lundi 4 mai 2009
Richard STRAUSS - Friedenstag, la paix des reîtres
Musique d'ambiance : le début du dénouement dans la version de Giuseppe Sinopoli. Vous entendez successivement les cloches énigmatiques, l'entrée du Bourgmestre enivré du signal promis (qui n'était pas celui pensé par le Commandant en chef, songeant à s'enfouir dans la destruction de la citadelle), puis la fanfare des ennemis venus sympathiser la fleur au fusil. Le final proprement mahlero-straussien arrive ensuite.
1. R. Strauss et le verbe
Friedenstag de Richard Strauss est un objet singulier. Strauss s'est abondamment répandu, dans sa correspondance avec ses librettistes Hofmannthal et Zweig, et en accord avec eux, sur les enjeux extraordinaires d'un drame musical où musique et verbe fusionneraient idéalement, tâchant toujours de s'en rapprocher. Il confiait ainsi au premier combien il trouvait - en toute modestie - triste que d'autres doivent après eux reprendre au début ce qu'ils avaient si décisivement fait avancer en la matière.
Si cette quête trouve son expression ultime et aboutie dans Capriccio (où l'on peut même dire que le texte est premier, mais que la pièce n'est jouée qu'à cause de sa musique...), cette certitude en revanche souffre quelques réserves, notamment pour la Femme sans Ombre, qui date précisément des années où Strauss écrit ces lignes. [Dans ce dernier cas, il faut bien reconnaître que la musique et surtout le texte, quoique remarquables, sont un peu bavards, reprenant sur des portions d'acte entières ce qui a déjà été dit - en particulier chez les humains, pour suivre le cheminement opaque de la Femme.
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2. Le sujet de « Jour de paix »
Friedenstag obéit à une tout autre logique. Le sujet est emprunté à Calderón [1], germanisé en le liant à la fin de la guerre de Trente Ans - un des titres auxquels compositeur et librettistes avaient songé était 24 octobre 1648 (date de la signature des traités de Westphalie). Zweig, quoique éloigné depuis l'affaire de la Scheigsame Frau (« La Femme silencieuse », 1932-5)[2], avait continué à lui prodiguer des conseils. C'est donc avec son concours très présent que l'érudit Joseph Gregor produit ce livret - avec les frictions que l'on connaît sur la cérébralité trop peu théâtrale des textes de l'histoirien, ce qui agaçait au besoin Strauss.
Le résultat en est très étrange, on va le voir.

Hans Hotter, créateur du rôle, maquillé en Kommandant fier et lassé.
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3. « Jour de paix », emblème du régime nazi
Notes
[1] El sitio de Breda est disponible sur l'excellent site Cervantes Virtual. Pour les francophones les plus hermétiquement résolus, il est possible que des traductions se trouvent en fouinant sur Google Books.
[2] Strauss avait cru naivement, comme pendant toute sa vie, que sa renommée lui ouvrait des droits sur le politique. Avoir imposé un écrivain juif était certes mal vu à cette date, mais la lettre dans laquelle Strauss affirmait "mimer" son rôle de premier responsable musical du Reich, interceptée comme il se doit, a été l'occasion de punir l'impudent et de se débarrasser du parasite.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Vienne décade, et Richard Strauss - Les plus beaux décadents a suscité :
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