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Le SIGURD de Reyer (1884) - III - Sigurd et les coupures (a)

A l'étude de la partition, sans les coupures, on peut ajouter pas mal de choses aux points que j'avançais dans mon premier billet sur Sigurd.


Je suis furibond, je fulmine, j'écume.

Je viens de jouer le Quatrième acte conclusif de Sigurd. Et je voudrais savoir quel est le goret qui a établi le matériel d'orchestre de Rosenthal, manifestement repris lors des représentations à Montpellier !

Coupures dans l'acte IV :
- choeur dialogué des servantes, magnifiques, mais tant qu'à faire des coupures, ça se tient.
- les DEUX TIERS de l'air de Brunehild ! Un air indispensable pour la psychologie, où elle associe son amour impossible à la punition infligée par Odin, auquel elle adresse une émouvante prière. Elle explique aussi pourquoi elle a été bannie des cieux : elle a protégé quitté le Walhalla pour protéger Sigurd assailli dans un combat - c'est donc peut-être elle qui a sauvé Hilda, paradoxalement, puisque dans la part coupé du grand récit d'Hilda au I, elle révèle que Sigurd semblait invincible dans le combat, ses adversaires tombant "comme des épis". Tout prend une cohérence, le personnage s'épaissit : Sigurd n'est PAS une lubie de sa part.
- à la suite du duo Brunehild-Hilda, déjà coupé dans l'un de ses dialogues centraux, il manque un dialogue entier, important pour la compréhension par Brunehild de la supercherie, et pour le ressentiment d'Hilda. En tout, il manque pas loin de la moitié du duo.

Pendant tout ce temps, les leitmotivs ressurgissent, génialement colorés harmoniquement, désarticulés et réarticulés, modulant leur sens (qu'est-ce que ça module, Reyer, un délice !). Et nous avons divers motifs qui rappellent la source proche, variés et d'une poésie infinie. Tout cela est donc à moitié mutilé.

On continue :
- je vous passe toutes les coupures plus ou moins grosses destinées à faire coller le sens aux coupures les plus importantes, ces petites coupures-là, bien qu'on les déplore, sont faites intelligemment et sont indécelables à l'audition (notamment les répétitions supprimées des différents choeurs des chasseurs au cours de l'acte)
- il existe un SECOND DUO Brunehild-Hilda, indispensable à la compréhension de ce qui se passe. Brunehild supplie Hilda de venir en aide à Sigurd, et celle-ci n'accepte de le sauver que si Brunehild renonce à lui. Brunehild, dans la prostration, réclamant son rocher (!), accepte. Mais Sigurd est déjà mort lorsque le marché est conclu. Toute cette scène crée une attente, une épaisseur à la mort de Sigurd. Il est invraisemblable qu'on puisse supprimer quelque chose de si fondamental pour les personnages... et la musique ! D'autant plus qu'apparaît un motif, lié à sa volonté de retrait, qui sera repris lorsque Brunehild meurt (habilement coupé au disque).
- coupure sotte du choeur (énoncé deux fois) qui annonce la mort de Sigurd par un traître.


Autant dire que la fin prend une toute autre ampleur, tout particulièrement la mort de Sigurd, très dense dans les versions coupées, et pour cause. Les deux tiers du plus bel air de la partition, et le second duo, pendant du premier plus tôt dans l'acte (déjà terriblement charcuté), purement et simplement supprimés, et toutes leurs allusions nettoyées !

Je n'ose vérifier ce qu'il en est pour la scène du combat pour la walkyrie, que j'ai toujours trouvée étrangement bâtie et étonnamment courte.

C'est un véritable scandale ! S'il fallait vraiment couper, ils n'avaient qu'à le faire dans l'ouverture, dans certains endroits festifs du premier acte, dans le deuxième acte avec l'air du Grand Prêtre qui n'est pas significatif et qui est moins important dramatiquement. Mais couper cet air, le plus beau de toute la partition, surtout considérant que Reyer est peu prodigue en airs "fermés", toujours amplement sous forme de récitatifs et ponctués de choeurs. [Voir à ce propos le premier air de Salammbô, coupé par un choeur de prêtresses, par les mercenaires, et elle-même s'unissant au premier choeur, le tout débouchant directement (comme Nessun Dorma, si vous voulez) sur la suite de l'action.] On aurait tout de même pu se débrouiller pour le conserver ! La prière à Odin, tout de même !

On croit rêver.

Du coup, je réclame, j'exige en urgence une production intégrale de Sigurd (avec Valérie Millot en Brunehild, obligé).

Boudiou, il y a des choix artistiques qui mériteraient vraiment la pendaison.


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