Caballéschrei
Par DavidLeMarrec, mardi 27 octobre 2009 à :: En passant - brèves et jeux :: #1394 :: rss
Histoire d'une aventure épique.
--
L'histoire du Rysanekschrei est mondialement célèbre, si bien qu'on la raconte au berceau aux petits glottophiles de toutes nations.
Leonie Rysanek était une puissante novatrice. A l'imitation de Jean Barraqué, André Boucourechliev et Pierre Boulez, grands praticiens de la musique ouverte, c'est-à -dire de l'introduction d'une part de hasard dans l'exécution de leurs oeuvres rigoureusement écrites, elle est l'inventeuse du concept de justesse ouverte, appelée non sans perfide malice par ses infâmes détracteurs intonation surprise.
Quoi qu'il en soit, sa carrière fut des plus brillantes, et elle marqua les esprits par la force de persuasion de ses phrasés brûlants et son grand impact vocal, très physique. En particulier en Sieglinde, où elle a ravi tant de suffrages. [1]
En 1958, alors qu'elle chantait le rôle à Bayreuth avec Jon Vickers sous la direction de Hans Knappertsbusch, arrivée à la fin du premier acte, l'électricité interprétative atteignait un tel degré entre les deux chanteurs que lorsque Siegmund retira son épée de l'arbre, elle ne put retenir un cri immense, fait de surprise terrifiée et d'exaltation tout à la fois : la soeur reconnaissait alors infailliblement le frère tant désiré.
Rentrant dans les loges quelques minutes plus tard, elle croise, tremblante, Wieland Wagner, directeur du festival. Elle redoutait son blâme légitime sur sa liberté prise avec l'Oeuvre de la Divinité locale. [2] Elle raconte qu'il n'en fut rien. Celui-ci, enthousiaste, lui demande immédiatement si elle peut renouveler son exploit.
Cette soirée a été documentée et publiée, mais on connaît surtout ce cri insolite et formidable, baptisé Rysanekschrei [3], dans la version plus largement diffusée par Philips, dirigée par Karl Böhm à Bayreuth 1967.
Le mythe Caballé
A présent, venons-en à Montserrat Caballé. Les lutins l'ont découverte en merveilleuse princesse de France dans Don Carlo de Verdi (studio de Carlo-Maria Giulini, 1970, d'après les représentations à Covent Garden), toujours mélancolique, mais ample, avec un galbe superbe dans les phrases. Idéale en un mot comme reine soupirant, un visage de la Doña Maria de Neubourg de Ruy Blas. Et au besoin souveraine lorsque le livret de Du Locle & Méry s'y prête.
Depuis, elle a toujours déçu, avec une diction (très) relâchée, des lignes flottantes mais invertébrées, des appuis trop sonores de la voix, qui semble 'sale' sur les contours, une placidité extrême des incarnations.
Et surtout dans Wagner (avec en outre un naufrage stupéfiant, vu la technicienne qu'elle est, dans les Quatre derniers lieder de Strauss).
D'autres que Rysanek ont tenté à sa suite ce cri. Jessye Norman (Levine / Schenk) s'en tire très bien, en imitant Rysanek : moins souverainement saisissant mais beau et efficace. D'autres sont un peu plus gutturaux.
Par pure facétie, on a considéré celui de Caballé.
Par pure facétie on a dit.
Notes
[1] Par forcément le nôtre, mais ça ne vous regarde pas. Concentrez-vous, un peu !
[2] Car il n'est prévu dans les didascalies de cri qu'à la toute fin de l'acte, cri qui n'est d'ailleurs jamais exécuté.
[3] Rysanekschrei, c'est-à -dire « cri de Rysanek », l'allemand permet de créer un mot nouveau, ce qui est assez amusant ici : un 'rysaneksement' serait incompréhensible en français.
Commentaires
1. Le jeudi 29 octobre 2009 à , par Éric :: site
2. Le jeudi 29 octobre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le lundi 2 novembre 2009 à , par ernesto
4. Le lundi 2 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le lundi 2 novembre 2009 à , par Guillaume
6. Le mardi 3 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
7. Le mardi 3 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
8. Le mercredi 4 novembre 2009 à , par Guillaume
9. Le jeudi 5 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
10. Le lundi 19 novembre 2012 à , par Mathieu
11. Le mercredi 21 novembre 2012 à , par David Le Marrec
12. Le vendredi 30 novembre 2012 à , par Mathieu
13. Le vendredi 30 novembre 2012 à , par David Le Marrec
Ajouter un commentaire