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Musset & Beaunesne : On ne badine pas avec l'amour


Vu (presque par hasard) à la Comédie-Française, dans le très agréable théâtre éphémère, dont on sera bientôt en droit de regretter vivement le démantèlement.

Il s'avère que cette production exalte plutôt, à mon sens (et toutes proportions gardées), les défauts des comédiens-français.

On y retrouve la tendance, pour les personnages de caractère, à composer des figures, très complètes et maîtrisées, souvent truculentes, mais qui offrent peu de place à la faille ou au vertige psychologique. Ce serait évidemment sans intérêt pour les érudits ivrognes, mais le Baron grommelé de Roland Bertin, s'il constitue un petit bonheur plutôt jubilatoire, demeure un objet assez répétitif et pas tout à fait profond.

De façon plus générale, la direction d'acteurs d'Yves Beaunesne met constamment à distance la parole : en cherchant toujours (ce qui est louable et intéressant) à ne pas faire redire par les attitudes ce que le texte explicite, mais à explorer simultanément autre chose, on finit, en tant que spectateur, par ne pas jamais être complètement plongé dans l'intrigue. Voire par ressentir confusément (car ce travail est bien fait) des incohérences, des invraisemblances : les personnages paraissent, à la longue, constamment à côté d'eux-mêmes, ce qui produit une impression assez singulière.
Ce choix procure cependant de bons moments, comme les appels (paradoxalement murmurés) de Camille, mais crée souvent l'illusion d'un manque d'engagement chez les acteurs, qui ne semblent pas "recouvrir" totalement leur personnage. Quelque chose de l'artifice affleure, sans que la plus-value de sens soit suffisante pour le compenser.

Autre grief, mais qui n'est peut-être pas imputable en particulier à cette interprétation, les phrases bousculées, les traits plaisants, les saillances et bouffonneries de langage sont assez peu sensibles (pourtant, le texte est là, et il en déborde à la lecture !). Tout cela paraît gommé au profit du propos de la pièce, déjà sensiblement grave pour une comédie - avec son enjeu très-sérieux sur l'absolu et l'unicité de l'amour. L'essentiel de la badinerie acérée n'est pas audible, étrangement. A telle enseigne que je suis allé relire le texte pour vérifier d'éventuelles altérations - en dehors de la tenue du Choeur par Rosette, il n'y en a pas.

Quelques petites réserves aussi sur les emportements de Julie-Marie Parmentier, singulièrement rauques pour un personnage d'ingénue idéaliste au carré.
Et pour finir, bien sûr, toujours les mêmes scrupules sur la sonorisation (parfois assortie d'un peu de réverbération !) qui me paraît toujours si exotique pour des comédiens dont la technique vocale est par ailleurs remarquablement assurée et polyvalente...

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Sur le plan subjectif, le plaisir de voir l'oeuvre en action reste grand et sans mélange. En revanche, s'il faut porter un jugement critique, même avec toutes les relativités d'usage (le résultat, certes "incomplet", fonctionnant assez bien), il se trouvera un brin de déception vis-à-vis de ce que promet l'oeuvre.


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Commentaires

1. Le lundi 14 mai 2012 à , par Saint Laurent

- Ce n'est pas Julie-Marie Parmentier qui joue dans cette reprise, mais Marion Malenfant, une petite nouvelle au Français. Un peu d'indulgence pour les jeunes.

- Corbery est difficilement audible même quand l'horrible mange-disque ne tourne pas. Je ne pense pas que ce soit dû à l'acoustique de la salle (Il n'y avait pas la moindre difficulté dans la Villégiature).

- En sortant de la représentation samedi soir, j'ai entendu des spectateurs se plaindre que Camille et Perdican passaient trop de temps à se peloter. À un moment, Perdican se saisit de Camille et la presse contre lui, puis les deux continuent à débiter leurs tirades assez longtemps dans cette position, sans qu'on sente la moindre tension, c'est très faible. Je me rappelle avoir observé, dans la mes de Wozzeck à l'Opéra de Paris, le jeu des distances/contacts physiques entre Wozzeck et Marie, j'avais trouvé ça remarquable. Entre Marthaler et Beaunesne, il y a plusieurs divisions d'écart, pour reprendre une métaphore sportive.

2. Le mercredi 16 mai 2012 à , par DavidLeMarrec

Bonjour,

Merci pour la rectification.

Vendredi 11, Loïc Corbery n'était pas moins audible que les autres. Ce n'est pas une technique à faire trembler les murs et la sonorisation était bienvenue de ce point de vue, mais la totalité du plateau était dans ce cas, à mon sens.

Je vous rejoins en revanche sur la différence de confort sonore entre le Badinage et la Villégiature, sans que ce soit problématique pour moi. Autre point d'accord, le manque de tension assez étonnant, jusque dans les moments les plus rapprochés (voire les plus lestes) ; ce que je relie au décalage permanent entre ce qui est dit et ce qui est fait, de façon tellement généralisée que le texte finit par se déconnecter de sa représentation.

Ce que j'ai plus de peine à voir, c'est où se situe le manque d'indulgence (en plus, même jeune pensionnaire, c'est après beaucoup d'expériences) : j'ai émis une petite réserve sur l'émission forte (pas très congruente avec le caractère de ces moments), et parlé d'un réussite, deux instants que j'ai voulu mentionner, sans porter de jugement sur l'ensemble de sa soirée (tout à fait honorable).

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