Carnets sur sol

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mercredi 27 septembre 2006

Danger !

Attention, n'ouvrez surtout pas ce billet.

Suite de la notule.

lundi 25 septembre 2006

La revanche de la versification allemande (Lenau courbattu)

Suite à la conversation où Bajazet me faisait remarquer plusieurs faiblesses de la théorie à laquelle je faisais référence, je me suis penché plus avant sur la question.

Quelques rectifications importantes, donc.

1. Principe conservé

Il y avait en effet une confusion dans la source que j'avais consultée. Aussi, je note cette fois-ci la référence[1], de façon à pouvoir relayer les abondants courriers de protestation en cas d'erreur manifeste.

La versification allemande est bien fondée, comme je le disais, sur un ensemble de pieds - on parle plutôt de mesures. Le moyen le plus commode de ne pas s'égarer est de vérifier le nombre d'accents.

Mais pas de la façon systématique à laquelle je m'étais fié.

Le rythme du vers se fonde bien sur une alternance de syllabes fortes et faibles, une succession ou d'iambes (- +, on parle de rythme ascendant du vers[2]), ou de trochées (+ -, on parle de rythme descendant[3]). Il existe, plus rarement, des rythmes dactyliques : le pied comprend alors deux syllabes faibles + - -.

Was klingt mir so heiter
- / + - - / + -

(Eichendorff, Marmorbild)




2. Nuances significatives

La subtilité est que pour déterminer le rythme de l'ensemble du vers, on se fonde sur la présence ou non d'une syllabe faible initiale, l' Auftakt, qui détermine l'ensemble.

Exemple :
Des alten, heil'gen, dichtbelaubten Haines
- / + - + - + - + - + -
(Deuxième vers de l' Iphigénie de Goethe.)

Dans ce cas, l'accentuation faible de la première syllabe caractérise un rythme ascendant (iambique). C'est toujours le cas du vers de théâtre.

Inversement, en l'absence d' Auftakt, le rythme de l'ensemble du vers est descendant (trochaïque).
Herz, mein Herz, was soll das geben ?
+ - + - + - + -
(Goethe, Neue Liebe, neues Leben)

On maintient de ce qu'on a précédemment précisé de la dernière syllabe faible, qui n'est pas nécessairement décomptée dans le nombre total de syllabes. Le vers peut donc s'interrompre sans transgression sur une syllabe forte :
Wie in der Göttin stilles Heiligtum
- / + - + - + - + - +
(Iphigénie)

En réalité, l'accentuation est souple : le principe est surtout de ne pas placer une syllabe faible qui soit plus accentuée que la syllabe forte qui précède...




3. La rime

Comme je le stipulais déjà, elle n'est pas obligatoire - décorative. Le théâtre ne l'emploie généralement pas. La poésie bien plus souvent.

Disposition tout ce qu'il y a de plus classique : suivies/plates (aabb), croisées (abab), embrassées (abba).

A savoir, la licence de la rime dite souabe, une subtilité semblable à la fameuse "rime pour l'oeil" (une explication a posteriori du vers français qui fait toujours recette). Il s'agit ici non pas d'une contrainte, mais d'une lience.
On considère en effet pour la rime que

  • ü et i,
  • ö et e,
  • eu et ei

sont compatibles.




4.Le vers problématique

Ce vers de Lenau.

Reich' ich den Becher Wasser
("J'apporte une coupe d'eau")

Spontanément, je le scandais - / + - + - + - , sentant l'accentuation sur "ich". Ce qui est étrange, comme le soulignait avec justesse Bajazet, le verbe étant prioritairement accentué.

Qui plus est, Schumann débute sa mesure sur Reich' et ne module ni ne note d'accent sur ich, qui n'est pas non plus un point culminant - pourtant j'y sens comme un appui, une respiration.

Si j'en crois ce vers cité et analysé par Jean-Marc Pastré, mon ressenti était juste - du moins du point de vue du décompte du vers ; dans la langue parlée, c'est une autre affaire.

Tret' ich noch jetzt mir schauderndem Gefühl.
- / + - + - + - + - +

La structure est exactement la même, et le décompte identique à celui que j'avais proposé. Il est vrai qu'il s'agit du seul moyen de rendre le vers régulier, appui sur le pronom sujet manifestement facilité par l'inversion.

C'est, je pense, une licence poétique fréquente, admise comme telle.

Ce qui explique que Bajazet ait senti l'accentuation de la langue, tandis que je sentais celle du vers...

Je me pose toutefois la question si un décryptage du vers + - - / + - + - ne serait pas envisageable. [Ce qui donnerait entièrement raison à Bajazet et me causerait un ulcère, mais la chose semble possible.]
Voilà qui bousculerait bizarrement toute la structure du texte (pour un vers qui n'est pas le plus significatif), mais le nombre d'accents demeure identique, ce qui laisse la solution ouverte. En tout cas J.-M. Pastré n'adopte pas cette solution pour son exemple, ce qui tend à prouver que la disposition que je suggérais initialement est au minimum possible - et la plus régulière pour Lenau. Mais la présence d'une seconde solution laisse de quoi méditer...

La solution tient sans doute dans le fait qu'une syllabe faible ne doit pas être plus forte que la forte qui précède, mais qu'une syllabe forte peut être plus faible que la faible qui précède, si j'en crois Jean-Marc Pastré. A moins qu'il y a une règle spécifique à l' Auftakt qui ne soit pas exposée. Il reste beaucoup d'interrogations sur le détail, en conséquence.




J'aurais aimé m'étendre plus longuement et plus finement sur la question, mais je n'ai pas pour l'instant à disposition d'ouvrage correspondant à mes souhaits. Si le temps me le permet, peut-être en fouinant dans les ouvrages en allemand que j'ai pu repérer.

Notes

[1] Beaucoup de difficultés à trouver un ouvrage traitant de la question, pourtant parmi des dizaines de livres techniques sur l'allemand. Les seuls traités complets que j'aie pu trouver étaient en allemand, et le temps m'a fait défaut pour m'y plonger sérieusement. C'est donc sur le seul texte français accessible à la bibliothèque où je me trouvais, une brève annexe de grammaire générale, qu'il a fallu jeter mon dévolu. Nouvelle grammaire de l'allemand, de Jean-Marc Pastré, chez Ophrys.

[2] Steigender Rhythmus.

[3] Fallender Rhythmus.

samedi 23 septembre 2006

Schneewittchen ('Blanche-Neige') de Heinz Holliger

Suite à la remarque de Christian sur la disparition du site hébergeant l'article sur la Blanche-Neige de Holliger, j'en reproduis ici la page principale, légèrement amendée.

Il faut savoir que l'article en question date de quelques dizaines de mois déjà, rédigé fin 2003-début 2004, à vue de nez. Il serait à réécrire pour en lever quelques maladresses, mais je n'en ai pas le loisir. C'est donc à simple titre d'archive que je vous le propose.


Heinz HOLLIGER



      Né en 1939.
      Actuellement sont disponibles quelques notes sur quelques spécificités de [Schneewittchen].
     







*  Schneewittchen  *

Oeuvre familère et interrogative
      Le livret de Schneewittchen ('Blanche-Neige') a été rédigé par le compositeur d'après Walser. On dit souvent qu'il s'agit d'une oeuvre à part dans la production de Holliger, une des plus accessibles aussi - cas rare pour l'opéra dans le panorama contemporain. Ici, ce ne sont pas les crissements sarcastiques qui prédominent. L'ironie mordante est plutôt convoyée par un figuralisme hypocrite.

      L'oeuvre, en somme, ressemble assez à du Schreker actualisé, si l'on en croit la place d'un orchestre très homogène, au rythme comme étiré, et le mode de traitement d'un drame très littéraire, presque un essai. Les situations représentées versent souvent, il est vrai, dans le statisme - corollaire inévitable de l'utilisation de textes contemporains, faisant plus de place au commentaire et au doute, abolissant la science des effets, avant même de considérer la force dramatique. En cela, on retrouve aussi le souci d'approfondissement psychologique des Gezeichneten, sur le mode de scènes parfois arrêtées. Le grand souci plastique en moins, au profit de la réflexion sur le sens même de la représentation dramatique, de la portée des contes, etc...
      En effet, la recherche théâtrale ne peut plus se fonder sur la représentation d'un imaginaire mythique commun (il y aurait beaucoup à dire sur le sujet : télescopages de systèmes de valeurs, démentis à l'intérieur même des civilisations, etc.), ni le plus souvent sur l'expression de l'interrogation d'un collectif, pour les mêmes raisons, ni même, dans le cadre de la recherche littéraire, sur la simple efficacité dramatique, trop usée - et surtout passablement méprisée. Le principe d'un 'métaquestionnement', à l'oeuvre durant tout le vingtième siècle, se pose sans ambiguïté dans cette oeuvre de Holliger.
      De même que les personnages se permettent, tout en remplissant la fonction initiale d'un type, de contester le contenu et l'orientation du conte auquel ils sont pourtant soumis, la musique n'a pas la valeur exacte de ce qu'elle montre, dès qu'elle n'est plus abstraite.




Théâtre du métaconte
      Schneewittchen apparaît ainsi comme une illustration flagrante de la recherche littéraire au vingtième siècle, sous l'égide du doute, sinon du soupçon. A cela s'ajoute un accomplissement assez impressionnant pour une oeuvre de théâtre, genre comme on l'a succinctement suggéré assez difficile à manier avec les outils contemporains, fournissant peu de prises aux spectateurs.
      En effet, en lieu et place de l'efficacité dramatique, ici absente - à peine trouve-t-on un rien d'urgence dans la description des amours de la reine et du chasseur, scène de voyeurisme qui n'a rien d'active -, Holliger utilise le second degré, et le doute lui-même, pour porter son drame. Le traitement du début de la seconde scène est à ce titre exemplaire.


      Dans cette scène, l'orchestre se met à bruisser, à chanter, le prince à effectuer des coloratures sans fin qui voilent son discours. Ils deviennent les oiseaux qu'ils évoquent, comme en écho aux contestations des personnages sur un narrateur biaisé, qui choisirait la caricature. [Mais les personnages, tel le chasseur s'assurant indépendant de la reine, savent aussi mentir, ce qui rend complexe le démêlement des revendications légitimes et des faux-semblants.] Ainsi, cette musique à programme, par son évident excès de représentation concrète, avertit le lecteur par le biais de l'auditeur : le choix de la simplification coupable peut être fait, qu'il prenne garde.
      On pense beaucoup à un parallèle avec Rinaldo ("Augelletti, che cantate, Zefiretti, che spirate"
), admiré mais dont l'insouciance psychologique ne paraît plus possible aujourd'hui ; une référence qui place l'oeuvre dans une filiation en même temps qu'elle confirme l'impossibilité d'une imitation qui serait limitée dans son sens et privée de sincérité.
      Pourtant, au-delà de l'emphase ironique, se développe une véritable poésie. Le premier degré donne tout de même accès à une musique merveilleuse, descriptive mais quasi onirique, à un touchant tableau.
      Sans doute ce mélange entre références au passé, dans le style hérité (Schreker) ou dans l'esprit imité (Haendel), et doute posé sur la validité d'un drame concret aujourd'hui, éclaire-t-il un peu les choix d'esthétique musicale de cette oeuvre au profane holligerien, pour lequel cette rencontre constitue donc un excellent début.
     
      Plus précisément, cette scène, outre sa portée générale sur l'ouvrage dramatique et sa fonction éclairante dans la pièce et la musique, met également l'accent sur la duplicité de l'attitude d'un personnage que les contes traditionnels laissent somme toute peu connaître.
      Dans la première scène, un double couple délibère. La reine et le chasseur, Blanche-Neige et le prince. Nous nous situons en quelque sorte après l'issue du conte, mais c'est plutôt l'impression d'une émancipation des personnages qui prédomine, tels des acteurs contestant en plusieurs point la pièce qu'on leur fait jouer, le rôle réducteur qu'on leur fait tenir. La reine est particulièrement révoltée contre l'image figée et uniformément négative que lui donne le média narratif. Le prince, quant à lui, protège Blanche-Neige, sans grande conviction. En plusieurs endroits des protestations se sont élevées, il n'a pas toujours pris, en bon étranger, le parti de sa promise. La scène suivante place le jeune couple ensemble dans les jardins retrouvés.
      Le prince, peu empressé voire peu intéressé par sa compagne, se justifie en invoquant l'adage ('la sincérité n'a pas besoin de mots') qu'il se défend de transgresser en d'interminables explications bien bourbeuses, jusqu'à se compromettre, se faisant l'illustration négative de son précepte. Une fois sa sincérité douteuse placée aux yeux du spectateur, il fera bénéficier Blanche-Neige d'une description qu'elle désire bien peu : son voyeurisme se porte avec enthousiasme sur les ardeurs de l'autre couple. Mais ce n'est pas pour avertir Blanche-Neige qui proteste et réclame un peu d'attention.
      Dans ce contexte, les roucoulades du prince semblable à l'oiseau le font précisément penser bien trop volubile pour être sincère. Surtout que la quantité de paroles apparaît en réalité bien maigre, comme stoppée par ces ornementations inutiles et surtout inauthentiques. Leur surabondance masque même le contenu du texte. Le prince ne dit rien à Blanche-Neige de consistant, et encore, lorsqu'il parle, rend incompréhensible ses paroles. Seul le narrateur lui impose, en déduit-on, ce rôle de héros épris.




Une réussite de théâtre musical,
remarquable avec les outils propres au vingtième siècle

      On l'a compris, les textes littéraire et musical se lient ici étroitement pour faire sens. Rarement la musique posée sur un livret aura autant eu une valeur de confirmation ou d'interrogation, selon les cas, et en tout cas une valeur d'orientation de l'écrit. Une réussite et un régal qui rendent secondaire la seule esthétique, ce qui en facilite grandement, bien entendu, l'accès.

      Contestation vivifiante et littéralité de la merveille, dans les textes, nourrissent semblablement le doute spontané du spectateur. La représentation concrète, le recours aux usages n'est jamais dupe. Le traitement musical adramatique, qui rappelle souvent le procédé schrekerien, juste modernisé, de la toile de fond évolutive, tantôt discrète et presque oubliée de l'auditeur, tantôt revendiquée comme source de la poésie (et ici, du commentaire) de certains tableaux, convient admirablement à cet 'essai théâtralisé'.
      La poésie n'est jamais loin des questionnements : le texte de Walser fait interroger le conte par les personnages qui l'animent, en quelque sorte émancipés de la force créatrice qui les contraignait - un peu comme les personnages d'une fresque qui nargueraient le peintre en choisissant de renier leur pose caractérisante.


      Enfin, suprême satisfaction, l'interprétation 'Holliger par Holliger', la seule disponible à ce jour au disque, est très équilibrée, et dotée d'une distribution très sérieuse, qui ne peut qu'être louée pour l'homogénéité de ses membres et de ses talents (vocalité et diction en tête).
      Un opéra contemporain réussi, puisqu'il parvient à donner sens à la littérature du vingtième siècle dans une forme qui décuple la force de ses significations. Remarquable en tout point et bien que riche, très accessible, usant d'un langage musical en outre assez consonant, dans une interprétation de haute volée.
La preuve que le théâtre musical peut trouver une voie sans recourir à l'impact dramatique, en effet plus rare dans la littérature contemporaine.

vendredi 22 septembre 2006

Déménagement

Sur les bons conseils de Laurent, je tire les conclusions qui s'imposent.

Déménagement de Carnets sur sol ici.

Langues à chanter, qualités comparées

De petites mises à jour sur cet article.

Stupéfaction

Une requête reçue.

Les mystères du référencement.

Chez Yahoo, ce jour, la première réponse pour "Réformes constitutionnelles" n'aboutit pas au Conseil Constitutionnel (deuxième et troisième réponses).

Lourde responsabilité, n'est-ce pas.

mercredi 20 septembre 2006

Faut-il acquérir les intégrales à prix minuscule ?

Je reproduis ici la réponse publiée chez Bra à propos des intégrales Brilliant, faute de temps pour boucler quelques autres sujets.

Vous pouvez désormais lire une analyse plus complète sur CSS : Mozart, Bach, Chopin, Beethoven et Brilliant Classics. Leur modèle économique, la nécessité (ou non) de l'achat, le commentaire des contenus.

N.B. : Le commentaire de la dernière intégrale (Brahms) figure ici.




Tout dépend de l'état de sa discothèque et de ses attentes.

L'intégrale Mozart était paraît-il fort inégale, mais recelait, je peux en témoigner pour les parties séparées que j'ai acquises, suffisamment de beautés pour justifier un achat très amplement amorti[1]. A condition de ne pas avoir déjà beaucoup de Mozart en magasin, auquel cas on peut affiner plus conformément à ses goûts.
Aussi, j'aurais eu tendance à conseiller l'achat de cette intégrale Mozart (pour peu qu'on ait beaucoup de curiosité et peu de répertoire brassé).

Pour Bach, le cas est plus épineux. Bach ne fonctionne pas aussi facilement que Mozart, et les interprétations ici présentes sont, pour celles que j'en connais et si j'en crois des échos concordants, assez moyennes, voire franchement pas exaltantes. Dans cette perspective, avoir une intégrale tiède ne me paraît pas nécessairement la meilleure idée.

Autant pour du Brahms, on trouve aisément de très bonnes versions, autant pour du Bach, l'exercice est plus déclicat.

Pour que le raisonnement financier soit valable, il faut étudier le nombre de disques écoutés, le nombre de disques valables et leur qualité. Pour le coffret Bach, pas certain du tout qu'il soit amorti.

99€ est infime pour le contenu, mais représente une somme en elle-même.

Mode parallèle simpliste on. Une voiture pour 3000€, c'est une grosse affaire, à condition qu'elle ne roule pas un jour sur deux - sinon on aura perdu beaucoup d'argent : ce n'est pas cher pour une voiture, mais c'est cher pour une voiture qui ne roule pas. Off




Ce n'est qu'un avis : tout dépend de ce que l'on désire en faire, de ses besoins, de ses inclinations, etc.

Le sujet a été très amplement débattu, notamment sur la Toile, et c'est à chacun en évaluant ses attentes de faire son choix. Pour ma part, je me suis abstenu sur les intégrales, préférant piocher les coffrets isolés qui correspondaient à un besoin précis. Rien d'universel là-dedans.

Notes

[1] Les sérénades étaient remarquables, et plusieurs opéras de très bon niveau.

Oraison funèbre diphonique

Encore une fois, c'est Authueil qui tient l'aiguillon.

Du jour où Robert Hue a dit dans la même tirade que le stalinisme pesait sur la mémoire du communisme et qu'il ne fallait pas taper sur les patrons « qui sont nécessaires à la France pour entreprendre, réussir et gouverner », je crois que le parti était cliniquement mort.

Abandon des idéaux de réforme (ne parlons même pas de Révolution !), idée de la complémentarité de classe, embryon de fierté nationale...

Le fait même de parler d'acquis plus que d'objectifs ; ou, au mieux, seulement de progression dans le paradigme existant (pas dissoudre l'Etat capitaliste, juste augmenter les salaires) est significatif de l'état du PCF.




Exceptionnellement, un encart publicitaire gracieusement offert par Carnets sur sol.

Le petit P.C. a disparu, ses parents le cherchent activement. Ils sont très inquiets.

Si vous pensez l'avoir croisé, merci de contacter M. Engels sans retard.

Le petit P.C. est identifiable à ses deux charmants hochets.

Merci de nous tenir informés.

mardi 19 septembre 2006

Les discours du pape, le dialogue interreligieux, l'islam et l'occident... (Benoît XVI à Ratisbonne et chez Authueil)

Je ne pensais absolument pas parler de cela, mais le billet de Samuel m'y incite.

Quelques mots sur l'attitude générale de Benoît XVI, qui explique le procès d'intention.

Quelques mots sur le discours lui-même et la surinterprétation un peu facile dont il a fait l'objet.



Samuel :

N'ayant pas eu tout de suite le texte français et connaissant la subtitlité intellectuelle, mais aussi la modération de Benoit XVI, je ne me sentais pas en mesure de porter un jugement rapide qui aurait été trop expéditif. J'y vois un peu plus clair maintenant.

Je ne doute pas de la subtilité et de la maîtrise de Benoît XVI, mais pour ce qui est du tact et de la modération, je ne suis pas persuadé que ce soit très exactement le cas.
Du moins si mes informations sont exactes.




1. Dominus Iesus et la réception de Benoît XVI

Je me souviens de 2000 et de « Dominus Iesus », dont on avait fait assez peu de cas à l’époque.

Voici, pour les plus jeunes [souriard niais], l’intégralité du texte parrainé par le cardinal Ratzinger, alors Préfet pour la Congrégation de la Doctrine de la Foi, dans sa traduction française officielle.

Ce texte est d’une certitude doctrinale assez invraisemblable. Certes, on a droit dans le préambule à une reconnaissance de l’enrichissement mutuel, et dans la conférence de presse qui avait suivi à quelques précisions diplomatiques, mais ses traits permanents contre le « relativisme religieux », la détention définitive par l’Eglise des saints mystères, sa prétendue fidélité parfaite aux textes (« L'Église, au long des siècles, a proclamé l'Évangile de Jésus et lui a rendu fidèlement témoignage. »[1]), texte bien sûr parfaitement cohérents, le tout ajouté à ses premiers actes de repli interreligieux au début de son règne, a de quoi exciter la méfiance des journalistes – et pas que des journalistes.

Ce qui donne raison à l'analyse de délit d'imprudence proposée par Samuel, mais imprudence consommée depuis longtemps, à tel point qu'on a pu se faire une religion sur le sujet.




2. Les propos, tenus ou non, incriminés

Ce qui pique bien plus ma curiosité, c’est qu’on insiste sur la présence ou non de cette saillie et pas sur le fond de la chose – oui, je peux parler, moi qui m’amuse bien souvent à relever les particularités des discours, quitte à rire avec de Villiers ou à tirer mon chapeau à Ahmadinejad.

Parce qu’en admettant que le pape ait dit que l’islam était fondamentalement une religion prosélyte, et son expansion historiquement liée à une conquête armée, ça ne prouve guère plus que le fait qu’il ait lu le Coran. Cela ne signifie pas par ailleurs que les musulmans modérés n’existent pas, de même que tous les juifs et chrétiens ne sont pas nécessairement persuadés de la nécessité de réitérer Jéricho dès qu’ils tiennent à s’établir quelque part.
Mais la chose est révélatrice du réflexe, certes de taper sur le pape qui l’a bien cherché à plusieurs reprises, mais surtout du consensus à tout prix : il faut que l’islam soit absolument l’égal du christianisme, que la religion soit l’égale de l’athéisme éclairé, etc. Pour garantir la paix des peuples et des consciences, il faut que ce soit ainsi.
Non seulement le but est manqué – chrétiens, musulmans et athées se trouvent à l’occasion fâchés de cette indifférenciation, ou campent tout simplement sur leurs positions –, mais, de surcroît, le raisonnement est totalement faux. Il y a des modes de pensée différents, qu’il faut tâcher respecter de garantir la paix public, mais cela n’en vient pas à dire qu’ils sont équivalents – ni même, oserai-je, de même valeur.




3. A valeur égale (digression)

J’avouerai à ce propos un certain malaise devant l’union des religions monothéistes dans l’affaire Mirbaud ou l’affaire des caricatures danoises.
Dans le premier cas, ce sont les catholiques qui ont été soutenus. Pourtant, il s’agissait d’un très joli pastiche, peut-être la publicité la plus réussie plastiquement que j’aie jamais vu, avec un côté badin tout à fait délicieux. Le moins qu’on puisse dire est qu’il y avait de l’entrain bon enfant à la parodie.
Dans le second, plus épineux, on peut regretter la provocation, il n’en reste pas moins que si on postule un Etat laïc, et s’il est permis de se moquer de Kant, de Jésus-Christ et de l’Intelligent Design, alors quel est le critère qui interdit de prendre pour cible Mahomet ? On ne peut pas inscrire la liberté d’expression dans un strict cadre d’absence de contradiction des convictions d’autrui, sinon la liberté d'expression se réduit à un consensus plus que mou - à un consensus impossible, ou à une imposition du consensus par la minorité la plus vigoureuse. Pourtant, dans ce cas, les Eglises se sont indignées, comme savourant la vengeance de tant d'humiliations subies par elles. Enfin elles allaient être entendues, puisqu'il s'agissait d'islam !

Ce joyeux mélange me chagrine quelque peu.




4. Ce qui a réellement été prononcé

Mais il faut rendre justice à Benoît XVI, la citation (très explicite en effet) a été extraite d'un point précis dans l'articulation de son raisonnement. Il s'agissait d'un point de départ, et le moment choisi était l'exposition de la pensée de Manuel II Paléologue. Un peu comme si on attribuait à un universitaire exposant la doctrine un philosophe la vision du monde de ce philosophe.

Naturellement, la chose est plus délicate lorsqu'il s'agit du porteur d'une doctrine - ce que n'est pas un universitaire, a priori. On peut penser que l'exemple illustre une conviction. Néanmoins, rien dans le discours ne le confirme ni ne l'infirme.

Voici le paragraphe qui fait directement suite à celui incriminé :

L’affirmation décisive dans cette argumentation contre la conversion au moyen de la violence est : ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. L’éditeur Théodore Khoury commente : pour l’empereur, un Byzantin qui a grandi dans la philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, en revanche, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n’est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle du raisonnable. Dans ce contexte, Khoury cite une œuvre du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui explique que Ibn Hazn va jusqu’à déclarer que Dieu ne serait pas même lié par sa propre parole et que rien ne l’obligerait à nous révéler la vérité. Si cela était sa volonté, l’homme devrait même pratiquer l’idolâtrie.

On le voit :

  1. L'exemple est pris dans le cadre plus général d'une réflexion autour de la mise en relation raison/religion. Qui passe par l'exemple de la contrainte musulmane vue par Manuel II Paléologue. Exemple développé par l'éditeur Théodore Khoury. Tout cela avec des références soigneusement indiquées. Aucune ambiguïté possible à la lecture attentive.
  2. Rien n'indique l'avis du pape, ni dans un sens, ni dans l'autre. Il se borne à poser des repères qui invitent à la réflexion sur le thème qu'il s'est donné.
  3. A tout prendre, on se situe plus dans l'idée du dialogue interreligieux, avec citation des deux parties, que dans le domaine de l'attaque sournoise et de la "petite pique" façon politique intérieure.

Je laisse les plus courageux lire le reste.

Attention, comme le souligne très à propos Koz, la traduction du Monde est méchamment biaisée.

Mais il apparaît nettement que le discours a été mal lu, voire sciemment déformé. Et là, on s'aperçoit de la difficulté qu'il y a à résister à ce type d'offensive. Comment répondre de façon nuancée que cela est bel et bien écrit noir sur blanc, mais entre dans le cadre d'un raisonnement précis que l'auteur du discours ne reprend pas nécessairement à son compte ?
Incontestablement, ce n'est pas très 'médiagénique'.




5. Sur le rapport au monde musulman

Samuel :

En tant qu'occidentaux et européens, il est urgent que nous nous interrogions sur le pourquoi de telles réactions. Une partie des réponse se trouve dans l'attitude des USA.

Sur ce point précis, la réponse est, pour le coup, en grande partie dans le Coran. A partir du moment où l'on dispose de la parole littérale de Dieu (et d'un Dieu très intrusif, surveillant tout partout, et très normatif), et que cette parole est violée ; a partir du moment où la religion dispose en outre d'un bras séculier très développé, le résultat est un peu prévisible.

On peut ensuite accuser l'image peu subtile que les Etats-Unis communiquent de l'ensemble de l'Occident, sans doute. Mais l'essentiel est contenu dans l'opposition des principes. Et la guerre asymétrique, du point de vue des idées, n'est pas nécessairement dans le sens que l'on croit.

  1. Les droits de l'homme - disons pour faire vite - s'opposent à certaines dispositions de l'islam.
  2. On trouve plus aisément des musulmans pour mourir pour imposer l'islam que d'occidentaux (toujours pour faire vite) disposés à se sacrifier pour les droits de l'homme. Ce qui est assez logique, puisque la Déclaration universelle a fâcheusement oublié d'instituer un paradis.
  3. La puissance économique, politique et militaire reste globalement aux mains de l'Occident, malgré certains contre-pouvoirs très significatifs dans les pays musulmans.
  4. Les brassages de notre 'monde mondialisé' produisent des échanges de population entre ces deux entités.

Ces équilibres, ces déséquilibres, ces mélanges créent la situation d'intrication assez problématique que nous connaissons aujourd'hui. Deux conceptions du monde en partie incompatibles. Mais qui communiquent en temps réel. Qui se mêlent aussi.

Comment s'en extirper à meilleur compte, difficile à dire.

Surtout que la réponse relève forcément d'un choix idéologique, selon du côté duquel on se trouve. Dire que l'islam peut obtenir la démocratie et doit respecter les droits de l'homme, c'est déjà faire un choix. Celui d'assujettir les textes sacrés aux textes sociétaux. Celui de l'Occident, donc.
A ce propos, on notera la différence. Dans les pays où l'on jure sur la Bible, la Bible n'est plus la garantie d'actions conformes aux Ecritures, mais un moyen concret de symboliser un engagement moral vis-à-vis de la société. Le religieux se trouve donc soumis, ce qui est incompatible avec une application rigoureuse de l'islam. Nous retombons dans notre tension insoluble.




Et ne comptez pas sur moi pour vous trouver une solution.

Notes

[1] Vu le nombre de bricolages théologiques dans les premiers siècles, le trait prête à sourire.

dimanche 17 septembre 2006

Très flatté

Après le référencement, il y a plusieurs mois, parmi les coupures de presse d'Armand Arapian, baryton auquel je voue une grande admiration, nous voici à présent embarqués chez Terje Boye Hansen, à cause de cette discrète mention dans ma très enthousiaste recension de Thora på Rimol : une direction vive, fine, poétique, un orchestre comme transporté. Une toute grande interprétation d'une oeuvre majeure.

Certes, J'ai déjà connu référencements plus prestigieux, mais ne nous prétendons pas blasé : il est toujours agréable de voir ses enthousiasmes revenir aux oreilles de ceux qui les suscitent - surtout que, dans le cas de Terje Boye Hansen, son entreprise ne trouve, très injustement (mais très prévisiblement), guère d'écho dans nos contrées.

A propos, j'espère qu'on nous sortira un jour le Fiskeren de Hjalmar Borgstrøm qu'il a exécuté en 2003 à Oslo.

samedi 16 septembre 2006

Le disque du jour - IX - Intégrale des mélodies de Debussy (EMI, Dalton Baldwin)



1. La mélodie française

La mélodie française est un univers difficile, plus encore que le lied, sans doute car encore moins opératique, et lié à une poésie rétive à toute action, à tout affect clair, et même dans certains cas absconse. Elle présente la grande difficulté d'exiger une intelligibilité parfaite, et un sens du commentaire qui puisse être utilisé subtilement, sans aucune insistance. Car si la littéralité y est ennuyeuse, la lourdeur y est vulgaire. La ligne vocale est en outre très souvent située dans le passage, et toujours de façon très parlée, sans éclats ni confort pour la voix.
Ajoutons, mais à cela on ne peut rien faire, des poèmes assez peu musicaux et des mises en musique parfois très apprêtées, à la limite de l'affectation, peu naturelles à l'oreille francophone.

On imagine aisément la difficulté pour l'auditeur : d'une part faire preuve d'une attention très précise (et se fondre dans cette esthétique très spécifique), d'autre part dénicher des interprètes à la hauteur de ces pièces éminemment piégeuses.
Seule facilité : les accompagnements fonctionnent assez bien "seuls", c'est-à-dire indépendamment de l'engagement de l'interprète, et leur difficulté nettement plus prononcée que chez les germaniques tend à écarter les chefs de chant les plus littéraux. Pas trop de préoccupations de ce côté-là, donc.


2. La mélodie chez Debussy

Debussy n'écrit pas la mélodie dans le genre de Pelléas, absence d'intrigue dramatique et d'errance mystérieuse oblige. Pas non plus, mais cela on s'en doutera, dans la veine plus opératique de Rodrigue et Chimène, sorte de Tristan français. Pas plus dans le genre très laconique de La Chute de la Maison Usher. Non, il s'agit bien de mélodie, avec ses paroles égales, le fleuve monotone des mots qui s'amoncellent pour faire paisiblement sens.
Il y a bien entendu cette prosodie si particulière, à la fois errante, agile et comme badine. Pourtant, ce qui sonne le plus clairement debussyste réside dans l'acompagnement fluide et perlé, qui le distingue en un instant de n'importe quel autre corpus de mélodies.


Trois Mélodies L.81 - III - L'Echelonnement des haies. Gérard Souzay, Dalton Baldwin.
La mélodie où l'on peut sans doute le plus penser à Pelléas, une exception.


3. Le disque recommandé

Intégrale des mélodies en trois disques, chez EMI.

Y participent Mady Mesplé, Elly Ameling, Michèle Command, Frederica von Stade, Gérard Souzay et Dalton Baldwin.

Les caractéristiques sont uniformément : diction d'une grande clarté, toujours compréhensible (à condition, mis à part chez M. Mesplé et G. Souzay, d'une écoute attentive), parfaite maîtrise prosodique, grande intégrité stylistique, véritable intelligence de cette musique - difficile, on l'a dit.





Mady Mesplé fait montre d'une adéquation stylistique idéale avec cette musique. On songe à Mary Garden avec une meilleure technique, à une évidence héritée de la tradition, mais parfaitement intégrée à sa personnalité musicale. Ce n'est pas en vain qu'on la désigne comme l'une des grandes mélodistes. Cependant, c'est Elly Ameling qui emporte selon mon goût le pompon. Une voix ductile, de texture légère mais dotée d'un corps certain, une grande pudeur expressive mais selon toute apparence une joie presque triomphale à placer les sons dans le masque ; quelque chose d'une fraîcheur, d'une exultation assez enthousiasmantes. Etonnamment, Michèle Command (Mélisande chez Baudo, sa première et plus célèbre intégrale) peine un peu plus à se faire comprendre, et bien que francophone, on repère quelques acidités qu'on aurait plus attendues chez Ameling au passage à la langue française. Le timbre, d'une assez grande beauté, sonne plus proche du mezzo (plutôt du côté de sa Bellangère[1] que de sa Catherine d'Aragon [2]), et le résultat, malgré une petite opacité des couleurs en contraste avec Ameling ou Mesplé, est très réussi. Enfin, même sans être transporté par tout ce qu'a pu faire Gérard Souzay, il faut bien lui reconnaître ici une aisance sans pareille, plus enclin aux piani qu'ailleurs, atténuant ici sa couleur baytonnale qu'il force quelque peu selon les répertoires. Pas dans toutes les pièces, il est vrai : certaines font état d'une voix un peu "poussée".

Dalton Baldwin est égal à lui-même, et vraiment dans un bon jour : jeu très probe, précis et incisif, pas toujours très original mais ici dépourvu de raideur. Un excellent standard, en quelque sorte. Il parvient à donner un très beau relief perlé à ces pièces, son meilleur disque de notre connaissance.

Mon extrait choisi :

"Dans le jardin", sur un texte de Paul Gravollet. Elly Ameling, Dalton Baldwin.
Mélodie assez bouleversante, et nul ne pourra plus insinuer que le talent d'Elly Ameling est purement instrumental - nous avons là les preuves d'un talent véritable de diseuse, dans ce répertoire si délicat - et pas dans sa langue maternelle.


On comprend pourquoi ce coffret est recommandable : en plus d'être une intégrale (et très peu chère), il propose des interprétations excellentes de façon homogène. La variété des interprètes, habilement regroupés ou entrecoupés, soutient en outre l'attention.
Un autre disque que j'aime beaucoup est celui de Dawn Upshaw, pour les couleurs incroyables distillées avec grand art. Le français n'est pas mauvais mais le texte inintelligible (trop flou). Une autre vision, dépourvue d'angles, faite d'aplats surprenants. Pas très en style, mais assez stimulant.


4. Contenu et catalogue

Le coffret (actuellement disponible pour 20€ chez le vendeur en ligne quasi-philanthropique Amazon) comprend, toujours accompagné par Dalton Baldwin :

Suite de la notule.

lundi 11 septembre 2006

Surprise

Ce matin, en remplissant le coupon de demande de communication en magasin, guère de réflexion autre que la satisfaction de connaître, pour une fois, la date du jour - je l'avais réservée depuis un moment, recevant de la visite ce jour.

Et ce soir, en consultant le bruit ambiant de la Toile, je me rends compte que j'ai comme oublié quelque chose.

Denis qui constate un point saillant de l'Histoire, Eolas qui place une photographie-hommage à la place de sa gravure habituelle, Versac qui tente finement de décortiquer les théories conspirationnistes et l'originalité de l'événement.

Beaucoup d'autres font silence, et c'est heureux, la commémoration n'efface pas toute l'information.




Mais cette intrusion, cinq ans après, me laisse dubitatif, comme je le stipulais en commentaire chez Inactuel, de façon presque simpliste :

Ce n'est peut-être pas le jour pour le dire, mais je me dis toujours que si nous n'avions pas eu les images, le coup ne serait pas aussi rude.

Ce n'est hélas rien en comparaison des massacres qui eux se renouvellent chaque jour dans l'Afrique jouet de ces puissances qui se sont, pour une fois, senties victimes.

C'est la perte d'une belle assurance qu'on a vécue - au prix bien entendu de pertes civiles inexcusables.

Il y a quelque chose d'un peu dérangeant, de très narcissique dans cette commémoration : « on peut aussi ne pas être en sûreté dans les pays civilisés, chez nous », c'est ce que j'entends en filigrane.




Il ne s'agit bien sûr pas de se faire le plaisir de penser à contre-courant, ni de supposer que les victimes riches valent moins que des victimes pauvres. Mais il s'agit d'un événement isolé, et touchant relativement peu de victimes, par rapport à tant de situations où l'intervention serait possible pour éviter bien pire, si on tient pour critère le nombre de vies.

Tout cela pour remettre en perspective : nous sommes d'autant plus émus que nous nous sentons, nous, concernés. Ce n'est pas parce que cet événement est un parangon de noirceur plus que d'autres ; mais parce qu'il augure officiellement d'une ère de l'ennemi invisible, qui frappe même les sociétés les plus protégées.




Je comprends néanmoins tout à fait l'émoi qui se manifeste, parce que c'est indéniablement le symbole d'un basculement dans la perception occidentale du monde, d'un monde non plus dominé, mais en guerre.

Et la proximité avec ces victimes qui nous semblent tellement semblables, je la comprends aussi. Mais outre que ces commémorations me mettent toujours mal à l'aise, se complaisant un peu dans la douleur ostentatoire (un des restes persistants de judéo-christianisme, transversaux à toute la société), la présentation du caractère exceptionnel du jour me paraît relever de l'illusion d'optique.




Simplement cela, mais pas plus non plus, tant je comprends aisément, au demeurant, ces sentiments qui n'ont rien d'excessif.

jeudi 7 septembre 2006

Le disque du jour - VIII - Le Requiem d'Antonin Dvořák

Créée en 1890, l'oeuvre recèle un large potentiel dramatique (pour la Séquence) et poétique (à partir de l'Offertoire).

Un des Requiem les plus denses qu'on puisse rêver.


Deux versions particulièrement suggestives :







Gabriela Benackova (soprano)
Brigitte Fassbaender (alto)
Thomas Moser (ténor)
Jan-Hendrik Rootering (basse)
Philharmonie Tchèque et ses Choeurs
Wolfgang Sawallisch
Label Supraphon

Version presque opératique, d'un potentiel dramatique saisissant, d'une majesté et d'une force dans l'imprécation qui parcourt la Séquence assez étonnantes.

Suite de la notule.

samedi 2 septembre 2006

Håkon Jarl - V - précisions linguistiques

Quelques menues choses que vous noterez probablement.

  1. Les noms communs portent une majuscule, comme en allemand, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
  2. Certaines formes sont archaïques comme les aa (équivalant à "å", ce qui est toujours une convention valable), les ee (souvent "e" simple) et quelques contractions étranges. On trouve aussi des négations vieillies (ei) et autres bizarreries souvent absentes des dictionnaires les plus complets.

Attention, les articles peuvent être suffixés en danois, ce peut vous gêner à la lecture.

Je vous souhaite une excellente lecture sur nos URLs.

Håkon Jarl hin Rige (Adam Gottlob Oehlenschläger) - en savoir plus ?

Je vous propose ici (billet précédent) une exclusivité mondiale : une traduction d'une scène tirée de Håkon Jarl hin Rige[1] (« Haakon-Roi » ou « Le Jarl Haakon roi »[2]) d'Adam Gottlob Oehlenschläger. Inutile d'en demander le reste à votre libraire...

Deux mots : un auteur danois du début du dix-neuvième siècle, très important dans son pays, un polygraphe prolixe du genre Mickiewicz ou Hugo. Il partage avec ce dernier le sens de la formule forte et de l'épique, ainsi qu’une place importante au cœur de ses compatriotes, le parallèle fait sens.
Il se trouve qu'il n'existe pas de traduction disponible en français, d’aucun texte, ô déshonneur !

Xavier Marmier, ce baroudeur qui étudia aussi bien la littérature et les contes danois et norvégiens que la littérature allemande ou les coutumes américaines, également poète, est désormais tombé dans les oubliettes, et comme il fut le seul français à jamais défendre Oehlenschläger, tout s’est arrêté avec lui. Etrange, car notre danois pourrait en vérité séduire bien du monde – les amateurs de théâtre romantique par exemple, mais il existe aussi des pages poétiques incroyables, entre les esthétiques allemande et française, si l’on veut.

Il faut bien voir qu’il partage avec Eugène Scribe le privilège d’avoir profondément influencé Henrik Ibsen, le seul auteur dramatique scandinave avec Holberg et Strindberg a jouir d’une popularité raisonnable à l’extérieur de son milieu d’origine. Dans Les Prétendants à la Couronne (Ibsen), on ressent parfaitement le noeud coulant dramatique à la façon du meilleur Scribe (Robert Le Diable, Les Huguenots, Le Prophète, Les Vêpres Siciliennes). Mais cette noire dérision, cette torture du Jarl usurpateur, cet humour macabre - avec l'évêque Nicolas, véritable spectre vivant - proviennent tout droit de cette veine hugosemblable qui est celle d'Oehlenschläger.

Clarifions aussi le titre. Un Jarl est un grand féodal, l'équivalent dans la France du XIIe siècle au moins d'un grand comte ou d'un duc, et qui tient une grande part dans le gouvernement de l'ensemble du pays. Comme je le laissais entendre à propos des Prétendants à la Couronne (il s'agit d'ailleurs d'un autre Håkon, postérieur), les Jarl ont souvent joué un rôle déterminant dans la politique intérieure de la Norvège qui a vécu bien plus de changements de souveraineté que la France ou le Royaume-Uni !

Suite de la note.

Notes

[1]Oui, le même qu'ici !

[2] La vieille traduction de Xavier Marmier (aux côtés de David Soldi) - car trois pièces ont tout de même été traduites en français à la moitié du XIXe siècle , dernière réédition en 1881 - propose un plus évasif mais prudent « Hakon Jarl le Puissant ».

Suite de la notule.

David Le Marrec

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