dlm : Ben ça n'est pas une Constitution, justement.
Et je croyais que tu en voulais une? En plus, il faut qu'elle soit exactement à ton goût? Eh bien, on n'est pas sortis de l'auberge, dans ce cas, si tout le monde fait comme toi...


Tom : et que le Parlement aura moins de pouvoir (euphémisme) que les Parlements nationaux sur lesquels la Commission et le Conseil prévaudront

dlm : Ne prévaudront pas tant que ça, pour toutes les raisons déjà évoquées sur l'infinité d'exceptions dont jouissent les Etats souverains.


dlm disait : Je dirais plutôt qu'on améliore les institutions existantes, et qu'on assouplit le mode de décision pour mieux avancer.

Le Oui ou le Non n'ont rien à voir avec l'orientation globale de l'Europe. Ils sont purement un choix institutionnel. Voter Non parce qu'on n'aime pas l'Europe telle qu'elle est, je le comprends, mais c'est inefficace et contre-productif, encore une fois.

Tom : - Voter Oui, en se disant c’est un peu mieux mais qu’il faudra faire encore mieux, je le comprends, mais je n’y crois pas. Les avancées promises par les partisans du Oui sont celles promises par les libéraux, et celles promises par le marché et la concurrence. Or, les économistes libéraux eux-mêmes reconnaissent qu’en matière d’équilibre (social, économique , environnemental), le marché est incompétent, la concurrence dévastatrice. Les derniers libéraux (FMI Banque Mondiale, etc,…) en sont au point où en étaient les Trotskistes : pour que le marché équilibre, pour que la concurrence ait un effet positif, il faut que tout soit marché, que tout soit concurrence libre. C’est complètement irréaliste, et c’est pourtant ce que fait ce texte en établissant comme règle suprême de l’Union la « concurrence libre et non faussée ». C’est un cauchemar, je vais me réveiller…..

dlm : J'avoue que je ne vois pas trop où est le grief que tu fais à ce traité. Il a pour but de s'appliquer, donc il s'inscrit dans le fonctionnement réel du monde. Encore une fois, si le TECE disait l'inverse, l'Europe serait absolument incapable de l'appliquer.
Il faut des réformes préalables pour pouvoir produire un texte théorique qui change toute le donne !


Tom disait : *** J’envie ceux qui pensent que ce droit de pétition sera d’une quelconque utilité, mais dans la mesure ou les propositions faites devront l’être « dans le cadre de la constitution », ***

dlm disait : Tu connais beaucoup de Constitutions qui régissent des lois anticonstitutionnelles, toi ?

Evidemment que si on vote un texte, tout se fera dans le cadre des institutions qu'elle prévoit, même les réclamations sur le texte lui-même ! Comme partout.

Tom : - Ben faudrait savoir ! Quand je dis que la Constitution n’est pas bonne », tu me dis qu’il y a le droit de pétition, et quand je pointe le fait qu’il permet de commenter la politique, pas de sortir des règles politiques de la Constitution,

dlm : Si, une fois la réclamation adoptée.

Tom : tu me dis que c’est normal !

dlm : Bien sûr !
1) Tu veux protester légalement. C'est prévu dans le TECE.
2) Tu fais ta pétition selon les règles prévues, même si elle porte sur le texte lui-même.

De la même façon que les opposants à un article de la Constitution française ou à la Constitution française elle-même devraient déposer un recours légal reclamant sa révision.

Ce n'est pas contradictoire.


David - disant

7. Le vendredi 20 mai 2005 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Tom,

A propos de la perspective suite à un refus, Publius fait une intéressante étude des possibles :

publiusleuropeen.typepad....

David - prospectif

8. Le vendredi 27 mai 2005 à , par Tom

Cher David,

Ça commence à faire beaucoup de renvois et de situation, pour continuer cette conversation et la rendre claire. Toutefois il me semble que tes dernières réponses soulèvent finalement quelques questions récurrentes, qui tiennent plus à un angle de vue différent qu’à un vrai désaccord. Je vais essayer de les relever et d’y répondre dans l’ordre.


Tom : je vote Non à cette Constitution, parce qu’elle est la conséquence logique de l’ensemble des traités précédents qui m’ont été imposés, et auxquels j’ai enfin l’occasion de dire Non.

dlm : Je m'avoue un brin déçu. Tu votes Non pour dire non, mais... tu vas où ? Concrètement, je crains que ce ne soit à grands pas vers le statu quo. Malgré tes intentions, très belles au demeurant.

Je vais où ? Si je le savais, je dormirais mieux ! Comme je le disais, le Non n’entraîne rien de nouveau, le non ne changera rien. La seule vertu du non est de refuser au système libéral européen la légitimité populaire. Cette constitution est le statu quo. Elle est le compromis. Or elle est faite pour durer au moins 50 ans –beaucoup plus longtemps que les précédents traités auxquels tu sembles l’assimiler. Dans ce cas, je ne peux pas accepter ce compromis. Et je vais même plus loin aujourd’hui. Si ce texte est effectivement le meilleur compromis possible entre les différentes volontés populaires de l’Europe, alors je pense que le rêve européen a vécu.

Tom : Parce que cette politique libérale à laquelle nous avions le droit de croire au moment du traité de Rome, mais que nous n’avons plus moralement le droit de continuer aujourd’hui doit cesser.

dlm : Tiens, voilà une question intéressante dont personne ne parle jamais sérieusement ! Est-ce que tu pourrais développer sur la question morale?

Je ne me lancerai pas ici dans un historique ou une définition détaillée du libéralisme. Mais en gros, le libéralisme, le libre-échangisme, l’économie de marché (sociale ou pas !), le capitalisme, tous ces termes qui renvoient à des aspects différents de notre réalité politique et économique sont issus de l’apparition de la valeur « liberté » à la fin du XVIIIe siècle. Or la notion de liberté est délicate à définir. Elle est soit répartie en secteurs : liberté de presse, liberté de religion, liberté des individus, liberté de la concurrence, etc…, soit définie, comme dans la déclaration des droits de l’homme, par la formule « la liberté de chacun s’arrête là où commence celle de l’autre ». Qu’est-ce que le libéralisme ? La liberté de chacun de produire, d’acheter, de vendre. Qu’est-ce que le libre-échangisme ? Le fait que l’Etat n’empiète plus sur la liberté de chacun de produire, d’acheter et de vendre. Qu’est ce que l’économie de marché ? Un système qui croit qu’en laissant les gens produire acheter et vendre librement, on trouvera un équilibre grâce au marché et à ses lois. Bref, notre système économique prétend être la conséquence logique , et donc inattaquable de la liberté ! Or, de la même façon qu’on doit expliquer à un enfant qu’il n’est pas libre de faire tout ce qu’il veut, qu’il n’est pas libre s’il ne respecte pas la liberté des autres, il faut que les libéraux comprennent aujourd’hui que notre liberté de produire d’acheter et de vendre s’arrête quand elle prive d’autres pays de cette liberté. Cette liberté s’arrête quand elle détruit notre planète de manière exponentielle. Cette liberté s’arrête quand elle affame et décime des continents entiers, cette liberté s’arrête quand elle exploite ceux-là mêmes qui produisent ces richesses.
Nous ne pouvons plus aujourd’hui laisser notre destin entre les mains du marché, car nous savons maintenant qu’il n’est pas « équilibrant » qu’il n’est pas « bénéfique ». Or c’est ce que nous avons fait en Europe depuis Rome et jusqu’à Nice. Et on nous demande aujourd’hui de cautionner par un vote populaire, ces traités sous forme de constitution…


Je lisais ces jours-ci le numéro de mai du magazine Manière de Voir consacré à l’écologie. Le constat scientifique est alarmant. L’étude des origines du problème et des freins à leurs résolutions est accablante. Le protocole de Kyoto est présenté comme « si une voiture roule à 100 à l’heure vers un mur, nous venons de nous engager à réduire notre vitesse à 97km/h ». Les avancées que comporte la Constitution européenne, sont encore plus dérisoires que ça ! Nous devons changer de direction !


Tu as raison, cette constitution établit des règles supra-nationales, régit une Europe d’Etats-Nations, autorise un certain nombre de dérogations, et les Etats ont le moyen de se retirer de certains protocoles en cas de désaccord. Admettons. Néanmoins, si je reste dans ma voiture, face à mon mur, ce texte nous donne une voiture plus puissante avec des moyens de freiner l’accélération, à condition d’accepter que le but reste : « il faut aller plus vite »


dlm : Bon, si je comprends bien, tu veux une Constitution, toi. Un spécimen rare, je crois, puisque ce qui fait peur à tout le monde, élites et prosélytes du Oui y compris (sans parler du Non!), c'est le caractère unificateur du texte. Je ne vois pas qui irait le négocier.
Sans compter qu'une Constitution stricte ne règlerait pas le problème de synthétisation des traités et, moins souple, ne pourrait garantir les mêmes avancées que ce texte.


Je ne crois pas que ce qui fasse peur soit le caractère constitutionnel du texte. Ce qui fait peur, c’est la ratification constitutionnelle de traités économiques. La plupart des tenants du non de gauche sont des européens et même souvent des fédéralistes. Comme eux, je ne suis pas opposé à une constitution européenne, au contraire. En revanche, le caractère unificateur de CE texte, oui, c’est le problème. Faisons une constitution européenne, ne comportant pas de politique. Mais sommes-nous finalement assez européens pour cela ? Je suis prêt, pour ma part, à laisser un Parlement européen prévaloir sur le Parlement français, et un pouvoir exécutif européen fort. A condition que ce régime soit démocratique, et qu’il soit politiquement neutre pour servir de cadre à n’importe quel politique, libérale ou pas. Ce texte nous condamne au libéralisme pour 50 ans sans garanties démocratiques pour le contrôler. Une « vraie » constitution ne réglera pas le problème de synthétisation des traités mais elle donnerait au peuple le moyen de mettre aux responsabilités ceux qu’il souhaite voir régler ce problème. Bref, la démocratie. Mais, je répète, les partisans du Oui sont-ils assez européens pour cela ?


Tom disait : *** il n’a même pas la codécision, il est simplement consultatif (1). ***

dlm disait : Un bon tiens vaut peut-être mieux que deux tu l'auras, non ?

Tom : - Qui vole un œuf, vole un bœuf

dlm : Je voulais juste gagner du temps pour exprimer concisément ma pensée, pas pour me référer à un adage. Je voulais dire que c'est toujours ça de gagné, la place accrue du Parlement, et qu'en renvoyant le texte pour longtemps dans les limbes, on n'est pas du tout sûr pour autant d'avoir mieux - on est même assez certain d'obtenir le contraire, pour toutes les raisons évoquées précédemment.


Oui, j’ai bien compris ce que tu voulais dire par cet adage. Je voulais dire, moi, qu’en volant au Parlement son pouvoir législatif, on perd le rempart contre la tyrannie. Les petites avancées données au Parlement ne sont pas suffisantes dans le cadre d’une Europe souveraine. Non pas pour son fonctionnement demain, en l’état, mais parce que, personne ne sachant de quoi demain sera fait, il est du devoir des institutions de nous protéger contre des dérives anti démocratiques. C’est ce qu’on bien compris les américains, pour qui la séparation des pouvoirs et l’équilibre des contre-pouvoirs sont sacrés


Tom dressait le constat : *** L’Afrique est mourante, l’Amérique latine exsangue, le climat bouleversé, l’écosystème en cycle d’autodestruction,… et nous cherchons encore plus de croissance, encore plus de richesse, encore plus de consommation. ***

dlm objectait : Tu mélanges tout de même deux problèmes, à savoir la production des richesses et sa répartition. Oui, il faut produire (donc des consommateurs, du marché et blablablabla). Mais on ne peut plus organiser la production comme cela. D'accord avec toi pour constater l'impasse. Pas tout à fait d'accord pour ta représentation du problème, qui me semble très simplifié.

Tom : - Lis B. Maris et Stiglitz, tu verras que le raccourci entre l’état du tiers monde et celui de l’environnement, et la politique ultra libérale du FMI et de la Banque Mondiale, de l’OMC et des politiques industrielles des pays libéraux, n’est pas exagéré. Le lien est étonnamment direct !

dlm : Mais ça, c'est lié, c'est ce que je dis ! C'est le problème de la répartition. Ce n'est pas exactement la même chose que la recherche de la production des richesses. Dans ta première phrase ("L'Afrique..."), tu mêles certaines choses indépendantes. Dans ta seconde description ("Lis..."), là, tu ne traites que de la seconde partie, et c'est en effet cohérent.

Ainsi tu sépares « production » et « répartition », la production étant bonne, la « répartition » l’endroit où le bât blesse. Je pense malheureusement que nous sommes bien au-delà de cette vision du problème. Le système capitaliste, basé sur la croissance et la concurrence se nourrit des inégalités, il ne survivrai pas à une plus juste répartition, et il luttera contre, puisqu’il en est à l’origine. C’est dans notre recherche de production (nous devons produire pour préserver notre économie et notre équilibre social, donc nous créons sans cesse de nouveaux besoins et de nouveaux marchés ) que nous avons accentué les inégalités Nord/Sud, parce que pour produire plus et être concurrentiel, nous imposons à des pays pauvres des monocultures qui entraînent des endettements quand le marché est saturé, qui détruit les économies locales, qui est directement responsables des bidonvilles, de la misère sanitaire et humaine … De plus, nous, Nord, sommes, vis à vis du Sud, ultra protectionnistes, alors que nous leur demandons d’être complètement ouverts à nos capitaux et à nos importations et exportations, au nom du capitalisme, ce qui accentue leur vulnérabilité.
Pendant ce temps chez nous, la création ininterrompue de nouveaux besoins, pour de nouveaux marchés, crée aussi son lot de misère sociale, de dégâts sanitaires, de dégâts écologiques irréversibles. La recherche de production et la mauvaise répartition de ces mêmes richesses ne sont pas de questions indépendantes, au contraire, elles sont liées comme la cause à l’effet.

Le problème ne se limite pas à la mauvaise répartition des richesses. Le problème c’est que notre système inefficace et irresponsable est dominant.


Tom : Relis la constitution à cette lumière, c’est effrayant !

dlm : J'ai beau chercher, je ne trouve pas. Il faudrait fournir des exemples précis.
Mais oui, nous sommes globalement sur la pente que tu décris. Le TECE n'y change rien, ce sont les politiques qui sont à mener.


Le TECE n’y change rien, et surtout, ne permet plus d’y changer quoi que ce soit de décisif. C’est bien ce que je lui repproche..

Tom disait : *** et en plus, nous abdiquons notre souveraineté populaire pour changer de route en cours, ***

dlm disait : Ca c'est faux, tu le dis toi-même : le Parlement a plus de pouvoir, et il y a le référendum d'initiative populaire. Ce n'est pas beaucoup, mais il serait faux de dire que c'est pire, tout de même !

Tom : - C’est pire parce que ça s’appelle « Constitution »

dlm : Ben ça n'est pas une Constitution, justement.
Et je croyais que tu en voulais une? En plus, il faut qu'elle soit exactement à ton goût? Eh bien, on n'est pas sortis de l'auberge, dans ce cas, si tout le monde fait comme toi...



Non mais dis donc, tu es un peu gonflé quand même ! Soyons sérieux, je n’aime pas ce texte en tant que traité, parce que je suis intimement persuadé que ce système économique est une catastrophe. On donne un petit peu plus de pouvoir au parlement, une charte de droits non contraignante, mais on garde la même politique libérale, les mêmes objectifs de croissance, de concurrence, etc. Et on me dit que maintenant c’est une constitution, qu’on la gardera au moins 50 ans (alors que les traités sont renégociés tous les 3-5 ans, environ). Et on me dit « c’est mieux ». Mais non ce n’est pas mieux ! Au moins avec le système des traités, je pouvais espérer de plus nombreuses avancées en 50 ans ! Alors tu me dis – tu as le culot de me dire- « je croyais que tu voulais une constitution » !!!
Oui, je veux une constitution, pas un texte qui m’emprisonne dans une politique économique suicidaire pour 50 ans ! C’est aussi simple que ça !


dlm : J'avoue que je ne vois pas trop où est le grief que tu fais à ce traité. Il a pour but de s'appliquer, donc il s'inscrit dans le fonctionnement réel du monde. Encore une fois, si le TECE disait l'inverse, l'Europe serait absolument incapable de l'appliquer.


Mon grief est justement que ce texte nous maintienne dans ce fonctionnement réel du monde, que je refuse de croire inéluctable, que je ne veux pas cautionner par mon vote.

Quant au droit de pétition, il est l’illustration de ce maintien et de son caractère inéluctable. Si l’objet de la pétition n’est pas conforme à la constitution, c’est-à-dire à la politique libérale, elle est irrecevable.

Bon, notre désaccord le plus profond, je crois, est sur l’enjeu de ce referendum. Aura-t-il un effet sur la direction globale que nous voulons donner à l’Europe. En lui-même, peut-être pas. Cela dépendra des motivations de chacun dans son vote, et surtout, du positionnement de chacun par la suite. Une victoire du Non, ne changera rien en Europe le 30 mai, j’en suis conscient. Au mieux, elle permettra au débat de continuer, elle donnera plus de poids aux anti-libéraux dans leur discours. En revanche, je mets ma main à couper qu’en cas de victoire du oui, la discussion sera terminer, avant la prochaine crise majeure, et que tous les tenants d’un arrêt de la politique libérale à l’échelle nationale, européenne et mondiale seront muselé d’un « le TECE a été approuvé , le peuple a décidé ». Je souhaite bien du plaisir à ceux qui veulent lutter contre les effets du libéralisme dans le cadre de cette Constitution.

Là-dessus, il faut aller voter !

9. Le lundi 6 juin 2005 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Tom !

Désolé pour le délai de publication, j'ai oublié de permettre les commentaires par défaut !
(j'en avais d'ailleurs posté un, non publié aussi, juste avant ton dernier message, tu peux le voir)


Tom : Toutefois il me semble que tes dernières réponses soulèvent finalement quelques questions récurrentes, qui tiennent plus à un angle de vue différent qu’à un vrai désaccord.

Je crois en effet que nous ne sommes pas si opposés que cela.


Tom : Je vais où ? Si je le savais, je dormirais mieux ! Comme je le disais, le Non n’entraîne rien de nouveau, le non ne changera rien. La seule vertu du non est de refuser au système libéral européen la légitimité populaire. Cette constitution est le statu quo. Elle est le compromis.

Parfaitement d'accord sur ce raisonnement.


Tom : Or elle est faite pour durer au moins 50 ans –beaucoup plus longtemps que les précédents traités auxquels tu sembles l’assimiler.

Je ne crois pas, en fait, à cette durée.


Tom : Dans ce cas, je ne peux pas accepter ce compromis. Et je vais même plus loin aujourd’hui. Si ce texte est effectivement le meilleur compromis possible entre les différentes volontés populaires de l’Europe, alors je pense que le rêve européen a vécu.

Je ne pense pas que l'Europe puisse être plus française que ça, en tout cas. ;-)
Meilleure, en revanche, je ne dis pas...


Tom : Je ne me lancerai pas ici dans un historique ou une définition détaillée du libéralisme. Mais en gros, le libéralisme, le libre-échangisme, l’économie de marché (sociale ou pas !), le capitalisme, tous ces termes qui renvoient à des aspects différents de notre réalité politique et économique sont issus de l’apparition de la valeur « liberté » à la fin du XVIIIe siècle. Or la notion de liberté est délicate à définir. Elle est soit répartie en secteurs : liberté de presse, liberté de religion, liberté des individus, liberté de la concurrence, etc…, soit définie, comme dans la déclaration des droits de l’homme, par la formule « la liberté de chacun s’arrête là où commence celle de l’autre ». Qu’est-ce que le libéralisme ? La liberté de chacun de produire, d’acheter, de vendre. Qu’est-ce que le libre-échangisme ? Le fait que l’Etat n’empiète plus sur la liberté de chacun de produire, d’acheter et de vendre. Qu’est ce que l’économie de marché ? Un système qui croit qu’en laissant les gens produire acheter et vendre librement, on trouvera un équilibre grâce au marché et à ses lois. Bref, notre système économique prétend être la conséquence logique , et donc inattaquable de la liberté !

En effet. D'une certaine façon, comme tu le montres, il l'est. Il est très réconfortant de voir que tu considères le libéralisme comme un tout, comme un logique - à accepter ou combattre -, c'est rare !


Tom : Or, de la même façon qu’on doit expliquer à un enfant qu’il n’est pas libre de faire tout ce qu’il veut, qu’il n’est pas libre s’il ne respecte pas la liberté des autres, il faut que les libéraux comprennent aujourd’hui que notre liberté de produire d’acheter et de vendre s’arrête quand elle prive d’autres pays de cette liberté. Cette liberté s’arrête quand elle détruit notre planète de manière exponentielle. Cette liberté s’arrête quand elle affame et décime des continents entiers, cette liberté s’arrête quand elle exploite ceux-là mêmes qui produisent ces richesses.

Bon, eh bien, je suis parfaitement d'accord aussi.


Tom : Nous ne pouvons plus aujourd’hui laisser notre destin entre les mains du marché, car nous savons maintenant qu’il n’est pas « équilibrant » qu’il n’est pas « bénéfique ».

Il est plus productif, c'est tout. Ensuite, il faut équilibrer les gains !


Tom : Or c’est ce que nous avons fait en Europe depuis Rome et jusqu’à Nice. Et on nous demande aujourd’hui de cautionner par un vote populaire, ces traités sous forme de constitution…

Je comprends bien que tu as de bonnes raisons pour voter Non (je crois que tu es le seul que j'aie rencontré dans ce cas). Je pense néanmoins qu'elles ne sont pas très réalistes, même si, d'une certaine manière, j'approuve ton engagement.


Tom : Je lisais ces jours-ci le numéro de mai du magazine Manière de Voir consacré à l’écologie. Le constat scientifique est alarmant. L’étude des origines du problème et des freins à leurs résolutions est accablante. Le protocole de Kyoto est présenté comme « si une voiture roule à 100 à l’heure vers un mur, nous venons de nous engager à réduire notre vitesse à 97km/h ».

Vi, il y a de ça.


Tom : Les avancées que comporte la Constitution européenne, sont encore plus dérisoires que ça ! Nous devons changer de direction !

Une ""Constitution"" n'est pas non plus un matériel de lutte écologique.


Tom : Tu as raison, cette constitution établit des règles supra-nationales, régit une Europe d’Etats-Nations, autorise un certain nombre de dérogations, et les Etats ont le moyen de se retirer de certains protocoles en cas de désaccord. Admettons. Néanmoins, si je reste dans ma voiture, face à mon mur, ce texte nous donne une voiture plus puissante avec des moyens de freiner l’accélération, à condition d’accepter que le but reste : « il faut aller plus vite »

Il y a de ça en effet. :-)


Tom : Je ne crois pas que ce qui fasse peur soit le caractère constitutionnel du texte. Ce qui fait peur, c’est la ratification constitutionnelle de traités économiques.

Pas seulement : à droite, c'est la ""Constitution"" tout court qui fait peur.


Tom : La plupart des tenants du non de gauche sont des européens et même souvent des fédéralistes.

Tout dépend ce que tu appelles la gauche. La gauche parlementaire centrale (PRG, PS, Verts), oui.


Tom : Comme eux, je ne suis pas opposé à une constitution européenne, au contraire. En revanche, le caractère unificateur de CE texte, oui, c’est le problème. Faisons une constitution européenne, ne comportant pas de politique. Mais sommes-nous finalement assez européens pour cela ?

Non. :-)


Tom : Je suis prêt, pour ma part, à laisser un Parlement européen prévaloir sur le Parlement français, et un pouvoir exécutif européen fort. A condition que ce régime soit démocratique, et qu’il soit politiquement neutre pour servir de cadre à n’importe quel politique, libérale ou pas.

D'accord aussi.


Tom : Ce texte nous condamne au libéralisme pour 50 ans sans garanties démocratiques pour le contrôler.

Oui pour la "condamnation", non pour l'absence de garanties démocratiques. Pas moins qu'en France, en tout cas. (c'est-à-dire qu'on n'a pas beaucoup de prise, mais qu'on ne peut guère espérer mieux)


Tom : Une « vraie » constitution ne réglera pas le problème de synthétisation des traités mais elle donnerait au peuple le moyen de mettre aux responsabilités ceux qu’il souhaite voir régler ce problème. Bref, la démocratie. Mais, je répète, les partisans du Oui sont-ils assez européens pour cela ?

Pas beaucoup plus que les tenants du Non, hélas.


Tom : Oui, j’ai bien compris ce que tu voulais dire par cet adage. Je voulais dire, moi, qu’en volant au Parlement son pouvoir législatif, on perd le rempart contre la tyrannie. Les petites avancées données au Parlement ne sont pas suffisantes dans le cadre d’une Europe souveraine. Non pas pour son fonctionnement demain, en l’état, mais parce que, personne ne sachant de quoi demain sera fait, il est du devoir des institutions de nous protéger contre des dérives anti démocratiques. C’est ce qu’on bien compris les américains, pour qui la séparation des pouvoirs et l’équilibre des contre-pouvoirs sont sacrés

Je ne suis pas convaincu que le texte soit à ce point faible, mais bon, je ne vais pas me battre pour faire croire qu'il est fort non plus.


Tom : Ainsi tu sépares « production » et « répartition », la production étant bonne, la « répartition » l’endroit où le bât blesse. Je pense malheureusement que nous sommes bien au-delà de cette vision du problème. Le système capitaliste, basé sur la croissance et la concurrence se nourrit des inégalités, il ne survivrai pas à une plus juste répartition, et il luttera contre, puisqu’il en est à l’origine.

Il faut savoir, alors, si nous sommes des êtres pensants ou les esclaves de systèmes qui nous échappent. La seconde proposition s'avère souvent, mais n'était-ce pas toi qui parlais d'utopie ?
Il suffit de réglementer le cadre. Pour cela, il faut démarrer des aménagements qui ne soient pas seulement mondiaux, afin d'éviter le dilemme du prisonnier. Qui aura le courage ? (J.Chirac, bien sûr !)


Tom : C’est dans notre recherche de production (nous devons produire pour préserver notre économie et notre équilibre social, donc nous créons sans cesse de nouveaux besoins et de nouveaux marchés ) que nous avons accentué les inégalités Nord/Sud, parce que pour produire plus et être concurrentiel, nous imposons à des pays pauvres des monocultures qui entraînent des endettements quand le marché est saturé, qui détruit les économies locales, qui est directement responsables des bidonvilles, de la misère sanitaire et humaine … De plus, nous, Nord, sommes, vis à vis du Sud, ultra protectionnistes, alors que nous leur demandons d’être complètement ouverts à nos capitaux et à nos importations et exportations, au nom du capitalisme, ce qui accentue leur vulnérabilité.

Tout à fait. Mais :

1) Nous ne sommes donc que partiellement libéraux, puisque nous intervenons sur les pays du Sud et à leur détriment. Ce n'est donc pas la faute du libéralisme, mais du libéralisme tel qu'il est pratiqué, qui est ici en cause.

2) Je ne crois pas que cet engrenage soit inéluctable. Les positions juridiques ne sont pas immanquablement soumises aux intérêts. Il faut pour cela une volonté politique, mais cela me semble plus réalisable que ce que tu évoques.


Tom : Pendant ce temps chez nous, la création ininterrompue de nouveaux besoins, pour de nouveaux marchés, crée aussi son lot de misère sociale, de dégâts sanitaires, de dégâts écologiques irréversibles. La recherche de production et la mauvaise répartition de ces mêmes richesses ne sont pas de questions indépendantes, au contraire, elles sont liées comme la cause à l’effet.

Le problème ne se limite pas à la mauvaise répartition des richesses. Le problème c’est que notre système inefficace et irresponsable est dominant.


Oui. Mais cela n'est pas intrinsèquement lié au libéralisme. Tout cela est lié à la configuration présente, pas au système lui-même.


Tom : Le TECE n’y change rien, et surtout, ne permet plus d’y changer quoi que ce soit de décisif. C’est bien ce que je lui repproche..

Mais nous ne lisons pas le décisif au même endroit. Ce à quoi je pense (un aménagement du libéralisme) est réalisable avec le TECE.


Tom disait : *** et en plus, nous abdiquons notre souveraineté populaire pour changer de route en cours, ***

dlm disait : Ca c'est faux, tu le dis toi-même : le Parlement a plus de pouvoir, et il y a le référendum d'initiative populaire. Ce n'est pas beaucoup, mais il serait faux de dire que c'est pire, tout de même !

Tom : - C’est pire parce que ça s’appelle « Constitution »

dlm : Ben ça n'est pas une Constitution, justement.
Et je croyais que tu en voulais une? En plus, il faut qu'elle soit exactement à ton goût? Eh bien, on n'est pas sortis de l'auberge, dans ce cas, si tout le monde fait comme toi...

Tom : Non mais dis donc, tu es un peu gonflé quand même ! Soyons sérieux, je n’aime pas ce texte en tant que traité, parce que je suis intimement persuadé que ce système économique est une catastrophe. On donne un petit peu plus de pouvoir au parlement, une charte de droits non contraignante, mais on garde la même politique libérale, les mêmes objectifs de croissance, de concurrence, etc. Et on me dit que maintenant c’est une constitution, qu’on la gardera au moins 50 ans (alors que les traités sont renégociés tous les 3-5 ans, environ).

Ce qu'on te dit, c'est du blabla - et stupide, puisque ce blabla avait pour but de faire voter Oui, alors qu'un demi-siècle, ça fait toujours peur. Honnêtement, si j'avais cru un seul instant qu'on en resterait là pendant cinquante ans, j'aurais voté Non. :-)


Tom : Et on me dit « c’est mieux ». Mais non ce n’est pas mieux ! Au moins avec le système des traités, je pouvais espérer de plus nombreuses avancées en 50 ans !

Si le TECE dure quinze ans, c'est le bout du monde. Et comme il nous faudra dix ans pour avoir un traité moins bon, en cas de Non, c'est kif-kif - à part les dix ans de galère.


Tom : Alors tu me dis – tu as le culot de me dire- « je croyais que tu voulais une constitution » !!!

Je disais juste que non seulement tu voulais une Constitution, mais qu'en plus tu la voulais sur mesure. Avec ça, le consensus est loin, très loin... A vingt-huit, c'est encore plus difficile que tout seul. D'où la relative médiocrité (ou du moins la timidité) du TECE.


Tom : Oui, je veux une constitution, pas un texte qui m’emprisonne dans une politique économique suicidaire pour 50 ans ! C’est aussi simple que ça !

Tu fais trop confiance aux partisans du Oui, fais attention ; il ne disent pas que des choses vraies. Les cinquante ans, perssonne n'en sait rien, c'est du grandiose pipeau.


dlm : J'avoue que je ne vois pas trop où est le grief que tu fais à ce traité. Il a pour but de s'appliquer, donc il s'inscrit dans le fonctionnement réel du monde. Encore une fois, si le TECE disait l'inverse, l'Europe serait absolument incapable de l'appliquer.

Tom : Mon grief est justement que ce texte nous maintienne dans ce fonctionnement réel du monde, que je refuse de croire inéluctable, que je ne veux pas cautionner par mon vote.

Hm, hm. Et tu vas où ? On ne peut pas dire "je veux autre chose" sans avoir la moindre idée de ce que l'on souhaite, non ?
Quel système ?


Tom : Quant au droit de pétition, il est l’illustration de ce maintien et de son caractère inéluctable. Si l’objet de la pétition n’est pas conforme à la constitution, c’est-à-dire à la politique libérale, elle est irrecevable.

Sauf si la pétition réclame la révision du traité.


Tom : Bon, notre désaccord le plus profond, je crois, est sur l’enjeu de ce referendum. Aura-t-il un effet sur la direction globale que nous voulons donner à l’Europe. En lui-même, peut-être pas. Cela dépendra des motivations de chacun dans son vote, et surtout, du positionnement de chacun par la suite. Une victoire du Non, ne changera rien en Europe le 30 mai, j’en suis conscient. Au mieux, elle permettra au débat de continuer, elle donnera plus de poids aux anti-libéraux dans leur discours. En revanche, je mets ma main à couper qu’en cas de victoire du oui, la discussion sera terminer, avant la prochaine crise majeure, et que tous les tenants d’un arrêt de la politique libérale à l’échelle nationale, européenne et mondiale seront muselé d’un « le TECE a été approuvé , le peuple a décidé ».

C'est un risque réel. Mais je crois que le peuple ne sera pas plus écouté pour un Non. C'est pour cela que je préfère donner la chance d'une petite amélioration, pour aller plus vite vers de nouvelles améliorations, plus vite que si je renvoie à la négociation : il faudra satisfaire tout le monde, le texte sera donc (encore!) moins ambitieux.


Tom : Je souhaite bien du plaisir à ceux qui veulent lutter contre les effets du libéralisme dans le cadre de cette Constitution.

Tout dépend de quels effets.


Tom : Là-dessus, il faut aller voter !

Oui. Et surtout : bien voter.

David - normatifnonprescriptif

10. Le lundi 6 juin 2005 à , par DavidLeMarrec

Re-bonjour, Tom !

Publication des résultats et premières réactions.

Bon, j'ai bien l'impression d'un Non de précaution, d'un Non de confort : surtout ne toucher à rien. Mais je suis effaré par deux points :

1) Les commentaires déments qui disent qu'il était interdit de voter Non (qu'est-ce qu'un référendum, alors?).
2) Les priorités des Français (politique intérieure!) et les plus convaincants des hommes politiques (les plus indigents dans leur discours : Sarkozy et Buffet). Ca fait peur de voir à quel point le simplisme démagogique et le mensonge alla Attac est efficace.


Il faut dire qu'avant de tomber d'accord à vingt-cinq, et de faire voter sur une si longue durée, donc selon l'esprit des nations esseulées et du temps, c'était assez couru d'avance.


Alors maintenant que c'est entériné, point de pleurs, j'attends que tu nous sortes de là. Je suis prêt à réfléchir moi aussi, nous sommes tous concernés.


David - aufond,lesNéerlandaismeconsolent

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David Le Marrec

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