Clara WIECK-SCHUMANN - Warum willst du and're fragen (Rückert)
Par DavidLeMarrec, dimanche 13 décembre 2009 à :: Clara Wieck-Schumann - Musique, domaine public - Lutin Chamber Orchestra :: #1257 :: rss
Poursuite du cycle Clara, avec enregistrement librement téléchargeable.
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Warum willst du and're fragen, Op.12 n°11
Un des plus beaux lieder de Clara repose sur ce poème de Rückert, qui est un bon résumé de ce que la légende a retenu de Clara, épouse musicale, aimante, et musicalement aimante. [On espère que le long-métrage annoncé l'incluera dans une version anglaise, ce serait très divertissant.]
Il est tiré des mélanges de l'opus 12 (Liebesfrühling), qui contiennent deux autres poèmes amoureux de Rückert : Er ist gekommen in Sturm und Regen, et Liebst du um Schönheit, rendu célèbre par la mise en musique de Mahler dans ses Rückert-Lieder.
Traduction :
Poème de Rückert | Traduction DLM |
Warum willst du and're fragen, Die's nicht meinen treu mit dir ? Glaube nicht, als was dir sagen Diese beiden Augen hier ! Glaube nicht dem fremden Leuten, Glaube nicht dem eignen Wahn ; Nicht mein Tun auch sollst du deuten, Sondern sieh die Augen an ! Schweigt die Lippe deinen Fragen, Oder zeugt sie gegen mich ? Was auch meine Lippen sagen, Sieh mein Aug', ich liebe dich ! |
Pourquoi en interroges-tu d'autres Qui ne pensent pas à t'être fidèle ? Ne crois rien, fors ce que te disent Ces deux yeux-là ! Ne crois pas les gens, Ne crois pas ta propre imagination ; Tu ne dois pas plus interpréter mes actes, Regarde seulement ces yeux ! Ta bouche tait-elle tes questions, Ou son silence témoigne-t-il contre moi ? Quoi que puisse proférer ma bouche, Vois mes yeux - je t'aime ! |
Difficile pour nous de commenter de façon enthousiaste ce texte, Rückert n'étant pas précisément le poète qui nous séduit le plus outre-Rhin. A part les ellisions et inversions fréquentes, rien d'exceptionnel ni dans l'expression, ni même dans la syntaxe. Et comme souvent chez Rückert, peu de choses hors du concret - même ses poussées mystiques demeurent très 'préhensibles', avec assez peu d'images.
Dans ce cas, nous laisserons parler la musique de Clara.
Vous noterez que beaucoup du charme de la pièce repose sur les anticipations harmoniques : Clara a toujours un temps d'avance, et annonce son accord suivant sur le précédent, ce qui crée toujours des frottements très agréables à l'oreille, qui dynamisent considérablement l'ensemble, assurent une poussée à chaque pièce. C'est encore plus flagrant dans Sie liebten sich beide. On renvoie, pour le reste à nos deux descriptions du style de Clara.
Ici, de surcroît, le rythme en rebond (croche-croche-noire ascendante, avec de beaux moments d'absence des accents, presque du silence en comparaison) procure une animation d'un charme assez irrésisistible à ce volkslied finalement très élaboré.
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Warum willst du and're fragen par le membre unique du Lutin Chamber Ensemble.
Première version : mai 2009 (sur un demi-queue dans une acoustique assez réverbérée). Seconde version : hier, 12 décembre 2009 (sur un piano droit dans une acoustique plus feutrée). Les accords sont moins rebondissants et plus legato dans la seconde version à cause d'un problème de pédale grinçante, qu'il a fallu manipuler avec précaution, en noyant un peu l'accompagnement - ce qui interdisait les détachés nets, malheureusement.
Je mets les deux parce qu'on peut s'étonner à bon droit de la différence de conception, notamment en termes de tempi, moins contemplatifs (et peut-être plus folkloriques que poétiques) dans la seconde réalisation. Il est aussi intéressant de constater l'évolution vocale en six mois, en fonction des contraintes extérieures.
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Téléchargement
Et, donc, puisque c'était notre objet, on propose la pièce au téléchargement (version 1, version 2), en espérant avoir le temps de le faire épisodiquement pour d'autres raretés du répertoire.
Petite remarque : On reviendra sur le fait que Clara écrit plutôt en pensant à une voix de femme, mais pas aujourd'hui. De ce fait cependant, pas mal de tessitures dans ses lieder (évidemment pas assez courus pour bénéficier de transpositions alternatives) se situent autour du passage masculin (c'est-à-dire l'endroit de rupture où l'émission naturelle se met à utiliser le fausset).
Cela peut avoir des conséquences interprétatives. En effet, comme la tradition lyrique privilégié désormais la voix de poitrine, le fa 3 de dich peut être chanté à pleine voix, avec une nuance d'exultation vaguement triomphante : à la fois un aveu, mais aussi la sûreté qu'on a de plaire.
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Comme la chose est tendue pour maintenir la nuance piano, et ne permet pas, les jours de fatigue, de conserver un beau timbre, je choisis généralement le passer en voix de tête, quitte à produire une rupture dans la ligne vocale.
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En réalité, je n'ai pas cherché bien longtemps à maintenir la voix de poitrine : la voix de tête produit un effet d'allègement intéressant, plus tendre que dans l'autre version. La sûreté d'être payé de retour peut-être bien aussi, mais avec un éclat malicieux qui peut être assez délectable. Disons qu'on imagine aisément un homme s'exalter sans mesure dans l'un, une femme se délecter avec espièglerie de son pouvoir verbal dans l'autre.
Commentaires
1. Le mardi 22 décembre 2009 à , par Bajazet
2. Le mardi 22 décembre 2009 à , par Bajazet
3. Le mardi 22 décembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
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