Carnets sur sol

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Clairvoyance d'outre-Manche

On connaissait déjà le goût aventureux des compositeurs anglais pour les formes nouvelles et les langages audacieux [1], voilà à présent des récriminations sur la musique contemporaine chez l'excellent Guardian.

Mais il faut dire que l'illustration est admirablement choisie pour exprimer l'ennui d'une représentation d'opéra de compositeur vivant. Glassant.

Habile : de ce fait, nous abondons malgré nous.

Par ailleurs, les réserves, bien connues, sont toujours intéressantes à intégrer. Nous avions, en notre temps, formulé les nôtres (sur les difficultés malheureusement structurelles de l'application d'un langage contemporain à l'opéra).

Patrick Loiseleur propose lui aussi régulièrement des interrogations, en toute honnêteté, sur l'état de la création musicale. Nous sommes souvent en petit décalage sur ces sujets, mais la façon d'en discuter est toujours agréable et fructueuse.

Et pour découvrir, à l'opposé des récriminations théoriques de toutes sortes, Musicareaction propose des activités tout à fait utiles et instructives.

Source de l'article du Guardian : merci à Stanlea.

Notes

[1] Pour les jeunes gens ayant fraîchement passé le bac de français qui lisent ces pages, ce sera l'occasion de réviser les figures de l'ironie tout en échappant à Voltaire.


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Commentaires

1. Le mercredi 9 juillet 2008 à , par kfigaro

The debate about what is wrong with the world of classical music has been going on for at least a half a century. (Meanwhile, jazz, lacking the immense state funding to which classical music has access, is literally dying.) Specious arguments dominate the conversation. Why has the public accepted abstract art but not abstract music? (Discordant visual art does not cause visceral pain, discordant music does.) Why does the public accept atonal music in films, but not in the concert hall? (Jaws wouldn't work if the shark's attacks were synchronised with Carmen. We expect sound effects in the movies, but we're not going to pay to hear them in the concert hall.)



En fait Joe Queenan pose un problème mais il donne la réponse au sein même de son article ! pour ma part, il me semble évident depuis longtemps que la vraie vitalité musicale savante se trouve actuellement au cinéma (enfin "se trouvait" car l'âge d'or de la musique de film - pour moi en tout cas - réside toujours dans la période 60-70s, période où les réalisateurs étaient bien moins frileux qu'aujourd'hui) et non plus dans les salles de concert. Cependant je serais moins pessimiste que lui. A la suite de géants comme Scelsi (qui écrivait une musique aussi immense que celle de Wagner pour moi) ou Xenakis, des Kurtag, Eotvos (parfois...) ou Levinas écrivent aujourd'hui une musique dont les meilleurs moments n'ont rien à envier à leurs aînés. Faut juste se dire que de toute façon, on ne pourra plus écrire du Bach ou du Haydn de nos jours (y compris dans l'esprit), et ce même avec un langage tonal.

C'est pour ça que la meilleure musique de film (malgré ses défauts, ses limitations, ses collages, facilités ou plagiats, bref, tout ce qu'on peut lui reprocher...) me parait bien plus "vivante" et "contemporaine" que la musique "d'éprouvette" tendance l'IRCAM tout simplement parce qu'elle prend paradoxalement plus de risques en osant de vrais métissages esthétiques (qui ont toujours été plus ou moins nécessaires pour aller plus loin dans l'aventure musicale) que le compositeur "scolastique" ou trop "aristocratique" (car trop engoncé dans ce qu'il croit être le "bon goût savant") se refuse toujours à prendre.

2. Le mercredi 9 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Bonsoir Christian !

Ca faisait longtemps, et je suis bien heureux de te lire sur ces sujets...

Sur Scelsi, je demande un droit de silence (sans quoi ça ferait vilain, et ce n'est pas mon but ici), mais si tu veux en dire un peu plus sur ce qui te paraît immense chez lui, je suis très curieux et tout ouïe !

Sur le reste, le problème de la musique de cinéma est qu'elle est essentiellement liée à l'ensemble de l'oeuvre, et qu'elle ne s'écoute pas bien de façon isolée. Le développement, la continuité y sont impossibles. En cela, la musique de film n'est que l'une des pistes, mais je trouve quantité de compositeurs vivants ""sérieux"" passionnants. Difficiles d'accès, en revanche, et c'est un vrai problème (bannissement de la pratique amateur, exigence assez énorme sur le spectateur, esthétiques peu sympathiques, etc.).

Le métissage est déjà à l'oeuvre, mais souvent de façon trop artificielle. Je pense par exemple au postbergien Boesmans qui avait inclus dans son Wintermärchen une longue section jazz qui ne m'avait pas parue très inspirée, ni du point de vue de son esthétique habituelle, ni du point de vue de l'amateur de jazz...

3. Le jeudi 10 juillet 2008 à , par kfigaro

Sur Scelsi, je demande un droit de silence (sans quoi ça ferait vilain, et ce n'est pas mon but ici), mais si tu veux en dire un peu plus sur ce qui te paraît immense chez lui, je suis très curieux et tout ouïe !


A quoi bon puisqu'à t'entendre tu as déjà visiblement une sacrée dent contre lui ? (ça ouvrirait des hostilités pour rien une fois de plus...) ;) Tentons tout de même : l'art de Scelsi me touche viscéralement (peut être même encore plus que celui d'un Xenakis que je trouve souvent trop systématique parfois).

Sa musique orchestrale est réellement unique : elle bouge, elle "vit", elle est gorgée d'énergie pure mais sans exclure une sorte d'étrange lyrisme atmosphérique. En fait j'ai du mal à mettre des mots dessus et donc à le défendre correctement sur un site comme le tien, en tout cas il ne faut surtout pas chercher des lignes mélodiques ou des figures rythmiques chez lui, comme celle d'un Varese, il s'agit avant tout d'une "musique de masse". Mais lis donc un Harry Halbreich, il en parle mille fois mieux que moi !

En cela, la musique de film n'est que l'une des pistes


Heureux au moins que tu le reconnaisses ! sinon je ne te suivrais évidemment pas sur le terrain : "La musique de film ne peut s'écouter en dehors du film" puisque dans ce cas, on pourrait également dire la même chose de toute musique de scène (dont celles de Beethoven, de Nielsen, de Grieg !, etc...), voire même de tout ballet ! (qui sont également des musiques "appliquées", "contraintes" et forcement non "pures" ou "gratuites")

Le métissage est déjà à l'oeuvre, mais souvent de façon trop artificielle. Je pense par exemple au postbergien Boesmans qui avait inclus dans son Wintermärchen une longue section jazz qui ne m'avait pas parue très inspirée, ni du point de vue de son esthétique habituelle, ni du point de vue de l'amateur de jazz.


Certains fous de free jazz ont pourtant adoré cette (longue) partie mais bon globalement je suis entièrement d'accord avec toi, je n'ai pas trop aimé moi non plus ce passage de l'opéra de Boesmans (effectivement totalement postbergien tu as raison) et je reconnais que ce métissage ci était totalement raté, artificiel et vain, seulement c'est loin d'être le cas partout et notamment dans la musique de film (voire le jazz symphonique comme chez Ornette Coleman par exemple) où le métissage parait souvent bien moins artificiel et bien plus "frais" et excitant justement...

4. Le jeudi 10 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

A quoi bon puisqu'à t'entendre tu as déjà visiblement une sacrée dent contre lui ? (ça ouvrirait des hostilités pour rien une fois de plus...) ;)

Il ne s'agit pas d'hostilités, voyons : juste que de mon point de vue, effectivement, j'ai beaucoup de mal à le considérer comme un compositeur sérieux, voire comme un compositeur tout court (de la fumisterie en barres pendant des corpus entiers). Mais si la détestation est une posture commode, je n'en serais pas moins ravi d'en descendre vers un avis plus nuancé. :)


Tentons tout de même : l'art de Scelsi me touche viscéralement (peut être même encore plus que celui d'un Xenakis que je trouve souvent trop systématique parfois).

Sa musique orchestrale est réellement unique : elle bouge, elle "vit", elle est gorgée d'énergie pure mais sans exclure une sorte d'étrange lyrisme atmosphérique. En fait j'ai du mal à mettre des mots dessus et donc à le défendre correctement sur un site comme le tien, en tout cas il ne faut surtout pas chercher des lignes mélodiques ou des figures rythmiques chez lui, comme celle d'un Varese, il s'agit avant tout d'une "musique de masse". Mais lis donc un Harry Halbreich, il en parle mille fois mieux que moi !

Je vois très bien ce que tu veux dire : une musique qui crée d'abord des climats. Je me suis peut-être trop attaché à la qualité d'écriture elle-même (j'ai déjà été pris de fou-rires en bibliothèque en ouvrant imprudemment de ses partitions).
Ce n'est pas étonnant que ça ne me plaise pas de ce point de vue : non seulement je n'aime pas beaucoup ces musiques "globales", mais en plus même lorsqu'elles sont très réussies (comme chez Ligeti bien sûr), elles me mettent plutôt mal à l'aise qu'autre chose.

Mais ta défense est convaincante. :-)


Heureux au moins que tu le reconnaisses ! sinon je ne te suivrais évidemment pas sur le terrain : "La musique de film ne peut s'écouter en dehors du film" puisque dans ce cas, on pourrait également dire la même chose de toute musique de scène (dont celles de Beethoven, de Nielsen, de Grieg !, etc...), voire même de tout ballet ! (qui sont également des musiques "appliquées", "contraintes" et forcement non "pures" ou "gratuites")

C'est largement ce que je pense. Une musique de scène s'écoute très mal si on n'a pas au moins un peu de texte au milieu, et ne prend tout son sens qu'en action. De même qu'on pourrait à la rigueur écouter de la musique de film sans regarder le film, mais au moins avec les images prévues.
Pour le ballet, c'est une musique plus continue, donc elle s'écoute mieux en musique pure, mais on perd également. Ca vaut aussi pour l'opéra en extraits favoris, qui est un non-sens absolu, ou en suites symphoniques.

Il y a bien sûr des exceptions à tout ça, tu cites par exemple Nielsen en pensant sans doute à son Aladdin, et j'abonde, ça fonctionne du tonnerre en musique pure. En revanche, même le chef-d'oeuvre ultime Manfred de Schumann perd énormément si on commence à juxtaposer les numéros. Et Egmont est tout de bon sans intérêt.


Certains fous de free jazz ont pourtant adoré cette (longue) partie mais bon globalement je suis entièrement d'accord avec toi, je n'ai pas trop aimé moi non plus ce passage de l'opéra de Boesmans (effectivement totalement postbergien tu as raison) et je reconnais que ce métissage ci était totalement raté, artificiel et vain, seulement c'est loin d'être le cas partout et notamment dans la musique de film (voire le jazz symphonique comme chez Ornette Coleman par exemple) où le métissage parait souvent bien moins artificiel et bien plus "frais" et excitant justement...

C'est-à-dire que Boesmans n'a pas tant métissé que juxtaposé, et sans rapport évident avec la nécessité dramatique. Mais je suis le premier à aimer les langages syncrétiques de compositeurs en exercice, même si nous n'aimons pas forcément les mêmes mélanges ! :)


Bonne journée à toi. ;)

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