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Enregistrements, domaine public - XXV - quelques Faust libres (de droits) : Gounod et la Damnation de Berlioz

Les lutins ont décidé que, devant l'abondance mahlérienne passée, il n'y aurait point de précipitation pour la prochaine fournée. Soit. Toutefois, pour des raisons pratiques, voici les colis de CSS de retour.

Berlioz, Gounod, quelques surprises.

[Sur divers hébergeurs pour assurer un transfert aisé.]

(Mise à jour : premier lien réparé.)


Afin de permettre plus aisément de suivre notre balade faustienne, après notre proposition de textes-source à charger, voici donc un peu de musique intégrale à se mettre sous la dent.

Peu de choses ont en réalité été enregistrées tôt. On s'est donc par la force des choses limité à Berlioz et Gounod. Néanmoins, comme CSS entend éclipser jusqu'au souvenir de l'Empire Romain d'Orient, pour chacun, nous proposons deux versions. Pour la raison que vous découvrirez aisément.







Berlioz - LA DAMNATION DE FAUST

Voici la version que nous proposons.

Charles Münch, 1954.

Harvard Glee Club, Radcliffe Choral Society.
Orchestre symphonique de Boston.

Marguerite - Suzanne Danco
Faust - David Poleri
Méphistophélès - Martial Singher
Brander - Donald Gramm

C'est ici.

Une version véritablement enthousiasmante, où les désordres calculés de Münch concourent à cette sensation d'oeuvre fille d'une imagination bizarre. Comme il se doit avec ce chef, tout y est interprété avec enthousiasme et une belle poussée dramatique. On dispose ici d'un Faust à la mode italienne, un peu hédoniste, dans une distribution du rôle qui se conçoit fort bien - même si elle n'est pas la plus profonde. Quant à Martial Singher, clarté d'élocution, justesse du ton, il faudrait vraiment conserver trop Jules Bastin dans l'oreille pour faire la fine bouche et lui trouver de petites raideurs là où tout n'est qu'abandon évident chez l'autre.

Au « disque sous droits », on peut tout de même citer deux versions majeures qui outrepassent tout le reste. Markevitch, pour un orchestre où chaque trait d'orchestration de Berlioz fait sens, à un point qu'on peine à imaginer. Sur une aussi belle partition et à ce degré, le résultat est tout simplement l'une des plus grandes leçons (et jubilations) qu'on puisse recevoir d'un orchestre au disque, tous répertoires confondus. Colin Davis, avec un sens du spectaculaire et une ampleur incroyables, et surtout pour l'incarnation riante et mordante de Jules Bastin, d'une richesse d'invention et d'une drôlerie pour tout dire idéales. On pense sottement au qualificatif « inégalable ».




La surprise à présent.

Une version en allemand, épuisée depuis fort longtemps.

Wilhelm Furtwängler, 26 août 1950.

Orchestre et choeurs du festival de Lucerne.

Marguerite - Elisabeth Schwarzkopf
Faust - Frans Vroons
Méphistophélès - Hans Hotter
Brander - Alois Pernerstorfer

Première moitié
Seconde moitié

Autant prévenir les téméraires, la chose est difficilement écoutable, à cause en particulier des tempi franchement apathiques de Furtie - la taverne sombre chez des capucins lourdement assoupis. Quant aux Sylphes, il feraient passer le Voici des roses le plus indolent pour une gigue de Louis Couperin. De ce point de vue, la chose est comparable à ses Don Giovanni, mais sans atteindre ici toujours le même degré de poésie. La prise de son aussi, typique de Lucerne dans ces années, est difficile : brumeuse, grosse, partiellement saturée.
De surcroît, l'adaptation prosodique, pourtant commode entre le français et l'allemand, est assez médiocre, et bien des accentuations tombent à côté de la musique, déforment la phrase musicale, rognent fâcheusement les effets.
Cela dit, il faut saluer le Faust rayonnant (mais non sans mystère) de Frans Vroons, ce qu'on peut rêver de mieux ici. Hans Hotter, lui, se joue lui-même, avec un diable plus caverneux, intrigant et menaçant que gouailleur - assez peu dans l'esprit donc, mais cohérent. On s'aperçoit bien, ici, de l'amplitude absolument exceptionnelle en salle de cette voix pourtant si ronde. Alois Pernerstorfer, pour la petite histoire, fut plus tôt dans la même année l'Alberich du Ring de Furtwängler à la Scala (soirées publiées et libres de droits).
Signalons tout de même la très belle scène de Pâques, d'une ferveur surnaturelle. Les choeurs sont de la même eau que ceux de Bayreuth dans les mêmes années, pour donner la mesure de leur excellence. Et l'atmosphère s'en dégage avec une présence physique assez stupéfiante.

Malgré notre tentation de vous obliger à écouter des bizarreries, nous ne pouvions décemment vous condamner à cela pour suivre correctement notre petit cheminement faustéen [1].




Nous ne pouvons malheureusement vous communiquer la version napolitaine réjouissante de Peter Maag qui bien qu'en italien se montre tout à fait dans l'esprit : elle date du 26 démbre 1964. Margherita : Giulietta Simionato - Faust : Ruggero Bondino - Mefistofele : Ettore Bastianini - Brander / Una voce : Plinio Clabassi. Célèbres mezzo, baryton et basse noble verdiens aux programme, avec un grand respect, somme toute, de l'esthétique berliozienne, contrairement à ce qu'on aurait pu redouter. Et une mention pour l'orchestre, alors que Peter Maag n'est pas le chef le plus connu pour la profondeur de son inspiration et la beauté de ses réalisations : qualité du son et maîtrise très efficace des plans.







Voilà qui suffira peut-être pour l'instant. Gounod sera pour un peu plus tard.

Notes

[1] On a déjà annoté une fois le terme, ça suffit à la fin !


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Commentaires

1. Le mercredi 21 novembre 2007 à , par vartan

Charles Münch, 1954.

Harvard Glee Club, Radcliffe Choral Society.
Orchestre symphonique de Boston.

Marguerite - Suzanne Danco

C'est ici.



Je m'en réjouissais d'avance, malheureusement les lutins ont fait une méchante blague Erreur 404. :-(

2. Le mercredi 21 novembre 2007 à , par DavidLeMarrec :: site

Ah, merci, Vartan, ce n'est donc pas innocemment que j'ai nommé ce billet la Damnation de Berlioz ; il s'agit de « 1954 », et non « 54 » dans l'adresse du dossier. Je corrige immédiatement.

3. Le jeudi 22 novembre 2007 à , par licida :: site

Sur les bons conseils des lutins, je me suis penché sur cette version Davis que je ne connaissais toujours pas: eh bien je suis très déçu! Les lutins m'ont trompé!

Jules Bastin est formidable mais que l'orchestre sonne sec! C'est certes très nerveux mais tout sonne petit et étriqué, tout est agencé et cohérent mais rien ne se marie, aucune ampleur, aucun magma sonore ne s'élève. C'est peut-être du à la prise de son qui met les chanteurs très en avant.
Par exemple la course à l'abime tombe vraiment à plat, on rit plus que l'on est effrayé par le monstre hideux, le tout trotte plus qu'il ne galope, ça manque de fièvre et le diable n'est sensible que par les grincements (des instruments, des chanteurs) mais absolument pas par la puissance orchestrale. Si j'étais méchant, je dirais que c'est dirigé par un Rousset des mauvais jour :o)

Je suis en train d'écouter la Munch, ça me plait déjà mieux, même si la prise de son détaille moins la richesse et la multitude des pupitres. Donc merci quand même les lutins :)

En attendant d'écouter la Markevitch, je reste sur ma version Prêtre/Gedda/Bacquier/Baker avec l'orchestre de Paris (non je n'ai pas honte! Elle est vachement bien cette version!). Depuis que j'ai découvert l'oeuvre à Bastille (mes géniale à ce propos), c'est la version qui me contente le plus (j'ai testé Cambreling et Levine aussi...)

Sinon une question, le "Sancta maria" de la course à l'abime dans la version Davis sonne très grinçant et ironique; c'est la première fois que j'entends ça, c'est une volonté de Berlioz que l'on ne respecte jamais ou une intention du chef?

4. Le jeudi 22 novembre 2007 à , par DavidLeMarrec :: site

Jules Bastin est formidable mais que l'orchestre sonne sec! C'est certes très nerveux mais tout sonne petit et étriqué, tout est agencé et cohérent mais rien ne se marie, aucune ampleur, aucun magma sonore ne s'élève. C'est peut-être du à la prise de son qui met les chanteurs très en avant.

Je ne comprends pas du tout... Et je m'en vais défendre mes pendards de lutin.

Je parle de ce disque-ci, où l'orchestre est au contraire très réverbéré, flatté, ample, un rien trop global si on veut chipoter, justement, mais avec une vraie pâte d'ensemble, et un éclat formidable :
.

Tout ce qui manque à Davis d'habitude dans ce répertoire, à savoir cette précision, ces couleurs et ce mordant.

Oui, les voix sont plutôt en avant, mais pas plus que ce n'est l'usage généralement.


Par exemple la course à l'abime tombe vraiment à plat, on rit plus que l'on est effrayé par le monstre hideux, le tout trotte plus qu'il ne galope, ça manque de fièvre et le diable n'est sensible que par les grincements (des instruments, des chanteurs) mais absolument pas par la puissance orchestrale.

Je ne sais pas ce qu'il te faut. C'est une vision globale, au contraire, et spectaculaire. Qu'on trouve ça plus superficiel que Markevitch, c'est exact, mais pas assez puissant ?


Je suis en train d'écouter la Munch, ça me plait déjà mieux, même si la prise de son détaille moins la richesse et la multitude des pupitres. Donc merci quand même les lutins :)

C'est une lecture très cursive, assez proche dans l'esprit de ta version Prêtre (qui est très bonne au demeurant) : tout avance vite, avec le ton juste. Prêtre est un peu moins méditatif et préoccupé des questions de complexité orchestrale ou métaphysique que Münch, mais le type de direction est ici comparable.


Depuis que j'ai découvert l'oeuvre à Bastille (mes géniale à ce propos), c'est la version qui me contente le plus (j'ai testé Cambreling et Levine aussi...)

Il en existe des chariots de bonnes. Tu avais entendu qui à Bastille ? La soirée Ozawa/Larmore/Sabbatini/van Dam en 2000 était absolument anthologique ; le meilleur répertoire d'Ozawa (où il fait preuve d'une véritable finesse), et van Dam au sommet de son intelligence, avec encore tous les moyens nécessaires. Chose rare, les deux autres protagonistes étaient tout aussi remarquables.


Sinon une question, le "Sancta maria" de la course à l'abime dans la version Davis sonne très grinçant et ironique; c'est la première fois que j'entends ça, c'est une volonté de Berlioz que l'on ne respecte jamais ou une intention du chef?

La partition que j'avais acquise n'étant malheureusement jamais arrivée à son port, j'en suis réduit à supposer. Je ne crois pas m'avancer beaucoup en supposant qu'il y a là une grande latitude d'interprétation, ce peut tout aussi bien être une image du salut qu'on laisse passer qu'une moquerie contre la bigoterie impuissante, ou même des incarnations diaboliques parodiques...


Tu as le bonjour des lutins (qui sont très fâchés :-).

5. Le vendredi 23 novembre 2007 à , par licida :: site

Ben je sais pas on doit pas avoir les mêmes tympans alors, parce que Davis je trouve vraiment ça rachitique et c'est bien ce disque que j'ai écouté (ou du moins le son qui vient de ce disque, le rip n'est peut-être pas bon).

A Bastille j'avais essuyé la version Gardner/Sabbatini/VanDam/deYoung et à part VanDam toujours aussi mordant bien qu'affaibli, le reste était très oubliable (Sabbatini vraiment épuisé).

Pour le Sancta maria diabolique, ça ne m'a pas choqué, et cela serait assez cohérent avec la nuit du Sabbat de la fantastique par exemple, mais comme les voix s'enfuient ensuite effrayées, je trouve ça plus puissant et cohérent de les faire serieusement pour symboliser la dernière trace de sacré avant les apparitions diaboliques et enfin l'enfer.

6. Le vendredi 23 novembre 2007 à , par licida :: site

Bon je réecoute la version Davis et je veux bien reconnaitre que j'ai été sévère, c'est surtout la course à l'abîme et le pandaemonium que je trouve ratés, la marche hongroise est très réussie même si je préfère des versions qui accélèrent sur la fin (bien que Berlioz n'ait pas écrit cette accelération). Il y a beaucoup d'autres superbes passages (les follets notemment) mais ce final qui n'effraie en rien, ça gache tout (d'autant que c'est mon passage favori).

7. Le vendredi 23 novembre 2007 à , par DavidLeMarrec :: site

A Bastille j'avais essuyé la version Gardner/Sabbatini/VanDam/deYoung et à part VanDam toujours aussi mordant bien qu'affaibli, le reste était très oubliable (Sabbatini vraiment épuisé).

Sabbatini, épuisé, vraiment ? Et De Young, je suis décidément le seul à l'admirer ? J'aime beaucoup sa Kundry.

Pour le Sancta maria diabolique, ça ne m'a pas choqué, et cela serait assez cohérent avec la nuit du Sabbat de la fantastique par exemple, mais comme les voix s'enfuient ensuite effrayées, je trouve ça plus puissant et cohérent de les faire serieusement pour symboliser la dernière trace de sacré avant les apparitions diaboliques et enfin l'enfer.

C'est écrit comme cela, je pense ; mais après tout, puisque nous descendons les cercles de l'enfer, pourquoi pas les bigotes que le respect du rite n'a pas sauvées...


Bon je réecoute la version Davis et je veux bien reconnaitre que j'ai été sévère, c'est surtout la course à l'abîme et le pandaemonium que je trouve ratés, la marche hongroise est très réussie même si je préfère des versions qui accélèrent sur la fin (bien que Berlioz n'ait pas écrit cette accelération). Il y a beaucoup d'autres superbes passages (les follets notemment) mais ce final qui n'effraie en rien, ça gache tout

J'aime beaucoup le pandemonium de Davis, un des plus convaincants pour moi. De même pour la taverne très spectaculaire.


(d'autant que c'est mon passage favori).

Pour ma part, je n'ai jamais caché qu'A la voûte azurée, le court récitatif qui précède la Course, était un de mes moments favoris de tout l'opéra occidental.
Mais je suis particulièrement attaché à la réussite de la taverne et des feux follets (Ozawa y était magique, et en somme, cette page n'est pas toujours traitée avec le soin que mérite son haut degré d'achèvement). La marche hongroise et le pandemonium, ça fonctionne à tous les coups...


Mais elle est très bien, ta version Prêtre, tu peux la garder si tu veux. C'est juste que c'est moins bien chanté et plus sage orchestralement, mais ça reste excellent. ;)

8. Le samedi 7 septembre 2019 à , par cacoton

La version DAVIS est bien proche de la perfection, tant par les chanteurs, tous au niveau supérieur,que par la direction du chef, et en plus, avec une prise de son d'une rare qualité qui nous permet d'admirer les merveilles sonores que BERLIOZ a semées à profusion dans son orchestre. Mais le plus important est une excellente l'atmosphère d'ensemble,principal critère pour juger une interprétation.

9. Le dimanche 8 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Cacoton !

Difficile de définir la perfection, évidemment. J'éprouve tout de même une frustration pour Gedda, aux voyelles laides, ni juvénile ni charismatique. Sinon, en effet, pour un orchestre ample et généreux, pour un Méphisto foisonnant, drôle et supérieurement chanté et dit, on a une très grande adresse.
Dans un genre différent, Markevitch est assez absolu aussi ; de beaux chanteurs (Michel Roux, là encore… !) mais surtout une direction qui exalte toutes les singularités d'orchestration de Berlioz, fait presque sens à chaque détail d'instrumentation, en articulation directe avec les événements dramatiques. Vraiment vertigineux, tellement de la haute couture qu'on se demande par endroit si Berlioz avait vraiment prévu tout cela. (Et puis les Lamoureux sonnaient de quelle façon, à cette époque ! Plus bel orchestre de France, à en juger par les disques…)

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