Le disque du jour - XVII - Franz SCHUBERT, Intégrale des quatuors à cordes - Leipziger Streichquartett / Quatuor à cordes de Leipzig
Par DavidLeMarrec, dimanche 6 mai 2007 à :: Le disque du jour - Quatuor à cordes :: #600 :: rss
Il n'est pas dans notre cahier des charges de sélectionner des interprétations d'oeuvres célèbres, chacun se fraie un chemin à son goût dans ces contrées incontournables.
Toutefois, petite entorse en guise de disque du jour, tant l'entreprise force l'admiration à tout point de vue.
Bref extrait dans la note.
Tout d'abord, cette intégrale, publiée par Gold MDG, comprend également le quintette à deux violoncelles. Et un dixième volume, séparé, contient deux trios à cordes et le quintette avec piano (avec Christian Zaccharias).
Voici un extrait du deuxième mouvement du quatuor en sol D.887 (l'ultime) :
Précisons d'emblée de l'ensemble des interprétations qu'on a pu entendre, à savoir les deux autres quatuors fameux, en la mineur D.804 dit Rosemonde, et en ré mineur D.810, dont le deuxième mouvement est constitué de variations sur La Jeune Fille et la Mort, ainsi que le fameux mouvement en ut mineur (Quartettsatz) D.703 et une esquisse d'Andante, l'intérêt se montre sensiblement du même niveau.
Plusieurs remarques.
D'emblée, on est saisi par la prise de son formidable. Naturel et présence extrêmes, comme toujours chez Gold MDG, qui en plus de proposer des oeuvres rares (comme le nonette de Czerny, autre grand disque) par des interprètes d'exception (comme le Consortium Classicum), se maintient à des tarifs très raisonnables.
Un credo : prises de son dans des salles adaptées, et sans retouches cosmétiques. D'où le grand réalisme sonore, cette chaleur bien particulière qu'on croyait bannie du support numérique.
L'extrait proposé est assez compressé, à 128 kilobits par seconde. C'est-à-dire 128 unités d'information par seconde. Un disque doit tourner entre 700 et plus de 1000 kbps ; de là, on vous laisse imaginer la présence de l'original...
Il faut aussi préciser que CSS manifeste de coutume un scepticisme amusé devant l'audiophilie, tant elle finit par rendre inaudible la prestation artistique, dans le souci unique de la restitution fidèle - jusqu'à choisir des disques moyens mais bien captés... Aussi, cette insistance admirative en ouverture d'un commentaire discographique doit-elle être considérée avec le plus grand sérieux. [On y tient, et c'est dit. Veuillez n'oublier que ce lieu est très sérieux et sinistre.]
Naturellement, une prise de son n'est rien sans l'interprétation, et plus encore l'oeuvre idoines.
Pour l'oeuvre, on sait bien que les quatuors de Schubert sont très inégaux, et que l'abîme qui sépare les premiers des derniers est assez comparable à celui qui sépare un compositeur génial démesurément enregistré d'un compositeur qui ne le sera jamais et à bon droit. Dans l'intégrale honnête et bien connue des Melos, ils n'avaient aucune chance. Dans la publication séparée des Leipzig, ils sont habilement répartis avec des oeuvres plus consistantes, mais nous ignorons pour le coffret.
On n'a malheureusement pas entendu ces oeuvres, et nous ignorons donc si elles ont pu être sauvées et justifient l'achat de l'ensemble du coffret.
Quant à l'interprétation, absolument tout y figure.
On y entend toutes les strates sonores, avec une très grande lisibilité - l'alto et le second violon n'ont que rarement été aussi individualisés dans le spectre sonore. A cela s'ajoute une profondeur de son assez enivrante : des timbres superbes, à la fois denses et tranchants, des coups d'archets qui sonnent avec l'aigreur des cordes à vides, mais sans la moindre acidité. Une sorte de miracle du son, qui en échappant au survibrato, parvient à obtenir une résonance très singulière dans l'ensemble du corps.
Mais, plus que tout, les choix eux-mêmes laissent pantois. L'intensité des tremolos dans le mouvement lent que vous pouvez entendre en extrait ; les subtilités de la progression des nuances dynamiques, en parallèle subtil avec l'harmonie, ni prévisibles, ni indifférentes. Et ces détachés et respirations formidables, ces fortepiano diablement expressifs, et plus que tout ce déhanchement incroyable, d'un sens de la danse inouï pour moi dans ses pages.
Il me faut avouer n'avoir jamais entendu mains droites aussi vigoureuses et enthousiastes, qui semblent creuser le son à chaque phrasé.
Y compris pour Der Tod und das Mädchen : on égale les Alban Berg, avec peut-être moins de narration et plus de son et de lisibilité. Le choral du deuxième mouvement est aux antipodes de la rondeur des Lindsay ; sans vibrato, mais d'une force émotionnelle à la fois hors du commun et étonnamment délicate.
La prise de son, face à la grisaille EMI, achèvera d'en faire le premier choix...
Pour le quatuor en sol, la concurrence est tout simplement écrabouillée - jamais rien entendu qui se rapproche de cette danse folle. Le folklore dans ce qu'il a de moins anecdotique, c'est-à-dire l'essence même, à mes oreilles, de ce quatuor.
Le mouvement de quatuor en ut mineur bénéficie sensiblement des mêmes qualités, au point d'accroître sensiblement l'intérêt de la pièce elle-même.
Le quatuor Rosamunde bénéficie sans doute d'un peu moins d'énergie, en dépit d'une interprétation de très haut niveau.
En somme, un choc sonore et interprétatif. Assez incontournable pour jouir pleinement de ces merveilles à seize cordes.
Commentaires
1. Le jeudi 10 mai 2007 à , par Vartan
2. Le jeudi 10 mai 2007 à , par DavidLeMarrec
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