Musique religieuse baroque française - sélection discographique (et difficultés de la nomenclature)
Par DavidLeMarrec, jeudi 31 janvier 2008 à :: Baroque français et tragédie lyrique :: #834 :: rss
Sept disques, pour beaucoup à prix très abordable. Avec nos conclusions sur le classement en écoles.
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Parmi toutes les merveilles qui paraissent ou ont paru, quelques jalons pour des découvertes heureuses - avec références précises et extraits sonores. A la fois des compositions majeures et des exécutions superlatives.
Classés par ordre chronologique d'exercice des compositeurs. Le classement de CSS des écoles du baroque français est détaillé ici.
L'ensemble de ces enregistrements adopte la "prononciation française" du latin.
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1. Jean-Baptiste LULLY, Petits Motets
William Christie, Les Arts Florissants, Harmonia Mundi.
Première école.
Tout de grâce, à l'italianité très directe et touchante, interprétés dans un style d'une élégance ineffable. Petit effectif (basse continue ou positif), et durée brève (cinq minutes par motet). Des bijoux.
Disponible pour une misère dans la collection Musique d'abord.
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2. Paolo LORENZANI, Motets
Hervé Niquet, Le Concert Spirituel, Naxos.
Avec son continuo toujours superlatif (pensons aux deux théorbes), Hervé Niquet rend pleinement justice à ces oeuvres trop rares. De la génération de Charpentier, et légèrement plus âgé que celui-ci, Lorenzani produit une musique d'une mobilité et d'un élan sans rivaux. Le ton en est très italien, aussi bien dans l'exultation des entrelacs vocaux que dans les contemplations, très nues, moins déclamatoires ou dansantes que dans le style plus français.
L'Antienne à la Vierge et le Motet pour les Confesseurs sont à mettre entre toutes les mains, idéaux pour une initiation avec leur veine mélodique très évidente et persuasive - pour ainsi dire des tubes sans public.
Début du Motet pour les Confesseurs.
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3. Marc-Antoine CHARPENTIER, Magnificat H.73
William Christie, Les Arts Florissants, Harmonia Mundi.
(Attention aux numéros de catalogue Hitchcock, chez Charpentier : de nombreuses pièces de liturgie ont été l'objet de compositions successives, très différentes les unes des autres.)
Une note croupit en préparation depuis novembre dans les soutes de Carnets sur sol à propos de cette oeuvre. Un incroyable mouvement de danse, une passacaille qui s'épanouit dans un mouvement de ferveur terriblement enthousiasmant - corporellement.
Christie l'a interprété avec à degré d'élévation bien supérieur, mais c'était tout récemment à Versailles pour l'anniversaire du CMBV [1], et n'a pas été publié (ni ne le sera). L'oeuvre mérite tout de même un détour par ce précédent enregistrement, encore chez Musique d'Abord pour un prix largement accessible.
Le tout début, manière d'entendre le thème de la basse continue. Mais on devine mal ce que deviendra ce développement incantatoire.
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4. Marc-Antoine CHARPENTIER, Te Deum H.146
Hervé Niquet, Le Concert Spirituel, Glossa.
Première école, mais avec une forte teinte italienne. La version Niquet a l'originalité de rendre très sensible la succession des séquences, en changeant sans cesse les tempi et les couleurs. Tout en ajoutant deux préludes pour les trompettes encore plus pétaradants que le célébrissime prélude, il diminue la pompe de ladite introduction, vive et dansante plus que solennelle.
Cette souplesse permanente est un véritable plaisir, mais on peut aussi recommander le brillant Minkowski (Archiv) ou le premier enregistrement de Christie (Erato) pour l'élégance du style.
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5. Michel-Richard de LALANDE [2], grand motet Jubilate Deo omnis Terra
Paul Colleaux, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, Erato.
Le dépouillement n'entrave nullement l'emphase. Jubilatoire, précisément. Superbes solistes pas tous très connus (Mieke van der Sluis, Heidi Brunner, Gilles Ragon, Ian Honeyman, Bernard Delétré).
On se trouve ici dans la transition avec la deuxième école, déjà annoncée par la manière plus polyphonique de Charpentier. Le Te Deum présent sur le même disque - et de moindre intérêt - est en revanche très imprégné du premier style, typique des grands motets de Lully.
Laudate Nomen Ejus, extrait du Jubilate Deo.
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6. Jean GILLES, Messe des morts (Requiem)
Philippe Herreweghe, La Chapelle Royale, Harmonia Mundi.
ou
Le début de l'enregistrement.
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7. François COUPERIN, Leçons de Ténèbres (du Mercredi Saint)
William Christie, Les Arts Florissants, Harmonia Mundi.
De longues ornementations sur des lettres hébraïques, dans un dépouillement absolu - à la fois gracieux et sans fard. Bouleversant.
La pleine maîtrise de l'élégance stylistique française par Christie trouve ici son meilleur emploi. On peut aussi recommander les motets, dont le ton italianisant rappelle très fortement les Petits Motets de Lully et le Magnificat H.73 de Charpentier.
Incipit Lamentio, début de la Première Leçon pour le Mercredi Saint.
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Remarques conclusives :
On aura remarqué qu'il manque à nos sept péchés véniels un peu de la troisième école, et en effet, sans doute pour des raisons d'inclination personnelle, aucun motet ultérieur ne nous a paru aussi incontestablement passionnant. Bien sûr, on trouvera aussi de grandes beautés à diverses périodes chez Dumont, Brossard, Desmarest ou Levens, mais aucun ici ne rélève de cette troisième esthétique.
Ce sera Mondonville (Grands Motets, Christie, Erato) qu'on recommandera alors le plus volontiers, sans la même conviction toutefois, malgré la grande beauté de ces pièces - un peu plus confortables et figuratives que mystiques, sans doute.
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Autre conclusion intéressante, la répartition que nous avions adoptée à partir de la tragédie lyrique, à savoir :
- première école : Lully et la génération immédiatement suivante (Lorenzani, Charpentier, Dumont, Brossard...) ;
- deuxième école : la génération qui éclot après la mort de Lully (Delalande, Gilles, Couperin, Campra, Desmarest...) ;
- troisième école : la génération Louis XV (Rameau, Mondonville, Boismortier, Mouret...) ;
- après quoi, décadence ou entrée dans le classicisme,
et dont on pourra à loisir se remémorer les détails, n'est pas très efficace pour la musique religieuse.
En effet, il apparaît plutôt une longue première période où cohabitent hiératisme (Grands Motets de Lully, Leçons de Ténèbres de Charpentier, Te Deum de Delalande, Requiem de Gilles) et italianité polyphonique (Petits Motets de Lully, Lorenzani, l'essentiel de Charpentier, Couperin), avant un tournant qui laisse la place, étonnamment, à plus d'austérité (Requiem de Campra, Motets de Rameau, Motets de Boismortier) - ou assez logiquement à la chatoyance plus exubérante que l'on sait chez Mondonville.
On rencontre ainsi des compositeurs de la première génération bien plus mobiles que les suivants. Et selon le mode d'expression, le style peut considérablement varier. Monodie sinueuse ou polyphonie au sein des petits motets, successions ou mélanges d'interventions solistes dans les grands.
Commentaires
1. Le jeudi 31 janvier 2008 à , par WoO
2. Le vendredi 1 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le vendredi 1 février 2008 à , par WoO
4. Le vendredi 1 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le vendredi 1 février 2008 à , par WoO
6. Le vendredi 1 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
7. Le samedi 2 février 2008 à , par Vartan
8. Le samedi 2 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
9. Le mercredi 5 mars 2008 à , par sk†ns
10. Le mercredi 5 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
11. Le mercredi 5 mars 2008 à , par Bajazet
12. Le mercredi 5 mars 2008 à , par sk†ns
13. Le mercredi 5 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
14. Le mercredi 5 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
15. Le jeudi 6 mars 2008 à , par Bajazet
16. Le samedi 19 avril 2008 à , par WoO
17. Le samedi 19 avril 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
18. Le samedi 19 avril 2008 à , par WoO
19. Le samedi 19 avril 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
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