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L'Opéra et le Musée


(Vidéo suit.)

Le respect scrupuleux de la lettre, dans la musique classique, me laisse dubitatif.

Je ne suis pas le seul à m'interroger sur le culte du texte : tout arrangement est une subversion, et si l'on coupe ou transpose volontiers visuellement dans les opéras, on ne changera pas un mot, quitte à être en distorsion complète avec ce que l'on montre. Si l'on voit Leporello sniffer un rail que lui offre son maître, pourquoi conserver le texte qui dit "deniers" ? Autant se mettre en accord avec ses déformations.
Et ne parlons pas des traductions, qu'on n'ose plus jouer malheureusement.

Certains accusent même cette habitude de faire de la musique un musée, où l'on n'époussette les idoles qu'en tremblant, le jour où on les sort pour leur parade annuelle. On va jusqu'à faire porter au culte du solfège l'explication du supposé déclin vocal (1,2,3), ou du lieu commun de la fadeur des pianistes d'aujourd'hui, qui seraient tout verrouillés des coudes tellement ils redoutent la fausse note.

Et il est vrai qu'aujourd'hui la sélection se fait davantage qu'autrefois sur les qualités solfégiques pour les chanteurs (même si elles demeurent moins exigeantes dans cette discipline-là), et que la fausse note pour un instrumentiste est totalement proscrite, même en contrepartie d'une vision transcendante.

Je ne vais pas trancher ici, c'est une question de priorité personnelle, et j'ai déjà montré que je ne croyais pas au déclin, et que je n'attachais pas non plus une importance particulière à l'exactitude tant que l'esprit demeure.

Mais je voudrais soumettre cet extrait très révélateur :


Ce qui me chagrine est l'entrée de la basse. Excellente initiative de mettre la conclusion de l'opéra plutôt que de prolonger le dernier accord (puisque personne n'oserait écrire une petite conclusion de deux mesures...), et logique de ne pas convoquer quatre chanteurs différents (Philippe II, le Grand Inquisiteur, le Moine, le choeur de basses des soldats de l'Inquisition) pour si peu, et pour une même tessiture.

Mais tout de même, se répondre à lui-même avec "Ma voi ?" ("Mais vous ?"), et la partition ne prévoit même pas d'espace entre les deux répliques, cela n'a pas de sens. Il aurait suffit de changer le texte : "Dunque" ("Donc") aurait suffi, cela peut être aussi bien une interrogation qu'une affirmation, et donc ne change pas le sens du livret, tout en laissant la scène crédible avec un seul chanteur. Ou même, plus simplement encore, de supprimer ces deux notes qui causent la confusion.

Il est tout de même incroyable qu'on produise quelque chose d'aussi absurde simplement pour respecter l'intégrité littérale de ce qui est écrit... et cette absence de réflexion au delà de ce que contient la partition est véritablement significative de la façon de pratiquer la musique classique, même chez les professionnels.

Accessoirement, l'extrait est remarquablement chanté (Mara Zampieri au sommet de son art et Jaume Aragall dans un bon soir), et cette confusion bizarre... assez amusante à voir.


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