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Pendards

On l'a déjà suggéré à plusieurs reprises, CSS n'a pas beaucoup de tendresse pour les effusions un peu trop envahissantes à l'opéra - avec pour limite simple à l'expression des sentiments variés et spontanés le fait de ne pas couvrir le texte et la musique.

Le fameux histrionisme de Corelli, purement vocal et absolument sans rapport avec le propos théâtral de ses épanchements, est notre plus parfait ennemi, surtout lorsqu'il se double d'un public décérébré :

qui n'hésite pas à couvrir un superbe ensemble, dans lequel chante ce fameux ténor tant prisé et néanmoins tout à fait inaudible sous les applaudissements. Quant aux autres artistes, ils peuvent si bien aller se rhabiller que les aigus de la soprane sont totalement couverts pour saluer le départ (!) du ténor.

Ce comportement, qu'il faut remettre en perspective avec une certaine catégorie de répertoire et surtout d'attente d'un public donné (le public italien, et particulièrement dans le répertoire italien, avait jusqu'à une époque récente cette préoccupation principale, soit une dominante de catégorie 2), est certes tout à fait louable tant qu'il répond au souhait de l'ensemble d'un public de pouvoir s'exprimer en temps réel.

Il présente toutefois deux inconvénients majeurs. Tout d'abord le manque de respect pour les artistes, éclipsés sous des hurlements par le moindre coup de glotte efficace ou spectaculaire d'un partenaire (ou au moindre ratage réel ou supposé, ce qui est déjà nettement moins sympathique, si ce n'est tout de bon odieux) ; ensuite les effets irritants sur notre personne, pour laquelle l'illusion théâtrale est sauvagement rompue, sans le moindre ménagement pour notre petite sensibilité fragile.

Nous l'avions fait savoir il y a quelque temps, avec, peut-être, il faut bien en convenir, une pointe d'ironie cruelle.

C'est pourquoi nous collectionnons avec une mesquinerie non dissimulée les témoignages qui consacrent les échecs de cette technique d'épate.

Londres n'est pas en Italie, semble-t-il. Le blanc qui suit l'aigu (sottement) triomphal marque un désarroi délicieux, et le pauvret mange ensuite ses mots, s'étouffant de dépit contre ce public ingrat - ou plus vraisemblablement essoufflé d'avoir braillé sans compter. Eh oui, il s'était habitué à faire semblant de chanter le trio, pas de chance pour cette fois-ci.

Quand on vous dit que les ténors sont bêtes...

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Mais ce ne sont là qu'amusettes sympathiques. D'autres publics, nettement moins généreux, se montrent très facilement bien plus insupportables.

Car ce n'est pas pour ressasser ces vieilles scies que nous ouvrions une notule sur CSS, non :

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Et ceux-là sont bien moins aimables. Voici un magnifique début d'acte II des Meistersinger de Wagner.


Paris 1990. Il semblerait que la mise en scène (sans doute du nu, vu la réaction frontale et immédiate) ait choqué ces braves gens, ce qu'on conçoit tout à fait, mais ils couvrent la musique et les choristes absolument innocents (et plutôt victimes que complices, à choisir).

Ce qui est le plus odieux est que dès que le choeur cesse, les huées aussi - il ne s'agirait pas de couvrir les solistes, tout de même. D'autant plus écoeurant que le choeur en question se montre absolument remarquable et passionnant.

Et là, il n'y a pas d'excuse autre que manifester en retour l'agression qu'on a ressentie, quitte à gâcher le spectacle des autres et à manquer de respect à la salle et à la scène - l'obscurité révèle des vocations de lâches.

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Par ailleurs, les mises en scène délibérément provocatrices ont leur part de responsabilité, mais cela n'excuse en rien la grossièreté de la réaction.

Pour la petite histoire, cette soirée, assez notablement huée au rideau, comprenait, entre autres tocards, Marek Janowski (Orchestre Philharmonique de Radio-France et ses Choeurs, plus les Choeurs de Chambre de l'Opéra de Varsovie), José van Dam (Hans Sachs), Matthias Hölle (Veit Pogner), et, raretés, Lucia Popp en Eva et Hanna Schaer en Magdalene.

... et ces gens ne pensent qu'à protester !

Mon Dieu.


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Commentaires

1. Le dimanche 3 août 2008 à , par lou :: site

Oui, David, c'est accablant... pour les spectateurs !!!

J'ai écrit, un jour, un mot après un article de Kozlika sur le raté d'un ténor. Nous étions tous d'accord. J'avais ajouté mon grain de sel : tous ces mélanomes (non, c'est pas une faute, c'est une anagramme) à cent euros le siège (pour les plus fauchés) feraient mieux de s'abonner au Crazy Horse, là, quand on siffle, au moins ça a un sens !

On peut s'amuser de quelques ra(re)tés, tu l'as fait pour Barbaraaa, mais pas en concert. Ici, les deux premiers extraits laissent bien entendre que les artistes ne sont pas au mieux, le troisième, dis-tu, c'est pour la mise en scène.

Moi, je.
Moi, je quitte le spectacle quand il me déplaît ou quand c'est le pu(e)blic, je ne vais pas me casser la voix pour ça.

Autrement, on n'a même pas le temps de répondre à un de tes articles qu'il y en a déjà un autre :)
Il faudrait tout de même que je revienne sur la Dame de Montsoreau, que j'ai bien connue, puisque c'est à côté de chez moi.

Notre Dieu, comme tu dis !

2. Le dimanche 3 août 2008 à , par DavidLeMarrec

Navré pour le rythme des articles, c'est infernal pour les pauvres lecteurs, j'en conviens. :-)

Mais comme je risque me déplacer au cours de l'année, je préfère vous garnir suffisamment pour que vous n'ayez pas l'estomac trop vide si je vous abandonne trois jours.

Pour baaAAAAAARRbaaaaAAAARHAaaaa, j'ai sincèrement du goût pour cette interprétation très engagée, j'aime vraiment beaucoup. J'essaie effectivement de ne pas me moquer cruellement.

Quant au public, je crois que j'ai tout dit, ça me navre assez quand c'est en plus pour manifester de la mauvaise humeur. De la même façon, en 2004, Boulez, après le plus beau Parsifal de tous les temps (et une superbe distribution) avait été accueilli par des huées à Bayreuth, qui ont rapidement rompu le silence final avant le moindre applaudissement... Pour écouter la radiodiffusion, j'ai dû retailler, c'était infiniment désagréable (et injuste). Apparemment, Schligensief avait fait beaucoup de choses décousues, sans doute pas de quoi huer, et surtout pas comme première réaction !

Tu nous présenteras à Diane, j'espère.


En attendant, j'ai planté comme d'habitude en me connectant chez toi, Over-blog est de plus en plus lourd à charger comme structure. Je retente.
Chez Typepad, c'est lorsque je poste des commentaires, et chez Over-blog, c'est lorsque je lis... C'est vraiment le tiers-monde carnetistique !

3. Le dimanche 3 août 2008 à , par lou :: site

Pour o-b, je fais pénitence, j'ai choisi d'afficher le plus grand nombre d'articles autorisés, l'ennui, c'est que c'est lourd avec une machine antérieure à 2008 (août 2008). La mienne est de 2002 et il me reste 2 Go, ce qui ne fait pas lourd pour le swap.
J'essaierai de faire mieux. Pour commencer, je ne suis même pas sûr de mettre en ligne ce soir mon misérable article de vingt lignes sur Dom Juan.

4. Le dimanche 3 août 2008 à , par DavidLeMarrec

C'est récurrent sur Over-Blog dès qu'il y a du média. Chez moi aussi, ça devient vite lourd dès qu'on ajoute images et surtout son.

5. Le dimanche 3 août 2008 à , par licida :: site

Boooooooouuuuuuuuuusoir!

Dans le genre huées, j'aime beaucoup celles après la bacchanale de Samson et Dalila à Bastille en 90 dirigé par Chung. La mise-en-scène était de Pizzi et la première fois que j'ai entendu cette retransmission radio, je me demandais bien ce qui avait pu scandaliser ainsi le public: Chung est très bon là dedans (et puis le public de Bastille n'est pas assez connaisseur pour huer le chef en masse) et les mise en scene de Pizzi se limitent souvent à un joli réglage de la circulation en couleurs. C'est alors qu'un ami m'a appris que Pier Luigi s'était laché sur ce coup là: la bacchanale devenant un gala AROP!

Louons tout de même l'éducation du public qui a attendu la presque fin du morceau pour huer. Aujourd'hui on hue les silences voulus par le metteur en scène pour clamer sa propre bêtise (Parsifal de Warlikowski).

Je suis limite hors sujet là, mais bon il est tard et après tout je suis là En passant :o)

6. Le lundi 4 août 2008 à , par DavidLeMarrec

Difficile de me prononcer sur le Parsifal en question sans l'avoir vu. J'ai pas mal de préventions contre son Iphigénie sur le principe de tout détricoter, et sur la laideur manifeste du résultat. Maintenant, la direction d'acteurs est peut-être géniale, et ça, ça rachète tout.

De toute façon, huer pendant le spectacle est forcément une nuisance pour le reste du public, surtout que ceux qui huent ne supportent pas qu'on déplie des bonbons ou qu'on cause, ce qui est certes très pénible, mais ne couvre pas la musique !

Après, aux saluts, c'est à mon avis plus que discourtois, mais c'est un autre problème.

7. Le mercredi 13 août 2008 à , par Beckmesser

La nudité ne choque plus à l'Opéra. Tout juste un petit haut-le-coeur pour tenter de masquer qu'on s'est rincé l'oeil comme les autres.

Non, si ces Meistersinger ont été autant hués c'est qu'ils transformaient la confrérie des Maîtres en assemblée maçonnique.

8. Le mercredi 13 août 2008 à , par DavidLeMarrec

Merci de la précision, lieber Meister.

Je me disais qu'au début des années 90, ce n'était pas impossible, mais peut-être est-ce parce que j'évoluais pour large part dans un milieu moralement relativement conservateur à cette époque. Les ballets de Robert le Diable, peu d'années auparavant, avaient aussi été hués, j'avais fait la même hypothèse. Ou alors une transposition très osée (il y avait beaucoup de cuir, mais je n'ai rien vu, des extraits dont je dispose, de bien sulfureux - ça semblait plutôt statique).

Je ne saisis pas bien ce que la transposition des Maîtres en Maîtres a de si troublant pour une si large part du public, mais surtout, je ne saisis pas bien pourquoi ils s'indignent à l'acte II, à l'entrée du choeur. Théoriquement, on est en extérieur à ce moment, et le concept du metteur en scène doit commencer à être compris.

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