Haendel et Vivaldi par Nathalie Stutzmann à la Salle Gaveau
Par DavidLeMarrec, dimanche 7 février 2010 à :: Saison 2009-2010 :: #1468 :: rss
Sylvie Eusèbe est (enfin) de retour, et nous offre un de ses comptes-rendus qui appartiennent à la légende dorée de CSS.
Voici :
Paris, Salle Gaveau, jeudi 04 février 2010, 20h30, concert
Antonio VIVALDI
Concerto en sol mineur op. 3 n° 2 RV 578
Stabat Mater RV 621Georg Friedrich HAENDEL
Concerto grosso en fa majeur op. 3 n° 4
Air de Dardano « Pena tiranna » extrait d’Amadigi di Gaula
Air de Rinaldo « Cara sposa » extrait de Rinaldo
Air de Bertarido « Vivi tiranno » extrait de RodelindaEn bis :
Haendel, air de Xerxès « Ombra mai fu » extrait de Serse (Xerxès)
Vivaldi, air de Marziano « Cor mio che prigion sei » extrait de l'Atenaide
Probablement Vivaldi, air d’une œuvre sacrée non identifiée…Orfeo 55 Nathalie Stutzmann, contralto et direction
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Cela vaut tout à fait un compte-rendu : pour la première fois, Nathalie Stutzmann se produit avec son orchestre Orfeo 55 à Paris.
Cette soirée est donc importante pour la « jeune » chef d’orchestre, et en m’installant dans l’élégante salle Gaveau, je suis tendue par le trac que je lui suppose. Pourtant, à quelques rangs devant moi, Inger Södergren ne donne pas l’impression de s’inquiéter pour sa partenaire de duo. Son visage est souriant, aucune trace ici du masque qu’elle porte quand elle est sur scène devant son piano.Entrée des musiciens, assez jeunes, souriants eux aussi et décontractés, mais en tenues noires impeccables. Quelques instants pour s’accorder, puis leur chef entre, tout en noir elle aussi. Elle nous salue, et très vite, dos au public, du geste, du regard et du sourire (elle aussi) elle capte, puis rassemble les attentions. Le concerto de Vivaldi débute.
La première image que je vois en regardant Nathalie Stutzmann diriger, est celle d’un marionnettiste qui, tirant sur des fils invisibles, donne vie aux phrases musicales, et se faisant, crée mouvements et sensations. Tout comme nous, les musiciens sont traversés par des vagues sonores sans cesse renouvelées. Ces ondes paisibles mais puissantes sont animées avec sobriété par des accents justes dans leur intensité ; une douce chorégraphie à l’énergie maîtrisée se dégage des gestes souples de la chef d’orchestre.
Les sons des instrumentistes m’apparaissent très naturels, bruts dans le sens de purs. C’est surtout perceptible chez les premiers violons : ils ont une légère rugosité, et parfois même de petites dissonances harmonieuses. Cela donne un son très humain, avec peut-être une certaine rusticité, mais très loin des sons travaillés pour rechercher un idéal sonore au détriment de la simplicité. L’équilibre de l’ensemble est parfait, avec un côté « musique de chambre » ou intimiste très agréable, et dans ce genre de formation, je ne discerne pas souvent aussi bien le théorbe et le clavecin.Lors du Stabat Mater de Vivaldi, je ressens une sorte de retenue de la part de la contralto, alors que la chef d’orchestre m’apparait très à l’aise. Les passages de la direction au chant et inversement sont pourtant très fluides, les deux « rôles » pouvant d’ailleurs se superposer un peu. Ce n’est que vers la fin de l’œuvre (Eja Mater) que je retrouve pleinement la noble émotion que Nathalie Stutzmann sait nous communiquer, sa voix devient plus pleine et développe ses accentuations si libres qui me touchent tant, elle ose des graves encore plus profonds (et là je ne pense évidemment pas à une audace d’ordre technique).
Après l’entracte, le concerto grosso de Haendel me plonge dans une douce quiétude. Rien de violent, de nerveux ou d’agressif dans la conception de la chef d’orchestre ; du mariage de ce que l’on voit et ce que l’on entend se dégagent calme et amplitude mais aussi joie et dynamisme.
Par rapport au chant du Stabat de la première partie, celui que déploie Nathalie Stutzmann dans les airs d’opéra de Haendel est logiquement plus extériorisé, avec quelques rares touches de vibrato, des variations éblouissantes (notamment dans le troisième aria « Vivi tiranno ») et de nombreuses notes au timbre si saisissant (une en particulier est lancée vers le public avec une visible fierté traduisant, à mon avis, autant la légitime satisfaction de maitriser son art, que la fierté du courageux Bertarido !). C’est un rare plaisir de l’écouter exprimer la peine de Rinaldo esseulé en des variations si inventives (un des premiers « dove sei » est chanté un peu comme le « ouh ouh où es-tu » du début d’une partie de cache-cache), et je suis ravie de remarquer comment la musicienne a fait évoluer le long sanglot de la dernière reprise depuis l’enregistrement qu’elle en a fait, il y a –il est vrai– bientôt vingt ans ! Dans l’aria extrait d’Amadigi, le duo avec le basson est magnifique de simplicité, de chaleur, de tristesse, et aussi de souplesse de la ligne musicale.
Et puis, ces arias m’offrent l’occasion de découvrir une façon de faire des pianissimi dans les aigus dont je n’avais jusqu’à présent pas remarqué la présence dans le chant de la contralto. Est-ce nouveau ? En tout cas, cela tient du prodige et je n’arrive pas à trouver de mots pour en donner une idée, même vague… Ce qui me vient à l’esprit, c’est l’image de quelque chose de « poudreux », des aigus nimbés dans une lumière poudreuse qui atténue la dureté de leur rayonnement (j’ai toujours des difficulté à apprécier les notes aigus surtout si elles sont forte, et cela même avec les aigus d’une contralto !).Devant l’enthousiasme du public, applaudissant avec force et criant des bravos de toutes parts, Orfeo 55 et Nathalie Stutzmann, l’air à la fois heureux et ému, nous offre trois bis dont un « Ombra mai fu » qui m’apparait d’une rare lenteur mais néanmoins très bien mené, avec un pathos qui ne se prend pas au sérieux (après tout il s’agit d’une déclaration d’amour à l’ombre d’un platane !).
C’est décidément la soirée des premières : c’est la première fois que j’entends crier par plusieurs spectateurs « merci » à l’adresse des musiciens lorsqu’ils s’apprêtent pour le dernier bis. La soirée s’achève dans les applaudissements et les bravos du succès, et c’est aussi la première fois que je vois les musiciens d’une telle formation venir tous saluer sur le devant de la scène, comme une troupe d’opéra, avec bien sûr leur chef au milieu.Sylvie Eusèbe, 05 février 2010
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Commentaires
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