Les Pêcheurs de perles et son livret
Par DavidLeMarrec, vendredi 29 avril 2005 à :: Livrets - Opéra romantique français et Grand Opéra :: #7 :: rss
Initialement proposé sur un autre support.
On lit souvent et régulièrement, avec une fréquente récurrence répétée, que les Pêcheurs de Perles sont un opéra charmant, avec un livret hélas indigent. J'ai longtemps entendu cela et, comme un malheur n'arrive jamais seul, je me suis mis à réfléchir.
D'une part, je ne pense pas que la musique de cet opéra soit seulement charmante. Par exemple, j'ai été étonné, venant d'admirateurs de Bellini, Verdi et Gounod, de lire qu'il y avait des "facilités rythmiques" dans la partition, le pendant de jolies mélodies. J'ai eu beau écouter (trois fois dans une journée) l'opéra, je ne trouve rien de particulièrement criant.
<mon oreille mise à nu> A titre personnel, ce qui fait la qualité de l'opéra, ce sont souvent ses récitatifs. Rien d'étonnant alors à ce que je trouve que Thora på Rimol (de Borgstrøm), L'Heure espagnole ou Die Gezeichneten soient des oeuvres majeures, idéales même, ou à ce que je n'écoute que la version Guiraud de Carmen. </mon oreille mise à nu> Dans ce cadre-là , Les Pêcheurs de perles constitue aussi une éclatante réussite. Le texte y est servi d'une manière royale, à défaut d'être, il est vrai, fortement porteuse de sens.
D'autre part, et c'est là -dessus que je souhaiterais insister, on aime volontiers répéter que le livret en est faiblard. Eh bien moi, je suis assez convaincu du contraire.
Il faut bien se mettre dans l'idée, je crois, que l'opéra n'est pas toujours le lieu de la création littéraire réussie - et l'est plutôt rarement, d'ailleurs. Autant on peut évaluer le degré de ressemblance, de fidélité, ou d'efficacité (même détournée) entre une oeuvre littéraire et le livret qui en est issu, autant, pour une oeuvre comme Les Pêcheurs de perles, il faut se pencher sur la seule utilité du livret à la cause musicale. A ce titre, est-il besoin de rappeler que Hugo le récalcitrant (colère contre les adaptations, tentative d'interdiction d'Ernani*), en fournissant à Mlle Bertin son livret, sans doute pour complaire à un père bien utile, a pris toutes les précautions utiles pour écarter son livret de la sphère littéraire, comme un sous-genre soumis à la musique, en nulle manière reflet de son travail d'écrivain. Alors qu'on aurait pu imaginer que, tout en prenant ses précautions, il puisse aiguiller le lecteur vers l'original.
Bref, revenons-en à nos moutons. A défaut d'être susceptible de conquérir à la seule lecture, le texte des Pêcheurs de perles réunit plusieurs qualités essentielles, à commencer par un équilibre remarquable des scènes. Vous aurez remarqué que, contrairement à la majorité des opéras, il n'y a pas de tunnels, et cela, tout simplement à cause de ses proportions. L'opéra s'organise en scènes courtes, de longeur sensiblement égales, scandées par des ensembles courts mais nombreux, et essentiellement contruites à partir de dialogues dont la longueur moyenne de répliques frise la stichomythie systématique. Alors, évidemment, le drame fonctionne, avance sans cesse, qu'il se passe quelque chose ou non. Et comme les répliques sont toujours porteuses d'une évolution de la position du personnage, en plus, il se passe forcément quelque chose. Pour les amoureux de l'émotion, il reste la Romance et la Cavatine, très courtes, fugaces saveurs, aussi évanescentes que le rêve qui les suscite, et bien plus efficaces qu'un long monologue constellé de banalités.
En outre, le contenu de l'histoire n'est pas si niais qu'on aime à le répéter (c'est un peu le cas, un peu moindre, du Trouvère : pas un chef-d'oeuvre littéraire, mais un support hautement intéressant et interprétable). La question atypique du pacte contre l'amour fait trembler sur ses bases l'agencement traditionnel du désir amoureux et des rivalités destructrices qui en découlent. Tout y est question de dissimulation et de dévoilement, de postures, et plus de rivalités frontales répétées. Ce qui est encore plus original, dans ce contexte, c'est que Nadir n'est pas à proprement parler traversé de remords, ce qui rend le topos final du "turc généreux" (Zurga en fait office) moins prévisible, car moins mérité. Surtout, l'issue intervient après que le couple soprane-ténor s'est déclaré satisfait, ce qui ne laisse pas présager de leur délivrance, qui n'est plus utile dramatiquement parlant.
Au total, le déséquilibre joue sa place entre les attentes des différents personnages, qui interprètent presque tous celles des autres de façon erronnée. Ainsi Zurga ne saura jamais qu'il a bien été trahi, et le ténor triomphe bien timidement. Tout cela, en décalage avec les horizons habituels du livret d'opéra, permet de ménager les surprises du livret, et aussi d'enrichir un peu l'intérêt que l'on peut porter à ces psychologies qui restent bien rudimentaires (surtout la pauvre soprane. Mais je crois que vous l'aurez compris, mon coup de coeur est pour cette organisation en séquences courtes et régulières, qui s'empilent avec bonheur, et favorisent, malgré romances, scènes de foule et petit nombre d'actions, un déroulement très allant de l'histoire. Avec au total un avantage certain pour poser la musique ! Carré est coutumier du fait : dans le monologue d'Ourrias, il sert sur un plateau au compositeur de Mireille le formidable récitatif Ils s'éloignent, grâce à un texte aux proportions idéales, sur des vers aux césures aisées.
Voilà , c'était Le Petit David Animé en direct de Librettoland.
David – Pairle,PardonnezAuPécheur!
Commentaires
1. Le dimanche 17 mai 2009 à , par Pois de senteur
2. Le dimanche 17 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le dimanche 17 mai 2009 à , par Pois de senteur
4. Le dimanche 17 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le lundi 18 mai 2009 à , par Sylvain
6. Le lundi 18 mai 2009 à , par Sylvain
7. Le lundi 18 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
8. Le lundi 18 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
Ajouter un commentaire