Le Sigurd de Reyer (1884) - IV - Sigurd et les coupures (b)
Par DavidLeMarrec, dimanche 26 février 2006 à :: Oeuvres - Sigurd d'Ernest Reyer :: #161 :: rss
D'après mon évaluation, doit manquer pas loin du tiers de la partition.
Les reprises sont régulièrement coupées (par exemple la seconde stance du Barde), les danses toujours, sans compter diverses sections plus ou moins arbitrairement omises. Effectivement, la lutte de Sigurd contre les Kobolds (II,2) est très charcutée.
C'est intolérable, surtout pour de la musique de ce tonneau-là.
A noter : les livrets aussi sont tous coupés en conséquence. Voir sur Karadar, entre autres. (Attention, les actes sont mélangés. La conquête de Brunehild est en II,2 et le duo Gunther Brunehild en III,1 ; l'acte IV est d'un seul tenant.)
Suite de la visite. L'acte III, scène I (la répartition la plus logique) omet
totalement les interventions d'Hilda et Uta venues espionner.
Elles sont pourtant très belles - plus que le duo Gunther/Brunehild, assez faible, qu'elles encadrent.
C'est dommageable pour le sens, parce qu'on a la un pressentiment de Hilda, qui sent la mort planer, qui hésite au seuil de son destin. Et, lorsqu'elle apprend ce qu'a fait Sigurd pour elle (risquer sa vie pour conquérir la vierge guerrière qu'il livre à son frère en échange de sa main), elle exulte, incapable d'écouter les craintes de sa mère. Ca explique largement pourquoi le personnage d'Hilda va suivre cette métamorphose : débordant de joie, elle se trouve comme une enfant devant son rêve réalisé, craignant à chaque instant de le perdre, jusqu'à la cruauté absolue et mortelle de l'acte IV, où elle vient défier Brunehild, puis où son marché l'empêche de sauver Sigurd. C'est assez important pour équilibrer sa psychologie. Encore une fois, les coupes sont bien faites, parce qu'en supprimant cette intervention et le duo final avec Brunehild, on conserve une certaine harmonie. C'est très dommage musicalement, cependant.
De même, la suppression de la prière à Odin au IV est une erreur, et pas seulement musicale. Elle permet de mettre en perspective la déception de Brunehild à son réveil, qui ne trouve pas son époux. Ayant quitté le ciel pour défendre Sigurd, elle peine à accepter de s'en séparer à cause de cet époux.
Le sort cruel qui mène l'intrigue est ainsi attribué à la volonté d'Odin, qui punit la petite en la plaçant en situation de femme, en la privant de celui qu'elle aime, en lui rabaissant l'orgueil (la plongeant dans l'adultère - cette composante est explicitement abordée dans la prière à Odin). Une fois l'expiation menée, elle peut mourir avec Sigurd et bénéficier d'une assomption commune. Avec ses deux grands airs, son duo central, son placement comme moteur de l'intrigue, Brunehild, malgré son absence à l'acte I et à la première scène du II, est le personnage principal de Sigurd, dans ces conditions. Sigurd est puni pour être la cause de la perte de Brunehild, pas plus.
Tous les engrenages que je décrivais dans mon premier post sont à lier à une causalité divine et non pas fortuitement dramatique. En filigrane s'inscrit la dureté des dieux et leur relative clémence suite au repentir (eh oui...) et à la prière de Brunehild au début du IV - tout se dénoue : elle apprend que Sigurd est son promis, elle a son grand duo avec lui, ils meurent ensemble et son réunis aux cieux.
Mon premier message de présentation serait à refaire, du coup... les enjeux dramaturgiques en sont modifiés !
Tous ces charcutages font aussi perdre de vue l'organisation formelle de l'oeuvre, qui semble très désordonnée à première vue, avec ces reprises et ces répliques incidentes qui sont omises ou non...
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