Carnets sur sol

Cette oeuvre, jamais parue au disque, représente à mes yeux l'une des plus grandes réussites de la forme opéra. Tout simplement à cause de sa densité permanente, sans une once de matière grasse.

La seule représentation contemporaine est à ma connaissance celle menée par Pierre Fournillier, le 13 novembre 1994, à l'Opéra de Saint-Etienne, haut lieu de l'opéra français. Avec Jean-Philippe Courtis dans le rôle de Pantagruel et Philippe Huttenlocher en Panurge. Une version au français parfait.

La plume de Massenet, toujours aussi protéiforme, s'amuse ici à imiter délicieusement des formes archaïsantes, vaguement baroques, dans des saynètes qui s'enchaînent à un rythme endiablé. Je n'ai jamais connu cela à un tel degré dans un opéra, à tel point tout s'y déroule aussi clairement que promptement.
La malice y est omniprésente, et nous avons droit à un pastiche d'air du genre Micaëla ou Ophélie, mais pour mezzo matrone. Nous retrouvons aussi des traits propres à Crobyle et Myrtale.
Point très précieux, le langage fleuri de Rabelais est conservé par petites touches, si bien qu'il colore le texte, de façon toutefois intelligible. Cette oeuvre est un petit bijou de bonne humeur et d'élan dramatique.

A mon sens, aucun compositeur n'a jamais fait mieux en termes d'urgence. Si on ajoute à cela un livret parfaitement divertissant, une musique farcie de clins d'oeil, aussi surprenante que charmante, on prend les conclusions qui s'imposent.

David - vendu!