André CAMPRA (1666-1744) - notice introductive
Par DavidLeMarrec, mercredi 17 février 2010 à :: Baroque français et tragédie lyrique :: #1481 :: rss
1. Généralités
=> Compositeur du baroque français, que je classe dans la deuxième école de tragédie lyrique, celle qu'on trouve entre Lully et Rameau.
=> Il se fait surtout connaître pour la réussite éclatante de l'Opéra-Ballet L'Europe Galante en 1697, le plus grand succès depuis la mort de Lully.
=> Il a exercé dans tous les genres prestigieux : tragédie lyrique, opéra-ballet, oeuvres dramatiques plus légères, cantates profanes, musique religieuse. On ne dispose cependant pas de témoignages (du moins édités) d'oeuvres instrumentales pour petit effectif.
=> Son style se caractérise par un certain hiératisme hérité de Lully, presque anguleux parfois, avec des lignes vocales peu ductiles, un peu cassantes ou aplaties.
C'est un véritable avantage pour le style épique qui se manifeste dans Tancrède ou son grand motet Exaudiat te, Dominus, parce que ses récitatifs sont tranchants, avec des lignes vocales un peu dures et des modulations très expressives.

Pier Francesco MOLA, Ermina e Valfrino curano Tancredi (VF : Tancrède secouru par Herminie et Valfrin après le combat d'Argante).
XVIIe italien (Rome, je suppose), huile sur toile (69 x 93 cm) conservée au Louvre (aile Denon).
2. Qu'écouter ?
=> Pour la tragédie lyrique, Tancrède par Malgoire étant épuisé, il ne reste plus qu'Idoménée par Christie, mais qui se trouve aussi de plus en plus difficilement.
L'Europe Galante par Leonhardt, d'un genre galant un peu plus standard (quoique original à cette époque et infiniment moins tape-à -l'oeil que les Indes Galantes), doit toujours se trouver en couplage économique avec la musique de Lully pour le Bourgeois Gentilhomme.
Tancrède comporte des moments extraordinaires, en particulier la fin (il en existe trois versions, Malgoire a choisi l'une des deux bonnes), et puis la lutte contre les enchantements à l'acte III, la captivité à l'acte IV ("Sombres forêts, asile redoutable") sont de véritables moments de grâce. Peut-être que le hiératisme de son style rend ses divertissements moins impérissables que ses récitatifs. Parfois, en outre, la musique est peut-être un rien complaisante, très agréable mais pas profonde comme peuvent l'être les meilleurs témoignages du genre. Pour les danses, préférer en effet l'Europe Galante.
Pour Idoménée, malgré des sections plus décoratives, la fulgurance de l'action est très bien servie par la musique, récitatifs admirables en particulier.
Dans les deux cas, Campra est servi au mieux par le texte d'Antoine Danchet, sombre et très intense, assez agréablement versifié par ailleurs.
Ses multiples évocations vénitiennes (Les Fêtes Vénitiennes parues au disque, Le Carnaval de Venise prévu l'an prochain pour les Journées Campra du CMBV, La Sérénade Vénitienne) sont plus galantes, presque préramistes, mais très réussies également.
=> Pour le Requiem, on trouve plusieurs versions, dont la plupart sont excellentes, mais le 'plafonnement' de son style vocal s'y entend beaucoup. Pour choisir, Niquet imprime la vie habituelle avec beaucoup d'optimisme, Gardiner joue vraiment la carte du rituel (très lent, un peu décharné) et Malgoire est un moyen terme sans brillant mais très équilibré et valable.
Néanmoins, je trouve les autres Grands Motets, et en particulier Exaudiat te dominum plus spectaculaires et plus prenants. Dans ce dernier cas, avec un très beau duo de ténors Impleat Dominus (haute-contre et taille) en son centre, difficilement oubliable. Pas sûr que ça se trouve au disque, mais il existe bel et bien des motets en tout cas, et c'est prioritaire par rapport au Requiem du point de vue de l'exaltation. Mais c'est dans le genre très particulier de Campra, une sorte de fièvre héroïque, assez vindicative, qui s'oppose en tout point à son exact contemporain Desmarest dont un caractère humain, sensible et nuancé gouvernait les compositions.
=> Il existe par ailleurs des versions des cantates, qui à cause de son ton rectiligne habituel, n'ont pas la séduction de Clérambault, de Jacquet de la Guerre ou même de Blamont , à ce qu'il m'en semble. Plutôt à rapprocher de Montéclair pour ce genre.
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Je ne propose pas de liste d'oeuvres, elle est vaste et les recherches en révèlent toujours plus (et il y a aussi les controverses comme la réclamation d'Iphigénie en Tauride de Desmarest de la part de Campra), sans parler d'une fortune discographique assez correcte. La liste de tragédies lyriques que j'avais proposée s'avère d'ailleurs très incomplète, en fait d'intégrale !
Et pour prolonger, un extrait commenté d'Idoménée (avec des rosseries sur Mozart).
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