Carnets sur sol

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samedi 30 mai 2009

Flânerie solitaire

- Quel bonheur ! Nous allons à une ferme, monsieur Rodolphe ? [...]

La voiture arrivait près de Saint-Denis, la haute flèche de l'église se voyait au loin. [...]

A ce moment, Rodolphe dit au cocher, qui avait dépassé le village de Sarcelles :

- Prends le premier chemin à droite, tu traverseras Villiers-le-Bel, et puis à gauche, toujours tout droit.

Il m'est avis que certains héros des services publics (suivez mon regard) n'y font pas tous les jours la partie de campagne du onzième chapitre des Mystères de Paris.

Rien qu'à y penser, chacun en sue à grosses gouttes.

vendredi 29 mai 2009

Clara WIECK-SCHUMANN - Volkslied (Heine)


On poursuit notre périple téléchargeable commenté dans les lieder de Clara. [Ainsi qu'un morceau de discographie indicative.]


Heine n'a pas inspiré que les musiciens, témoin le recueil de nouvelles Es fiel ein Reif in der Frühlingsnacht de l'écrivain thèque d'expression allemande Ossip Schubin (1854 - 1934).


Volkslied (« Chant populaire »)

Le titre se justifie en ce que le poème de Heine s'inspire d'un poème populaire collecté par Arnim et Brentano. Il s'agit d'un des tout plus beaux de Clara, sans doute même le plus touchant avec Warum willst du and're fragen.

Clara Wieck-Schumann en inverse les deux derniers mots dans sa mise en musique.

Suite de la notule.

jeudi 28 mai 2009

Rémanence des suggeritori


En 1978 à La Scala, le souffleur de Tristan und Isolde sous la direction de Carlos Kleiber. (On entend également Piero de Palma et l'inégalable Siegmund Nimsgern. Puis, dans le second extrait, le grand Tristan Spas Wenkoff.)


Le souffleur n'a pas disparu.

A La Scala, il en demeure quatre.

On se demande souvent à quoi sert le souffleur, considérant qu'à l'opéra, la musique permet la mémorisation du texte, et que l'un ne va pas véritablement sans l'autre.

Suite de la notule.

mercredi 27 mai 2009

La vérité du jour

Cet oracle ce trouve dans une oeuvre fantaisiste, au demeurant farcie de références assez jouissives.

DON JUAN
Apprends que les beaux vers comme les belles filles
Peuvent négligemment laisser voir leurs chevilles.

Suite de la notule.

Apparition du hors-scène sonore


Les trois extraits musicaux de la notule. On les retrouve plus loin, un par un.

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Le théâtre chanté permet d'utiliser le hors scène d'une façon bien plus riche que la parole parlée : sa technique de projection vocale est bien supérieure, on peut donc comprendre des phrases entières, être fasciné par la musique, et aussi bénéficier d'un choeur tout entier, pour créer des atmosphères. [La musique de scène assez spectaculaire, dans le théâtre parlé, apparaît trop tard pour pouvoir créer cela.]

Le procédé est peut-être plus ancien qu'on ne pense tout d'abord. Mais revenons à nos classiques.

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Les Romantiques à l'Opéra ont usé et abusé - avec quelque raison, le procédé marche à tout coup - du hors-scène chanté, en particulier pour créer des contrastes expressifs avec ce qui se joue sur la scène.

C'est généralement dans le sens misérable de la souffrance de l'individu tandis qu'une foule en liesse s'ébat à l'entour, à peu près jamais l'inverse.

L'exemple le plus net et le plus réussi est peut-être l'acte de Fontainebleau de Don Carlos de Verdi : tandis qu'Elisabeth et Carlos viennent de recevoir la terrible nouvelle qui ruine leurs rêves de jeunes gens, celui d'un amour déjà bâti en rêve depuis des mois, et qu'il faut à présent que la princesse de France reporte sur le vieux roi Philippe, le choeur du peuple chante la gloire de la Princesse devenue reine et la saveur retrouvée de la paix.

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Georges Prêtre dirige l'Orchestre de l'Opéra de Paris en 1987 dans la version originale de l'oeuvre. Michèle Lagrange (Elisabeth de Valois), Martine Mahé (Le Page Thibault) Jean Dupouy (Don Carlos), Jean-Philippe Marlière (Conte de Lerme).


Après s'être vus pour la première fois, ils sont relevés de leur ravissement par l'entrée du page qui salue en Elisabeth la reine d'Espagne - les vers de Locle et Méry ont un poids assez terrible, puisqu'ils font tomber tous les titres à la rime, des couperets qu'on sent venir. Première expression du désespoir. Soudain, en coulisse, les choeurs joyeux a cappella retentissent. Deuxième contraste.
Puis entre l'Ambassadeur d'Espagne, Comte de Lerme, qui vient réclamer le consentement. Faiblement donné. Explosions de joie de la foule, mais d'une façon tendre et exaltée ; à cela se mêle le premier thème du désespoir (en triolets), mais en majeur, faute de pouvoir faire cohabiter les modes majeur et mineur ; mais le thème demeure reconnaissable et l'expression fonctionne tout à fait.
Elisabeth est enfin amenée, et les échos se taisent, laissant seul Don Carlos, abandonné, toujours incognito, et aussi profondément amer que possible.

Ici, la scène de foule est donc le moment d'un cruel contraste entre l'émotion collective (joyeuse) et le désespoir individuel ; la figure publique est révérée, l'humain souffre. Une dualité typique du théâtre de Verdi (Macbeth, Boccanegra, Otello par exemple), et très fréquente de toute façon à l'Opéra et dans le théâtre en général. Car la dissociation est à la fois très efficace dans le dispositif théâtral et très vraie psychologiquement.
Exaltation du personnage intime dans la grande figure historique, c'est un sport romantique très développé.

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Il convient peut-être de citer un contre-exemple célèbre.

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Vous retrouverez l'Orchestre de Covent Garden de l'ère Pappano (qui plus est toujours la prise de son EMI), mais il est ici dirigé (avec goût) par Mark Elder. Roberto Alagna dans « Nessun dorma » tiré de Turandot (Puccini).


« Nessun dorma » est l'un des rares cas où l'exaltation du héros contraste avec la misère qu'il entoure - et qu'il ignore superbement. Se fixant à lui-même une nouvelle épreuve de mort alors qu'il a vraincu lors des les cruelles épreuves imposées par la froide princesse, il condamne le peuple à souffrir et amènera plus loin ses amis à mourir ou à souffrir. Mais ce qui le préoccupe pour l'heure, c'est avant tout la jouissance de la certitude de sa victoire sur la femme convoitée, qu'il lance en quelque sorte à sa fenêtre et aux étoiles, sans qu'il puisse être entendu. Pendant ce temps, on entend le choeur se lamenter sur le martyre qui découlera de cette nouvelle épreuve (des massacres aveugles).
Un tel air d'exultation est rare dans le répertoire, et qui plus est il renverse le schéma habituel (où l'on compatit pour le personnage brisé) - mais Calaf n'est, définitivement, pas un personnage sympathique.

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Mais ce dispositif est-il réellement propre à l'ère romantique ?

Non, non, on en trouve trace dès Quinault. Pour Thésée (1675) [1], tout le premier acte se déroule avec des clameurs de combat en coulisse, tandis que les affects des personnages se dévoilent sur scène, suscités ou ponctués par ces événements.

Il y a fort à parier qu'il n'en existe pas d'exemple antérieur : ce type spectaculaire, cette musique dansante et dynamique étaient alors le propre de la musique française (et le baroque français demeure sans doute son lieu privilégié aujourd'hui encore...). On imagine mal les contemporains de Francesca Caccini ou Cavalli, dans leur psalmodies, introduire ce genre d'effets. Peut-être plus dans le pré-seria du type de Legrenzi, mais on voit mal pourquoi (et comment !) faire un tel crochet esthétique entre les deux genres assez hiératiques que sont le premier opéra et le seria (même si Giovanni Legrenzi est incontestablement plus mobile dramatiquement).

Il existe bien, dans Alceste (1673), un siège contre le ravisseur Licomède, mais il occupe en réalité toute la scène, et les assiégés sont censés être visibles sur le rempart, sans compter les sorties contre les assiégeants. Le dispositif ici n'est pas un dispositif expressif destiné à révéler ou à exalter des affects. La vue d'Admète blessé n'est pas attendue, c'est une surprise d'Alceste après le départ d'Alcide victorieux. [2]

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Sophie Karthaüser (Aeglé), Aurélia Legay (Dorine), Salomé Haller (la prêtresse de Minerve), Nathan Berg (Arcas). Le Concert d'Astrée et Emmanuel Haïm, qui font mieux que rendre justice à cette partition, qui en exaltent grandement les qualités et en masquent tous les déséquilibres.


Vous pouvez suivre le livret ici. Nous avons pratiqué quelques coupures pour ne pas être trop long dans le cadre de cette notule.

On voit ainsi que le choeur des combattants caché suscite l'effroi, ponctue l'affliction et l'inquiétude d'Aeglé pour Thésée, contraste avec la tendresse comique du duo de valets [3], suscite les prières de la communauté, fait écho à l'horreur des mourants, annonce une victoire dont les coeurs amoureux ne savent s'il faut s'en réjouir pleinement ou se préparer à pleurer leur héros.
Le contrat est donc pleinement rempli par rapport à l'effet recherché. De plus, alors que les paroles du choeur évoluent de la lutte à la victoire, la musique de guerre conserve son unité thématique du début à la fin, et donne toute sa cohérence à l'acte entier.

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On peut donc, pour une fois, dater très précisément le procédé à 1675.

Dans toute la tragédie lyrique, cette configuration sera reprise. On peut songer à l'affrontement final de l'Ulysse de Jean-Féry Rebel, calqué en cela sur Lully comme en bien d'autres points [4], même si le livret de Guichard demande plutôt deux côtés de la scène qu'une coulisse (mais Pénélope souffre en attendant). Et bien sûr au combat mortel de Castor dans la version de 1753 (on l'entend crier comme le combattant mourant de Thésée), qui s'interrompt à l'entracte pour déboucher sur la déploration et les jeux funèbres.

Notes

[1] Notre présentation est antérieure à la parution de la première intégrale discographique et aux représentations du Concert d'Astrée. L'oeuvre avait été donnée à la fin des années 90 par William Christie dans plusieurs villes de province, mais on se fondait uniquement sur la partition.

[2] Le montage du librettiste par rapport au texte d'Euripide est d'ailleurs fort intéressant (et même franchement inspiré), ce sera pour une autre fois.

[3] Jusqu'à Isis (fausse séduction entre Iris et Mercure) et la disgrâce très temporaire de l'indispensable Quinault, on trouve des figures comiques dans les opéras de Lully et Quinault, y compris dans les dépits amoureux d'Atys, où les valets sont pourtant absents.

[4] Qu'on s'était promis de détailler un jour, il y a déjà longtemps.

Economie du web et Hadopi

Faute de temps pour tout traiter (les lutins étant fort peu diligents à m'aider, comme on l'a déjà dit), on n'est pas revenu sur les nouvelles dispositions concernant le droit d'auteur en Europe et en France.

Il faut tout de même signaler cette très belle synthèse critique sur les modèles économiques et les intérêts en jeu. (Via Authueil.)

lundi 25 mai 2009

Evolution



Frontispice de l'édition de Ballard à l'occasion de la seule reprise (22 et 29 octobre 1763).


Où l'on se retrouve en pays de connaissance, comme on le verra plus loin.

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1. La place historique et esthétique de Scanderberg

Scanderberg, créé le 27 octobre 1735, constitue un jalon important dans l'histoire de la tragédie lyrique et on peut par conséquent s'étonner qu'il n'ait pas encore été représenté ou enregistré depuis le retour en cour de ce genre, il y a à peine plus de vingt ans.

Il s'agit en effet de la première fois que la tragédie en musique exploite un sujet si proche temporellement (XVe siècle). Or, le genre, bâti comme en miroir de la tragédie classique, se fonde très largement sur le dépaysement et le merveilleux. Là où le théâtre parlé commandait une cohérence entre les lieux, le genre chanté multiplie au contraire les déplacements les plus spectaculaires ; là où l'on attendait un vraisemblable (éventuellement de nature extraordinaire chez certaines fortes têtes à noms d'oiseaux), on ne réclame que le merveilleux le plus éblouissant.
Ce qui était encore possible avec les enchantements du Moyen-Age (Amadis de Gaule et Armide de Quinault, bien sûr, mais aussi Tancrède de Danchet) devient plus délicat ici.

Le dépaysement a lieu par l'éloignement tout relatif d'une époque révolue, celle de la lutte contre les puissances musulmanes, sous forme de croisades ou sous forme de résistance à la conquête ottomane : même après la bataille de Vienne (12 septembre 1683) les Balkans ne sont rétrocédés qu'en 1699 à l'Autriche-Hongrie, par le traité de Paix de Karlowitz.
Il a lieu aussi par le caractère oriental du cadre - on s'est beaucoup souvenu du décor de Servandoni pour le cinquième acte (une mosquée).

Il faut dire que l'orientalisme est alors nourri de la fascination pour les Contes des Mille et une Nuits traduits par Antoine Galland, et se teinte donc de connotations merveilleuses d'une façon plus systématique qu'on pourrait le penser aujourd'hui. Voilà donc pour notre merveilleux - le sérail, déjà, a quelque chose de furieusement inconcevable, sans doute.

Par ailleurs, la rhétorique du merveilleux demeure, même si aucun événement ne peut réellement lui être attribué :

L'AGA DES JANISSAIRES, alternativement avec le Choeur
Le Sultan dans tes mains a remis son tonnerre
Sous ses lois, fais trembler la terre.

En plus de cette fin de l'acte III, le cinquième acte voit apparaître un muphti censé apporter des révélations inspirées, mais qui demeure rien de plus qu'un accessoire dont on ne sait guère le sérieux. [Même si on n'est pas encore, comme dans le Zoroastre de Cahusac, dans le doute sur les divinités - Abramane y manipule à son gré les oracles face à un peuple crédule. On voit aussi cela dans Les Indes Galantes de Fuzelier, où le prêtre Huascar mystifie les Péruviens pour servir ses amours personnelles.]

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2. Scanderberg, réussite historique de La Motte

Un sujet nouveau, donc, mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle Scanderberg doit être considéré comme historique. Il s'agit peut-être bien du meilleur livret d'Antoine Houdar de La Motte - et de son dernier, il lui a fallu le temps. Après avoir ruiné tant de superbes musiques, c'est une jolie chose qu'il nous livre là, bien de son temps avec ses galanteries de sérail, et même plutôt précoce. On y trouve de très belles tirades qui demeurent plus psychologiques que décoratives et qui, mises en musique par des musiciens de la trempe de Francoeur & Rebel, devaient produire un grand effet. [Dans les mois à venir, CSS devrait avoir l'occasion de se pencher sur la partition, affaire à suivre.] Les ballets demeurent assez en fin d'acte ne vampirisent pas hors de mesure l'action comme La Motte le fait pourtant très souvent.

On pourrait penser, au vu de la date, que l'oeuvre s'inspire grandement de la Zaïre voltairienne (1732), mais en réalité, La Motte nous ayant abandonné en 1731, il n'en est rien. [C'est le coût des prétentions scéniques de La Motte qui ont, semble-t-il, retardé la présentation de l'ouvrage.] En tout cas, La Motte se situe ici plutôt en pointe, puisque cette veine du sérail, déjà à la mode, perdurera ensuite longuement avec l'Enlèvement de Gottlieb Stephanie / Mozart (1782) et même le Tarare de Beaumarchais / Salieri (1787).

Mais on nous voit déjà venir... Sans doute va-t-on perfidement sous-entendre que le chef-d'oeuvre de La Motte doit largement son accomplissement à ce qu'il a été complété par Jean Louis Ignace de La Serre, poète aux vertus déjà plus fermes, auteur du Pyrame & Thisbé que l'on sait pour une musique des mêmes compositeurs.
Cependant il n'en est rien, et nos lecteurs nous déçoivent d'avoir pu nous prêter cette vilaine intention ; La Serre s'est contenté de travailler le Prologue et le cinquième acte, ce qui laisse pas mal de moments de bravoure authentiquement dus à La Motte.

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3. O tempora, o mores !

Suite de la notule.

dimanche 24 mai 2009

La fin de Clara

Pas d'inquiétude, c'est simplement un complément à propos de la fin du Bildnis de Heine. On a enregistré l'autre version (avec la fin consonante) pour comparer avec celle retenue par Daniel Kim, comme il en était question en commentaires avec Agnès.

Franz SCHUBERT - Die Nacht (d'après Ossian)



Anne-Louis GIRODET-TRIOSON,
Les ombres des héros morts pour la Patrie conduites par la Victoire viennent habiter l'Elysée aérien où les ombres d'Ossian et de ses valeureux guerriers s'empressent de leur donner dans ce séjour d'immortalité et de gloire la fête de la Paix et de l'Amitié,
huile sur toile, 192 x 182 cm, 1801,
Musée National des Châteaux de Malmaison et de Bois-Préau.


Qu'on se rassure, Ossian a aussi inspiré des chefs-d'oeuvre, et c'est ce que nous allons voir tout à l'heure.


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1. L'apogée d'un type

On a très souvent évoqué cette fresque, l'un des lieder les plus émouvants de Schubert pour nous.

Il s'agit du plus réussi des grands lieder récitatifs qu'on trouve souvent chez le jeune Schubert. Dans ces pièces, Schubert se montre aussi près qu'il est possible du sens du texte, en juxtaposant totalement les atmosphères et les motifs, au gré des variations expressives du poème ; la musique n'est plus qu'un serviteur zélé, commentateur parfois à la frontière de l'hystérie, tant le flux musical est ici perpétuellement interrompu et contredit au profit d'un rythme de parole - dont la logique, on le sait, est beaucoup plus contrastée que celle d'une exposition musicale.

Mais, là où cette absence de cohérence peut sembler une maladresse (les deux versions de Der Taucher, Lodas Gespenst...), dans Die Nacht (de même que dans Die Bürgschaft), la puissance des atmosphères et l'urgence de la déclamation l'emportent sur toute réserve.
On connaît par ailleurs le génie de Schubert en matière de coloris dans ses modulations - et ici, le changement de tonalité (peut-on même parler de modulation, tant la juxtaposition est abrupte ?) est pour le moins abondant.

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2. Die Nacht D.534

Ce lied est de surcroît constitué de façon singulière. Il est composé en 1817 (mais publié seulement en 1830), donc à l'âge de vingt ans seulement, et utilise l'adaptation du baron Edmund von Harold sur un extrait de James Macpherson (le 'traducteur' d'Ossian). La partition est corrompue, puisque à la mesure 206, avec les derniers mots, apparaît une étrange indication (Feurig) en 6/8, qui appelle à une fin flamboyante, sans doute sur le thème de la chasse. D'où le complément à partir des appels déjà entendus dans les mesures précédentes - mais vu le caractère hautement volatile des motifs de cette pièce, on ne peut guère déterminer si Schubert souhaiter prolonger celui-ci ou en proposer quelque autre. L'éditeur (Diabelli) y a donc ajouté, en plus d'une coda chasseresse un brin pétaradante, une fin brillante assez improbable, à savoir le chant de chasse composé quelque temps auparavant par Schubert (Jagdlied D.521) dont le ton entraînant et badin, pas très subtil non plus, contraste avec tout ce qui a précédé. [On pourra le proposer à l'occasion en complément, mais il y a assez à présenter pour aujourd'hui.]


Die Nacht par le membre unique du Lutin Chamber Ensemble.


Fichier téléchargeable plus bas. On propose aussi la partition.

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3. Les textes

Voici l'original :

Suite de la notule.

samedi 23 mai 2009

Un autre site de flux

Après Deezer, Jiwa et surtout le pléthorique MusicMe, un nouveau site de flux (streaming) est accessible, de façon très complémentaire, en ligne. La Naxos Music Library est certes payante, mais propose un quart d'heure d'écoute gratuite sur des catalogues qui ne sont pas toujours accessibles sur les autres sites (Timpani, Simax Classics, Signum Classics, CPO, Berlin Classics, Ondine, Delos, Hungaroton, Capriccio, Nimbus, Naxos, Da Capo, Danacord...). L'usage est plus simple que sur le site commercial standard de Naxos (pas d'inscription et lecteur prompt). La qualité sonore, en accès libre, n'est pas très bonne, en revanche.

Attention toutefois, il semblerait que les quinze minutes ne soient pas prises sur le temps réel d'écoute, mais sur les pistes lancées, voire sur le temps de connexion au site, recherche comprise... On peut avoir ensuite un essai gratuit de sept jours. Utile si on veut se documenter sur un catalogue.

vendredi 22 mai 2009

Toujours plus fort - (Edmond ROSTAND, La Samaritaine)



Un onagre d'Iran qui, considérant son tour de taille, ne sera certes pas accusé par nous d'être podagre.


On a vu que Rostand, en termes de rimes, peut tout oser. Eh bien, tout n'est peut-être pas assez.

[Et un mot sur l'économie du vers de Rostand, tant qu'on y est.]

Suite de la notule.

Hommage à Didier Da

Qu'il se console, il y a des panthéonisés qui font ça très bien aussi.

D’Artagnan, resté seul avec Mme Bonacieux, se retourna vers elle : la pauvre femme était renversée sur un fauteuil et à demi évanouie. D’Artagnan l’examina d’un coup d’œil rapide.

C’était une charmante femme de vingt-cinq à vingt-six ans, brune avec des yeux bleus,

Tout est sans doute dans la savante nuance du demi- — j'imagine que c'est là qu'on reconnaît les grands écrivains. Mais j'aimerais être sûr que ce soit vraiment le critère déterminant — si quelqu'un pouvait confirmer...

Suite de la notule.

Satisfaction garantie

En voilà un qui n'a pas dû être déçu en débouchant ici.

Via Yahoo, quelqu'un est en effet parvenu jusqu'à nous :

les histoires vrais les plus éffrayantes sur les lutins et les fées

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P.S. : Celui-ci non plus !

mercredi 20 mai 2009

Franco ALFANO - Cyrano de Bergerac

Plácido Domingo doit faire (sans doute) ses adieux scéniques parisiens au Châtelet avant la fin du mois dans cette oeuvre. Ce n'est pas la raison pour laquelle on avait projeté d'en parler, mais le moment est d'autant plus propice que la présentation peut intéresser plus largement qu'en d'autres circonstances.

Le projet est aussi appétissant qu'intimidant pour le compositeur : dans cette pièce-là la langue de Rostand elle-même est comme perclue de fulgurances, à un degré qui semble presque en dépit d'elle-même. Ce feu d'artifice verbal permanent, des jeux de scène très riches, et puis cette promptitude à l'action qui a tout pour séduire le librettiste.


Savinien Cyrano de Bergerac, l'auteur lunaire dont la bravoure est historiquement attestée (l'épisode de l'écharpe de La Guiche serait authentique...), mais dont on attendrait en vain, dans sa prose, l'éclat qui est en réalité propre à Rostand.


Alfano écrit son projet directement sur un livret français, fourni par Henri Cain, librettiste angulaire du premier vingtième siècle français [1]. Et certes pas le meilleur. Le livret reprend textuellement des moments de Rostand, très brefs, durée de la parole lyrique oblige ; les paraphrases, de même que les sections conservées pour les besoins de l'action ne sont pas fameuses et on aurait peut-être gagné, comme pour Colombe (Anouilh) ou L'Aiglon (Rostand) à se contenter de couper dans le texte original en ne négligeant pas l'aspect poétique (mais peut-être est-ce plus malcommode ici, surtout avec ce compositeur).

Lire la suite.

Notes

[1] La Vivandière de Benjamin Godard (dont nous enregistrerons peut-être, à l'occasion, un bout de l'acte II), maint Massenet (La Navarraise, Sapho, Cendrillon, Chérubin, Roma et bien sûr Don Quichotte), et puis du Charles Widor (Les pêcheurs de Saint-Jean), du Jean Nouguès (Quo vadis), Umberto Giordano (Marcella), et puis Henry Février, Camille Erlanger...

Suite de la notule.

Charles MOUTON (v. 1626-1710)



Suite de la notule.

mardi 19 mai 2009

Le retour de l'opérette

Mise à jour de la notule différenciant opéra comique, Opéra-Comique, opérette et opéra bouffe, avec quelques exemples.

[On en profite pour rappeler l'existence de la notule plus historique, ainsi que celle qui évoque la naissance de l'opéra-comique.]

En plus à Bordeaux 2009

... et, en septembre, un récital de Fernand Bernadi ! Si on veut entendre une basse intelligente et pourvue d'une véritable présence vocale, c'est le moment.

Voix très peu phonogénique d'ailleurs. On peu assez comparer à Jérôme Varnier.

lundi 18 mai 2009

Où...

(vidéos)
... Krystian Zimerman interprète Super Mario Bros War Theme
... et se met au free jazz ;
... Alfred Brendel ânonne béatement du sous-Clementi ;
... Samuel Ramey chante la romance de Don Giovanni en suédois
... avec l'accent country ;
... Juan Diego Flórez chante comme une casserole...

Il s'agit...

Suite de la notule.

dimanche 17 mai 2009

Rime ailleurs

Amusette du soir. Il faut être un sacré poète pour garantir certaines rimes.

Suite de la notule.

Clara WIECK-SCHUMANN - Ihr Bildnis (Heine)




On parle beaucoup de Clara - on vient même d'inaugurer une catégorie consacrée à elle seule. Seulement, il n'existe pas d'enregistrements libres de droits, du fait de sa redécouverte assez récente comme compositrice, particulièrement en ce qui concerne sa musique la plus chambriste - piano solo et lieder.

Aussi, profitant de quelques instants vacants, les lutins mettent la main à la pâte quand la chose est possible. En attendant la captation de ce qui sera téléchargeable, on prépare gentiment la traduction du corpus, et on propose ici une magnifique version d'Ihr Bildnis, sur le texte fameux de Heinrich Heine (« Ich stand in dunkeln Träumen »). Il fait partie des poèmes du recueil Die Heimkehr (« Le Retour », 1823-1824) qui doivent notamment leur célébrité à leur mise en musique par Schubert dans le Schwanengesang, dans l'ordre de Heine : « Du schönes Fischermädchen », « Am fernen Horizonte » / « Die Stadt », « Still ist die Nacht » / « Der Doppelgänger », « Ich unglücksel'ger Atlas ! »...

Suite de la notule.

samedi 16 mai 2009

Le blockbuster est un opéra - ancienne version

En fouillant dans mes archives pour reprendre un projet de notule amorcé en 2006 ou 2007, je le découvre déjà largement achevé. Mais pas publié en raison de ses longues digressions (avec pas mal de remarques sociétales). Je n'exprimerais sans doute plus les choses de la même façon (un peu touffue). Pourtant, il comporte quelques éléments qu'il serait peut-être intéressant de fouiller.

Quelques paragraphes subsistent sous forme de notes, mais c'est assez aisé à appréhender, je pense.

Suite de la notule.

vendredi 15 mai 2009

Erreur d'échelle

A propos du blocage des Universités, on entendait encore hier cette question journalistique aussi étrange que récurrente :

Suite de la notule.

mercredi 13 mai 2009

Le baryton - IV - Une histoire sommaire (c)


On reprend où nous en étions restés.

Depuis le XIXe siècle, jusqu'à nos jours.

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Voici les précédents épisodes :



Caressez le crâne du baryton pour entrer dans sa (séduisante) cervelle de conteur.


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L'apparition du baryton standard

Le baryton, tel qu'il est identifié aujourd'hui, apparaît à l'orée du XIXe siècle. On l'a dit, les premiers rôles susceptibles d'être tenus aujourd'hui par des barytons sont des emplois de basse aiguës, surtout des basses bouffes : dès Elviro dans Serse de Haendel, mais surtout dans Rossini, les rôles de maris trompés ou d'amants éconduits (Don Bartolo, Messer Taddeo, Don Geronio...). Les effets comiques passent par une tessiture haute et des effets vocaux, moins loisibles à des voix de basse (A un dottor della mia sorte est ainsi condensé dans le haut de la voix). On trouve déjà quelques barytons authentiques, comme le Figaro du Barbier, qui n'est ni jeune premier, ni opposant imposant.

Car c'est encore dans l'interstice que se loge le baryton : il est la voix éclatante qui n'est pas celle du jeune premier ; il est la voix grave qui n'a rien de noble. Ce sera donc la voix de Figaro (l'aide brillant des amants, pas amant lui-même) ; ce sera aussi la voix de Lysiart (Euryanthe de Weber), l'ennemi, mais l'ennemi sans pouvoir, le traître insidieux.
Et bien sûr Faust chez Spohr (dès 1816) : Faust ne peut pas être le modèle de l'amoureux sans arrières-pensées, étant un vieil homme - certes visionnaire, mais aussi quelque peu lubrique. Par contraste avec la basse sépulcrale du démon, il fallait une voix intermédiaire. Les ténors sont alors les amoureux authentiques auxquels Faust fait barrage (Franz, le fiancé de Röschen). Schumann utilise ensuite la même catégorisation dans ses Scènes de Faust (1843-1853). [Le baryton-démiurge est une catégorie qui demeurera très usitée jusqu'à aujourd'hui, avec les créations récentes d' Et si Bacon de François Cattin, ou, plus intéressante, de Galilée de Michael Jarrell.]

Il va de soi que ces pistes ne sont pas des constantes, mais des tendances, chaque compositeur étant libre d'en faire à sa guise. Néanmoins, les codes et les attentes sont très forts, et il n'est pas possible, avant la seconde moitié, voire la fin du XIXe siècle, de distribuer un opéra sans proposer par exemple un ténor à aigus pour jouer le jeune premier.

Suite de la notule.

mardi 12 mai 2009

[comptoir] Tannhäuser à Bordeaux (12 mai 2009)


Un mot sur la représentation. Comme il y a plus urgent à écrire, choses auxquelles on a renoncé ce soir pour se rendre au spectacle, on ne prétend pas en épuiser le contenu, simplement donner quelques pistes (rédigées à la hâte).


Le théâtre

Quel plaisir immense, après les expériences parisiennes, de retrouver un théâtre où l'on entend pleinement le grain des instruments, où l'on perçoit physiquement l'impact des voix ! Il vaut mieux un tiers de format dans ce petit opéra qu'un grand monument qu'on suit comme au DVD dans Bastille... et même à l'Opéra-Comique.

L'oeuvre

L'oeuvre comporte décidément des fulgurances extraordinaires (ensemble génial de la fin du premier acte, stances du Venusberg, récit de Rome...) que les Fées ne connaissent pas. A l'inverse, elle comporte des tunnels considérables, ce qui n'est pas du tout le cas des Fées, tout aussi hétéroclites mais plus équilibrées. L'acte II est, cavatine d'Elisabeth exceptée, une suite sans fin d'accords d'une grande littéralité et de prosodie extrêmement plate, le tout ne modulant à peu près jamais.
Le livret est assez terriblement mal fichu qui plus est, conservant les archétypes wagnériens pour le pire, car il est même impossible de leur prêter des émotions. Des figures statiques rabâchant leur pauvre texte - le rôle d'Elisabeth, qui soliloque en permanence, est particulièrement indigent de ce point de vue.


La mise en scène

La mise en scène de Jean-Claude Berutti est une grande réussite. Sans être excessivement profonde, elle permet à l'oeuvre de se soutenir. Sobriété, très beaux décors (forêt suspendue au I, mansarde boisée au II que les bancs austères transforment en assemblée puritaine, ermitage sylvestre au III), direction d'acteurs soignée et présente, qui permet d'animer certains tableaux sans les déranger.

Ainsi, Wolfram est très souvent présent dans les scènes d'intimité, que ce soit pendant le duo d'amour du II (s'affairant à préparer la salle) ou pendant la prière d'Elisabeth, prostré au pied de la cabane construite entre deux arbres pour abriter la retraite de la sainte.

Tout se déroule dans une société chrétienne contraignante, en développant les thèmes contenus dans la protection d'Elisabeth (qui rappelle la volonté rédemptrice de Dieu à l'acte II, avant d'imiter le Christ en mourant pour sauver le pécheur à l'acte III) et dans l'anathème du pape rapporté par Gilles Ragon (d'ailleurs prononcé avec une voix de ténor de caractère, sans qu'on puisse décider si cet effet comique était tenté par Ragon ou imposé, plus vraisemblablement - ? - par le metteur en scène). Vartan me faisait remarquer combien l'image finale était inspirée de l'Enterrement à Ornans de Courbet, jusqu'à l'homme en bras de chemise au pied de la tombe, jusqu'au chien. Il n'est pas impossible que l'image de cette chrétienté, rédemptrice à moitié seulement, ait inspiré le parallèle au metteur en scène, et dicté cette esthétique précise dans l'ensemble des actes.
Des deux aspects de Wagner (l'amateur d'expiation et le chantre de la liberté du génie), c'est donc la seconde partie qui est exaltée dans cette lecture du personnage de Tannhäuser. Plus un Walther qu'un Parsifal, alors que les deux coexistent et se défendent bien sûr.

Direction d'orchestre

L'Orchestre National Bordeaux-Aquitaine est ce soir proprement transfiguré, digne des meilleurs orchestres professionnels, avec des pupitres très homogènes, un beau son rond, un engagement de leurs meilleurs jours (alors qu'on les entendait un peu égarés dans la vidéo que nous vous procurions il y a quelques jours).
Klaus Weise a encore fait des merveilles de clarté, d'urgence, d'élan, de présence dramatique. Les cuivres, certes éclatants, n'ont rien du gras des mauvais jours, tout simplement excellents. Restent les bois, pas toujours en place, pas toujours juste (les flûtes en particulier posent des problèmes, notamment de timbre très largement parcouru par du souffle...) ; et encore ces problèmes ne surviennent-ils que dans la surexposition du III, et pas dans les autres soli, témoin d'une application réelle.

On a été un peu abasourdi en revanche de noter un nombre très important de coupures... Certes, Klaus Weise, avec sa direction vive et sa présence très concernée, raccourcit le temps... mais il s'aide un peu en taillant sérieusement dans la partition. Parmi les moments de bravoure étrangement sabrés, seules deux stances du Venusberg sont exécutées, et la ritournelle qui précède l'air d'Elisabeth au II a disparu (déjà que je peste lorsqu'elle est supprimée en récital !). Qu'importe, l'oeuvre est déjà longue, elle n'est pas méconnue et l'exécution de Weise a tant de mérites par ailleurs [sans lui, on ne se serait peut-être pas déplacé...] qu'on peut lui tirer son chapeau sans arrière-pensée.

Choeurs

Suite de la notule.

dimanche 10 mai 2009

Goerne effect

Oui, comme pour Mimi, il y a en a un.

On a mis à jour le portrait, avec un extrait vidéo significatif.

samedi 9 mai 2009

Nouvelle catégorie

Il était temps à présent, depuis les années que son nom s'entasse dans les Oeuvres ou les Décadents, de lui laisser une place plus confortable, bien à lui.

Vous pouvez désormais rendre visite à Richard Strauss dans l'intimité des appartements qui lui sont réservés sur CSS.

Richard Strauss - ARABELLA, discographie exhaustive et commentée

Inutile de le marteler à chaque discographie, je n'aime pas l'exercice. Résumer ce qui, précisément, est conçu pour être suggestif et ineffable n'est pas simplement vain, c'est aussi une trahison du sens même de l'opéra. A quoi bon exhiber les ficelles trop grosses, les attentes déçues, alors que le plus important est précisément que demeurent l'illusion théâtrale et le transport musical ?

Toutefois, dans le cas d'Arabella, il ne restait qu'à mettre à jour quelque chose de déjà prêt et qui peut être utile vu la difficulté de trouver une version commerciale équilibrée et dotée d'un livret. Non pas que tout fiche le camp, mais les versions les plus intéressantes ne sont pas les plus luxueuses ici, et n'ont pas été publiées par un label. Il faut donc composer avec ce que l'on a, tout le monde n'ayant pas le loisir de fouiner dans les archives radiophoniques ou d'aller les entendre chez d'autres mordus.

Bref, tout cela se limite à des pistes. Il est vrai qu'il y a tout un monde de sentiments mêlés à exalter dans cet opéra, et que trouver la bonne chaussure à son pied est, comme dans les contes de fées, très utile pour que le rêve soit entier. C'est dans cette perspective de goûter les motifs orchestraux jusqu'au vertige, de s'enivrer de passions feintes mais nullement grossières qu'il faut voir notre entreprise de défrichage. Comme on a la chance de connaître, de près ou de loin, à peu près l'ensemble de la discographie, on se dit que ce peut toujours servir à l'un ou l'autre des lecteurs de passage.

Pour les habitués, ils peuvent peut-être s'épargner la médiocrité laborieuse de cette discographie (gentiment) critique.


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Au CD

Il existe en somme assez peu de versions : Krauss 1933 (studio, Ursuleac), Krauss 1942 (Ursuleac), Böhm 1947 (Reining), Keilberth 1950 (Goltz), Kempe 1953 (Della Casa), Kempe 1955 (studio en anglais, Steber), Solti 1957 (studio, Della Casa), Keilberth 1958 (Della Casa), Keilberth 1963 (Della Casa), Zallinger 1966 (Muszely), Rennert 1973 (Caballé), Sawallisch 1977 (Várady), Sawallisch 1981 (studio, Várady), Tate 1986 (studio, Te Kanawa).

On est bien en peine de recommander une version pleinement enthousiasmante, puisqu'il faudrait la chercher du côté de Dohnányi (Mattila) ou de Neuhold (Armstrong), c'est-à-dire des enregistrements existants, mais non commercialisés en CD.
Malgré la qualité des forces à chaque fois en présence, la délicatesse du ton, la difficulté de la mise en place, les exigences de ductilité vocale, d'endurance, de qualité de diction rendent l'exaltation des qualités de la partition difficile sur une longue durée et un nombre assez étendu de personnages. L'orchestre doit être précis, beau et poétique, les chanteurs souples, glorieux et articuler à la perfection. Pour qu'en plus la sauce prenne bien, c'est beaucoup demander. Contrairement à Elektra, l'énergie ne fait pas tout, et la joyeuse pagaille de Mitropoulos à Florence, avec un orchestre et des chanteurs totalement dépassés par la difficulté de la partition, mais absolument concernés, ne serait pas supportable dans cette oeuvre plus délicate.

A la fin de notre parcours, nous proposons un récapitulatif avec notamment les informations techniques relatives aux éditions (livret ou non, en particulier). N'ayant pas tous les coffrets sous la main, on ne peut pas certifier avec exactitude tous les paramètres ; on le signale dans ce cas-là.

--

a) Version recommandée

Suite de la notule.

Pour information

Les Troqueurs de Dauvergne, (charmante) oeuvre historique de la Querelle des Bouffons, sera donnée à Paris (Cité) le 14 de ce mois. (Eh oui.)

Der Ferne Klang, oeuvre majeure de Schreker, sera donné en janvier 2010 à Berlin, mis en scène par Peter Mussbach (avec notamment Anne Schwanewilms, Anna Prohaska, Burkhard Fritz et Hanno Müller-Brachmann) ; et à Zürich, en mai, mis en scène par Jens-Daniel Herzog et dirigé par Ingo Metzmacher (avec notamment Juliane Banse et Roberto Saccà).

Enfin, on a déjà signalé les Gezeichneten du même Schreker, à Los Angeles en janvier, dirigés par James Conlon (aïe) sans qui le projet n'aurait certainement pas vu le jour (quel autre chef américain pour porter cette musique à bout de bras et convaincre un directeur d'Opéra ?) ; ce sera avec Anja Kampe (largement connue pour sa Senta bruxelloise télédiffusée) et Robert Brubaker (qui figure dans le DVD Nagano / Lehnhoff).

vendredi 8 mai 2009

[fragment] Joseph Guy ROPARTZ, Le Pays (1912)



On emprunte ce découpage très pertinent de la Tempête de Waterhouse, riche pourvoyeur d'illustrations sur beaucoup de sujets peu pratiqués picturalement (à défaut de bon goût), au site Classiquenews dans son article annonçant les représentations du Pays. Il masque en effet le bateau en train de faire naufrage pour ne conserver que l'insulaire rousse qui contemple la débâcle, quasiment l'équivalent exact du dénouement...


Impressionnant dans cet unique opéra de Ropartz comme le propos musical, en particulier rythmique, rappelle Tristan et Isolde. Ce n'est pas de l'imitation comme chez Chausson (Symphonie et surtout Roi Arthus) ou dans le Fervaal de D'Indy, c'est une véritable imprégnation-recréation. Qui se voit très nettement à la lecture de la partition, jusqu'à l'allure générale des groupes écrits. Très impressionnant, oui.

Le poème dramatique de Charles Le Goffic, en revanche, est assez faible, et sans grand rapport. La nouvelle « L’Islandaise » qui inspire Ropartz, tirée du recueil de nouvelles Passions Celtes, se fonde sur la tendance historique de marins bretons à construire un foyer éphémère en Islande. Peu d'action, et aussi beaucoup de scènes prosaïques où, littéralement, on sert la soupe.
Dans une volonté de poésie, beaucoup de choses se passent hors scène, via la contemplation du personnage présent sur scène, y compris pour le dénouement. De ce fait, il y a beaucoup de travail intéressant à réaliser pour un metteur en scène (la simple littéralité tuerait tout).

Suite de la notule.

Le baryton - III - une histoire sommaire (b) : apparition et lexicographie



Episodes précédents :

  1. une (difficile) histoire sommaire ;
  2. de la tragédie grecque à l'opéra seria


On rappelle, donc, qu'à l'époque du seria, le baryton n'existe pas : les rares voix non aiguës sont des basses nobles ou bouffe, et un peu plus tard des ténors. Mais, simultanément, il se passe des choses en France, dès le dernier quart du XVIIe siècle et le règne de Lully.

6. La musique baroque française et l'apparition du baryton

La musique française, plus riche en subtilités, en polyphonie et en recherches psychologiques que ses contemporaines européennes, va ressentir le besoin de créer cette catégorie intermédiaire, et de la désigner par un mot. Ce sera furtivement, mais ce sera.

6.1. Nomenclature

On rappelle la nomenclature des voix françaises, de l'aigu au grave :

  1. dessus (= soprano)
  2. bas-dessus (= mezzo-soprano : en réalité la tessiture est presque exactement la même, c'est surtout une question de couleur, qui ne doit pas être la même pour Aeglé que pour Médée !)
  3. haute-contre (= ténor)
  4. taille (= ténor grave, dans la musique religieuse essentiellement)
  5. basse-taille (= basse)
6.2. La taille, ténor grave ou premier baryton ?

La voix de taille, présentée autrefois, correspond à une tessiture de baryton, surtout au diapason à 390 Hz utilisé à l'époque de Lully (soit à peu près un ton au-dessous du 440 Hz standard aujourd'hui). Mais on a conservé l'habitude de le faire chanter par des ténors assez centraux, à plus forte raison puisque les basses-tailles sont souvent tenues par des barytons au bas-médium dense (Jérôme Corréas, Bertrand Chuberre, ou même Nicolas Rivenq qui a débuté en basse).

En plus de la musique religieuse, elle est utilisée, de façon marginale, dans les tragédies lyriques, pour tenir des rôles d'opposants tempêtueux, qui doivent avoir à la fois une couleur plus sombre que le jeune premier et un éclat arrogant que l'écriture pour basse, épousant très souvent la ligne de la basse continue chez Lully, ne procure pas. C'est le cas pour Epaphus dans Phaëton, pour Méduse dans Persée et bien sûr la Haine dans Armide. Ce sont des rôles hauts pour un baryton à 440 Hz, mais parfaitement centrés à 390 Hz. Ce sont des doubles vocaux plus sombres des hautes-contre.

6.3. Le concordant, un non-emploi mais un vrai baryton

Suite de la notule.

jeudi 7 mai 2009

Où l'on perçoit pourquoi l'allemand est fait pour la poésie

On connaît les capacités d'abstraction de la langue allemande, tout le monde souligne (à juste titre) ses capacités d'invention avec les mots composés. On peut en croiser d'autres manifestations, plus inattendues, dans la vie la plus courante.

Prenant le train comme à mon habitude pour aller exercer ma noble profession, mon oeil avise un objet dont la fonction est indiquée en plusieurs langues :


Le français indique marteau brise-vitre ; les autres langues (anglais et espagnol, il me semble) en sont la traduction littérale.

L'allemand, lui, utilise précisément la composition : Nothammer. C'est-à-dire « marteau de nécessité ». Not est un mot très puissant, qui contient une poussée, une espérance face au danger ; c'est celui qui parcourt toute la Walkyrie, celui qui est attaché au destin de Siegmund. [1] Il n'a pas le caractère technique, presque juridique du mot français, plus long, plus précis - l’ « état de nécessité » est un outil de droit bien défini.

Aussi, là où les autres langues se montrent très prosaïques, mais aussi très didactiques (un marteau brise-vitre à utiliser en cas d'urgence, on ne peut pas se tromper, il faut briser une vitre avec), l'allemand a créé un mot à part entière, plus abstrait, qui nous donne sa nature, et non pas son usage. Les Allemands sont-ils plus intelligents ?

En tout état de cause, je suis resté quelques minutes à rêver devant cette forme de poésie inattendue. Il est vrai qu'ayant appris mon allemand avec Wagner, Müller et Eichendorff, et non en conversation, les mots de la vie courante se chargent immédiatement d'un poids considérable, de connotations puissantes. Aussi parce que l'allemand n'a pas de façon aussi criante des registres de langue très segmentés, comme c'est le cas en français.

Mais, surtout, c'est que l'allemand possède, outre son pouvoir d'abstraction, une densité extraordinaire. Des monosyllabes, accentués et fortement pourvus en consonnes de surcroît, portent des concepts entiers ; et ses mots composés proposent sans cesse des images nouvelles, en associant plusieurs de ces racines aux connotations multiples, en combinant leurs forces créatrices.
En cela, l'allemand est une langue taillée pour la poésie : point besoin de s'appuyer sur le ronronnement d'une phrase sinueuse, comme chez les Français ; quelques syllabes suffisent à évoquer puissamment.

Notes

[1] Si Nothammer n'est pas un mot wagnérien par excellence, je ne sais pas ce que c'est.

Où CSS sauve les amis des décadents croulant sous les amers ennuis du deuil


Carnets sur sol a découvert pour eux, qui désespèrent, au point de songer à se jeter du haut du glorieux pont des schrekereries dans les épais flots vaughanwilliamsiens [1], qu'Arkiv Music rééditait les coffrets Decca de la collection Entartete Musik. Et à prix raisonnable, même à parité euro-dollar, alors imaginez par les temps qui courent...

Il suffit d'entrer 'Entartete' dans la boîte de recherche ici : http://www.arkivmusic.com/classical/Search?all_search=1 . Et on en trouve un bon nombre. Ces disques étant pour beaucoup totalement épuisés [2], et généralement plus chers en Europe, c'est une aubaine réelle pour ceux qui se lamentaient. En plus, ça doit générer des droits supplémentaires (je ne dis pas pour les artistes, qui cèdent généralement leurs droits contre un cachet un peu majoré - faute d'avoir le choix de toute façon).

Notes

[1] N'en faites surtout rien, ça colle, en plus.

[2] Notamment les excellents Gezeichneten, certains autres étant un peu plus trouvables comme Sarlatán, mais assez chers.

Tannhäuser à Bordeaux

Comme quelques bordelais lisent ce carnet, les lutins signalent qu'on peut entendre l'ONBA patauger (pour l'instant) sous la direction experte de Klaus Weise (qui fera vraisemblablement du très bon boulot) et suivre les propos (lucides) du metteur en scène Jean-Claude Berruti sur la dramaturgie bancale de Tannhäuser.

Un cadeau de France 3.

Pour plus ample commentaire, on peut se reporter à notre entrée de saison.

mercredi 6 mai 2009

Shocking



Pierre Germain en Arfagard, dans l'opéra Fervaal de Vincent d'Indy (repiquage sauvage d'un vinyle). En 1962, déjà, on pouvait constater les ravages de la médiocrité de l'enseignement du français sur les jeunes générations insoucieuses.

A moins que ça ne soit tout de bon le texte original de 1889 !

Terrifiant (6).

[fragment] Deuxième école



Le combat de Tancrède et Clorinde par Ambroise Dubois.


En plus d'un aspect musical bien particulier, l'école de tragédie lyrique des Destouches, Desmarest et Campra a aussi ses spécificités dramaturgiques. Et contrairement aux deux périodes qui l'encadrent (Lully et Rameau, disons), les divinités sont mises à l'écart, et le drame est uniquement humain, sans espoir divin. C'est aussi ce qui les rend si touchantes, cette solitude humaine dans un univers si codifié, dont le Deus ex machina demeure cependant absent.

C'est bien sûr à nuancer très largement. La première version de Callirhoé, par exemple, comportait une intervention finale de Bacchus au lieu du suicide décisif de Corésus.

Il faudrait confronter rigoureusement l'ensemble du corpus. Idoménée ne convient pas parfaitement, vu la forte intervention divine, mais ici la noirceur, l'abandon des humains par les puissances qui peuvent les protéger rendent précisément ce drame très humain.

D'une manière générale, la magie ne tient pas la même place décisive, et l'optimiste du propos est beaucoup plus diffus - voire absent, comme pour Tancrède, Idoménée et Pyrame et Thisbé (on peut l'inclure comme oeuvre de jeunesse de Francoeur & Rebel, encore très imprégnés de ce style).

Suite de la notule.

[fragment] Emmanuel CHABRIER - Le roi malgré lui à l'Opéra-Comique


Assisté à la représentation du 3 mai.


Très chouette.

Bien, on pourrait tresser des couronnes à l'oeuvre, on est tous d'accord. Quantité de références, aussi, il faudra en toucher un mot à l'occasion, mais cela mérite une notule à part entière. Car l'oeuvre joue avec beaucoup de liberté de tous les codes : ceux du Grand Opéra à la française (sujet historique, semi-ballets, scènes de foule, moments obligés), ceux de l'opéra-comique dont il adopte la forme, avec une part toujours indécidable de sérieux et de parodie, trait propre à Chabrier. Et puis des morceaux de thèmes ou de manières célèbres.

Suite de la notule.

lundi 4 mai 2009

Richard STRAUSS - Friedenstag, la paix des reîtres



Musique d'ambiance : le début du dénouement dans la version de Giuseppe Sinopoli. Vous entendez successivement les cloches énigmatiques, l'entrée du Bourgmestre enivré du signal promis (qui n'était pas celui pensé par le Commandant en chef, songeant à s'enfouir dans la destruction de la citadelle), puis la fanfare des ennemis venus sympathiser la fleur au fusil. Le final proprement mahlero-straussien arrive ensuite.


1. R. Strauss et le verbe

Friedenstag de Richard Strauss est un objet singulier. Strauss s'est abondamment répandu, dans sa correspondance avec ses librettistes Hofmannthal et Zweig, et en accord avec eux, sur les enjeux extraordinaires d'un drame musical où musique et verbe fusionneraient idéalement, tâchant toujours de s'en rapprocher. Il confiait ainsi au premier combien il trouvait - en toute modestie - triste que d'autres doivent après eux reprendre au début ce qu'ils avaient si décisivement fait avancer en la matière.

Si cette quête trouve son expression ultime et aboutie dans Capriccio (où l'on peut même dire que le texte est premier, mais que la pièce n'est jouée qu'à cause de sa musique...), cette certitude en revanche souffre quelques réserves, notamment pour la Femme sans Ombre, qui date précisément des années où Strauss écrit ces lignes. [Dans ce dernier cas, il faut bien reconnaître que la musique et surtout le texte, quoique remarquables, sont un peu bavards, reprenant sur des portions d'acte entières ce qui a déjà été dit - en particulier chez les humains, pour suivre le cheminement opaque de la Femme.

--

2. Le sujet de « Jour de paix »

Friedenstag obéit à une tout autre logique. Le sujet est emprunté à Calderón [1], germanisé en le liant à la fin de la guerre de Trente Ans - un des titres auxquels compositeur et librettistes avaient songé était 24 octobre 1648 (date de la signature des traités de Westphalie). Zweig, quoique éloigné depuis l'affaire de la Scheigsame Frau (« La Femme silencieuse », 1932-5)[2], avait continué à lui prodiguer des conseils. C'est donc avec son concours très présent que l'érudit Joseph Gregor produit ce livret - avec les frictions que l'on connaît sur la cérébralité trop peu théâtrale des textes de l'histoirien, ce qui agaçait au besoin Strauss.

Le résultat en est très étrange, on va le voir.


Hans Hotter, créateur du rôle, maquillé en Kommandant fier et lassé.


--

3. « Jour de paix », emblème du régime nazi

Lire la suite.

Notes

[1] El sitio de Breda est disponible sur l'excellent site Cervantes Virtual. Pour les francophones les plus hermétiquement résolus, il est possible que des traductions se trouvent en fouinant sur Google Books.

[2] Strauss avait cru naivement, comme pendant toute sa vie, que sa renommée lui ouvrait des droits sur le politique. Avoir imposé un écrivain juif était certes mal vu à cette date, mais la lettre dans laquelle Strauss affirmait "mimer" son rôle de premier responsable musical du Reich, interceptée comme il se doit, a été l'occasion de punir l'impudent et de se débarrasser du parasite.

Suite de la notule.

vendredi 1 mai 2009

Nouvelle saison Opéra de Bordeaux 2009-2010

Avant qu'elle ne soit officiellement publiée, elle circule déjà, et la voici.

Et les commentaires de CSS (en italique, pour plus de clarté).

Suite de la notule.

Nouvelle saison des Rencontres européennes de musique de chambre de Bordeaux (2009)


Et de l'Académie de quatuor à cordes de Bordeaux.

Du 18 au 28 mai 2009, le conseil des lutins.

Suite de la notule.

David Le Marrec

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2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
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