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Travaux pratiques - Le journalisme, la religion et la lecture des textes saints

Toujours la même légèreté. Parce que les journalistes sont amenés à présenter l'ensemble du monde, avec une formation nécessairement imparfaite, parce qu'ils se situent dans l'instant, ils ne sont pas toujours à même, surtout pour des sujets qui demandent approfondissement, de se méfier des chausse-trappes de leurs interlocuteurs - surtout si ceux-ci convoquent un peu d'angélisme à leur secours.

Encore, pour la Bible, on a bien quelques souvenirs épars. Mais il y a fort à parier que bien des commentateurs n'ont jamais lu le Coran - sans parler des religions orientales, mais pour le coup, ils ne feignent même pas un intérêt, donc la désinformation se limite éventuellement à des maladresses involontaires (ou à des clichés gentillets sur le zennisme du bouddhisme).

Une émission de la chaîne parlementaire, disponible en ligne, en fait la démonstration. Dounia Bouzar, islamologue, peut affirmer des choses assez étonnantes - peut-être à raison, qui sait - sans jamais être interrogée sur ses pourquoi.

CSS se charge de le faire. Et d'apporter, à sa mesure, des éléments de question (à la lumière des textes). Qu'on peut sans doute réfuter, mais qui auront toujours le mérite d'avoir été énoncés, c'est déjà ce qui manque souvent dans ce genre de débats.
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Affirmation n°1 : ''Le Coran est contre la guerre.'' Je ne prétends pas avoir lu que des bonnes traductions (et comme la langue de Dieu est l'arabe, c'est toujours contestable), mais à l'exception de celle, plus édulcorée (en réalité surtout beaucoup plus absonse), d'André Chouraki, toutes concordent.

Un relevé de citations (pas exactement représentatives, ce sont parmi les plus raides) suffit pour tout commentaire.

190. Combattez dans le sentier d'Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes. Allah n'aime pas les transgresseurs !
191. Et tuez-les, où que vous les rencontriez; et chassez-les d'où ils vous ont chassés : l'association est plus grave que le meurtre. Mais ne les combattez pas près de la Mosquée sacrée avant qu'ils ne vous y aient combattus. S'ils vous y combattent, tuez-les donc. Telle est la rétribution des mécréants.
192. S'ils cessent, Allah est, certes, Pardonneur et Miséricordieux.
193. Et combattez-les jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'association et que la religion soit entièrement à Allah seul. S'ils cessent, donc plus d'hostilités, sauf contre les injustes.
2,190-3

Ils aimeraient vous voir mécréants comme ils ont mécru : alors vous seriez tous égaux ! Ne prenez donc pas d'alliés parmi eux, jusqu'à ce qu'ils émigrent dans le sentier d'Allah. Mais s'ils tournent le dos, saisissez-les alors, et tuez-les où que vous les trouviez ; et ne prenez parmi eux ni allié ni secoureur.
4,89

Et ton Seigneur révéla aux anges: « Je suis avec vous : affermissez donc les Croyants. Je vais jeter l'effroi dans les cœurs des mécréants.
Frappez donc au-dessus des cous et frappez-les sur tous les bouts des doigts.
8,12

Ce n'est pas vous qui les avez tués : mais c'est Allah qui les a tués. Et lorsque tu lançais, ce n'est pas toi qui lançais : mais c'est Allah qui lançait, et ce pour éprouver les croyants d'une belle épreuve de Sa part ! Allah est Audient et Omniscient.
8,17

Lorsque vous rencontrez ceux qui ont mécru, frappez-en les cous. Puis, quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite, c'est soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu'à ce que la guerre dépose ses fardeaux. Il en est ainsi, car si Allah voulait, Il se vengerait Lui-même contre eux, mais c'est pour vous éprouver les uns par les autres. Et ceux qui seront tués dans le chemin d'Allah, Il ne rendra jamais vaines leurs actions.
47,4

En réalité, le principe est qu'un verset plus récent (généralement plutôt au début, textes de la période médinoise - mais les sourates sont classées par longueur, donc le principe n'est pas absolu) annule un verset plus ancien.
Si Nous abrogeons un verset quelconque ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur, ou un semblable. Ne sais-tu pas qu'Allah est Omnipotent ?
2,106
Malheureusement pour les exégètes pacifistes, la seconde période, après l'Hégire, est plus offensive.


En réalité, si le Coran contient aussi son lot de bons sentiments, il se montre avant tout extrêmement normatif et menaçant (au besoin violent comme ce que j'ai cité en contre-exemple). Pas de narration épique comme dans la Torah, pas de poésie mystique à la façon des Psaumes.
Il ne s'agit pas non plus de faire le procès de l'ouvrage : le Coran est avant tout un code civil, une organisation pratique, politique et sociale dans une situation difficile où la nouvelle religion dissidente est menacée, ce qui explique aisément ses préoccupations militaires (qui, encore une fois, ne sont pas majoritaires).
S'il fallait traiter du danger potentiellement représenté par cette lecture, il serait plutôt, à la vérité, dans sa tentative acharnée de réduire à néant l'esprit critique : Allah, telle la Tchéka, sait tout, et il n'y a pas intérêt à contester ou à gruger. Une façon d'inhiber toute velléité de recul, ce qui est sans doute le plus dommageable car le plus difficile à mettre à distance dans ce texte, tant le principe de la foi inconditionnelle - sans même la justification chrétienne de la bonté supposée de Dieu - est sans cesse martelé.

Toutefois, dire qu'il s'agit d'un livre pacifique, détourné par les fondamentalistes, comme le fait Dounia Bouzar, est faux. Les appels au meurtre et à la violence (sans même compter la désignation des juifs et des chrétiens comme des porcs ou des singes) y sont fréquents et explicites - ce n'est pas un livre esthétisé, mais bien un manuel à l'usage d'une communauté. Et ce n'est pas rendre service à l'ouvrage ni à la religion que de le cacher.
On conçoit fort bien que pour un musulman, admettre les contingences qui entourent l'écriture du livre saint entre tous, voire lui reconnaître des défauts, ou bien accepter qu'il accuse son âge n'est pas facile. Néanmoins, plutôt que de chercher à faire croire qu'il s'agit intrinsèquement d'une religion de paix (ce qui à la lecture du texte ne saute pas précisément aux yeux), il serait peut-être bon d'insister sur la réalité des pratiques. Sans même convoquer la contemplation soufie, l'immense majorité des musulmans, et pratiquants, ne sont pas des tueurs en puissance, et ont tout simplement adapté le fonds culturel du texte à leur temps.

En cherchant à bien faire, la lecture édulcorée du texte entraîne le soupçon pour ceux qui le lisent, voire la panique. Mieux vaut tout simplement inverser le propos, en se fondant sur ce qui est : le Coran est peut-être violent, mais les musulmans ne sont pas plus violents que les autres hommes. Comme cela, on peut se méfier du texte et faire confiance aux hommes, plutôt que de louer le texte pour se défier des musulmans...

Malheureusement, cette question n'est pas relevée par la journaliste.

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Affirmation n°2 : Une simple affaire de logique, mais qu'on aurait pu amener sur le terrain théologique.
Le Coran est comme un poème de Hugo, selon l'âge auquel on le lit, on en tire des choses différentes. Le Coran ne parlera pas de la même façon à une avocate à Paris, une journaliste à New York ou à ma grand-mère qui était analphabète et ne sortait pas de sa cuisine. C'est en cela qu'il est un livre divin.
La grand-mère appréciera sans doute, mais le logicien aussi. On en déduit donc que Hugo est au moins aussi divin que l'auteur du Coran. Ce n'est pas que Carnets sur sol n'approuve pas, Hugo est tout ce qu'il y a de plus démiurgique dans la maîtrise versificatoire, mais tout de même, ce ne sont pas des propos très chrétiens.

Sur le plan strictement religieux, il aurait peut-être été judicieux d'interroger cette définition de la divinité vue par le prisme de l'individualisme, qui semble être l'un des présupposés des thèses de Dounia Bouzar. La religion a aussi des propriétés d'unification, et la divinité d'un livre peut peut-être s'apprécier autrement que par une addition de subjectivité. Lourdes questions, auxquelles il n'est pas possible de répondre, mais qu'il était loisible de poser pour approfondir un peu.

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Affirmation n°3 : Les intégristes se fichent des textes.

Une étrange confusion règne dans ce propos, qui semble mélanger, par légèreté ou à dessein, fondamentalisme et terrorisme. Dire que les terroristes se fichent des textes, je n'en suis pas certain du tout - du moins ceux qui le pratiquent. Les cerveaux, il est vrai, mènent une vie d'une rectitude parfois plus douteuse, et en tout cas parfaitement cynique.
En revanche, fondamentalistes et intégristes, même si l'on peut parfaitement les juger un peu bas de plafond, reviennent précisément au texte comme préoccupation première. On retrouve le même problème : pour ne pas rejeter la faute sur le texte, on se trouve obligé de tordre la vérité. De dire que les gens sont méchants et déforment le texte. Au lieu de se rendre compte que les gens ne sont pas nécessairement méchants, mais qu'il faut juste leur apprendre à se servir de leur texte avec le recul nécessaire...

Par excès d'angélisme, on truque le diagnostic pour rassurer tout le monde ('toutes les religions sont identiques, au fond'), au lieu de proposer une analyse en toute clarté qui permette, précisément, de contourner les écueils existants. Dans la Bible, à l'inverse, les exemples violents (qui sont légion) ne sont pas tous présentés comme exemplaires, et les préceptes sont plus restrictifs de ce côté ; en revanche, le corollaire de certaines affirmations généreuses ("les premiers seront les derniers" est devenu un éloge de la souffrance) a des implications très graves. Dans ce cas, ce serait plus l'application que le texte qui serait à revoir, ce qui n'est ni plus facile ni moins grave.

Ensuite vient l'état des sociétés dans lesquelles se développent ces cultes. Le principe de la religion est précisément de créer un réseau de lois en principe infrangible, pour maintenir une société en équilibre, quelque chose qu'on ne puisse transgresser, même dans la clandestinité. Selon le degré de recul par rapport à cette organisation, ses corollaires positifs et négatifs s'estompent.

En cela, oui, les angélistes ont raison : il n'y a pas un seul islam, tout dépend véritablement de la société, de l'éducation, des pratiques.
Rien ne sert donc d'inventer des situations imaginaires : personne de raisonnable n'ira dire que, par essence, le fait de pratiquer l'islam rend violent. Il s'agit juste d'essayer de décrire les choses comme elles sont, c'est plus facile pour régler les problèmes.

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CSS ne prétend surtout pas être parvenu à une description pertinente, mais on a toujours fait l'effort de se reporter aux textes, au lieu de s'en tenir aux exégèses autorisées. On est ainsi en mesure, à défaut d'apporter des réponses (ce qu'on n'a surtout pas tenté ici !), de questionner les biais de certains discours. Séparer le Coran de sa dimension normative, ce peut servir aussi bien à protéger les musulmans normaux (mais la désinformation sera-t-elle un rempart durable ?) qu'à montrer du doigt l'infériorité intrinsèque des aires culturelles qui ne savent pas interpréter ce livre...
Pas de généralité, mais des questions. Que je vous laisse telles quelles.

Avec un seul conseil : lisez les textes ! Peu importe l'avis de CSS, le tout était de montrer que sur un sujet aussi instrumentalisé, comme on a coutume de dire selon une jolie analogie au système des cas, une connaissance de la source apporte bien des éclairages. Ce dont notre propos ne constituait qu'un exemple : peu importe si après lecture vous pensez au rebours - le tout est d'avoir conscience de cette nécessité.

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Commentaires

1. Le vendredi 28 mars 2008 à , par Philippe :: site

Intéressante note...

Il se trouve que j'ai lu les textes dont tu parles. En cinquième (j'avais 11 ans), j'ai demandé un Coran pour Noel (par soucis d'oecuménisme ?). Je suis revenu plusieurs fois à cette lecture et j'y ai toujours trouvé des choses différentes, tout comme la Bible ne me parle jamais de la même façon.

A côté des passages dont tu parles, il en est d'autres qui sont très différents. Le Coran, comme la Bible (Ancien et Nouveau T.), est assez contradictoire et c'est pour cela que des années d'études dans une université ou dans une confrérie (malheureusement assez peu vigoureuses) sont nécessaires pour devenir maître en interprétation.

Je finirais par une citation intégrale de la sourate 109

Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

1. Dis : "Ô vous les infidèles!

2. Je n'adore pas ce que vous adorez.

3. Et vous n'êtes pas adorateurs de ce que j'adore.

4. Je ne suis pas adorateur de ce que vous adorez.

5. Et vous n'êtes pas adorateurs de ce que j'adore.

6. A vous votre religion, et à moi ma religion".
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Phil'

2. Le samedi 29 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Bonjour Philippe !

Très heureux de te relire par ici !

Oui, tout à fait, on y trouve des choses contradictoires, et malgré l'abrogation par les versets postérieurs, il reste des nuances qui sans constituer la négation de versets précédents, créent des tensions dans l'orientation globale de l'ouvrage.

J'avoue que personnellement, je n'ai pas pris beaucoup de plaisir à lire ça. Pour moi, d'un point de vue purement stylistique, il s'agit d'un manuel, voire d'un code, et pas franchement d'une oeuvre foisonnante et fascinante.
C'est précisément ce côté très pratique qui le rend plus facilement utilisable pour la direction des fidèles que des récits exemplaires mais toujours dans des contextes différents du présent, comme c'est le cas dans l'Ancien Testament, dont les abondants exemples violents (et exaltés) restent plus malcommodément appliquables.
Le caractère littéral, également, de la révélation, n'aide pas des masses à la liberté d'interprétation sans brusquer les textes.

Tout ça fait qu'indépendamment de son efficacité dans un contexte social, je ne suis pas très convaincu par la qualité du texte elle-même, et que je ne le relis pas par plaisir esthétique, pour sûr !


Sinon, cette sourate 109 est un très bon choix en effet : terriblement ambiguë. "A vous votre religion" peut être interprété comme un rejet dans l'univers de la mauvaise voie et de l'opprobre, ou bien comme la liberté essentielle de ne pas bien croire. Ca reste un point délicat, puisqu'on est sans cesse en tension dans le Coran entre l'hostilité franche et la cohabitation à certaines conditions (dhimmah).

Merci pour cette réaction !

3. Le samedi 29 mars 2008 à , par Philippe :: site

Pour compléter ta lecture, il faut maintenant t'intéresser à la Sunna (ce que je n'ai pas fait - un peu loin de mes préoccupations baltes pour le moment - ) ;-)

4. Le samedi 29 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Oui, tu as raison, passage indispensable pour l'exégèse, indépendamment des considérations littéraires...

Tu as des épopées lettonnes sous la main, ou du moins des choses dignes d'intérêt que tu as remarquées dans cette littérature ? Et peut-être moins emblématiques d'un folklore que les poèmes archaïques (éloges funèbres ou dainas) dont on a déjà causé ensemble ?

5. Le samedi 29 mars 2008 à , par Philippe :: site

Oui bien sur.
> Pour la littérature estonienne contemporaine, tu peux jeter un oeil à un article que j'ai écrit dernièrement http://www.nouvelle-europe.eu/index.php?option=com_content&task=view&id=393&Itemid=71
Mais le grand chef d'oeuvre - épopée mythique mais datant du XIXe- estonienne est bien sur le “Kalevipoeg” (1857-61). A signaler que cette année, l'Estonie fête ses 90 ans autour de tout un programme culturel et littéraire avec des évènements notamment à Renne et Poitiers.
> Je dirais que l'équivalent letton pourrait être "Lāčplēsis" (1872-1887). Tout comme Kalevipoeg, il a été écrit à partir de légendes locales.

Ces deux épopées ont joué un rôle fondamental dans la naissance des nationalismes estoniens et lettons au XIXe.

6. Le samedi 29 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

... oui, vraiment l'époque des renaissances folkloriques. Dont on n'a guère conscience de notre côté de l'Europe, plongés que nous sommes dans Homère (et Michelet n'a plus guère la cote). Un vrai patrimoine qui a prévu l'extinction de la mémoire orale !

Je ne suis pas sûr que ça ait été traduit en français, mais il existe des traduction anglaises libres de droits sur la Toile.
=> Lāčplēsis
=> Kalevipoeg

7. Le samedi 29 mars 2008 à , par jdm :: site

Bonjour David,

ton propos est périlleux et d'une grande finesse.

Périlleux -
- tu pourrais être mal entendu des mécréants farouches et des analphabètes sauvages.

D'une grande finesse -
- tu pointes les lectures maladroites d'un texte.

Pour le Coran,
1/ il y a de multiples leçons du texte, ce qui n'est pas le cas pour la Bible (une source en hébreu, une source en grec - et, ensuite, des transcriptions)
2/ une traduction peut être juste mais pas exacte, parce que les termes ne se réfèrent pas au même concept dans toutes les langues - j'ai, un jour, évoqué la difficulté de traduire pain et bread, à moins de dire french bread
3/ le Coran est un fouillis où l'on a du mal à trouver une cohérence - les croyants intelligents parleront d'une complexité.

Quant à mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence.
[Lc 19, 27, Bible de Jérusalem]

On trouve cette citation isolée, sans référence et souvent mal recopiée, sur les sites des églises athéistes.
Dans le contexte... eh, bien ! il n'y a nul ennemi qui soit amené.
Peut-être n'y a-t-il pas d'ennemis !

Je lis dans ton propos quelque chose de ce tronçonnage et je lis que tu le dénonces.

A bientôt !

8. Le samedi 29 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Bonjour Jdm !

Je réponds en deux parties, comme il ne faut pas faire pour les étudiants qui nous lisent : le fond et la forme.

Pour ce qui est du péril, ma foi, j'ai déjà eu droit à des caricatures nazies en première réponse de Google pour avoir dit qu'un ami (publiquement pris à partie) n'appartenait aussurément pas au FN, alors d'islamophobie parce que je trouve le Coran pas follement agréablement à lire, ce serait un moindre mal. :) Et puis si on doit se taire à chaque fois qu'on peut attirer les fâcheux...

A propos de tes objections :
1/ Il n'existe tout de même qu'une version homologuée, il me semble même que les autres ont été perdues (ou plutôt détruites). Pour la Bible, en effet, d'autres problèmes se posent, notamment celui de la traduction préalable au texte qui nous est parvenu (la controverse Matthieu).
La question principale n'est pas tant la vérité historique des états du texte, à mon sens (il est évident de que multiples versions ont existé, et que l'oralité déforme plus ou moins sur le long terme), que la posture imposée vis-à-vis du texte. Etant une parole transcrite et non pas inspirée comme les Psaumes, ou rapportée commes les Evangile, le Coran est, ce me semble, bien plus difficile à interpréter librement. Les exemples de libres penseurs abondent, mais toujours au prix d'un éloignement ou de contorsions qui laissent entrevoir que la raison prime sur la foi - ce ne sont plus des croyants à proprement parler, à mon sens.
Malek Chebel m'avait fait sourire, il y a quelques années, déclarant dans la même phrase qu'il était musulman, mais qu'on ne pouvait pas tenir compte de tout ce qu'il y avait dans le Coran, que c'était « un vieux texte ». Ma foi, je ne vois plus beaucoup où est le croyant...
Bref, sa transmission directe et son caractère normatif le rendent beaucoup plus difficilement interprétable avec liberté, à mon sens, que bien d'autres textes sacrés.

2/ Je ne conteste pas ce point, mais jusqu'à présent, à part sur quelques termes emblématiques non traduits, je n'ai pas vu ce moyen soulevé.
Je n'ai pas essayé de le lire en arabe - ce qui est mal, je sais, mais vu la qualité littéraire du texte, l'effort me tente modérément -, j'en conviens, néanmoins je n'ai pas de raison de penser, en comparant diverses traductions, que toutes soient éloignées du texte au point qu'il en soit intégralement dénaturé et à l'opposé de sa signification d'origine.
De plus, les musulmans francophones (et peut-etre anglophones) lisent la meme chose que moi, tous ne lisant pas l'arabe archaïque (et tous n'ayant pas lu le Coran, d'ailleurs). Ca en revient donc au même, côté réception.

3/ On est bien d'accord sur le grand désordre, du moins pour nous qui ne classons plus par longueur. Enormément de redites, parfois discordantes.
Pas vraiment d'ordre apparent au propos. Une collection de préceptes, une foule de commandements et de règlements qui se juxtaposent et s'entrechoquent.
Il n'empêche que, globalement, il s'agit du texte d'un groupe humain alors sur la défensive, et c'est très sensible. Grande rigueur de la loi, idée que chaque geste est surveillé, obsession de la survie contre les autres religions. Je ne saurais pas tirer un sens global du Coran, assurément, mais une couleur d'ensemble, oui. (Couleur dont, hélas, il est aisé de faire mauvais usage, si peu que le contexte s'y prête un peu.


Quant à mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence.
[Lc 19, 27, Bible de Jérusalem]

On trouve cette citation isolée, sans référence et souvent mal recopiée, sur les sites des églises athéistes.
Dans le contexte... eh, bien ! il n'y a nul ennemi qui soit amené.
Peut-être n'y a-t-il pas d'ennemis !


Oui, enfin, il s'agit tout de même, dans ce passage, d'une réminiscence de la morale d'Ancien Testament. Un peu énigmatique et très troublante pour nous. Qui d'une certaine façon contredit frontalement la parabole ressassée de l'enfant prodigue, d'ailleurs.

Effectivement, personne n'est égorgé, mais quelques phrases dépassent comme cela, et laissent libre cours à l'imagination des exégètes sur la nature politique de Jésus de Nazareth.

Alors, oui, en contexte, ça reste abstrait et trouble, mais que les athées militants soient gênés qu'on puisse juger un saint un livre où l'on peut trouver ce genre de paroles, ça ne me paraît pas non plus follement choquant.

9. Le samedi 29 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Je lis dans ton propos quelque chose de ce tronçonnage et je lis que tu le dénonces.

Pour être franc, je trouve le grief un peu injuste, mais c'est bien, ça me permet d'y répondre face à un contradicteur honnête et bienveillant.

Alors, alors.

Il y a donc trois choses qui m'ont dicté cette forme "tronçonnée".

1) La nature de mon propos.
Il s'agissait non pas de faire un point sur le Coran lui-même, mais de s'interroger sur la façon dont le manque de connaissance des sujets peut laisser libre cours aux manipulations militantes des "experts" (ici avec l'excellente intention, au demeurant, d'appaiser le rapport entre les musulmans et le reste de la population). Je me suis donc contenté de piocher dans le Coran ce qui contredisait ce propos, tout en précisant que ce que j'avais choisi n'était pas représentatif. Je ne démontrais rien, je me contentais de montrer l'inexactitude du discours que je citais en lien.
Si j'avais voulu, démontrer, oui, c'était insuffisant.

2) Les précautions de mon propos.
Je ne me suis pas limité aux phrases les plus frappantes, j'ai fourni l'ensemble du verset, et même parfois ce qui précède et suit lorsqu'il pouvait y avoir ambiguïté pour le lecteur. Tout en indiquant qu'il s'agissait des moments les plus violents, que tout n'était pas à cette image, que j'y allais juste franchement pour contredire nettement le propos de Dounia Bouzar. Cette mise hors contexte, je me suis efforcé de la faire honnêtement, donc.
Surtout, j'ai bien martelé qu'il ne fallait surtout pas s'en tenir à mon commentaire, et aller lire le texte, pour se faire un avis par soi-même. Ce n'est pas bien compliqué à lire, on peut y jeter un oeil, on a très vite une idée du type de texte, à tout le moins. J'ai donc pris toutes les précautions pour que mon propos ne sont pas à considérer comme une prise de position, mais juste un défrichage qu'on est libre, comme tu le fais avec le soin qu'on te connaît, de nuancer ou contester.

3) La nature du texte.
Enfin, la nature même du Coran, assez décousu, formé de phrases injonctives courtes qui se succèdent, rend assez vain la mise en contexte d'une citation sans une exégèse qui prendrait l'ensemble de l'ouvrage et de la chronologie en compte. C'était un peu prenant pour le propos qui était le mien - une petite réflexion au niveau de la médiation.


Je pensais que ces précautions avaient été assez explicitement annoncées, mais manifestement pas, ou alors elles ne te paraissent pas suffisantes, parce que je sais bien que tu n'émets pas ces réserves à la légère.

Il me semblait en tout cas (et il me semble encore) que chacune de ces trois motivations était suffisante pour justifier la forme que j'ai choisie. Je ne vois pas trop comment faire autrement sans passer en "mode théologique" sur une note expressément dédiée au sujet.


Voilà pour les explications, je ne sais pas du tout si ça lève tes préventions...


Merci encore pour tes remarques toujours fines et étayées. :)

10. Le samedi 29 mars 2008 à , par jdm :: site

David :
le grief

Nul grief, j'ai bien écrit que tu dénonçais le ou la mode du tronçonnage par ton illustration.
Autrement, merci de tes commentaires - qui précisent, sans contredire, mes petites phrases légères.

11. Le samedi 29 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Ah bon, j'ai tout compris de travers, alors, je comprends ta phrase comme "je vois du tronçonnage dans tes propos". Mais peu importe, j'ai tout passé par le menu, du coup.

Tes petites phrases légères sont tout de même bien ancrées dans la mer profonde, je trouve. Ca fait agréablement cogiter, ma foi !

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