Die Enführung aus dem Serail - Minkowski, Aix 2004 (télédiffusion)
Par DavidLeMarrec, mercredi 12 juillet 2006 à :: Disques et représentations :: #301 :: rss
Plusieurs gros projets (et quelques grosses notes en préparation) ralentissent le rythme de publication ici même. Manière de ne pas délaisser ces pages trop longtemps désertées, j'enfreins ma ligne éditoriale habituelle qui préfère s'intéresser à des sujets autant que possible réutilisables, plutôt sur les oeuvres que sur les représentations.
Un compte-rendu de cette télédiffusion, à une heure ce matin, de l' Enlèvement au Sérail de Mozart à Aix-en-Provence (millésime 2004).
Europa Chor Akademie
Chef de chœur : Joshard Daus
Les Musiciens du Louvre
Direction musicale : Marc Minkowski
Mise en scène : Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff
Décors et costumes : Macha Makeïeff
Konstanze : Malin Hartelius
Blonde : Magali Léger
Belmonte : Matthias Klink
Pedrillo : Loïc Félix
Osmin : Wojtek Smilek
Selim Bassa : Shahrokh Moshkin-Ghalam
Figurants : Jean-Marc Bihour, Robert Horn-Wilson, Hervé Lassïnce, Patrice Thibaud, Luc Tremblais, Félix Deschamps
Personnellement, je n'aime guère l'Enlèvement, dont je trouve la musique globalement assez médiocre et le livret des plus indigents - cousu de fil blanc, mais sans la fraîcheur ironisante d'un opéra-comique. Pourtant, cette version m'a vraiment permis, pour une fois, d'être captivé. Alors même que la critique s'était montrée très loin d'être délirante.
La mise en scène de Jérôme Deschamps (ironie de le voir saluer aux côtés de son rival pour l'Opéra-Comique) et Macha Makeïef (dont les talents de chorégraphe font ici merveille) saisit à merveille ce qui peut être tiré de l'oeuvre, avec quelques excellentes trouvailles : figurants omniprésents dans ce qui est censé être un lieu de secret clos, matérialisation très utile du lieu de rétension des belles, dans une tour de Babel un peu ridicule. La direction d'acteurs est extrêmement fluide, et contrairement aux habitudes, ne se concentre pas sur les dialogues (extrêmement coupés !) mais sur les airs, les rendant beaucoup plus habités. Certes, elle ne vise pas à apporter de la signification sur les motivations des personnages, mais elle exalte bien ce côté opéra-comique, ces bons sentiments un peu niais, sans arrière-pensée.
Une fort belle réussite qui rend cette succession de numéros bien plus souple et digeste, là où la bande son de cette soirée n'aurait probablement pas suffi.
L'autre réussite, et non la moindre, est la direction de Marc Minkowski. Je n'ai jamais entendu cette musique ainsi ! Non seulement chaque pupitre est audible à tout instant, non seulement le sens de la danse est omniprésent, mais en outre la personnalité des couleurs et du ton apportent l'enthousiasme à la seule audition de l'orchestre - ce qui est tout de même une gageure dans une telle partition !
Ce type rendrait une intégrale Philip Glass vivable.
Pour les interprètes vocaux, c'est assez moyen. Surtout en termes de projection, l'impression qu'on devait très mal les entendre dans la salle, surtout derrière les harmoniques très riches des Musiciens du Louvre.
Malin Hartelius (Konstanze), malgré un Marten allen arten impersonnel, qu'on sent très prudent, réussit des ensembles lyriques de toute beauté. Largement enrichis, de toute évidence, par un rayonnement scénique (maintien aristocratique) qui laisse penser qu'une radiodiffusion serait nettement moins éloquente. Loïc Felix (Pedrillo), avec une voix très naturelle, force en permanence, mais si la prestation doit être épuisante pour lui, le résultat pour l'auditeur est personnel et tout à fait charmant. Inhabituellement, le rôle de Selim est très sollicité, et Shahrokh Moshkin-Ghalam en sort avec une force de conviction et une finesse des poses très inhabituelles.
L’allemand est globalement exotique dans les dialogues – ou malmené dans les airs pour les germanophones. Mais vu leur brièveté, ce n’est nullement rédhibitoire. Juste amusant. On devine instantanément que Loïc Félix est américain et Shahrokh Moshkin-Ghalam très 'sudiste', malgré leurs efforts tout à fait plaisants d’habiter leurs répliques.
Le reste est hélas bien moins convaincant. Magali Léger. Le rôle de Blonde n’est pas si difficile, et on regrette que ce grand potentiel soit peu exploité. Très mobile scéniquement, elle chante de façon assez savonnée, et sans aucune consonne. Lorsqu’on a entendu sa Proserpine tout à fait intelligible, on fronce méchamment le sourcil.
Matthias Klink (Belmonte) est assez épouvantable, comme en Tamino à Schwetzingen : voix contrainte, il chante souvent très bas, en attaquant systématiquement par en-dessous, en déformant la prononciation, sans caractériser nullement ce qu’il peut dire. La parodie du ténor seria mozartien d’il y a trente ans, en bien plus mauvais. On croyait à une carrière bien plus confidentielle. Ce qui gêne n’est pas tant la médiocrité du chant qu'une incarnation absolument dépourvue d’idées et de jeu, hélas.
Quant à Wojtek Smilek (Osmin), entendu dans le Barde de Sigurd (Montpellier 1993 ; sans grand relief, mais correct), il est sans doute plutôt baryton que basse profonde ! Outre que là non plus, on ne saisit rien en dehors de la routine, la voix est vraiment sans intérêt pour une basse. Il devrait tenter les barytons, il trouverait peut-être sa vraie voix.
Sur le plan vocal, ce n’est donc pas une splendeur, comme l’avait souligné avec bien de la cruauté la critique à l’époque.
Pour ma part, malgré ces faiblesses individuelles, l’ensemble, en particulier grâce au chef et à la mise en scène, fonctionne parfaitement, et on aurait tort de faire la fine bouche. Pour la première fois, j'ai pu me rassasier avec l’ Enlèvement – dont je persiste à ressentir comme criantes les faiblesses. Belle performance[1] donc !
Notes
[1] Et pas dans le sens de l'anglicisme !
Commentaires
1. Le jeudi 13 juillet 2006 à , par Sylvie Eusèbe
2. Le jeudi 13 juillet 2006 à , par DavidLeMarrec
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