Clara WIECK-SCHUMANN - Ihr Bildnis (Heine)
Par DavidLeMarrec, dimanche 17 mai 2009 à :: Musique, domaine public - Littérature - Clara Wieck-Schumann :: #1246 :: rss

On parle beaucoup de Clara - on vient même d'inaugurer une catégorie consacrée à elle seule. Seulement, il n'existe pas d'enregistrements libres de droits, du fait de sa redécouverte assez récente comme compositrice, particulièrement en ce qui concerne sa musique la plus chambriste - piano solo et lieder.
Aussi, profitant de quelques instants vacants, les lutins mettent la main à la pâte quand la chose est possible. En attendant la captation de ce qui sera téléchargeable, on prépare gentiment la traduction du corpus, et on propose ici une magnifique version d'Ihr Bildnis, sur le texte fameux de Heinrich Heine (« Ich stand in dunkeln Träumen »). Il fait partie des poèmes du recueil Die Heimkehr (« Le Retour », 1823-1824) qui doivent notamment leur célébrité à leur mise en musique par Schubert dans le Schwanengesang, dans l'ordre de Heine : « Du schönes Fischermädchen », « Am fernen Horizonte » / « Die Stadt », « Still ist die Nacht » / « Der Doppelgänger », « Ich unglücksel'ger Atlas ! »...
Voyons tout de suite la traduction.
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Ihr Bildnis / Ich stand in dunkeln Träumen ; Sechs Lieder Op.13 n°1
Poème de Heine | Traduction DLM |
Ich stand in dunkeln Träumen |
J'étais dans de sombres rêves |
=> Vers 9. On a légèrement modifié le texte pour rendre l'effet de parallèle : la répétition en français est désagréable.
On peut faire, pour ceux qui ne sont pas coutumiers de la poésie de Heine en dehors du lied, le parallèle avec le Lyrisches Intermezzo composé un an plus tôt par Heine (la source du Dichterliebe de Schumann, donc - et du cycle de Ropartz). Si jamais le vers 9 n'était pas tout à fait sérieux (d'où, également, notre choix de traduction, un peu ambigu), on se situerait dans le même registre ironique.
Le contexte, toutefois, n'est pas aussi anodin. Ce vingt-troisième poème sur les quatre-vingt-treize (dont quatre-vingt-huit sans titre) est encadré par deux poèmes certes empreints d'exagération volontaire et un peu souriante, mais qui dessinent une situation nettement plus sombre.
Car le poème qui précède est le récit d'une danse macabre, avec tout l'aspect truculant qu'il peut y avoir dans l'héritage de la Lenore de Bürger (1764, publiée en 1773). Pour ceux qui ne liraient pas l'allemand, outre que la traduction française doit se trouver en ligne (Google Books, voire Archive.org), il faut songer à la Danse macabre d'Henri Cazalis, mise en musique par Saint-Saëns : les os claquent, la danse est joyeuse.
Toutefois, ce poème-ci, suivi de « L’Atlas » (encore une exagération), et plus encore de « Die Jahre kommen und gehen » (« Les années passent »), laisse clairement entendre que cette représentation vaguement grotesque n'est autre que le tableau de la mort de la bien-aimée. « Ich stand in dunkeln Träumen » est donc le premier poème de la perte dans Heimkehr, et sa force est tout de même à concevoir en conséquence - sans solennité, mais relativement sérieuse.
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La musique, elle, se rapproche de l'interprétation de Schubert : contemplative, avec un éclat supplémentaire au moment du sourire. La grande différence se situe dans le rythme régulier des croches qui bercent chez Clara, alors que Schubert se montre beaucoup plus ascétique et menaçant, avec une octave nue au piano, qui double la voix.
Les deux sont superbes à l'écoute, mais il est vrai que la modulation de Schubert sur Lächeln est absolument incroyable - et le traitement général plus moderne.
Toutefois, dans la première version de Clara, l'accompagnement semble se détraquer sur le dernier mot du poème, comme contaminé par la fêlure du texte. La voix elle-même refuse la résolution du mi bémol pour aller chercher le mi...
Et c'est à cette occasion que l'on peut vous présenter cette très belle réussite d'interprète :
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Daniel Kim, un superbe lyrique léger au timbre homogène, rond, doucement mixé, dit ce poème avec une plénitude vocale qui ne fait pas ombre à sa gourmandise dans l'articulation des mots et à son investissement dans l'expression.
En attendant de vous proposer une version au téléchargement, voilà toujours de quoi vous délecter...
Pas de problèmes de droits, c'est fourni par l'interprète.
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Mise à jour du 23 mai 2009 :
Pour faire suite à la discussion en commentaires avec Agnès, on a enregistré la version alternative, plus consonante, composée en seconde instance par Clara. Elle est plus directe, plus évidente, et finalement, dans ce cadre général, on n'a pas forcément besoin d'être surpris - surtout juste une fois...
En voici la fin (le seul endroit qui diffère).
Commentaires
1. Le lundi 18 mai 2009 à , par agnes
2. Le lundi 18 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le mardi 19 mai 2009 à , par agnès
4. Le mardi 19 mai 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le vendredi 5 juin 2009 à , par DavidLeMarrec
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