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Amusement/émerveillement du jour (autour de L'Iliade d'Homère)

C'est par ces raisons que j'ai réduit les vingt-quatre livres de l'Iliade en douze, qui sont même de beaucoup plus courts que ceux d'Homére. On croiroit d' abord que ce ne peut être qu'aux dépens de bien des choses importantes que j'ai fait cette réduction ; mais si l'on considere que les répétitions, à bien compter, emportent plus de la sixiéme partie de l'Iliade, que le détail anatomique des blessures, & les longues harangues des combattans, en emportent encore bien davantage, on jugera bien qu'il m'a été facile d'abréger, sans qu'il en coûtât rien à l'action principale. Je me flatte de l'avoir fait, & je crois même avoir rapproché les parties essentielles de l'action, de maniere qu'elles forment dans mon abrégé, un tout plus régulier et plus sensible que dans Homére.

D'abord l'objet de notre émerveillement, puis le commentaire.


C'est un usage immémorial parmi les traducteurs, de relever l'excellence de l'Auteur qu'ils traduisent. Ils prétendent justifier leur goût, en prouvant la perfection de l'original qu'ils ont choisi ; & ils recommandent en même temps leur propre ouvrage, où ils se flatent d'avoir fait passer les mêmes beautez qu'ils font valoir.

On s'attend sans doute sur cet usage, à trouver ici le panegyrique d'Homére : mais outre que je le traduis moins que je ne l'imite, & qu'ainsi l'usage des Traducteurs ne fait point de loi pour moi, j'ai crû encore que rien ne pouvoit autoriser les exagérations ; que le vrai mérite étoit de reconnoître les défauts par-tout où ils sont ; que d'ailleurs les fautes des grands hommes sont les plus dangéreuses, & qu'il est d'autant plus important de les faire sentir, que bien des gens font gloire de les renouveller. Ce discours ne sera donc point un éloge d'Homére, mais seulement une dissertation, ou si je l'ose dire, un essai de Poëtique, où je dirai naïvement ce que je pense de l'Iliade & de son Auteur.

[...]

On a condamné dans un opéra de Quinault, la scene où Epaphus & Phaëton se disent des injures & se vantent réciproquement de leur naissance ; on ne goûtoit pas que l'épée au côté, leur colere s'exhalât en discours : cependant le contre-tems n'est pas là si considérable que dans la chaleur d' un combat. Mais on a deux poids & deux mesures pour les anciens & pour les modernes : on condamne franchement Quinault, parce qu'il est de notre siécle ; & le préjugé de l'antiquité fait qu'on n'ose sentir la faute d'Homére.

On dira peut-être, qu'Homére sçavoit aussi bien que nous, combien il faisoit en cela de violence à la nature ; mais qu'il a cependant bien fait d'interrompre ainsi le récit des combats qui eût été trop ennuyeux sans cette licence. J'avoüe que ces discours délassent un peu l'esprit de la longueur & de l'uniformité des combats, et qu’on aime encore mieux les entendre que la description anatomique des blessures. Mais, c'est excuser une faute par une autre. Qui obligeoit Homére à s'appesantir sur le détail des batailles, de maniere qu'il eût besoin de violer la vraisemblance pour en réparer l'ennui ? & d'ailleurs, quand il eût été obligé à ce détail, ne pouvoit-il pas l'interrompre plus sensement, comme il le fait quelquefois, en racontant de quelques uns de ses Héros, des histoires variées, où il étoit le maître de mêler des circonstances propres à soutenir & à réveiller l'attention ? Je n'ai garde de confondre avec ces discours mal placés ceux que les chefs adressent à leurs troupes, pour les encourager. Ils sont sans doute à propos, pourvû qu'ils soient courts, & qu'on ne dise pas, comme Homére, qu'ils étoient entendus distinctement de toute l'armée.

[...]

La raillerie me paroît aussi froide que mal placée, et je ne puis m'empêcher de dire, à cette occasion, que les Héros d'Homére sont de fort mauvais railleurs ; ils ne disent jamais rien en ce genre d'ingénieux ni de bien choisi. Sans doute, dans le siécle & dans le pays d'Homére, les esprits n'avoient pas encore acquis là-dessus, la finesse des derniers tems.

Enfin, les discours les plus mal places de tous, sont ceux que les hommes adressent à leurs Chevaux. Heureusement, ils sont en petit nombre dans l'Iliade ; n'est-il pas encore bien étonnant qu'il y en ait ? Qu'on impute tout cela, si l'on veut, à la grossiéreté des tems ; il s'ensuivra que les meilleurs esprits devoient s'en sentir, & que par conséquent les meilleurs ouvrages étoient encore très-imparfaits.

[...]

En tant que traducteur, je me suis attaché particulierement à trois choses : à la précision, à la clarté & à l'agrément.

Pour la précision, j'ai tâché de n'employer aucune épithéte, qui n'exprimât quelque circonstance utile et du sujet. Avec cette attention, on peut quelquefois renfermer dans un mot le sens d'une phrase entiere ; & cette briéveté, quand elle n'est pas excessive, produit nécessairement la force & la beauté des vers. L'amas des circonstances & des images frappe & remplit l'imagination, & c'est ce qu'on appelle force : les vers foibles sont ceux où le sens est en moindre proportion que les paroles.

Pour la clarté, j'ai évité autant que je l'ai pû, les transpositions & les longues périodes. Les unes laissent une ambiguité fatiguante dans la construction, & rendent en même tems le style dur et contraint. Les autres, pour vouloir unir trop de choses ensemble, n'en dévéloppent aucune assez distinctement ; & il faut souvent revenir avec une nouvelle attention, sur ce qu'on a lû, parce que les idées se sont confondues, ou effacées, l'une l'autre. Ajoûtez que ces longues périodes qui donnent du nombre à la prose, rompent au contraire la cadence et l'harmonie des vers. Un vers est toûjours plus beau, toutes choses égales, selon qu'il dépend moins pour la liaison de ce qui le précéde & de ce qui le suit.

Quant à l'agrément, la différence du siécle d'Homére et du nôtre m'a obligé à beaucoup de ménagemens, pour ne point trop altérer mon original, & ne point choquer aussi des lecteurs imbus de moeurs toutes différentes, & disposés à trouver mauvais tout ce qui ne leur ressemble pas. J'ai voulu que ma traduction fût agréable ; & dès-là, il a fallu substituer des idées qui plaisent aujourd'hui à d' autres idées qui plaisoient du tems d'Homére : il a fallu, par exemple, anoblir par rapport à nous, les injures d'Achille & d'Agamemnon ; éloigner des querelles de Jupiter & de Junon, toute idée de coups & de violence ; adoucir la préférence solemnelle qu'Agamemnon fait de son esclave à son épouse ; & exprimer enfin diverses circonstances, de maniere qu'en disant au fonds la même chose qu'Homére, on la présentât cependant sous une idée conforme au goût du siécle.

Voilà les régles que je me suis prescrites dans les endroits de mon ouvrage, où j'ai prétendu traduire Homére ; car je me regarde comme simple traducteur, partout où je n'ai fait que de légers changemens. J'ai poussé souvent la hardiesse plus loin, j'ai retranché des livres entiers, j'ai changé la disposition des choses, j'ai osé même inventer : & c'est de cette conduite, si téméraire au premier aspect, qu'il me reste à rendre raison.




DES CHANGEMENS CONSIDERABLES

Je me suis proposé en mettant l'Iliade en vers, de donner un Poëme françois qui se fît lire, & je n'ai compté d' y pouvoir réussir, qu'autant qu'il seroit court, intéressant : & du moins exempt des grands défauts.

Entre plusieurs raisons, ce qui a fait tort à nos Poëmes françois, c'est la longueur : une émulation mal entendue a trompé les Poëtes ; ils ont voulu courir une carriere aussi longue que elle d'Homére & de Virgile, comme s'ils avoient craint de ne pouvoir entrer en comparaison avec eux, que par des ouvrages d'aussi longue haleine que l'Iliade & que l'Eneïde. C'est de cette émulation imprudente que sont nés La Pucelle, Clovis, S. Louis, etc. Poëmes allongés, dont on ne sçauroit achever la lecture, qu'en se roidissant contre l'ennui, & que l'on n'est jamais tenté de relire.

[...]

L'autre raison qui auroit dû engager les Poëtes héroïques à réduire leurs Poëmes, c'est la cadence trop uniforme de nos vers. Elle est agréable, un certain tems, mais à la longue, elle fatigue. Douze mille vers, fussent-ils excellens, ne le paroîtroient pas, s'ils étoient lûs tout de suite, et ils auroient beau encherir toûjours les uns sur les autres, à peine trouveroit-on qu'ils se soûtinssent. Il faut donc se garder d'en rassassier les lecteurs ; & la prudence veut au contraire, que les Poëtes françois réduisent le Poëme à des bornes plus étroites que ne faisoient les anciens, qu'ils le distribuent même en livres plus courts, afin de ménager plus souvent à l'attention, le repos dont elle a besoin, pour mieux goûter nos vers. Il n'y a de Poëmes françois que le lutrin qui se lise ; et quoiqu' il ait sur les autres, l'avantage d' une élégance continue, je suis persuadé que c'est encor un de ses agrémens de n'avoir que six livres, dont le plus long n'a pas trois cens vers.

C'est par ces raisons que j'ai réduit les vingt-quatre livres de l'Iliade en douze, qui sont même de beaucoup plus courts que ceux d'Homére. On croiroit d' abord que ce ne peut être qu'aux dépens de bien des choses importantes que j'ai fait cette réduction ; mais si l'on considere que les répétitions, à bien compter, emportent plus de la sixiéme partie de l'Iliade, que le détail anatomique des blessures, & les longues harangues des combattans, en emportent encore bien davantage, on jugera bien qu'il m'a été facile d'abréger, sans qu'il en coûtât rien à l'action principale. Je me flatte de l'avoir fait, & je crois même avoir rapproché les parties essentielles de l'action, de maniere qu'elles forment dans mon abrégé, un tout plus régulier et plus sensible que dans Homére.

Le Pere le Bossu, dans son traité du Poëme épique, ouvrage le plus méthodique & le plus judicieux que le préjugé ait produit, prétend que tout le dessein de l'Iliade n'est que de faire voir combien la discorde est fatale à ceux qu'elle divise. Il n'est pas bien sûr qu'Homére y ait pensé ; mais quoi qu' il en soit, j'ai tâché que cette vérité se sentît dans mon ouvrage ; je l' ai même établie dès la proposition, en disant que la colere d'Achille lui fut funeste à lui-même, aussi-bien qu'aux Grecs (ce qu'Homére auroit dû faire, s'il avoit eu le dessein qu' on lui suppose) & après avoir ainsi préparé l'esprit à la vérité morale dont il doit s'instruire, j'ai dégagé le Poëme de ce qui pourroit l'en distraire dans la suite : en un mot, je n' ai été plus court, qu' afin de dire plus nettement ce qu'on prétend qu'Homére a voulu dire.

[...]

Souffriroit-on au Théâtre, que dans les entr'Actes d'une Tragédie, on vînt nous dire tout ce qui doit arriver dans l'acte suivant ? Approuveroit-on que l'action des principaux personnages y fût interrompue par les affaires des confidens ? Non sans doute. C'est neanmoins ce qu'Homére fait souvent dans son Poëme, où cela n'est ni moins importun, ni moins à contre-tems que dans la tragédie. Les Sçavans prévenus ne le sentent pas dans l'Iliade ; mais eux-mêmes, ou du moins les autres, l'auroient bien senti dans mon ouvrage ; et quoique je ne me flatte pas trop de plaire, avec les changemens que j'ai faits, je suis sûr du moins que j'aurois déplû, si j'avois été plus fidélle.

Voici un exemple des libertés que j'ai prises dans la vûe de soûtenir & d'augmenter l'intérêt. Patrocle, dans Homére, ayant pris les armes d'Achille, fait un carnage horrible de Troyens ; on le prend quelque tems pour le Héros dont il porte les armes : mais enfin on se détrompe. Il combat & tue Sarpedon pour qui Jupiter fait de grands prodiges. Le combat roule ensuite sur les subalternes ; après quoi Apollon lui-même désarme Patrocle ; Euphorbe le blesse par derriere, & Hector qui étoit demeuré dans l'inaction, profite de l'état où il voit Patrocle ; il le tue & l'insulte mal à propos ; ce que son ennemi mourant lui reproche avec raison.

Pour moi, je fais durer l'erreur des Troyens qui prennent Patrocle pour Achille. C'est dans cette idée que Sarpedon l'attaque, & il en devient plus intéressant, par le péril où il croit s'exposer ; comme Patrocle en est plus grand par l'erreur que cause toûjours son courage. A peine Sarpedon est-il mort, qu'Hector entreprend aussitôt de le vanger : ainsi, l'on passe sans interruption d'un intérêt à un autre encore plus considérable. Hector, & Patrocle toûjours pris pour Achille, se disputent le corps de Sarpedon, ce qui fait une image terrible & touchante tout à la fois. C'est dans cette occasion que Jupiter fait gronder la foudre & pleuvoir le sang : prodiges qui découragent les deux armées, tandis qu'ils redoublent encor la valeur des deux Héros. Hector triomphe de Patrocle, & il l'insulte plus à propos que dans Homére, puisqu'il le prend pour Achille, & qu'il l'a vaincu sans secours. Patrocle mourant détrompe Hector, surprise intéressante : & enfin la tristesse où tombe Hector détrompé, ferme ce me semble cet incident, d'une maniere grande & pathétique. Je me suis du moins affermi dans ces pensées, par le plaisir que cet endroit m'a paru faire à ceux qui l'ont entendu.

A l'égard des défauts, je n'ai pas cru devoir retrancher ceux qui ne s'apperçoivent que par la réflexion, & qui ont au premier aspect de l'éclat & de la beauté ; le Poëme s'accommode assez de ces défauts-là, & ils n'empêchent pas qu'on ne réussisse ; parce que le lecteur une fois touché, ne se demande gueres à lui-même, s'il a assez de raisons de l'être. Ils donnent seulement lieu à de bonnes critiques qui ont aussi leurs succès. L'ouvrage est séduisant, la censure est raisonnable ; & le public les lit avec plaisir l'un & l'autre. Je me suis donc contenté de remédier, autant qu'il m'a été possible, aux défauts qui choquent ou qui ennuyent ; ceux-là ne se pardonnent point.

[...]

[à propos de l'ekphrasis du bouclier d'Achille]

J'ai donc imaginé un bouclier qui n'eût point ces défauts. Je n'y place que trois actions liées même l'une à l'autre. Les nopces de Thétis & de Pélée, qui fondent la noblesse d'Achille ; le jugement de Pâris, qui fonde la colere de Minerve & de Junon contre les Troyens ; et l'enlevement d'Hélene qui fonde la vangeance des Grecs. Ces objets, quoique riants, ont tous rapport au Poëme ; il n'y a point de confusion ; & je ne peins chaque action que dans un instant, quoique par la maniere dont je la peins, j'en fasse entendre les commencemens & les suites. Je ne sçai si je me trompe, mais il me paroît heureux d'avoir fait ainsi du bouclier d'Achille, un titre de sa grandeur, & pour ainsi dire, son manifeste.

J'ai trouvé la mort d'Hector aussi défectueuse que le bouclier d'Achille. Qu'on en juge par les circonstances dont elle est accompagnée dans l'Iliade. Après le carnage opiniâtre qu'Achille a fait des Troyens sur les bords du Xante, tout ce qui peut en échaper, se sauve dans Ilion ; Hector lui seul hors des murailles, attend son ennemi avec toute l'assurance d'un Héros : c'est en vain que Priam & qu'Hecube le conjurent de rentrer, par tout ce que l' amour paternel peut imaginer de plus touchant ; il demeure inflexible, & il n'est occupé que de l'impatience d'en venir aux mains. Achille arrive enfin ; qui le croiroit, après ce que je viens de dire de la disposition d'Hector ? Cet homme si intrépide tout à l'heure fuit sans tenter seulement de se défendre, & ce n' est plus qu'une dispute de coureurs entre les deux Héros, qui tous deux, l'un fuyant, l'autre poursuivant, fournissent trois fois le tour de la grande ville de Troye. Il faut que Minerve, pour engager Hector au combat prenne la forme de Deiphobus son frere, & vienne l'enhardir à combatre Achille avec son secours. Hector reprend courage à la vûe d'un second, & résolut enfin de combatre Achille, il lui fait seulement des propositions d'humanité pour le corps de celui qui sera vaincu. Achille lance un trait contre Hector & le manque ; Hector atteint du sien le bouclier d'Achille, mais sans effet ; Minerve court assez loin ramasser le trait d'Achille pour le lui rendre, tandis qu'Hector qui s' attend au secours de son frere, ne le trouve plus ; il fait pourtant un dernier effort, & c'est le seul signe de valeur qu'il donne en cette occasion ; il brise son épée contre les armes de Vulcain, après quoi Achille triomphe sans peine d'un ennemi sans défense, jusques-là qu'il examine à loisir où il portera le coup. En vérité, quand Homére auroit eu dessein d'avilir ses deux Héros, qu'il auroit voulu que l'un pérît avec infamie, & que l'autre triomphât sans gloire, il me semble qu'il n'auroit pû mieux s'y rendre. L'un est lâche, l'autre est secondé ; l'un s'abandonne sans combat à toute la frayeur du péril, & l'autre n'en court point du tout. Je sçais que les Sçavans ont des allégories toutes prêtes pour sauver tout cela ; mais pour moi, je n'ai pas crû devoir me fier à des excuses que la plûpart des lecteurs traitent de frivoles, & qui, quand elles seroient solides, ne réparent jamais les premieres impressions.

Ainsi, j'ai changé sans scrupule toutes ces circonstances, pour rétablir la gloire des deux Héros de l'Iliade. Hector ne fuit point d'abord avec ignominie ; il commence par proposer son traité qui est raisonnable & magnanime ; Achille, furieux qu'il est, ne répond à sa proposition, qu'en lui portant le premier coup. Hector aussi-tôt lance son dard, il brise son épée contre les armes divines, et c'est alors que se trouvant sans défense, il est réduit à fuir ; mais encor fuit-il en homme que la crainte de la mort n'a pas troublé ; il fuit sous les ramparts de Troye, pour exposer son ennemi à une grêle de traits : danger qui enhardit Achille à le poursuivre, & qui fait même une action héroïque, de la poursuite d'un ennemi désarmé. Enfin Hector ramasse un des traits qui pleuvoient sur Achille ; il combat encore et succombe du moins glorieusement. Si ces corrections sont bonnes, je ne prétends pas en tirer vanité. Le défaut étoit si sensible, qu'à moins d'être idolâtre d'Homére, je ne pouvois n'en être pas blessé ; & dès qu'on sent le mauvais, on a du moins une idée confuse du bon ; un peu de méditation l'éclaircit & la perfectionne bien-tôt.




On est d'emblée violemment frappé par la franchise du propos, c'est le moins qu'on puisse dire !

Je m'avoue tout à la fois admiratif et passablement hilare.

Admiratif en raison du courage qu'il y a à manifester des réserves sur l'écriture d'Homère. Pourtant, il s'agit plus, à mon sens, d'une oeuvre-étalon pour notre civilisation que d'un chef-d'oeuvre impossible à surpasser ou à questionner de façon critique. Ce caractère même de référence rend, bien sûr, absurde le jugement de notre temps ; mais il n'en fait pas pour autant une oeuvre de qualité inapprochable, précisément parce qu'il s'agit de la mesure, et non d'un objet mesuré.
La force de ce texte critique réside dans les accusations précises, qui sentent bien sûr leur époque, mais qui se désignent simultanément comme telles. Cette honnêteté permet une lecture limpide des motivations, fondées ou non, de cet adaptateur. On notera, au passage, que sa prose est vraiment ravissante, ce qui change un peu de ses vers.

Par ailleurs, hilare bien sûr.
Par ce même caractère quasiment désinvolte du propos, qui dresse un inventaire accablant pour Homère sans sembler fortement en proie au doute - avec des séquences de reproches vraiment cocasses. A tort ou à raison, ces pages et cette esthétique ont nourri toute une civilisation, et accuser avec aussi peu de prudence ces fondations laisse le sourire aux lèvres, inévitablement, quelle que soit la pertinence du propos.
Surtout, et c'est bien cela qui a retenu notre attention, l'auteur de ce quasi-brûlot n'est autre que l'immortel Houdar de La Motte, père des poèmes dramatiques d'Alcyone de Marais et d'Omphale de Destouches, entre autres méfaits. J'aurais aimé laisser le soin à une entrée passée de CSS d'éreinter dignement le pauvre homme, mais la note sur Omphale[1] est manifestement bien pudique sur son compte, alors qu'il y aurait fort à dire sur la vacuité de ses vers et la platitude de ses dispositifs dramaturgiques ; mais nous sommes d'humeur trop réjouie pour frapper le malheureux.[2]
Venant d'un tel frippon, cause directe de la ruine de tant de talents musicaux sapés par son inspiration vaguement famélique, la charge prête à sourire méchamment. Même s'étant inventé un joli style pour l'occasion, cette façon de gourmander apparaît, disons, potentiellement culottée.

Et on rit de bon coeur !




On doit cependant à l'honnêteté de préciser que La Motte est malgré tout l'auteur de Fables tout à fait lisibles, et surtout de signaler sa péroraison d'une belle modestie :

Voilà ce que j'avois à dire de l'Iliade & de mon Imitation. J'abandonne l'ouvrage au jugement du public ; si j'obtiens son approbation, peut-être m'enhardira-t-elle à entreprendre un Poëme tout-à-fait original : s'il me la refuse, je ne lui en demanderai pas raison, & ce sera à moi d'étudier pourquoi j'aurai manqué de lui plaire.

Qui s'écroule un peu à la fin :

Mais que diront certains Sçavans ? Je m'attends, surtout si je réüssis, à de vives contradictions. On dira que je suis un téméraire d'avoir osé toucher à une réputation de plus de deux mille ans. Je réponds à cela que je ne sçaurois lui porter d'atteinte qu'autant qu'elle seroit injuste, & que les erreurs accréditées n'en deviennent pas plus respectables. On dira que je suis un ignorant ; j'en demeure déja d'accord ; j'ai songé neanmoins à ne parler que de ce que j'entends ; il faudra faire voir en quoi je me suis trompé ; il ne suffira pas même de me convaincre de plusieurs fautes ; je serai toûjours en droit de tenir pour bien remarqué de ma part, tout ce qu'on passera sous silence. En un mot, on m'opposera de bonnes ou de mauvaises raisons : je ferai gloire de me rendre aux bonnes, & le public fera justice des mauvaises.

On serait tenté, nous, de postuler l'inverse : que s'il y a injustice dans les reproches de La Motte, comme c'est le cas en plusieurs endroits, Homère n'en sort pas diminué.
Mais il semble patent qu'on cherche ici à se conformer aux goûts du temps plus qu'à produire une oeuvre immortelle. C'est un postulat intéressant - que ce caractère périssable de la littérature. A méditer pour les lecteurs de CSS en cette douce nuit.

Mais en dépit de tout, cette liberté de ton face à la référence me séduit réellement.[3]




[Merci au site http://homere.iliadeodyssee.free.fr/ pour cette retranscription numérique très pratique, à laquelle on a choisi d'emprunter ces morceaux choisis.]

Notes

[1] Notule qui serait à compléter et préciser, comme tant d'autres ! On en a le vertige...

[2] Oui, tout à fait, on peut prendre rendez-vous.

[3] La fréquentation trop assidue de ces lutins frondeurs me fait à n'en pas douter filer un mauvais coton.


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Commentaires

1. Le lundi 16 juillet 2007 à , par Bajazet

Vous êtes furieusement allusif, et ne facilitez pas la tâche à vos lecteurs. Or sachez que Lord Marrec évoque L'Iliade en vers (1714) de notre ami La Motte, précédée en guise de préface d'un Discours sur Homère, où un pauvre aveugle essuie toutes sortes de critiques en même temps que le "traducteur" y justifie ses choix radicaux.


« Mais en dépit de tout, cette liberté de ton face à la référence me séduit réellement. »
>> Vous êtes comme Marivaux alors… qui n'a jamais caché son admiration intellectuelle pour La Motte. C'est d'ailleurs La Motte qui, avant Marivaux, avait dénoncé très vigoureusement dans la révérence inconditionnelle et a priori pour Homère une forme de fanatisme intellectuel et esthétique, de "dévotion" plus exactement.

Bref, M. de La Motte était un honnête homme, et sa prose est en effet très agréable. Laissons de côté ses livrets… vous êtes assez bon pour sauver ses Fables, monument de la littérature Régence et un des plus beaux livres illustrés du XVIIIe.

Ses griefs contre Homère sont typiques du goût français de l'époque : il sabre dans l'Iliade tout ce qui paraît manquer aux bienséances, à la continuité, à l'élégance du style, etc. Il s'en explique fort bien dans cette préface, et les extraits que vous citez sont éclairants (par exemple la comparaison avec le livret de Phaéton).

Par ailleurs, il est amusant de remarquer à quel point cette critique d'Homère évoque certains discours actuels. Cette Iliade "réduite", c'est à peu près les "Classiques abrégés" sortis il y a quelques années en poche, qui font par exemple l'économie de certaines descriptions dans Balzac, considérées comme trop longues et susceptibles d'ennuyer les élèves. La Motte ne dit pas autre chose : j'ai coupé ou écourté les descriptions, parce qu'Homère les fait interminables et que ça ralentit le fil du récit.

Mais le plus amusant, c'est la manière dont il censure les attitudes ou les propos des héros d'Homère dès qu'il les juge contraires à la civilisation moderne. Exit la "barbarie" des combats, indigne de princes respectables. On voit bien comment une certaine idéologie de "l'humanité" commence à gauchir complètement la mentalité épique, qui comme vous le savez n'est pas très encline au sentiments humanitaires. C'est bien la raison pour laquelle l'Opéra de Paris a bidouillé le surtitrage des Troyens récemment, non ?

Ce bidouillage de l'Iliade est ainsi typique du caractère globalement inassimilable de la poésie d'Homère à l'esthétique française classique (c'est très différent chez les Allemands, par exemple) mais aussi d'une manie de "moraliser" la fiction qui avait en 1715 de beaux jours devant elle ^^

2. Le lundi 16 juillet 2007 à , par jdm

Comme David l’a écrit :
l'auteur de ce quasi-brûlot n'est autre que l'immortel Houdar de La Motte

Wiki nous rappelle qu’il versifia, en 1714, sans connaître le grec [aïe !] , la traduction de l’Iliade publiée par Anne Dacier en 1699. [aïe, aïe, aïe !] La préface de cette traduction contient un Discours sur Homère dans lequel, après s'être livré à une critique en règle de l'original dans laquelle il stigmatise la grossièreté des personnages, la prolixité de leurs discours, les répétitions, les énumérations, etc., il affirme : « J’ai pris la liberté d’y changer ce qui j’y trouvais de désagréable ».
Nous l’avons pourtant déjà dit, dans les temps anciens* : on ne stigmatise pas une chose !

* τὴν δὲ βαρὺ στενάχων προσέφη πόδας ὠκὺς Ιδμ·
οἶσθα· τί ἤ τοι ταῦτα ἰδυίηι πάντ᾽ ἀγορεύω;

David :
La fréquentation trop assidue de ces lutins frondeurs me fait à n'en pas douter filer un mauvais coton.

Mais non ! le niveau monte, le zouave a déjà les pieds dans l’eau :-)

3. Le lundi 16 juillet 2007 à , par Vartan

Merci pour cette amusante critique des longueurs homériennes (ou homériques ?) et les réflexions du Sieur Bajazet me semblent très actuelles. Sans doute Homère avait-il fait publier ses chants dans quelque gazette antique et l'on sait bien le délayage des feuilletonistes.

Heureusement que les instances supérieures contemporaines auront, elles aussi, jugé du caractère non classique de ces écrits et auront tranché dans le vif afin d'en magnifier la substance. Au programme des collégiens de sixième, on trouve donc parmi les ouvrages célébrés, un "Ulysse et l'Odyssée" (sic) en 185 pages format poche commis par un écrivain "relecteur" (?) qui réduit en un bon Français de style julesvernien ce qu'une bonne traduction épique de quelques chants risquait de faire apercevoir à cette jeunesse. Aucun risque de fatigue donc. Aucun risque de poésie non plus.
Faut-il signaler que ce cours se préoccupe de la litérature ?

4. Le lundi 16 juillet 2007 à , par jdm

Vartan :
ce qu'une bonne traduction épique de quelques chants risquait de faire apercevoir à cette jeunesse. Aucun risque de fatigue donc. [...]Faut-il signaler que ce cours se préoccupe de la litérature ?

Mais comment donc qu'on s'en soucie ! Pour que cette jeunesse travaille plus, il faut qu'elle se fatigue moins.

Aucun risque de poésie non plus.

Comment cela ?! Nous sommes passés de la planche à roulettes aux planches courbes, tout de même ! Soyez de bonne foy !
{Si je puis me permettre, faisez, faisez, modeste indigne aspirant lutin que je suis, cette amusante critique des longueurs homériennes n'est pas de David Le Marrec qui nous la présente seulement pour notre récréation. Quant à ce qu'une bonne traduction épique de quelques chants risquait de faire apercevoir à cette jeunesse, c'est de la violence, encore de la violence, toujours de la violence ! Pourquoi tant de haine ?
Pourquoi pas, tout simplement
Hésitation de l'iambe, qui voudrait
Franchir le pas du souffle qui espère
Et accéder à ce qui signifie

Hein ?
Pour moi, je préfère
Si le Roi m'avoit donné
Paris, sa grand'ville,
Et qu'il me fallût quitter
L'amour de ma mie,
Je dirois au roi Henri :
"Reprenez votre Paris :
J'aime mieux ma mie, au gué !
J'aime mieux ma mie."
La rime n'est pas riche, et le style en est vieux :
Mais ne voyez−vous pas que cela vaut bien mieux
Que ces colifichets, dont le bon sens murmure
[...]
Mais... çà, çà peut déclencher une émeute.}
:)

5. Le lundi 16 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Tant de réactions !

@ Bajazet :
Si, si, dans le commentaire, je préccise qu'il s'agit de La Motte. Et dans les extraits présentés, il est évident qu'il commente sa traduction de l'Iliade.

Vous êtes comme Marivaux alors… qui n'a jamais caché son admiration intellectuelle pour La Motte.

Admiration, admiration... tout doux.


C'est d'ailleurs La Motte qui, avant Marivaux, avait dénoncé très vigoureusement dans la révérence inconditionnelle et a priori pour Homère une forme de fanatisme intellectuel et esthétique, de "dévotion" plus exactement.

Justement, c'est là où se situe le point problématique.
Oui, il y a une forme de fanatisme, aujourd'hui encore - notre bagage culturel fait, qu'aujourd'hui, il y a quantité de choses qui semblent spontanément mieux écrites que l'Odyssée, et pourtant chacun le cite comme le livre qu'on relit encore et encore en toute volupté. Il y a sans doute là une part de posture ou de conformisme.
Mais tout de même, reprocher la "dévotion" envers Homère, je le redis, me paraît potentiellement absurde, puisqu'il s'agit de la source, de la mesure de ce qui a été écrit plus tard ; on peut difficilement les comparer, de ce fait.

Le reproche serait convaincant si La Motte proposait une autre référence - or, on le voit bien, en tant que librettiste, il ne néglige pas les sources antiques.


Bref, M. de La Motte était un honnête homme, et sa prose est en effet très agréable. Laissons de côté ses livrets… vous êtes assez bon pour sauver ses Fables, monument de la littérature Régence et un des plus beaux livres illustrés du XVIIIe.

Monument, je ne sais, n'ayant pas été démesurément ébloui non plus, mais convaincant, oui, bien sûr.


éclairants (par exemple la comparaison avec le livret de Phaéton).

Eclairant du moins pour ceux qui ont la scène dans la tête, mais dans le coin de CSS, ça doit se trouver plus qu'ailleurs.


On voit bien comment une certaine idéologie de "l'humanité" commence à gauchir complètement la mentalité épique, qui comme vous le savez n'est pas très encline au sentiments humanitaires.



C'est bien la raison pour laquelle l'Opéra de Paris a bidouillé le surtitrage des Troyens récemment, non ?

Je ne suis pas au courant. Soit que je ne lise pas les antres maudits, soit que l'information me soit passée sous le nez pendant ma longue retraite sauvage.


Ce bidouillage de l'Iliade est ainsi typique du caractère globalement inassimilable de la poésie d'Homère à l'esthétique française classique (c'est très différent chez les Allemands, par exemple) mais aussi d'une manie de "moraliser" la fiction qui avait en 1715 de beaux jours devant elle ^^

Diable, oui !

6. Le lundi 16 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Jdm :
Nous l’avons pourtant déjà dit, dans les temps anciens* : on ne stigmatise pas une chose !

* τὴν δὲ βαρὺ στενάχων προσέφη πόδας ὠκὺς Ιδμ·
οἶσθα· τί ἤ τοι ταῦτα ἰδυίηι πάντ᾽ ἀγορεύω;


C'est malin de détourner des vers immortels ! Tu aurais dû remplacer le pauvre Achille aux petons nerveux par Jdmos à la plume cryptique, à choisir...

(pour les non polyglottes, voir en I,364-5)

7. Le lundi 16 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Vartan :
Merci pour cette amusante critique des longueurs homériennes (ou homériques ?)

L'adjectif consacré est 'homérique', mais pour ce genre de qualificatifs, on dispose d'une certaine liberté.


et les réflexions du Sieur Bajazet me semblent très actuelles. Sans doute Homère avait-il fait publier ses chants dans quelque gazette antique et l'on sait bien le délayage des feuilletonistes.

Il gagnait sa croûte aux banquets, mieux valait se rendre indispensable longtemps, c'est logique.


Heureusement que les instances supérieures contemporaines auront, elles aussi, jugé du caractère non classique de ces écrits et auront tranché dans le vif afin d'en magnifier la substance. Au programme des collégiens de sixième, on trouve donc parmi les ouvrages célébrés, un "Ulysse et l'Odyssée" (sic) en 185 pages format poche commis par un écrivain "relecteur" (?) qui réduit en un bon Français de style julesvernien ce qu'une bonne traduction épique de quelques chants risquait de faire apercevoir à cette jeunesse. Aucun risque de fatigue donc. Aucun risque de poésie non plus.

Cela dit, très honnêtement :
- lorsqu'on faisait lire les textes originaux, et bien que dans leur traduction, la plupart des élèves n'y entravaient à peu près rien ;
- il y a eu une époque pas si ancienne où le programme de sixième était au choix sur ce type d'incontournables ou sur des contes contemporains. Emilie et le Crayon magique, L'Appel de la Forêt, Le Poney Rouge... et éventuellement, si on était sage, un peu de Marcel Aymé ou même des Grimm (du vieux !!!!). Je n'ai rien contre ces ouvrages, dont certains sont tout de même faibles ou simplistes, même pour des sixièmes, mais ils n'ont pas la même utilité culturelle dans la vie collective...
Sans compter la manie de donner des récits d'enfant ou d'enfance, comme si les adolescents aspiraient à retrouver l'enfance perdue qui fait rêver les adultes et non à devenir adultes !
Qu'on fasse lire Vallès (alors qu'il existe tout de même des choses plus excitantes stylistiquement parlant dans le même registre), très bien, mais les élèves de Troisième préfèreraient l'Insurgé à l'Enfant, assurément !


On peut ensuite discuter de l'opportunité de faire lire l'Odyssée dans le texte aussi tôt dans le cursus, pourquoi pas, mais il y a pire que les petits classiques compacts, narrés de façon contemporaine et souvent tout à fait bien écrits.
Ca peut donner un goût de la lecture et de l'époque, ce n'est pas sot.


Faut-il signaler que ce cours se préoccupe de la litérature ?

Je crois qu'on est clairement dans le registre du moindre mal. Surtout qu'avec la massification de l'enseignement secondaire, on ne peut plus exiger le même niveau de tous, c'est inévitable. Ca n'inclut pas de donner le bac et de cultiver la peur de la difficulté comme on le fait, mais si le livre n'est pas mal fichu, on a échappé à bien pire.

Tu as les références du bouquin, que j'aie une idée ?

8. Le lundi 16 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Comment cela ?! Nous sommes passés de la planche à roulettes aux planches courbes, tout de même ! Soyez de bonne foy !

:-)
Il y a de cela, c'est vrai.

Au demeurant, on peut toujours discuter à l'infini les programmes. Mettre Primo Levi au programme de littérature comme il y a quelques années, c'est un choix clairement idéologique (et un peu hors-sujet) ; cela dit, pour comprendre notre société, avoir conscience de ce choc quasiment (re)fondateur n'est pas inutile. Vous me direz, on en entend déjà amplement causer, mais je pense que ça s'adressait surtout aux tentations négationnistes rencontrées dans certains lycées potentiellement sujets à des troubles non règlementaires.
A titre personnel, il me semble que c'est un peu vouloir forcer les sensibilités et mettre à distance l'esprit critique par la compassion, mais ça peut sans doute se défendre...

Et après on s'étonnera que les copies des lettreux de première année de fac fassent de la morale à la petite semaine au lieu de développer des argumentaires esthétiques...


{Si je puis me permettre, faisez, faisez, modeste indigne aspirant lutin que je suis, cette amusante critique des longueurs homériennes n'est pas de David Le Marrec qui nous la présente seulement pour notre récréation.

Je n'aurais pas osé poussé la familiarité aussi loin, en effet. Mais je suis séuit par ce mâle courage, je dois bien dire.


La rime n'est pas riche, et le style en est vieux :
Mais ne voyez−vous pas que cela vaut bien mieux
Que ces colifichets, dont le bon sens murmure [...]
Mais... çà, çà peut déclencher une émeute.}

Franchement, il est bon à mettre au cabinet.

9. Le lundi 16 juillet 2007 à , par Bajazet

« Wiki nous rappelle qu’il versifia, en 1714, sans connaître le grec [aïe !] , la traduction de l’Iliade publiée par Anne Dacier en 1699. [aïe, aïe, aïe !] »

Oui, aïe aïe aïe, car c'est erroné. La traduction (en prose) de l'Iliade par Mme Dacier a été publiée en 1711, l'Odyssée a suivi en 1716 (cette traduction était d'ailleurs encore en circulation au début du XXe siècle). Cette date erronée de 1699 traîne çà et là, je ne sais trop d'où elle sort.

10. Le lundi 16 juillet 2007 à , par Bajazet

À M. le Marrec

1) « Si, si, dans le commentaire, je préccise qu'il s'agit de La Motte. Et dans les extraits présentés, il est évident qu'il commente sa traduction de l'Iliade. »

>> Tout cela devient évident à force de lire le pavé, mais un peu de clarté d'entrée ne nuirait pas, sauf si vous tenez ferme sur l'esthétique de l'allusion. Franchement, si on est pas un peu au fait déjà, je crois qu'on met un petit moment avant de comprendre de quoi ça cause. Mais ce forum est furieusement élitiste, comme on sait.


2) « Admiration, admiration... tout doux. »

>> Je maintiens, les éloges de La Motte par Marivaux peuvent nous paraître excessifs, il n'en reste pas moins qu'ils sont francs et avérés, et que Marivaux ne lui marchande pas son estime.


3) « Mais tout de même, reprocher la "dévotion" envers Homère, je le redis, me paraît potentiellement absurde, puisqu'il s'agit de la source, de la mesure de ce qui a été écrit plus tard ; on peut difficilement les comparer, de ce fait.  »

>> Je ne saisis pas votre pensée, là. La Motte dit bien dans sa préface qu'Homère est par bien des aspects un poète admirable ; simplement il nie qu'il faille l'admirer systématiquement. La gravure en frontispice de l'Iliade en vers français représente l'ombre d'Homère qui apparaît au poète moderne et lui dit : "Choisis, tout n'est pas précieux."

Ce qui est en question, c'est le caractère inconditionnel, systématique, "sectaire" si l'on veut de certains des admirateurs des Anciens pour Homère. Les Modernes censuraient chez les Anciens une "dévotion" pour Homère dans la mesure où elle était posée "par principe". Pour le coup, on penserait à certains admirateurs vivants de chanteurs d'opéra (vivants ou morts)…

La position de Mme Dacier est très symptomatique : Homère est le plus grand poète de l'Antiquité, parce qu'il est le plus ancien et que ce qu'il représente est (selon elle) cette antiquité vertueuse des premiers temps du monde qu'on voit également dans l'Ancien Testament.
L'emploi polémique du lexique chrétien (dévotion, zèle, etc.) chez La Motte ou Marivaux n'est pas indifférent : ils ont très bien vu que les admirateurs inconditionnels d'Homère fondent leur apologie sur des arguments qui sont autant déterminés par une idéologie religieuse que par le jugement de goût. Toucher à Homère, c'est être sacrilège, et le mérite de La Motte, quelles que soient les limites de son jugement esthétique, est d'avoir clairement exposé les contradictions entre cette "foi" en la suprématie systématique d'Homère et les incompatibilités de son style épique avec les cadres du goût dominant.

Il suffit de voir les contorsions de Mme Dacier dans les abondantes notes qui accompagnent ses traductions, pour justifier tant bien que mal les aspects de la poésie d'Homère dont elle est la première à sentir qu'ils ne peuvent être sérieusement présentés comme des modèles.

Il serait intéressant de comparer ce genre de commentaires avec les annotations de Racine à l'Iliade et à l'Odyssée, où l'on voit que la perception philologique de la poésie d'Homère est embarrassée par les codes du goût français.



4) « Le reproche serait convaincant si La Motte proposait une autre référence - or, on le voit bien, en tant que librettiste, il ne néglige pas les sources antiques. »

>> Vous ne mélangeriez pas un peu tout, là, sauf votre respect ?
Qu'un librettiste de tragédie lyrique ne néglige pas les sources antiques, quoi de plus normal ? Vous en connaissez beaucoup avant 1720 qui ne prennent pas un sujet tirée de la mythologie ? Si on excepte les opéras tirés du roman de chevalerie ou de l'épopée italienne… justement c'est ce qu'a fait La Motte avec Amadis de Gaule. Il a été aussi le premier librettiste à concevoir un livret de tragédie lyrique à sujet purement historique, sans le moindre emprunt au merveilleux mythologique ou médiéval : Scanderberg, mis en musique après sa mort.

Bref, je ne vois pas en quoi discuter le prestige "indiscutable" d'Homère devrait forcer un auteur à bannir les sources antiques, ce qui est impensable de toute façon. Ce qu'on peut dire quand même, c'est que la production théâtrale de La Motte tient à la fois d'une pratique ordinaire du temps (livrets inspirés d'Ovide, une tragédie sur le sujet d'Œdipe, une tragédie biblique) et de tentatives de renouveler l'esthétique du spectacle : c'est lui qui invente le genre de l'opéra-ballet, qui permet de mettre en scène des sujets "modernes" justement, et pour ses tragédies il s'est ingénié à aller chercher des sujets absents jusque-là de la scène française (Romulus, Inès de Castro).


5) « “ses Fables, monument de la littérature Régence et un des plus beaux livres illustrés du XVIIIe.”
Monument, je ne sais, n'ayant pas été démesurément ébloui non plus, mais convaincant, oui, bien sûr. »

>> Ne faites pas semblant de ne pas voir que j'ai employé "monument" au sens que le mot avait sous la Régence. ^^

11. Le lundi 16 juillet 2007 à , par jdm

Bajazet :
Oui, aïe aïe aïe, car c'est erroné. La traduction (en prose) de l'Iliade par Mme Dacier a été publiée en 1711

J'avais remarqué cette distorsion que vous repérez, Bajazet, mais il reste que le texte de Houdar de La Motte est postérieur. Une version "Dacier" diffusée en 1699, dans un salon, et imprimée, éditée en 1711, cela ne change rien. Les textes de Platon n'ont été "édités" qu'à partir de notre Xè siècle - je ne vérifie pas, au risque de me faire rectifier - et pour Homère, les traces les plus anciennes datent de l'époque où Platon tenait son blog.
Les Planches courbes ont été gravées au XXè siècle et sont un best seller depuis deux ans. Il faut laisser du temps au temps.
En toute sympathie, Bajazet :)

12. Le lundi 16 juillet 2007 à , par Vartan

Il s'agit de

Ulysse et l'Odysée
Relu (???) par Martine Laffon, écrivain.
Hachette Jeunesse, 2004, Le Livre de Poche.

Je ne décrie pas cette façon d'enseigner, mais il s'agit d'histoire de civilisation plus que de littérature. Lit-on Homère ou Martine Laffon ? La contraction du texte (de la traduction) peut-elle conserver l'intérêt du texte original ? Et dans ce genre d'exercice quel est le rôle de l'enseignant ? S'agit-il de langue ou d'un cours de récits divertissants ? Faut-il applatir le texte sous pretexte qu'il est difficile ?

Il est à noter que dans le même cours on trouve une lecture d'une version de poche de la bible en une centaine de pages. Je m'interroge sur le rôle de l'école républicaine et le sens de cette approche ici, dans ce qui est un cours de Français. Histoire, religion, littérature, conformisme social qui rassure les familles ?


13. Le lundi 16 juillet 2007 à , par jdm

Franchement, il est bon à mettre au cabinet

Est-ce qu'on met la référence en caractères minuscules illisibles, des fois que le site deviendrait élitistement insultant à la mémoire de Bourdieu ?

14. Le lundi 16 juillet 2007 à , par jdm

Vartan, je vous suis, vous l'aviez compris.
Là, ça va un peu vite.
Forumanie ?

15. Le lundi 16 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

@ Bajazet : Je crois que tu prêtes à mon propos une profondeur érudite qu'il ne visait pas ; les remarques étaient beaucoup plus générales et anodines, depuis la perception du lecteur amusé hier soir à 23h37 plus que d'après l'inscription complexe de La Motte dans son temps. :)

>> Tout cela devient évident à force de lire le pavé, mais un peu de clarté d'entrée ne nuirait pas, sauf si vous tenez ferme sur l'esthétique de l'allusion.

En l'occurrence, oui, il était volontaire de ne pas révéler tout de suite la nature du texte. Manière de donner à chacun la possibilité de revivre ma propre stupeur à sa découverte.

Mais ce forum est furieusement élitiste, comme on sait.

Non seulement élitiste, mais méprisant pour les faibles.


2) « Admiration, admiration... tout doux. »

>> Je maintiens, les éloges de La Motte par Marivaux peuvent nous paraître excessifs, il n'en reste pas moins qu'ils sont francs et avérés, et que Marivaux ne lui marchande pas son estime.

Non, non, je parlais de la comparaison avec ma personne...
Sans doute mes ascendances drapières qui s'exhalent de la sorte.


>> Je ne saisis pas votre pensée, là.

Je rebondissais sur ton propre terme de "reproche", plus généralement.


La Motte dit bien dans sa préface qu'Homère est par bien des aspects un poète admirable ; simplement il nie qu'il faille l'admirer systématiquement.

Tout à fait.

Il suffit de voir les contorsions de Mme Dacier dans les abondantes notes qui accompagnent ses traductions, pour justifier tant bien que mal les aspects de la poésie d'Homère dont elle est la première à sentir qu'ils ne peuvent être sérieusement présentés comme des modèles.

Très intéressant. :) Je suis toujours admiratif devant l'art de la justification à tout propos dans ces textes, pas toujours convaincant, mais redoutablement habile.
Dommage qu'ils n'aient pas eu d'Assemblée Nationale, ça nous aurait donné de belles pages à lire.


4) « Le reproche serait convaincant si La Motte proposait une autre référence - or, on le voit bien, en tant que librettiste, il ne néglige pas les sources antiques. »

>> Vous ne mélangeriez pas un peu tout, là, sauf votre respect ?

J'avais conscience d'être évasif, et je comptais sur votre bienveillante relance :

Qu'un librettiste de tragédie lyrique ne néglige pas les sources antiques, quoi de plus normal ? Vous en connaissez beaucoup avant 1720 qui ne prennent pas un sujet tirée de la mythologie ?

Je voulais simplement dire que la constestation de l'oeuvre-étalon reste du bricolage soumis très fortement à l'air du temps si on ne propose pas une autre référence. Or il s'est par ailleurs accommodé de ce qu'il fustige ici.

Quand je dis autre référence, je pense en effet aux sujets alternatifs que tu signales, ou, de façon plus anachronique, à la recherche d'autres fonds culturels, parfois locaux, comme cela débute au milieu du siècle.

Enfin, en tout état de cause, rien de très érudit, simplement une remarque sur la limite logique de son propos. J'en suis resté à l'amusement - il faudrait que je trouve la façon de mettre en sous-titre "bac à sable". :)


Il a été aussi le premier librettiste à concevoir un livret de tragédie lyrique à sujet purement historique, sans le moindre emprunt au merveilleux mythologique ou médiéval : Scanderberg, mis en musique après sa mort.

Ah, Scanderberg est de La Motte ? Tu fais bien de le préciser, je n'ai pas pu mettre la main sur la partition, mais ça va peut-être me refroidir dans mes recherches. :-)


Bref, je ne vois pas en quoi discuter le prestige "indiscutable" d'Homère devrait forcer un auteur à bannir les sources antiques, ce qui est impensable de toute façon.

Non, non, ce n'était pas ce que je souhaitais dire, je croyais que c'était évident (voir ci-dessus).
Je dis simplement qu'il sape pas mal de fondements de choses qu'il semble ne pas comprendre, et ne propose en échange qu'une adaptation très liée à son temps. Je sais bien que l'époque n'était pas à l'ouverture sauvage de nouveaux paradigmes, mais j'explicitais ma perception de lecteur amusé, pas l'inscription de La Motte dans son temps, dont tu restitues parfaitement, bien sûr, les enjeux.


et pour ses tragédies il s'est ingénié à aller chercher des sujets absents jusque-là de la scène française (Romulus, Inès de Castro).

Que je ne recommande pas de toute urgence aux lecteurs de CSS, soit dit aussi en passant. <]:o)


5) « “ses Fables, monument de la littérature Régence et un des plus beaux livres illustrés du XVIIIe.”
Monument, je ne sais, n'ayant pas été démesurément ébloui non plus, mais convaincant, oui, bien sûr. »

>> Ne faites pas semblant de ne pas voir que j'ai employé "monument" au sens que le mot avait sous la Régence. ^^

Pardonnez-moi, car j'ai douté.

[J'ai toujours besoin de toucher les stigmates.]


Et merci pour toutes ces précisions !

16. Le lundi 16 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Jdm :
Est-ce qu'on met la référence en caractères minuscules illisibles, des fois que le site deviendrait élitistement insultant à la mémoire de Bourdieu ?

Ah non, pas de pitié pour les faibles, je l'ai dit !

Disons simplement que le personnage en question a été ramené des Enfers par Héraklès (encore un !).

17. Le lundi 16 juillet 2007 à , par jdm

Vartan :
Je ne décrie pas cette façon d'enseigner, mais il s'agit d'histoire de civilisation plus que de littérature

En tout cas, il ne s'agit pas de littérature.

Lit-on Homère ou Martine Laffon ?

Oui, c'est une lourde question dans l'enseignement. Est-ce qu'on prend le temps de lire ou est-ce qu'on passe son temps à étudier ce que d'autres ont lu ?

La contraction du texte (de la traduction) peut-elle conserver l'intérêt du texte original ?

La lecture d'une traduction est déjà une curiosité quand on ne peut pas lire le texte original, la contraction, c'est du bizarre, comme le dirait un de nos chers Tontons flingueurs.

Et dans ce genre d'exercice quel est le rôle de l'enseignant ? S'agit-il de langue ou d'un cours de récits divertissants ? Faut-il applatir le texte sous pretexte qu'il est difficile ?

Non, il ne faudrait pas. On peut étudier moins et mieux.

Il est à noter que dans le même cours on trouve une lecture d'une version de poche de la bible en une centaine de pages. Je m'interroge sur le rôle de l'école républicaine et le sens de cette approche ici, dans ce qui est un cours de Français. Histoire, religion, littérature, conformisme social qui rassure les familles ?

Conformisme social, oui. Débâcle de la catéchèse et ignardise (obscurantisme) élitiste, voilà ce qui fait des conflits religieux. Les guerres dites de religion, c'est autre chose. Et les conflits ainsi supportés ont souvent (toujours ?) d'autres fumets...
:(

18. Le lundi 16 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Vartan :
Il s'agit de

Ulysse et l'Odysée
Relu (???) par Martine Laffon, écrivain.
Hachette Jeunesse, 2004, Le Livre de Poche.

Ah oui, en effet, ça fait peur :
((http://librarius.net/boutique_librarius/files/images/t_11096.jpg)) .

Je pensais plutôt à des réécritures factuelles et bien écrites comme ce qu'on trouve en Pocket, ou le Petit Dictionnaire de la Mythologie d'Odile Gandon, par exemple. A vue de nez, ce n'est pas très engageant. J'irai le feuilleter en librairie et on en reparlera.


Je ne décrie pas cette façon d'enseigner, mais il s'agit d'histoire de civilisation plus que de littérature.

C'est un bagage culturel important pour lire la littérature.

Mais à tout prendre, oui, il vaudrait mieux recommander la lecture d'un dictionnaire de mythologie un peu complet et laisser cette refonte qui n'a pas le même sens littéraire que l'original, pour sûr : une version lissée, conforme au goût du temps, de l'Odyssée.
Je suis tout de même curieux de voir ce qui a été supprimé ou ajouté, sûr que ça nous en apprendrait long sur l'esprit régnant ces jours-ci.


Lit-on Homère ou Martine Laffon ? La contraction du texte (de la traduction) peut-elle conserver l'intérêt du texte original ?

Non, bien sûr que non, l'objectif est surtout de transmettre des contenus. Je prenais l'exemple de Primo Levi, c'est la même chose, à ceci près que cette Odyssée, si toutefois elle est exacte dans sa réécriture (on peut imaginer que c'est à peu près le cas), transporte des contenus culturels plus qu'émotifs.

Je suis bien d'accord, on ne peut pas en faire grand chose côté littérature, sauf (et c'est bien, il me semble, le programme de sixième) si on étudie le savoir-faire narratif. A tout prendre, entre ça et le Poney Rouge, mon choix est vite fait.

Ensuite, encore une fois, on peut raisonnablement se poser la question s'il ne vaudrait pas mieux faire lire l'Odyssée en troisième, mais dans le texte original (en grec bien sûr :o).


Et dans ce genre d'exercice quel est le rôle de l'enseignant ? S'agit-il de langue ou d'un cours de récits divertissants ?

Le cours de français de sixième est destiné à apprendre à lire, ou je me trompe ?


Faut-il applatir le texte sous pretexte qu'il est difficile ?

Tu touches au métaphysique, là. :-)

On peut répondre qu'il vaut mieux aplanir que laisser quelque chose d'inaccessible ; ou à l'inverse que l'appauvrissement rend de toute façon un résultat si faible qu'il vaut mieux tenter l'impossible.

J'aurais tendance à répondre qu'on devrait faire lire des ouvrages didactiques sur le sujet pour le cours d'histoire, et proposer en français des oeuvres plus à même de parler directement à des élèves encore non formés, en laissant les oeuvres les plus codifiées pour les classes suivantes du collège.


Il est à noter que dans le même cours on trouve une lecture d'une version de poche de la bible en une centaine de pages.

Eh bien, je trouve ça très bien ! Lorsque tu vois la culture biblique absolument inexistante d'étudiants en lettres (voire d'enseignants), on se dit que ça ne peut leur faire que du bien.


Je m'interroge sur le rôle de l'école républicaine

Républicaine ? Tu veux dire que tu trouves le propos religieux déplacé ? Il s'agit de matière culturelle au même titre que la mythologie gréco-latine, et même plus encore (car pas seulement livresque). L'héritage des valeurs chrétiennes dans une Constitution comme principe, ça peut se discuter (encore que ça reste du détail inopérant), mais en avoir connaissance à l'école, ça me semble nécessaire.
Surtout que, quitte à me répéter encore et toujours, les athées les plus rigides sous nos latitudes sont pétris de pas mal de conceptions judéo-chrétiennes... (On ne recommandera jamais assez le Brand d'Ibsen, premier propos écrit pour CSS, pour en prendre pleinement conscience.)


et le sens de cette approche ici, dans ce qui est un cours de Français.

Tu sais, les exercices de sixième sont suffisamment réduits pour se faire sur une recette du muffin aux saskatoons. :)


Histoire, religion, littérature, conformisme social qui rassure les familles ?

Sans doute, oui.

Mais, sur le sujet, je n'ai pas de religion (contrairement à la messe tridentine, par exemple :o), et surtout je me sens à la croisée des chemins.

Le cours de français a, je crois, deux vocations tout à fait indispensables. Il y a bien sûr le cours de littérature en tant que telle, qu'il ne s'agit pas de supprimer sous prétexte que ce serait difficile, dépassé, inutile, etc. Je ne suis donc pas du tout enthousiaste à l'idée de faire lire des ouvrages faciles écrits il y a deux mois et sur lesquels l'éditeur fait une ristourne. Idem pour les oeuvres-cliché du type "Journal de Zlata", qui n'apportent strictement rien ; ou pour les oeuvres choisies par idéologie, dont l'intérêt littéraire passe avec la mode, si l'oeuvre a jamais été conçue pour...
En cela, bien sûr, j'abonde dans ton sens.

Mais il y a aussi une autre mission, qui a été très à la mode ces dernières années (avec une contestation croissante), mais qui a son intérêt : l'apprentissage de techniques d'expression. Et cela implique une "ouverture au monde", comme on dit. Que le cours de français aide à prendre conscience que la manière de dire implique déjà des choix et des biais, cela me semble absolument fondamental. Dans ce cadre, faire étudier des articles de journaux ou de la publicité à des élèves ne me révolte pas le moins du monde, c'est même un pont intelligent pour montrer l'usage des outils appris avec la littérature.
Naturellement, cela ne doit pas se substituer à l'apprentissage de la littérature elle-même, sous peine de devenir un vaste atelier assez superficiel.

Alors, qu'on fasse de la culture générale en cours de français, non, je n'y suis pas absolument hostile - même si je préfèrerais que le bébé soit refilé à l'histoire ou à la vaste blague de "l'éducation civique". Mais je comprends très bien ce que tu veux dire, il y a le risque que je vois moi aussi venir avec ses gros sabots d'un enseignement à l'eau tièdes, d'une succession de banalités acceptées par tous. Un résumé de l'Odyssée, deux mots sur Jésus, un exercice de grammaire sur un discours de Hugo bien dans le sens du poil, manière de dire qu'on a fait de la littérature, etc.

19. Le lundi 16 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

La contraction du texte (de la traduction) peut-elle conserver l'intérêt du texte original ?

La lecture d'une traduction est déjà une curiosité quand on ne peut pas lire le texte original, la contraction, c'est du bizarre, comme le dirait un de nos chers Tontons flingueurs.

Ca conserve, si elle est fidèle, le contenu (diégétique, comme il faut dire) du texte. Je crois que cet enseignement n'a pas d'autre prétention. (Oui, ce n'est pas de la littérature, en effet. Mais comme c'est un cours de français, on va dire que... :-)


Non, il ne faudrait pas. On peut étudier moins et mieux.

Ah, pour ça, évidemment, ça ne remplit pas la question de l'oeuvre intégrale, mais étudier l'oeuvre en bilingue, même de façon sommaire, sur deux pages, ce serait autrement plus enrichissant, c'est l'évidence.

20. Le lundi 16 juillet 2007 à , par Bajazet

« J'avais remarqué cette distorsion que vous repérez, Bajazet, mais il reste que le texte de Houdar de La Motte est postérieur. Une version "Dacier" diffusée en 1699, dans un salon, et imprimée, éditée en 1711, cela ne change rien.  »

>> cela ne change rien si vous voulez, sauf qu'il est faux d'écrire "publiée en 1699" (quand on prétend être une encyclopédie, autant donner des informations exactes), et qu'il n'y a nul besoin de supposer que La Motte ait pu connaître cette traduction par le biais des salons. Entre 1711 et 1714, ça lui laissait amplement le temps de faire le boulot (il avait d'autres chats à fouetter jusqu'en 1711 de toute façon).


De toute façon, tout cela n'a guère d'intérêt, n'est-ce pas ? Et il faudrait vraiment macérer dans l'oisiveté la plus horrible pour lire un fil comme celui-ci. Ou être en vacances de l'Education Nationale. Et même dans ce cas, franchement… On a des statistiques ? 8-/

21. Le lundi 16 juillet 2007 à , par Bajazet

Je vous prie d'excuser le ton inopportun de mes longues remarques plus haut. C'est un sujet qui m'intéresse, on l'aura deviné, mais j'oubliais où nous nous trouvons. Le majordome sera indulgent.

22. Le lundi 16 juillet 2007 à , par JDM almost last, not least

Bazazet dixit :
quand on prétend être une encyclopédie

I quit !!!!!
Je ne fréquente pas les forums-----

Le majordome sera indulgent

autant que je serai définitif,
PARCE QUE JE ME FOUS COMPLETEMENT DE CE QUI S'EST PASSE ENTRE 1711 ET 1714 !!!!!!!!!

23. Le lundi 16 juillet 2007 à , par jdm

jdm last definitely
David, ton site est excellent, mais il est vrai qu'il ne faut pas laisser les trolls en liberté, sans quoi ils s'usent.
smiley heart pour toi David.

24. Le mardi 17 juillet 2007 à , par Vartan

Républicaine ? Tu veux dire que tu trouves le propos religieux déplacé ? Il s'agit de matière culturelle au même titre que la mythologie gréco-latine, et même plus encore (car pas seulement livresque). L'héritage des valeurs chrétiennes dans une Constitution comme principe, ça peut se discuter (encore que ça reste du détail inopérant), mais en avoir connaissance à l'école, ça me semble nécessaire.
Surtout que, quitte à me répéter encore et toujours, les athées les plus rigides sous nos latitudes sont pétris de pas mal de conceptions judéo-chrétiennes...



Si l'histoire des religions est certainement indispensable à la capacité qu'auront ces têtes pensantes à élaborer une réflexion prenant en compte l'autre dans une altérité qui permet de l'aborder par d'autres voies que la violence, le rejet ou le déni même de son existence, alors je souscris à ceci des quatre mains. Ce qui me laisse perplexe c'est le flou dans lequel ces sujets sont énoncés, celui qui laisse l'enfant se demander si on lui a parlé d'Histoire, d'Une histoire, de faits journalistiques, d'une légende à ranger dans la même penderie que l'Odyssée (ou l'Iliade si tu préfères). Ce flou d'autant plus facilement entretenu qu'en cours d'Histoire de la même année, le programme relance le même sujet (en y associant les trois religions du Livre).

Ce qui me laisse également perplexe c'est l'indigence des contenus littéraires de cette première année de collège. En plus des ouvrages sus-cités, un seul est proposé qui semble répondre aux souvenirs émus de ton Poney rouge: un ouvrage de littérature enfantine (Mon bel oranger de José Mauro de Vasconcelos). Trois titres donc pour une année d'initiation à la lecture un peu plus sérieuse. Je ne suis pas certain que l'intérêt des enfants ait été bien stimulé par tout ceci.


Mais il y a aussi une autre mission, qui a été très à la mode ces dernières années (avec une contestation croissante), mais qui a son intérêt : l'apprentissage de techniques d'expression. Et cela implique une "ouverture au monde", comme on dit. Que le cours de français aide à prendre conscience que la manière de dire implique déjà des choix et des biais, cela me semble absolument fondamental. Dans ce cadre, faire étudier des articles de journaux ou de la publicité à des élèves ne me révolte pas le moins du monde, c'est même un pont intelligent pour montrer l'usage des outils appris avec la littérature.



Je te suis tout à fait. Nous avions d'ailleurs évoqué ceci il y a quelques temps et cette "ouverture" que tu prônes (malgré tout) rend intelligent, c'est à dire curieux de son environnement et capable de maîtriser ces outils afin d'éviter d'être maîtrisés par eux.


PARCE QUE JE ME FOUS COMPLETEMENT DE CE QUI S'EST PASSE ENTRE 1711 ET 1714 !!!!!!!!!



Sachez, Cher Monsieur jdm, qu'il s'est justement passé dans cet instant l'incontournable et l'indispensable: les débuts de Callirhoé. Pourriez-vous dire à présent que l'on peu s'en foutre ? :-))

25. Le mardi 17 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Hou-là ! Ca a fort secoué pendant mon absence...

Je ne sais pas quoi dire, j'ai l'impression que certaines remarques allusives ont été mal comprises de part et d'autre. :-s

Mais de grâce, ne faisons pas d'un bac à sable un camp retranché, tout ira bien, même en causant de La Motte.


>> cela ne change rien si vous voulez, sauf qu'il est faux d'écrire "publiée en 1699" (quand on prétend être une encyclopédie, autant donner des informations exactes),

Je suis inscrit sur Wikipédia, il faudrait que j'aille remettre les choses en ordre sur l'article. Mais ça fait partie du jeu, c'est ouvert à tous, y compris aux non spécialistes, et tu dis toi-même que l'erreur traîne dans des bouquins.


Et il faudrait vraiment macérer dans l'oisiveté la plus horrible pour lire un fil comme celui-ci. Ou être en vacances de l'Education Nationale.

N'est-ce pas ? C'est ce que je me dis aussi. Quand je pense que je suis sans doute lu par des profs en vacances, ça m'emplit d'un vague dégoût. :-)

Et d'abord, les carnets sont là pour parler de la couleur de sa brosse à dents, pas pour tenir des propos sérieux, Monsieur. Il y a les livres pour ça.


Je vous prie d'excuser le ton inopportun de mes longues remarques plus haut.

Tu parles des précisions auxquelles j'ai répondu ? C'était bienvenu, au contraire. Je me suis borné à remettre mes remarques dans le cadre qui était le leur, mais je ne conteste en rien tous les apports que ton intervention contient !


C'est un sujet qui m'intéresse, on l'aura deviné, mais j'oubliais où nous nous trouvons.

Allez, ouste ! Va vite mettre ton écran total et reviens avec un râteau.


Le majordome sera indulgent.

Ah, mais nous n'avons que des Lutins, et ils sont impitoyables.

26. Le vendredi 20 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

@ Jdm : De grâce, pas de décision définitive. Je crois que c'était tour à tour Wikipédia (méchamment) et mon bac à sable (malicieusement) que Bajazet visait. Et puis, pour du La Motte, quand bien même le ton se serait trop élevé, ce bougre ne mérite pas que tu nous prives de tes inimitables lumières obscures. D'autant plus injustement que tu es sorti du bois pour me défendre. :-)

Welcome back chez les fous quadricapillosectionneurs, Jdm ! [souriard qui fait coucou et penche la tête de côté]

27. Le vendredi 20 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Si l'histoire des religions est certainement indispensable à la capacité qu'auront ces têtes pensantes à élaborer une réflexion prenant en compte l'autre dans une altérité qui permet de l'aborder par d'autres voies que la violence, le rejet ou le déni même de son existence, alors je souscris à ceci des quatre mains. Ce qui me laisse perplexe c'est le flou dans lequel ces sujets sont énoncés, celui qui laisse l'enfant se demander si on lui a parlé d'Histoire, d'Une histoire, de faits journalistiques, d'une légende à ranger dans la même penderie que l'Odyssée (ou l'Iliade si tu préfères). Ce flou d'autant plus facilement entretenu qu'en cours d'Histoire de la même année, le programme relance le même sujet (en y associant les trois religions du Livre).
Oui, je crois identifier le problème que tu soulignes : le manque de clarté des répartitions. On fait en littérature la lecture d'une compression peut-être bien écrite, mais sans style identifiable ; on présente en histoire une mythologie, mais sous quelle forme ? Etc.

Ce que je crois pouvoir te dire de source sûre est que les programmes insistent très lourdement sur cette distinction, du moins en histoire, entre le fait et la mythologie, et que cette incursion en histoire ne dure que deux petites heures - du moins est-ce ainsi que les programmes l'ont prévu. (oui, car je lis le BO in extenso depuis des années, bien sûr - à moins que je ne le sache d'une autre source, qui sait...)
Ce qui me laisse également perplexe c'est l'indigence des contenus littéraires de cette première année de collège. En plus des ouvrages sus-cités, un seul est proposé qui semble répondre aux souvenirs émus de ton Poney rouge:
Emu est le mot : ce truc est sans intérêt en soi, mais aussi ennuyeux à lire et plutôt répugnant dans ses contenus.
un ouvrage de littérature enfantine (Mon bel oranger de José Mauro de Vasconcelos). Trois titres donc pour une année d'initiation à la lecture un peu plus sérieuse. Je ne suis pas certain que l'intérêt des enfants ait été bien stimulé par tout ceci.
Oui, trois titres, et rien de grand caractère, apparemment (mais je n'ai pas lu ces ouvrages). En ceci, je suis d'accord avec toi, on aurait peut-être pu leur mettre des choses plus "typées", ou plus variées. Des extraits significatifs du texte d'Homère, des poèmes simples (Aragon est parfait pour les enfants, ou mieux encore, Apollinaire, comme cela on leur donne même de la bonne poésie)... mais tout cela peut parfaitement être fait en plus. Tout dépend de l'enseignant et de cette fameuse liberté pédagogique qui fait froid dans le dos. [Et qui soulage lorsqu'on a lu ce qu'ils sont officiellement censés faire. :-) ]
Je te suis tout à fait. Nous avions d'ailleurs évoqué ceci il y a quelques temps et cette "ouverture" que tu prônes (malgré tout) rend intelligent, c'est à dire curieux de son environnement et capable de maîtriser ces outils afin d'éviter d'être maîtrisés par eux.
C'est ce que je crois aussi ; savoir que lire le journal est être soumis à une rafale de biais, qu'il convient de pouvoir identifier pour pouvoir tirer profit de sa lecture.
De même lorsqu'on trouve la Dianétique dans sa boîte à lettres.

Mais il y a eu tant d'excès dans cette voie, où l'on finissait par prendre des oeuvres immortelles pour en faire des relevés, des tableaux, et s'arrêter là. Compter le nombre de pronoms, relever le schéma narratif, identifier les figures de style... comme un but en soi. Du coup, la littérature n'était plus qu'un laboratoire, et les élèves n'avaient pas nécessairement conscience qu'on pût en tirer des conclusions.

Du coup, il existe des oppositions radicales, peut-être un peu trop ambitieuses, qui réclament une étude avant tout des textes. C'est louable, mais pour ceux qui arrêteront l'école les premiers, la maîtrise (ou même seulement la conscience) des outils sera plus profitable que la connaissance vague de quelques oeuvres. C'est pourquoi l'équilibre est véritablement important entre les deux pôles, à mes yeux. [Car on se doute bien que CSS ne peut prôner la disparition de l'enseignement d'une certaine culture générale. On aimerait même plutôt qu'on cesse d'étudier exclusivement des auteurs français...]
les débuts de Callirhoé.
C'est malin ! J'essayais justement de décrocher. :-(

28. Le samedi 21 juillet 2007 à , par Vartan

[Car on se doute bien que CSS ne peut prôner la disparition de l'enseignement d'une certaine culture générale. On aimerait même plutôt qu'on cesse d'étudier exclusivement des auteurs français...]



Je conserve quelques vieux Mickey Parade pour ouvrir les yeux sur la littérature étrangère à cette jeunesse inculte.

"les débuts de Callirhoé."

C'est malin ! J'essayais justement de décrocher. :-(



C'est bien ingénument que j'ai pensé rebondir sur ce trait que je trouvais fort à propos (quand il s'agit de Callirhoé toutes les chicanes sont à utiliser). Mais sans jdm le plaisir ne serait plus le même ici. :-(

29. Le samedi 21 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

Je parlais de décrocher de Callirhoé, bien sûr. Concernant Jdm, j'ai pensé que l'investissement dans quelques cierges à vocation propitiatoire serait plus approprié. [Sans quoi, de toute façon, bien des billets demeureraient à l'état d'obscurité.]

Sinon, à propos de la grande littérature que tu me proposes, il est tout à fait intéressant de comparer les synopsis de l'école italienne avec les plus célèbres américains Barks ou Don Rosa. Le trait, également, est extrêmement différent.
Justement, c'est en cela que les outils du cours de français devraient aider à tout pouvoir analyser.

J'ai en projet depuis quelques mois de faire une petite chose de ce type sur les blockbusters, j'y ai relevé des choses tout à fait stimulantes.

30. Le jeudi 6 septembre 2007 à , par jdm

Sensationnel rebondissement dans l'affaire "Homère" !

Aujourd'hui même, l'Homère, Iliade d'Alessandro Baricco sort dans les bacs en collection Folio (édition italienne, 2005 ; traduction française, Albin-Michel, 2006). En voici la présentation (quelques extraits en vue d'illustration) par AB :
"Quelques lignes pour expliquer comment est né ce texte. Il y a un certain temps, j'ai pensé que ce serait bien de lire en public, des heures durant, toute l'Iliade. Quand j'ai trouvé quelqu'un prêt à produire cette entreprise (Romaeuropa Festival, auquel se sont ajoutés par la suite TorinoSettembreMusica et Musica per Roma, très vite il m'est apparu clairement que, tel qu'il était, le texte était en réalité illisible : il aurait fallu une quarantaine d'heures, et un public vraiment très patient. Alors j'ai pensé à intervenir sur ce texte, pour l'adapter à une lecture publique. Il fallait choisir une traduction — parmi toutes celles, estimables, disponibles en italien — et j'ai choisi celle de Maria Grazia Ciani (Edizioni Marsilio, Venezia, 1990, 2000) parce qu'elle était en prose et parce que, stylistiquement, elle était proche de ma manière de sentir [bis repetita ? attendons – note de jdm]. Puis j'ai fait une série d'interventions.
En premier lieu, j'ai effectué des coupes pour ramener la lecture à une durée compatible avec la patience d'un public moderne.
[…]
j'ai coupé toutes les apparitions des dieux. On le sait, les dieux interviennent assez souvent, dans l'Iliade, pour orienter les événements et confirmer l'issue de la guerre. Ce sont probablement les parties les plus étrangères à la sensibilité moderne [André (André M., bien sûr)! c'est juste une ligne ! – note de jdm], et souvent elles cassent la narration, en diluant une vitesse qui, sinon, tiendrait de l'exceptionnel. Je ne les aurais pas enlevées en tout cas si j'avais été convaincu qu'elles étaient nécessaires. Or — d'un point de vue narratif, et uniquement — elles ne le sont pas.
[…]
La seconde intervention que j'ai faite est sur le style. Déjà la traduction de Maria Grazia Ciani utilise un italien vivant, plus qu'un jargon de philologue. J'ai essayé de poursuivre dans cette direction.
[…]
La troisième intervention est plus évidente, même si, au bout du compte, elle n'est pas si importante qu'il y paraît. J'ai mis le récit sous la forme subjective. J'ai choisi une série de personnages de l'Iliade et je leur ai fait raconter les histoires, en les substituant au narrateur extérieur, homérique. C'est une affaire essentiellement technique […]. C'est évidemment une astuce dictée par la destination de ce travail : dans un spectacle de lecture publique, donner au lecteur un minimum d'incarnation sur quoi s'appuyer l'aide à ne pas dépérir dans l'impersonnalité la plus ennuyeuse. Et pour le public d'aujourd'hui, recevoir l'histoire de celui qui l'a vécue rend l'identification plus facile.
Quatrième intervention : bien sûr, je n'ai pas résisté à la tentation et j'ai fait quelques adjonctions […]
Le texte que j'ai ainsi obtenu a été effectivement lu en public à Rome et à Turin, à l'automne 2004 […]. Pour la petite histoire, je voudrais dire que plus de dix mille spectateurs (payants) ont assisté à ces deux readings et que la radio italienne a retransmis en direct le spectacle de Rome, à la grande satisfaction des automobilistes et des sédentaires en tous genres [il y a beaucoup de longs embouteillages en Italie – note de jdm].
[…]
je suis heureux d'ajouter un hommage à trois personnes qui m'ont aidé pendant la gestation de ce texte. J'en serais probablement encore à me demander si j'allais faire l'Iliade ou Moby Dick [sigh ! – note de jdm], si Monique Vaute n'avait décidé, avec l'optimisme qui la rend unique, que je ferais d'abord l'Iliade, et ensuite, Moby Dick [crash ! – note de jdm].
[…]
AB, mars 2005"

[si David estime ces extraits encore trop longs, nous lui faisons confiance, il prendra ses ciseaux pour ramener la lecture à une durée compatible avec la patience des lutins]

L'Iliade devient ainsi un texte très agréable, à une époque où la RTT au bureau et la vitesse des transports publics ne laissent plus guère le temps de lire.
Au moins, je souscris à la seconde intervention.
Pour le reste, j'attends une intégrale de Malher en single (1 titre + un bonus vidéo making of)… c'est peut-être déjà dans les caves de CSS…

31. Le jeudi 6 septembre 2007 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir Jdm !

C'est drôle, en effet, et la chambre d'écho que devient ce fil de discussion a de quoi surpréfier. J'ai beaucoup ri en tout cas à la lecture de ta joyeuse trouvaille !

D'accord avec toi pour la deuxième proposition, je ris depuis toujours de voir l'enseignement de la version (et les traduction du commerce) s'enorgueillir de leurs latinismes comme le gage de leur « fidélité » (ben voyons, et quand fête-t-on nos noces ? (Non, pas vous, Hypermnestre.)
Seulement, vu le profil de ce que tu nous a dégoté, je crains que ce ne soit le prétexte à "moderniser" le texte de façon à lui ôter toute identité stylistique. Je suis plutôt partisan d'informer le public que de lui vendre de la bouillie certes comestible - c'est en tout cas comme cela que je m'efforce de faire dans mes interventions ici ou là.

Cela dit, tout dépend évidemment du contexte (même si je ne perçois pas nécessairement l'intérêt impérieux d'une publication) : pour une narration dans une veillée, comme on raconte des contes bretons, pourquoi pas, ce peut être tout à fait sympathique.

Pour la troisième proposition, toujours dans la même perspective, ça se tient très bien aussi.

Quant à la quatrième, pourquoi pas, dans la filiation des mythes de jadis. Cela dit, je ne sais plus où se trouve Homère. Mais que font ses descendants ? Et le droit moral ?


Pour les cadres pressés, il existe le Parsifal de Boulez 70 (ou 2003-6) - on y gagne une heure. Les versions de l'opéra de Khazan, aussi, avec Boris Godounov (version longue avec l'acte Polonais) en 90 minutes.
Et bien sûr les opéras-minute de Milhaud.

Mais ton idée de Bruckner format lied me plaît bien, ce serait plus efficace. En superposant les trois motifs qui fondent l'heure symphonique, on devrait y parvenir. A essayer.


Quadricomplicativement tien,

David – àpeuprèsdanscetétat

32. Le jeudi 6 mars 2008 à , par mimi :: site

tros longs a lire

33. Le jeudi 6 mars 2008 à , par Service des statistiques

Commentaire authentique, qui provient d'une recherche pour un cours de grec, si, si.

http://www.google.fr/search?hl=fr&q=traduction%20du%20conte%20l%27iliade%20de%20hom%C3%A8re%20avec%20l%27original%20en%20grec&meta=lr%3Dlang_fr

Mimi, tu devrais lire le blg de mon jeune ami hope52era, même si Skyrock lui a tout défoncé ses belles couleurs, il tue toujours grave, je crois.

Et navré de n'avoir pu t'apporter de réponse, bon courage pour les recherches !

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David Le Marrec

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