Carnets sur sol

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Le disque du jour - XXIX - Nielsen, Symphonies 2 & 4 (Gould, Martinon, Chicago)

On a déjà évoqué une sélection possible d'intégrales (et radicalement révisé notre sentiment sur la queue de classement, comme indiqué à la fin de la notule en question), valable pour les trois premières symphonies, mais aussi pour l'ensemble du cycle - la Quatrième réclamant les mêmes vertus de spontanéité et d'articulation que les précédentes (la Cinquième et la Sixième nous passionnant sensiblement moins, nous sommes peut-être moins bons juges). On y trouvera quelques nouveautés (intégrales Bernstein et Saraste, version Karajan et Rattle de la Quatrième...).

En séparé, cependant, signalons les plus belles versions des Deuxième et Quatrième symphonies, par deux chefs différents à la tête de l'Orchestre Symphonique de Chicago.


Le soleil de l'inspiration radieuse appliquée aux sommets élancés des symphonies. Mais, un instant, il y a tant de montagnes que ça au Danemark ?


Morton Gould pour la Deuxième Symphonie, Jean Martinon pour la Quatrième. Avec en prime, pour un minutage généreux, la célèbre Ouverture Helios par Martinon (avec de très belles cordes) et un très bref extrait mignon de la musique de scène de Moderen (« Le pays maternel ») de Helge Rode, pour flûte (James Galway) et harpe (Sioned Williams) : « La levée du brouillard ».

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Oeuvres

Concernant la Deuxième Symphonie, on renvoie à sa présentation.

Pour la Quatrième, elle est assez connue, parfois jouée, et on ne rappellera pas l'originalité de ce début de deuxième mouvement poco allegretto aux bois seuls, ou le final avec solos débridés de deux timbaliers en vis-à-vis, sur des rythmes terriblement originaux. Son sous-titre Inextinguible renvoie au caractère même de cette musique, et plus généralement de la musique, pour Nielsen :

J'ai une idée pour une nouvelle composition, qui n'aura pas de programme, mais exprimer ce que nous comprenans de l'esprit ou des manifestations de la vie, et qui est : tout ce qui bouge désire vivre... Simplement la vie et le mouvement, cependant varié - très varié -, pourtant mis en relation, et comme incessamment en mouvement, en un grand mouvement ou un grand flux. Je dois trouver un mot ou un court titre pour exprimer cela - ce suffira. Je ne peux pas bien expliquer ce que je veux, mais ce que je veux est bien.

Tiré d'une lettre de mai 1914 adressée à sa femme, alors à Celle en Basse-Saxe.

Et plus nettement encore :

La musique est Vie : dès qu'une note isolée résonne dans l'air ou l'espace, c'est le résultat de la Vie et du mouvement. C'est pourquoi la musique est l'expression la plus sensible de la pulsion de Vie. Cette symphonie décrit les sources les plus primitives du flux vital et le bonheur de sa perception, c'est-à-dire ce qui touche l'être humain, le monde animal et végétal comme il peut être perçu ou vécu. Cette musique n'est pas basée sur un programme décrivant son évolution dans un espace et un temps limité, mais un aperçu des couches émotionnelles vitales qui restent semi-chaotiques et primitives…

Cette notice de 1938, par le compositeur, bien postérieure à sa création (1916), s'achève sur un Credo assez clair : « La musique est la vie, comme elle, inextinguible. »

Il ne faut donc pas voir dans les percussions folles du dernier mouvement une quelconque menace [1] et le Nielsen inquiet n'est pas exactement de mise dans ses symphonies - à l'exception bien entendu de la Cinquième.
Ce déchaînement au coeur du dernier mouvement n'est pas non plus, en dépit de son caractère général de contemplation tranquille, une figuration d'orage champêtre. Non, il s'agit bien d'une recherche de plénitude musicale sous toutes ses formes - assez réussie, il faut dire.

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Interprétation

Lire la suite et écouter.

Notes

[1] Rappelons, même si le rapport n'est pas nécessaire, que malgré la date, le Danemark était alors neutre dans la Première guerre mondiale, et ne subissait que les conséquences économiques, certes très néfastes, des affrontements.

Interprétation

Etrangement, les deux interprétations se placent dans un esprit similaire l'une par rapport à l'autre.

1. De superbes timbres à Chicago, qui préfigurent les grands enregistrements de Solti (ses meilleurs de loin), plus que la période Barenboim. Tout est charnu et chaleureux.

2. Beaucoup de corps dans les mouvements lents, très habités, très fournis. La générosité des instruments modernes dans le sostenuto [1], mais sans la mollesse ou la complaisance expressive qui va parfois de pair.
Les cordes de la Deuxième en sont magnétiques, surtout alliées aux cuivres très lyriques dans le troisième mouvement.

3. Une tension qui n'est jamais négative, jamais sinistre. Les deux symphonies sont habitées d'un véritable mouvement vital, ce qui correspond très bien à la nature de leur inspiration. Le Poco allegretto [2] de la Quatrième rebondit avec tant de grâce, en n'oubliant pas la danse qui était de mise dans les mouvements rapides intermédiaires...

4. Par-dessus tout, une lisibilité parfaite des plans sonores dans l'espace et des motifs dans le temps, le patron de la symphonie se déroule avec beaucoup de clarté. En particulier chez Martinon, où dans le dernier mouvement de la Quatrième, on entend spontanément les trois motifs principaux : le lyrisme des cordes, les motifs chantants des cuivres, les rythmes irréguliers des timbales.
Sans doute aidé par une mise en place d'une grande confiance.

La prise de son RCA a beaucoup de présence, et accroît le plaisir du concert.

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Ite missa

Il s'agit pour les lutins de loin de la version la plus convaincante de la Quatrième Symphonie (eh oui, Martinon !). On y entend tout, avec grâce et évidence. De surcroît, beaucoup d'énergie, absolument pas désespérée et très en phase avec le projet du compositeur.

Il faut tout de même prévenir que selon les goûts, on peut ne pas aimer les cuivres très éclatants de Chicago, pas toujours ronds ; ce n'est pas notre cas, nous préférons les cuivres nordiques et américains aux allemands et français, en règle générale. Toutefois, ils sont excellemment dirigés et captés, toujours phrasés (ce qui est plutôt une denrée rare) et ne couvrent jamais le reste du discours dans une masse désagréable. Mais on prévient les réclamations potentielles.

Sinon, le seul choix qui puisse s'en approcher dans ce que nous avons pu entendre est Blomstedt I (Radio Danoise), où l'on entend très bien les plans, mais on a déjà prévenu que cela ne règlera pas la question de l'orchestre, dont les timbres et la techniques sont perfectibles. Beaucoup de versions mangent des parties du spectre sonore - et très souvent étouffent le dialogue des timbales.

Pour la Deuxième Symphonie par Morton Gould, il s'agit également d'une version majeure, probablement notre favorite aussi, mais il en existe d'autres excellentes - sans doute plus facile à réussir que la Quatrième ?

La réédition RCA est très peu chère, mais vous pouvez avant achat confirmer ou infirmer notre avis en écoutant le disque au préalable.

Notes

[1] C'est-à-dire lorsqu'il faut soutenir le son sur une longue durée, ce qui est très difficile avec les archets anciens, conçus pour la précision des attaques et la rapidité de l'articulation. Certes, il n'est pas question de jouer Nielsen avec l'instrumentarium de Monteverdi et la question ne se pose pas ainsi - c'est simplement une image.

[2] Qu'on peut inscrire dans la filiation de l'Allegretto scherzando de la Huitième de Beethoven.


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David Le Marrec

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