La glotte et Mozart
Par DavidLeMarrec, mardi 21 juillet 2009 à :: Pédagogique - Opéras de l'ère classique - Tirso, Molière, Beaumarchais, Da Ponte et Mozart - Glottologie :: #1318 :: rss
Tout de même, manière de ne pas laisser les fidèles de CSS désemparés dans ce vaste désert culturel de la Toile estivale, quelques petites badineries.
Il s'agit, pour information, de la production de David McVicar à Covent Garden en 2006, dirigée par Antonio Pappano, et parue au DVD chez Opus Arte. [Les décors et même le jeu d'acteurs ont au passage, dans le genre littéral, un caractère infiniment plus poétique que Jonathan Miller au Met et son pendant ancien, quoique largement vanté pour des raisons qui restent mystérieuses en dehors de l'exaltation du souvenir, à savoir Strehler à Garnier. Les jeux de lumière en particulier créent un espace d'une autre trempe que les hangars platement ornés de Murano...]
En présence, Miah Persson (Susanna, avec le pendentif cruciforme) et Dorothea Röschmann (Contessa Almaviva, assise), deux grandes interprètes qui ont beaucoup chanté Mozart, sans toujours, du moins en italien, se départir d'une certaine étrangeté. Déjà, la langue italienne, on l'aperçoit aisément, ne leur est pas naturelle. Les voyelles de Dorothea Röschmann, en particulier, sont toujours très étranges, pas si allemandes que ça d'ailleurs - ce qui ajoute encore au côté finement sophistiqué de son chant. [Il est possible que ce soit lié à des choix spécifiques et peu répandus en matière de couverture vocale.]
Mais ce qui mérite l'attention, c'est l'emploi extraordinairement généreux, chez elle, des coups de glotte, déjà pour du Mozart et surtout dans une pièce aussi légère de ton.
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Phénoménologie du coup de glotte
La production du son chanté s'effectue par la mise en marche des muscles régissant la respiration, et en particulier de ceux actionnant le diaphragme, qui permettent le soutien, sorte de Graal vocal : la note peut être à la fois tenue, juste, belle et modifiable au cours de l'émission.
Pour démarrer et interrompre le son, il existe deux méthodes, très logiques.
La première consiste dans la maîtrise, précisément, du diaphragme, qui permet d'expulser l'air des poumons, de soutenir régulièrement l'expiration ou d'interrompre l'expulsion. C'est la technique la plus répandue, celle que tous les chanteurs maîtrisent, qui est indispensable, et qui suscite en théorie le moins de fatigue vocale.
La seconde procède par occultation et ouverture brusque du conduit phonatoire. La pression de l'air se trouve donc interrompue, ou plutôt concentrée sur son chemin ; dès l'ouverture, le son jaillit avec force, comme un liquide gazeux lorsqu'on perce un récipient clos. Cette technique est appelée coup de glotte.
Elle ne peut pas être appliquée sur tous les sons bien entendu, et fatigue potentiellement plus l'appareil vocal, mais est employée, dans certaines écoles de chant, pour assurer une attaque tonique de certaines notes haut placées. On cite souvent en modèle Leyla Gencer, dont les obturations étaient assez audibles, et qui le faisait sur à peu près toutes ses notes aiguës sur des temps forts...
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Ce procédé est généralement rattaché à un répertoire plutôt belcantiste (romantique) et verdien, bien que l'école italienne n'en soit pas forcément friande. Pourtant, pourtant Dorothea Röschmann en fait ici un usage dont l'immodération surprend par son exotisme. [Vous l'entendez à ces petits hoquets, par exemple sur "boschetto".] Quel besoin, dans du Mozart, et non pas pour les airs vertigineux de Fiordiligi (où c'est nettement moins net chez elle, soit dit en passant), mais pour l'inoffensive canzonetta a due des Noces ! La force des appuis fait parfois songer à Caballé...
Il semblerait donc que ce coup de glotte ait été à ce moment-là quasiment un tic technique, ou bien un expédient pour compenser une fatigue, une difficulté... Mais le résultat, ajouté à l'étrangeté linguistique, a quelque chose de furieusement lunaire. Beaucoup de notes sont ainsi émises, avec un effet d'ampleur et d'incisivité tout à fait bizarres dans ce contexte-là.
Au demeurant, très sympathique interprétation, c'est simplement pour le plaisir de l'incongruité qu'on le fait remarquer. Et, accessoirement, pour compléter notre série de courtes introductions à la technique vocale.
Commentaires
1. Le mercredi 22 juillet 2009 à , par lou :: site
2. Le mercredi 22 juillet 2009 à , par vartan
3. Le mercredi 22 juillet 2009 à , par DavidLeMarrec
4. Le mercredi 22 juillet 2009 à , par DavidLeMarrec
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