Poursuite des investigations dans la Valkyrie telle que graphiée par Wilder.
Cet extrait existe par Germaine Lubin (dont je n'aime au demeurant pas du tout la diction très molle), mais elle omet le magnifique récitatif d'entrée :
L'oeuvre doit être rejouée à Marseille la saison prochaine, alors voici un extrait de l'unique captation qu'il existe, mise à l'instant en ligne par les lutins de CSS.
Le commentaire est laconique, il reprend la présentation que j'ai préparée pour la vidéo :
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1. L'oeuvre
Ce n'est pas un chef-d'oeuvre :
=> L'inspiration mélodique, comme toujours chez Sauguet, est un peu plate.
=> La prosodie, de la même façon, est plutôt neutre et grise.
=> Les procédés musicaux sont assez peu variés et surtout sans réelle ampleur dramatique, comme d'aimables scènes d'opéra comique écrites un peu négligemment.
=> Le livret d'Armand Lunel est d'un prosaïsme assez consternant, tout ce qui fait le charme de l'implicite dans le roman (l'amour qu'on devine entre Fabrice et sa tante est martelé à chaque scène...), toute sa finesse de langue (inutile d'attendre les jolis détours de langage ou les petits paradoxes émotionnels), tout l'équivoque de ses situations sont perdus...
Même le climat de scènes faciles à réussir, comme la mort de Fabrice, se retrouve passablement saboté : la mort de Fabrice, qui profère des banalités sur fond de psalmodies féminines et de glas - argentin ! -, là où on aurait espéré un postlude orchestral discret, c'est désespérant...
On est loin du sens de l'atmosphère d'un musicien pourtant régulièrement méprisé, comme l'est Ibert (cf. Le roi d'Yvetot).
=> Et les scènes les plus opératiques (notamment les véritables scènes d'ensemble, figées comme du Rossini, provoquées par les interventions de Gina à la Cour), n'ont même pas été retenues par le librettiste.
Par conséquent, je la propose puisque qu'elle fait rêver des générations d'amoureux de littérature et d'opéra français, mais on ne peut pas dire qu'en l'occurrence le rêve sorte vainqueur de la confrontation avec le réel.
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2. Rapide historique
Par relations, Sauguet avait rencontré le directeur de l'Opéra, qui lui avait fait jouer cette oeuvre (qu'il écrivait pour son délassement depuis 1927, sous la forme d'une réduction piano), et, convaincu, lui avait demandé de l'orchestrer pour la faire représenter.
A la création, on pouvait entendre rien de moins que Germaine Lubin en Sanseverina, Raoul Jobin en Fabrice et Arthur Endrèze en comte Mosca !
L'oeuvre a eu peu le temps de séduire sur la scène, étant créée le 6 mars 1939. Elle a été révisée en 1968, dix ans après le présent enregistrement capté au Théâtre des Champs-Elysées sous la direction de Manuel Rosenthal. On y entend notamment Denise Scharley dans un rôle d'amoureuse, ce qui constitue une vraie rareté !
Toujours dans l'ambition de mettre à disposition une édition fidèle aux poèmes originaux et chantable à destination des francophones (voir l'ensemble du projet sur cette page), voici "Les soleils fantômes" du Voyage d'Hiver de François Choubert.
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Mise à jour du 21 août 2012 :
Poème
XXIII - Les soleils fantômes
Drei Sonnen sah ich am Himmel steh'n, / Trois grands soleils se tenaient au ciel,
Hab' lang und fest sie angeseh'n ; / Et je suivais leur cours vermeil.
Und sie auch standen da so stier, / Puis ils brillaient de tant d'audace
Als wollten sie nicht weg von mir. / Comme s'ils voulaient suivre ma trace.
Ach, meine Sonnen seid ihr nicht ! / Ah ! Vous n'êtes point mes étoiles,
Schaut Andern doch ins Angesicht ! / Pour d'autres brillez et sans voiles !
Ja, neulich hatt' ich auch wohl drei ; / Trois jusqu'alors luisaient sans peur,
Nun sind hinab die besten zwei. / Mais j'ai perdu les deux meilleurs.
Ging nur die dritt' erst hinterdrein ! / Que le dernier sombre à son tour
Im Dunkeln wird mir wohler sein. / Qu'enfin dans l'ombre je fuie le jour.
Remarques :
Vers 4 : Le texte original de Müller dit "könnten sie".
Vers 6 : Le texte original de Müller dit "Schaut Andren" (ce qui est un peu moins euphonique pour le chant).
A l'origine, chez Müller, il s'agit du vingtième poème du cycle (dont l'ordre est totalement refondu par Schubert).
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Modifications du 21 août 2012
Brillez pour d'autres et sans voiles ! => Pour d'autres brillez et sans voiles !
Simple inversion, mais elle procure une plus belle couleur vocale, le [o] fermé dans l'aigu apportant beaucoup plus facilement de l'impact que les voyelles très étroites [é] et [i]. Par ailleurs, syntaxiquement plus logique, puisque les voiles se rapportent à la lumière et non aux autres.
Et surtout :
Ging nur die dritt' erst hinterdrein ! / Qu'un dernier tombe alors dans l'ombre,
Im Dunkeln wird mir wohler sein. / Qu'à l'obscurité enfin je succombe.
devient :
Ging nur die dritt' erst hinterdrein ! / Que le dernier sombre à son tour
Im Dunkeln wird mir wohler sein. / Qu'enfin dans l'ombre je fuie le jour.
Je n'étais pas satisfait de la tournure empesée (et prosodiquement assez entravée) de la fin. Il me semble que la cohésion musicale, la syntaxe et clarté du propos sortent renforcés de la substitution.
Je peux facilement produire une version adaptée à la tonalité de votre choix, sur demande.
Et toujours la même condition d'utilisation : librement exploitable sous réserve d'en indiquer la provenance (auteur et site). Courriel apprécié en cas d'exécution publique.
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