dimanche 23 janvier 2011
En lisant Tosca : mutations (II)
Il y a un an environ, je m'émerveillais en ces lieux de la structure de Tosca.
L'évidence de lignes très conjointes, la douce tension constante des harmonies, le retour de leitmotive certes très évidents, mais qui constituent plus qu'on ne le penserait de prime abord la colonne vertébrale du discours musical, d'une façon très comparable à Wagner (certes, sans que le contenu de la musique comme du sens soit aussi riche).
J'étais parti de ce petit interlude instrumental tandis que Cavaradossi écrit sa lettre d'adieu à l'acte III. [N.B. : J'ai pris de le parti de faire entendre cela de façon nue au piano, parce que la construction y est bien plus saillante, mais les prises sont tirées de mes archives et ne sont pas soignées, pour le chant non plus d'ailleurs - mes excuses par avance.]
On y rencontrait un motif circulaire, celui de la douleur de Tosca, qui se muait en thème principal pour E lucevan le stelle.
On va aujourd'hui reprendre en amont et voir d'où provient ce thème.
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Dès l'acte I, l'on trouve abondamment le motif attaché à Tosca, lyrique et généreux, deux séries de cinq notes sur une gamme majeure, montantes puis descendantes, de façon totalement conjointes (elles se suivent, comme dans une gamme, donc avec des intervalles d'un ton maximum). Un motif lumineux, expansif, qui appelle le rubato, qui prend plaisir à s'épanouir dans le ralentissement.
Il est la plupart du temps doublé à l'octave.
Voici ce à quoi il ressemble :
Ce motif va apparaître lorsque Tosca entre dans l'église pour vernir saluer Mario, bien sûr pendant le grand duo d'amour, lorsqu'elle réapparaît surveillée par Scarpia, et lorsqu'elle s'enfuit désespérée, les effluves de sa présence s'évanouissant doucement avec le mélange de ce motif combiné avec d'autres. (Juste avant Tre sbirri, una carrozza, si vous souhaitez l'entendre.)
Jusqu'ici, le motif conserve la même fonction : identifier, accompagner, présenter Tosca. Il révèle plusieurs aspects de sa personnalité : lyrique comme la chanteuse qu'elle est, tendre comme l'amante accomplie qu'elle nous montre, un peu tortueux aussi avec son aller-retour à l'image de sa personnalité aisément tourmentée. Il apparaît en même temps que Tosca entre ou est évoquée. On n'insistera donc pas sur son usage dans le premier acte.
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A l'acte II, il en va un peu autrement.
Déjà, observons le motif qui scande tout l'acte. On l'entend ici dès le début, trois notes descendantes, qui parcourent tout le clavier de l'aigu au grave. Il revient très souvent jusqu'à l'entrée de Cavaradossi, et réapparaît au moment où celui-ci est emmené en prison - c'est le motif du repas du Scarpia.
Or, ce motif en octaves et conjoint est contenu dans le thème de Tosca. Admirable, tout de même, que le "repas-de-Scarpia" soit un morceau de "Tosca" !
Le motif de Tosca étant cité juste après (clarinette solo, une des rares fois sans doublure à l'octave), on peut aisément constater la parenté.
Et lorsque Scarpia parle d'elle, on l'entend qui revient tout à fait traditionnellement. J'ai mis le contexte comme d'habitude, vous le trouverez après la réplique "et l'amour de son Mario". Ce à quoi répond le motif prédateur de Scarpia lorsqu'il est question de la posséder.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Opéra romantique et vériste italien - L'horrible Richard Wagner a suscité :
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