Le vrai style russe expliqué
Par DavidLeMarrec, dimanche 24 octobre 2010 à :: En passant - brèves et jeux - Pédagogique - Opéra, opéras - Glottologie :: #1609 :: rss
En répétition dans la cavatine d'Aleko, Dmitri Hvorostovksy effectue une démonstration virtuose du style canonique de la basse russe provinciale un peu déclinante. Virtuose.
Voici ce qu'il propose :
- engorgement, sons tubés (début)
- émission de l'aigu à palier, en deux fois (0'15)
- phrasés martelés pour mettre en valeur le texte (0'20)
- cris expressionnistes pour paraître déclamé... ou pour escamoter les aigus (0'29)
- libertés majeures avec les rythmes (0'35)
- phrases trop graves parlées pour faire expressif (0'35)
- ports de voix lourds et faux destinés à créer l'émotion (0'44)
- vibrato de grande amplitude, presque au demi-ton (0'57)
- consonnes finales exagérées (1'03)
- attaques fausses à palier et sans vibrato, suivies de la note exacte mais encore trop basse, et trop vibrée, une sorte d'intention expressive qui se limite à l'usure de la voix (1'07)
- attaques plafonnées très basses (1'29, 1'38)
- attaque beaucoup trop basse, remontant pour intensifier l'expression et finissant trop haut par un cri expressionniste (1'45)
- sanglots du meilleur goût (2'11)
La caricature est très juste, parce que ces basses surexpressives qui ne chantent pas les notes, à la fois par "style" et par incapacité à émettre proprement, étaient assez fréquentes en URSS, y compris dans les grandes maisons. L'attaque toute droite [1] peu à peu montée pour donner de l'intensité, mais sans jamais atteindre la note juste, ou encore l'attaque à palier, prenant appui sous la note pour l'atteindre et la vibrer seulement dans un second temps, étaient effectivement très pratiquées. L'accumulation est vraiment drôle, et assez authentique de surcroît.
Voyez par exemple entre 5'05 et 6'40 les effets d'Alexander Vernikov, ses aigus expressifs qui ne montent pas, ses appuis frustes et peu vibrés, ses cris. Dans d'autres extraits de cette soirée, on entend très distinctement les attaques à palier.
Le pire, c'est que la voix de Hvorostovsky reste magnifique jusque dans cet exercice. Mais pour lui rendre justice, voici ce à quoi il ressemble d'habitude, si d'aventure certains lecteurs l'avaient peu fréquenté jusqu'ici.
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Mise à jour du 1er janvier 2011 :
Et il n'exagérait même pas !
Notes
[1] sans vibrato
Commentaires
1. Le vendredi 4 février 2011 à , par Lyricae :: site
2. Le vendredi 4 février 2011 à , par DavidLeMarrec
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