Musset & Beaunesne : On ne badine pas avec l'amour
Par DavidLeMarrec, samedi 12 mai 2012 à :: Saison 2011-2012 - Littérature - Au théâtre :: #1974 :: rss
Vu (presque par hasard) à la Comédie-Française, dans le très agréable théâtre éphémère, dont on sera bientôt en droit de regretter vivement le démantèlement.
Il s'avère que cette production exalte plutôt, à mon sens (et toutes proportions gardées), les défauts des comédiens-français.
On y retrouve la tendance, pour les personnages de caractère, à composer des figures, très complètes et maîtrisées, souvent truculentes, mais qui offrent peu de place à la faille ou au vertige psychologique. Ce serait évidemment sans intérêt pour les érudits ivrognes, mais le Baron grommelé de Roland Bertin, s'il constitue un petit bonheur plutôt jubilatoire, demeure un objet assez répétitif et pas tout à fait profond.
De façon plus générale, la direction d'acteurs d'Yves Beaunesne met constamment à distance la parole : en cherchant toujours (ce qui est louable et intéressant) à ne pas faire redire par les attitudes ce que le texte explicite, mais à explorer simultanément autre chose, on finit, en tant que spectateur, par ne pas jamais être complètement plongé dans l'intrigue. Voire par ressentir confusément (car ce travail est bien fait) des incohérences, des invraisemblances : les personnages paraissent, à la longue, constamment à côté d'eux-mêmes, ce qui produit une impression assez singulière.
Ce choix procure cependant de bons moments, comme les appels (paradoxalement murmurés) de Camille, mais crée souvent l'illusion d'un manque d'engagement chez les acteurs, qui ne semblent pas "recouvrir" totalement leur personnage. Quelque chose de l'artifice affleure, sans que la plus-value de sens soit suffisante pour le compenser.
Autre grief, mais qui n'est peut-être pas imputable en particulier à cette interprétation, les phrases bousculées, les traits plaisants, les saillances et bouffonneries de langage sont assez peu sensibles (pourtant, le texte est là, et il en déborde à la lecture !). Tout cela paraît gommé au profit du propos de la pièce, déjà sensiblement grave pour une comédie - avec son enjeu très-sérieux sur l'absolu et l'unicité de l'amour. L'essentiel de la badinerie acérée n'est pas audible, étrangement. A telle enseigne que je suis allé relire le texte pour vérifier d'éventuelles altérations - en dehors de la tenue du Choeur par Rosette, il n'y en a pas.
Quelques petites réserves aussi sur les emportements de Julie-Marie Parmentier, singulièrement rauques pour un personnage d'ingénue idéaliste au carré.
Et pour finir, bien sûr, toujours les mêmes scrupules sur la sonorisation (parfois assortie d'un peu de réverbération !) qui me paraît toujours si exotique pour des comédiens dont la technique vocale est par ailleurs remarquablement assurée et polyvalente...
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Sur le plan subjectif, le plaisir de voir l'oeuvre en action reste grand et sans mélange. En revanche, s'il faut porter un jugement critique, même avec toutes les relativités d'usage (le résultat, certes "incomplet", fonctionnant assez bien), il se trouvera un brin de déception vis-à-vis de ce que promet l'oeuvre.
Commentaires
1. Le lundi 14 mai 2012 à , par Saint Laurent
2. Le mercredi 16 mai 2012 à , par DavidLeMarrec
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