Il matrimonio dissoluto ossia Il Trionfo della lingua di cotone
Par DavidLeMarrec, mardi 3 juin 2008 à :: Vaste monde et gentils :: #964 :: rss
Grmblbl.
Le triomphe de la langue de coton. Soyez contre l'inéquité, le mépris des femmes et l'intégrisme totalitaire. Pour pas cher.
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Le vain débat autour de l'affaire de l'annulation du mariage lillois commence à devenir pénible. On peut ne pas partager l'avis du juge, mais il s'explique aisément, sans avoir besoin de recourir aux justifications impossibles de l'asservissement de la femme et de l'islam-croquemitaine. CSS met donc brièvement la main à la pâte en espérant participer à un peu d'information, ou du moins de réflexion dans ce concert bien unanime.
En l'occurrence, on nous rebat les oreilles avec "la virginité reconnue par le juge qualité essentielle", alors que ce n'est écrit nulle part et qu'il ne s'agit que d'un vice du consentement. A partir du moment où la mariée reconnaît la tromperie sur un élément essentiel du consentement, le juge n'a aucune raison de faire traîner la procédure - qui leur accorde au bout du compte un statut plus enviable que celui de divorcés.
Cela n'a rien à voir avec des "qualités essentielles" qui seraient reconnues par le juge. Il s'agit de caractéristiques reconnues comme fondatrices du consentement, subjectivement par les parties. Il se trouve qu'en l'occurrence, cette caractéristique est attachée à une coutume, donc que le choix se trouve en réalité hors du choix individuel, mais ce n'est pas au juge de l'interdire, on a le droit d'épouser quelqu'un pour les mêmes convictions morales que soi. Dans cette affaire très précise, on n'a pas d'éléments sur la contrainte, et la mariée acquiesce à la dissolution du mariage, en reconnaissant son mensonge volontaire (car, dans le cas contraire, le mariage n'aurait pas eu lieu). Dans un autre cas (par exemple pour le même motif, mais en cas de divergence des parties, soit sur le mensonge, soit sur l'annulation), il est très vraisemblable que le Tribunal de Grande Instance de Lille aurait statué autrement.
Comme tout jugement, on peut bien entendu le contester, mais cette première jurisprudentielle est tout simplement liée à la reconnaisance du mensonge fondamental et à l'acquiescement de la mariée à la procédure. Vraiment pas de quoi fouetter un chat.
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Si on se balade à présent hors sujet, en s'éloignant du droit.
La seule objection qui me paraisse valide est celle qui consiste à remarquer que la contrainte pèse sur la femme seule, puisqu'on ne peut pas le vérifier sur le mari. Mais à partir du moment où le tort est constaté, même si Dame Nature a réparti les aptitudes à le dissimuler de façon très injuste, difficile pour le juge de feindre de ne pas le savoir et de décréter l'élément sans fondement...
Par ailleurs, si l'on désire vraiment parler de morale (et en supposant que la mariée ait librement consenti, bien entendu), le fait de mentir aussi généreusement sur sa vie passée, et sur un élément aussi vérifiable, ne laisse pas véritablement optimiste pour la survie d'un jeune couple. D'une certaine façon, les cris d'orfraie sont tellement exagérés qu'ils présentent comme négligeable qu'eux non plus, sur ce sujet ou un autre, n'auraient pas aimé subir un mensonge important sur la vie passée de leur élu.
Non, non, avec ces questions, on n'en finirait pas, et toutes ces considérations morales sont si subjectives (chacun réagissant à sa manière à ce type de révélation)... Il faut se fonder en droit, et en cette matière, si la décision peut être bien sûr contestée (l'appel est là pour ce faire), elle est en tout cas expliquable et en rien inique.
A noter enfin, au rang des remarques non juridiques : l'appel qui vient d'être demandé par la Garde des Sceaux pour défendre la dignité des femmes aura tout de même, paradoxalement, pour effet direct de prolonger l'humiliation publique de la mariée infortunée.
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Ainsi, les indignés sont, je le redoute, pour beaucoup ou mal informés, ou de mignons petits Tartuffe.
Dans la première catégorie, le citoyen non juriste, victime consentante ou non. Dans la seconde, les hommes politiques soucieux de soigner leur popularité à peu de frais (illustration parfaite et répugnante du vocable démagogie) - c'est bien, comme cela les juges trembleront pour trancher en toute impartialité des cas aisément caricaturables. [1] [2]
Il en manque une troisième : les vendeurs de papier, qui ne se posent pas trop de questions, surtout pas, ça pourrait faire baisser les ventes.
Les journalistes sont lourdement à blâmer dans cette affaire : lorsqu'un juriste leur explique en quoi la décision est justifiable en droit - voire tout à fait bien rendue -, on se met à l'interroger sur son avis "en tant qu'être humain", "en tant que femme", pour obtenir un début de concession qui puisse bien montrer combien, hors des rouages glacés du droit, l'humanoïde normal se doit de ressentir une juste ardeur courroucée. Et surtout ne pas sortir du rang de l'unanimité. Bref, on vend une fois de plus des émotions prémâchées, et en rien de l'information.
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La langue de coton triomphe. Et c'est fatigant.
Notes
[1] On peut ajouter, dans cette seconde catégorie, les militants de toute espèce et les angélistes en chef comme Dounia Bouzar ; Caroline Fourest a quant à elle judicieusement revu ses protestations initiales pour abandonner l'aspect juridique du problème et protester sur l'exigence injuste de ces conditions en amont dans la société, ce qui est un combat beaucoup plus valable.
[2] Il serait intéressant en tout cas de savoir qui a saisi l'occasion de la parution du jugement dans un code Dalloz... Et, ainsi, de savoir à quelle fin : militantisme, soin de sa propre image, volonté de publicité, indignation maladroite, erreur ?
Commentaires
1. Le mercredi 4 juin 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
2. Le mercredi 4 juin 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le vendredi 6 juin 2008 à , par Morloch
4. Le vendredi 6 juin 2008 à , par Morloch
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