De la musique savante avec n'importe quoi
Par DavidLeMarrec, dimanche 22 novembre 2009 à :: En passant - brèves et jeux :: #1414 :: rss
Le téléphone portable est entré dans la vie des concerts. Je me souviens de la radiodiffusion mondiale d'un concert des Proms au Royal Albert Hall, où le basson solo du Philharmonique de Berlin, nouvellement dirigé par Simon Rattle (alors fort admiré du monde musical), était interrompu par une sonnerie aussi sonore que le soliste. Dans le silence recueilli et l'atmosphère solennelle, l'orchestre a dû recommencer, et le contrevenant à coup sûr vivre l'humiliation de toute une vie. Encore heureux qu'une caméra ne l'ait pas identifié, sans quoi il pouvait prendre son billet pour la Papouasie.
On sait que les compositeurs peuvent aimer s'emparer du quotidien, comme l'avait fait Bruno Mantovani pour son trio à cordes You are connected (1999), fondé sur le motif sonore de l'éphémère modem d'alors (56 kbps/s.), indiquant le progrès de la connexion à laquelle les profanes se trouvaient suspendus, et lassant les habitués blasés - à l'époque où l'acte de connexion était fréquent (l'illimité n'existant pas de façon très répandue).
Ils ont fait de même pour cet empêcheur de concerter en rond, le téléphone cellulaire omniprésent.
On trouve ainsi en ligne une très belle Fugue (de Vincent Lo) sur la Valse de Nokia, admirablement proportionnée, une sorte de Bach lyrique. On dit Valse de Nokia, parce que la société s'est créée une identité sonore à partir de ce motif-là, mais il s'agit en réalité du tout de début de la Grande Valse pour guitare de Tárrega (Gran Vals), qui est dans le domaine public et donc librement utilisable à moins d'une opposition par les descendants, dans les rares pays où le droit moral existe (en France, quoi). [Par ailleurs, on imagine qu'une chèque modeste peut peut-être apaiser la situation en cas de litige dans tel ou tel pays.]
Et, moins magistrale sur le plan de la conception, mais plus drôle, une improvisation malicieuse qui, en passant en revue plusieurs styles musicaux, imagine les interventions des portables au coeur du concert. Ce peut être d'une façon qui brise une atmosphère, ou alors en insinuant le motif de la sonnerie au coeur d'oeuvres célèbres. Vraiment réjouissant.
A noter, l'illustre Xavier Busatto lui-même, dont on trouve désormais le travail en ligne, n'avait pas dédaigné d'introduire cette sonnerie anachronique dans son Keaton, lorsque le téléphone sonne, entre autres effets spirituels.
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