Pendards
Par DavidLeMarrec, dimanche 3 août 2008 à :: En passant - brèves et jeux :: #1009 :: rss
On l'a déjà suggéré à plusieurs reprises, CSS n'a pas beaucoup de tendresse pour les effusions un peu trop envahissantes à l'opéra - avec pour limite simple à l'expression des sentiments variés et spontanés le fait de ne pas couvrir le texte et la musique.
Le fameux histrionisme de Corelli, purement vocal et absolument sans rapport avec le propos théâtral de ses épanchements, est notre plus parfait ennemi, surtout lorsqu'il se double d'un public décérébré :
qui n'hésite pas à couvrir un superbe ensemble, dans lequel chante ce fameux ténor tant prisé et néanmoins tout à fait inaudible sous les applaudissements. Quant aux autres artistes, ils peuvent si bien aller se rhabiller que les aigus de la soprane sont totalement couverts pour saluer le départ (!) du ténor.
Ce comportement, qu'il faut remettre en perspective avec une certaine catégorie de répertoire et surtout d'attente d'un public donné (le public italien, et particulièrement dans le répertoire italien, avait jusqu'à une époque récente cette préoccupation principale, soit une dominante de catégorie 2), est certes tout à fait louable tant qu'il répond au souhait de l'ensemble d'un public de pouvoir s'exprimer en temps réel.
Il présente toutefois deux inconvénients majeurs. Tout d'abord le manque de respect pour les artistes, éclipsés sous des hurlements par le moindre coup de glotte efficace ou spectaculaire d'un partenaire (ou au moindre ratage réel ou supposé, ce qui est déjà nettement moins sympathique, si ce n'est tout de bon odieux) ; ensuite les effets irritants sur notre personne, pour laquelle l'illusion théâtrale est sauvagement rompue, sans le moindre ménagement pour notre petite sensibilité fragile.
Nous l'avions fait savoir il y a quelque temps, avec, peut-être, il faut bien en convenir, une pointe d'ironie cruelle.
C'est pourquoi nous collectionnons avec une mesquinerie non dissimulée les témoignages qui consacrent les échecs de cette technique d'épate.
Londres n'est pas en Italie, semble-t-il. Le blanc qui suit l'aigu (sottement) triomphal marque un désarroi délicieux, et le pauvret mange ensuite ses mots, s'étouffant de dépit contre ce public ingrat - ou plus vraisemblablement essoufflé d'avoir braillé sans compter. Eh oui, il s'était habitué à faire semblant de chanter le trio, pas de chance pour cette fois-ci.
Quand on vous dit que les ténors sont bêtes...
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Mais ce ne sont là qu'amusettes sympathiques. D'autres publics, nettement moins généreux, se montrent très facilement bien plus insupportables.
Car ce n'est pas pour ressasser ces vieilles scies que nous ouvrions une notule sur CSS, non :
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Et ceux-là sont bien moins aimables. Voici un magnifique début d'acte II des Meistersinger de Wagner.
Paris 1990. Il semblerait que la mise en scène (sans doute du nu, vu la réaction frontale et immédiate) ait choqué ces braves gens, ce qu'on conçoit tout à fait, mais ils couvrent la musique et les choristes absolument innocents (et plutôt victimes que complices, à choisir).
Ce qui est le plus odieux est que dès que le choeur cesse, les huées aussi - il ne s'agirait pas de couvrir les solistes, tout de même. D'autant plus écoeurant que le choeur en question se montre absolument remarquable et passionnant.
Et là, il n'y a pas d'excuse autre que manifester en retour l'agression qu'on a ressentie, quitte à gâcher le spectacle des autres et à manquer de respect à la salle et à la scène - l'obscurité révèle des vocations de lâches.
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Par ailleurs, les mises en scène délibérément provocatrices ont leur part de responsabilité, mais cela n'excuse en rien la grossièreté de la réaction.
Pour la petite histoire, cette soirée, assez notablement huée au rideau, comprenait, entre autres tocards, Marek Janowski (Orchestre Philharmonique de Radio-France et ses Choeurs, plus les Choeurs de Chambre de l'Opéra de Varsovie), José van Dam (Hans Sachs), Matthias Hölle (Veit Pogner), et, raretés, Lucia Popp en Eva et Hanna Schaer en Magdalene.
... et ces gens ne pensent qu'à protester !
Mon Dieu.
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Réflexions connexes
- Vade mecum du spectateur au concert et à l'opéra - et la question des huées.
- Un autre persiflage, plus facétieux, sur les publics indisciplinés.
- Table indicative de catégorisation sommaire des mélomanes.
- Ecouter Die Meistersinger von Nürnberg en intégralité dans une excellente version (Cluytens, Bayreuth 1956).
- Compte-rendu d'une des plus récentes apparitions scéniques d'Hanna Schaer.
- Un autre silence gêné d'un orchestre, pour d'autres raisons.
- New ! Avec CSS, apprends à connaître ton ennemi, son histoire et ses pouvoirs.
Commentaires
1. Le dimanche 3 août 2008 à , par lou :: site
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