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Wagner, Das Rheingold (Ph. Jordan / Krämer) à l'Opéra Bastille


Les lutins s'y trouvaient hier (debout, mauvaise idée pour la seule oeuvre du répertoire qui fasse 2h40 sans aucune interruption), grâce à la générosité d'un mécène qui fit la queue pour eux tandis qu'ils oeuvraient de leur côté au Salut de la Nation.

Compte-rendu très informel (pour passer à plus utile qu'une 237892067438e critique du Ring parisien).


Ce n'était pas magnifique visuellement, mais assez convaincant, même si hétérogène (la direction d'acteurs était un brin prosaïque par moment, mais le propos lui-même assez réussi). Ca n'apprendre rien de vertigineux sur le Ring, mais Rheingold est de toute façon très difficile à mettre en scène (que de bavardages médiocres dans ce livret, tout de même...).
Il y avait quelques jolies trouvailles visuelles de plus. Pas très subversif, mais ça fonctionne vraiment bien.

Les allusions nazillonnes étaient un peu gratuites, mais pas du tout gênantes. Les géants (et Alberich) étant des prolétaires revendicatifs face aux Elus sûrs de leur supériorité intrinsèque. La surprise passée du nombre de géants, tout passait très bien.
L'escalier inaccessible de la fin qui se mue par un simple changement d'éclairage en escalier des cieux entrait finalement pas mal en résonance : la voix glorieuse et sans issue, l'illusion de l'ascension, etc. Non, ça n'avait rien de scandaleux (même si c'était dispensable).

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Vocalement, on a été ébloui non pas par les performances individuelles, mais par la qualité constante du plateau. Mais il faut préciser qu'au fond du parterre, c'est l'endroit d'une salle où l'on entend généralement le mieux les voix. C'était tellement présent que nous nous sommes entre nous interrogés sur la sonorisation (apparemment non, c'est simplement la présence contre un mur qui produit ce type d'acoustique flatteuse pour les voix). Du coup, on pouvait profiter pleinement de l'impact vocal. Mais on n'entendait l'orchestre que de façon plus lointaine (c'était plutôt avantageux pour Rheingold, ça le serait moins pour les autres volets).

Philippe Jordan : Direction musicale
Günter Krämer : Mise en scène
Jürgen Bäckmann : Décors
Falk Bauer : Costumes
Diego Leetz : Lumières
Otto Pichler : Chorégraphie

Falk Struckmann (4, 10, 13, 16, 22, 25 mars) / Egils Silins (19, 28 mars) Wotan
Samuel Youn Donner
Marcel Reijans Froh
Kim Begley Loge
Peter Sidhom Alberich
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke Mime
Iain Paterson Fasolt
Günther Groissböck Fafner
Sophie Koch Fricka
Ann Petersen Freia
Qiu Lin Zhang Erda
Caroline Stein Woglinde
Daniela Sindram Wellgunde
Nicole Piccolomini Flosshilde

Orchestre de l'Opéra National de Paris

Pour entrer dans le détail, des voix très vaillantes, toutes, bien sonores, de très bons diseurs d'allemand. A commencer par Silins et Begley, dont j'ai lu du mal ici ou là, et qui sont véritablement excellents. Oui, Kim Begley (Loge) n'a pas autant d'abattage que les plus glorieux tenants du rôle, mais c'est sans excès et très expressif, vraiment très chouette, avec un côté moins grimaçant (même s'il appuie la nasalité d'une voix à l'origine plutôt engorgée) que la norme dans ce rôle.
Quant à Egils Silins (Wotan), c'était exactement ce que nous attendions de lui pour l'avoir auparavant écouté : voix sombre et ferme, raisonnablement expressive, très maîtrisée, qui me dispense d'entendre Falk Struckmann et ses duretés prosaïques. C'est pourquoi nous souhaitions le voir plutôt que Struckmann, toujours en force, dur et assez prosaïque. Même si son impact vocal doit être plus spectaculaire.

D'un point de vue personnel, outre que j'ai trouvé les deux précédemment cités excellents : Begley pour son équilibre, et Silins parce que je ne vois pas bien qui à l'heure actuelle chante mieux le rôle que lui (ou plutôt je ne vois pas tout court), voici.
La plus impressionnante était de mon point de vue Sophie Koch (Fricka), dont je n'aime pas plus que cela la voix en retransmission, mais qui dispose d'une projection si parfaite qu'elle donne l'impression de susurrer l'allemand à l'oreille de chacun - alors que la voix est large en réalité (un vibrato large commence à s'installer d'ailleurs). Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, sur le très court rôle de Mime, était comme à son habitude superlatif : superbe projection, voix nasale mais pleine et magnifiquement timbrée, allemand plein de relief... Voilà un chanteur très sous-estimé. Peter Sidhom (Alberich) était assez idéalement équidistant entre l'histrionisme et la netteté musical. Enfin Daniela Sindram (Wellgunde) et Qiu Lin Zhang (Erda déjà unanimement admirée au Châtelet, vrai contralto) faisaient forte impression. Tout cela en considérant que tous les autres étaient irréprochables et que seul Marcel Reijans était peut-être un peu limité en Froh, mais vu la taille du rôle...

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Un brin déçu par l'orchestre, qui semblait un peu attentif, pas très rassuré. Je passe sur les quelques pains qui, personnellement, ne me gênent pas, pour relever quelques faits bizarres :
- cordes assez molles (les accords duraient plus longtemps qu'écrits - est-ce vraiment le placement qui peut faire cela ?) ;
- vents aigres, très 'français' (dans le sens typé RTF années 60), ce qui n'est vraiment pas l'habitude de cet orchestre ;
- enclumes totalement décalées (apparemment parce que spatialisées, ce qui fait que les percussionnistes devaient jouer en rythme mais qu'on les entendait décalées).

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Ceux qui étaient aux balcons ont donc pu tout à fait sentir au contraire l'orchestre présent, et les voix lointaines, comme d'habitude. (Déjà, les chanteurs ne peuvent pas lever le cou sans altérer leur émission, donc ils sont face au parterre, par définition - la posture la plus productive est même avec la tête un peu baissée. Yva Barthélémy suggèrement même (de façon allusive) que l'idéal serait une salle-fosse - évidemment on n'y verrait rien, mais elle pose juste le paradoxe de la constitution de salles mal adaptées à la physiologie de la production vocale.
De mon côté, expérience intéressante, parce que contrairement à la réputation du fond de parterre, j'ai vraiment trouvé enfin l'acoustique tout à fait décente d'un opéra.

Si des voix avec un tel métal et une telle projection ne passent pas, c'est vraiment un problème de salle, et pas de distribution ou de technique des chanteurs, d'autant que Jordan était très attentif à ne pas couvrir.

Donc pour moi, déception surtout pour Jordan, sans doute en partie liée à mon placement, grande impression par la qualité très homogène de la distribution, et très agréablement surpris par la mise en scène, malgré un usage un peu exagéré du front de scène et quelques déplacements réalisés un peu prosaïquement. Ca bouge plutôt pas mal, les séquences de magie sont réussies. Bref, chouette.


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Commentaires

1. Le lundi 23 août 2010 à , par Das Rheingold

Most of us who think of attending Das Rheingold performances, we’re faced with the lack of tickets or the sky-rocked prices. Lately, I was recommended cesitedevilainspammeur.com to compare and purchase tickets and found it interesting. You may want to check.

2. Le lundi 23 août 2010 à , par DavidLeMarrec

Je suis au regret de vous informer, cher Or, que vous avez atterri sur le mauvais continent. Mais la notule était sans doute un peu longue à lire pour un anglophone.


Donc, pour résumer : spam is bad.

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