Nathalie Stutzmann dans les Kindertotenlieder à Nantes (plus quelques bricoles de Barber et Dvořák)
Par DavidLeMarrec, samedi 2 juin 2007 à :: Disques et représentations :: #629 :: rss
A la poursuite de Nathalie Stutzmann, Sylvie Eusèbe oeuvre sans relâche !
Nantes, Cité des Congrès, mardi 22 mai 2007, 20h30.
S. Barber : Adagio pour cordes
G. Mahler : Kindertotenlieder,
A. Dvorak : Symphonie n° 9 « du Nouveau Monde ».
Orchestre National des Pays de la Loire ;
Isaac Karabtchevsky, direction ; Nathalie Stutzmann, contralto.
[Note de la rédaction : On pourra lire, si nécessaire, une brève introduction à l'oeuvre et une suggestion discographique à propos des Kindertoten sur Carnets sur sol.
Et surtout, comparer à l'antique compte-rendu des Kindertotenlieder de Nat' avec l'ONBA à Bordeaux - toujours par Sylvie Eusèbe.]
Je n’avais pas l’intention d’écrire un compte-rendu sur ce concert mais, un peu plus d’une semaine après, ma déception est encore si forte que j’espère pouvoir l’atténuer en la mettant par écrit ! Et puis surtout, je souhaite que l’on sache que le chef, qui a pourtant un parcours professionnel impressionnant, et l’orchestre sont, à mon avis bien sûr, totalement passés à côté de ce concert.
Je n’ai rien de spécial à signaler à propos de l’Adagio de Barber, si ce n’est que cette pièce très célèbre est facilement larmoyante, mais que là , elle est restée de glace, et moi aussi.
Après cette « ouverture » mollement applaudie par le public, les Kindertotenlieder ont été joués, mais j’y viendrai plus bas.
Je m’arrête un instant sur la 9ème symphonie de Dvorak qui occupait à elle seule la seconde partie du concert. Archi-connue elle-aussi, c’est une œuvre dont j’apprécie les thèmes, l’énergie et la richesse de l’orchestration. Je me faisais une joie de l’écouter en concert pour la première fois (eh oui !), j’étais ravie de l’entendre « sonner » en vrai ! Eh bien, non, elle n’a pas sonné, elle n’a pas brillé, mais elle a plutôt tambouriné une bourrée slave avec ses gros sabots : pas de pianissimi, pas de finesse, pas de nuance. L’orchestre et son chef ont souligné bien grassement chaque trait, sans poésie, sans élégance, et que cette musique tourne vite à la lourdeur si on n’y met pas un peu d’air ! Je me suis tellement ennuyée que j’en ai bâillé, ce qui est vraiment exceptionnel parce que je suis tout de même plutôt « bon public » et je trouve toujours quelque chose à me mettre sous l’oreille. Quant au public nantais, c’est lui qui a été bon public : visiblement très heureux de se sentir mélomane parce qu’il était en terrain connu, il a bien applaudi cette pauvre symphonie.
Il a en revanche fait un accueil poli mais un peu froid aux Kindertotenlieder de Mahler, musique certainement beaucoup plus « exotique » pour lui que les deux autres œuvres de cette soirée.
En redingote violette et sans partition, Nathalie Stutzmann est apparue vocalement très en forme dès ses premières notes sur « Nun will die Sonn’ so hell aufgehn ». Certes, la douce évidence de ce « maintenant le soleil radieux va se lever » chanté par la contralto pouvait masquer quelques instants la pesante fatalité des drames nocturnes. Mais la direction d’Isaac Karabtchevsky ne cachait pas une seconde la brutale lourdeur de l’orchestre. Dès ce tout premier instant, j’ai malheureusement senti que les cinq Kindertotenlieder allaient être joués de la manière la moins subtile que je connaisse, à tel point que c’était difficile de voir et d’entendre Nathalie Stutzmann essayer malgré cet anti-accompagnement de mettre toute son expressivité et son art au service de cette œuvre délicate, à la fois si belle et si déchirante.
Les instrumentistes solistes avaient pourtant d’assez belles sonorités, mais leur défaut majeur était de jouer trop fort, ou plutôt de ne pas savoir jouer pianissimo. Même la flûte toute seule était déjà trop forte ! J’ai eu aussi la très désagréable impression que le chef n’était pas arrivé à donner une cohésion à ses musiciens : chacun jouait pour lui-même et n’écoutait pas les autres.
Comment dans ces conditions espérer entendre le dialogue entre le chant et les vents au début du troisième Lied ?
Comment espérer que les musiciens annoncent ou reprennent délicatement les intonations de la chanteuse, comme lorsque la symbiose, même partielle, se fait ?
Comment espérer entendre la profondeur sonore de l’orchestre mahlérien, comment espérer être touché par la profondeur de sa musique ?
Quand j’écoute cette œuvre, j’attends toujours beaucoup de son final, de ces derniers vers chargés d’une douleur qui se transcende. Une musique immatérielle se met à planer doucement au-dessus de la Terre et souligne ainsi ce dépassement. La contralto a étiré certaines voyelles (ah ses « i » qui me donnent toujours le vertige !), avec sa prononciation détaillée elle a ciselé les mots et les sons, elle nous a montré que la beauté et la noblesse de son chant désiraient tellement nous arracher à notre monde ! Hélas, c’était peine perdue ! L’orchestre et son chef n’ont pas su profiter de cette ouverture vers l’au-delà qui leur manquait pourtant cruellement. Ils sont restés lourds et gauches au ras du sol, sans grâce, définitivement sans inspiration, peut-être même sans aspiration. Devant tant d’incapacité à être digne du talent de la chanteuse, Isaac Karabtchevsky et son orchestre m’ont laissée déçue, dépitée, triste pour Gustav Mahler et Nathalie Stutzmann.
Ce concert était le premier d’une tournée de six identiques que ces mêmes interprètent ont donnés jusqu’au 30 mai dans la région. J’espère vraiment que les autres soirées ont été plus inspirées.
Le programme et les micros disposés sur la scène nous ont signalé que le concert était enregistré. Sa diffusion est prévue en septembre prochain sur France Bleu Loire Océan. Je ne regrette pas de ne pas recevoir cette radio chez moi.
Sylvie Eusèbe, 30-31 mai 2007.
Commentaires
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