Les plus beaux récitatifs - VI - Réminiscences d'Alvaro - [Verdi / La Forza del Destino]
Par DavidLeMarrec, lundi 20 février 2012 à :: Les plus beaux récitatifs - Opéra romantique et vériste italien - Projet lied français :: #1919 :: rss
Dans la série des plus beaux récitatifs, celui-ci représente sans doute la plus belle réalisation de Verdi. Cette évocation du passé (d'abord celui de l'acte I, puis l'enfance du héros) s'inscrit à la fin d'une longue scène contemplative avec grand solo de clarinette, qui se prolonge dans la première partie du récit, et même, sous forme d'accompagnement cette fois, dans la seconde.
En plus de la force désespérée du texte et de cette couleur orchestrale à la fois nocturne, tragique et brillante, ce moment s'appuie sur deux qualités essentielles :
- la beauté de l'harmonie, très mouvante et assez mystérieuse, vraiment inhabituelle pour le répertoire italien de l'époque ;
- la nervosité de la prosodie : beaucoup de valeurs courtes avec quelques dédoublements (parfois sur la même voyelle), des phrases brèves entrecoupées de silences, des apparitions de triolets ascendants, des contrastes brutaux entre les registres.
Un réel bijou. Comme le veut le défi, malgré la pléthore de très grandes versions (Mario Del Monaco chez Molinari-Pradelli réussit particulièrement bien, comme d'habitude, à rendre l'agitation déclamatoire de ce récitatif), je confectionne tout moi-même, et pour pousser l'amusement jusqu'au bout, en écrivant une version française.
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=> Partition de la version française.
=> Son :
Enregistré avec les moyens précaires habituels (micro à 5€ à plusieurs mètres au delà du piano droit derrière lequel je suis caché), augmentés d'une voix non chauffée, mais une fois de plus, en attendant que Yann Beuron et le Philharmonique de Bergen reprennent ce hit, c'est toujours l'occasion de se représenter plus ou moins de quoi il s'agit.
Mise à jour du 17 avril 2012 : ajout d'une version avec prélude instrumental, à la suite de la version ci-dessus.
=> Texte :
La vita è inferno all'infelice... Invano
morte desio !... Siviglia !... Leonora !...
Oh rimembranza !... Oh notte
ch'ogni mio ben rapisti !...
Sarò infelice eternamente... è scritto.Della natal sua terra il padre volle
spezzar l'estranio giogo, e coll'unirsi
all'ultima degli Incas la corona
cingerne confidò... Fu vana impresa... ~ / Fallì l'impresa [1]
In un carcere nacqui ; m'educava
il deserto ; sol vivo perché ignota
è mia regale stirpe !... I miei parenti
sognà ro un trono, e li destò la scure !...
Oh quando fine avran le mie sventure !
Et la traduction :
La vie est enfer à l'exilé ;
en vain je veux la mort.
Séville ! Léonore ! Ô souvenir !
Ô nuit qui toujours me priva d'espérance !...
Je serai malheureux sans cesse ! C'est écrit.De sa natale terre mon père voulut briser le joug espagnol ;
En s'unissant à la dernière des Incas
Il espéra ceindre la couronne. / changer le sort. [2]
Vaine entreprise !
UN cachot m'a vu naître,
le désert seul m'éduqua,
Je ne vis que par l'ignorance
de ma royale naissance. / de ma souche royale. [3]
Mes parents rêvèrent d'un trône –
le bourreau les réveilla.
Oh ! quand finiront donc tant de souffrances ?
Notes
[1] C'est toujours "Fu vana impresa" qui est chanté dans les exécutions de la partition définitive.
[2] "Changer le sort" est plus joli, mais on s'éloigne du sens original.
[3] Pour des raisons d'assonances et de prosodie (accent fort de "souche" sur une croche faible), j'ai finalement retenu "de ma royale naissance", plus plat littérairement mais plus opérant ici. La petite agitation supplémentaire en dédoublant la dernière croche de la mesure (pour placer le "e" de "royale") n'est pas déplaisante non plus.
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