Carnets sur sol

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Pourquoi les cornistes sont-ils tous aussi nuls ?


Titre alternatif : Pouêt.

Comment se fait-il que même les plus grands instrumentistes (à quelques très rares exceptions près) puissent produire autant de pains avec l'objet qui leur permet de gagner le leur ?

La question a de quoi fasciner. Elle avait déjà été abordée, de façon parfaitement pacifique dans cette ancienne notule, au milieu des autres instruments.

Il existe un assez grand nombre de raisons qui explique que le cor soit l'un des instruments les plus difficiles de l'orchestre, et en tout cas celui dont la pratique, même à haut niveau, est la plus fragile.

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Sans les épuiser, on peut en noter plusieurs :

Comme l'ensemble des cuivres, sa couleur et sa justesse dépendent de la fréquence de vibration des lèvres sur l'embouchure conique, et aussi de la pression du souffle dans le corps de l'instrument. La hauteur et la couleur des sons peuvent être éventuellement corrigés par la place de la main dans le pavillon.
Autant de paramètres bien plus difficiles à mesurer et à répéter que la lourdeur et la vélocité de la pression sur une touche de piano, ou même que l'emplacement millimétré du doigt sur une touche de violon.

Cela n'explique pas les pains, mais donne déjà une petite idée des problèmes de justesse ou d'attaque. La coulisse du trombone s'apparente beauoup plus à la touche du violon, toutes les notes sont disponibles (pas besoin de bricoler avec des pistons incomplets ou dans le pavillon) ; et le conduit plus court et droit de la trompette n'a pas le même caractère aléatoire.

Mais le plus spectaculaire de difficulté réside, pour le profane, dans le caractère hautement sensible à l'environnement. L'instrument est très sensible aux températures et à l'hygrométrie : en effet, vu la longueur des tuyaux, l'air soufflé reste à part de l'air ambiant sur un assez long trajet, et la différence de chaleur avec l'extérieur crée de la condensation à l'intérieur. Non seulement l'instrument a les caractéristiques de jeu complexes qu'on a dites, mais de surcroît il se remplit d'eau tout en jouant, et plus ou moins vite selon les "conditions météo".
Cela signifie que l'interprète doit anticiper ce paramètre tout en jouant, puisque le remplissage des boyaux affecte la justesse et surtout la fiabilité de la "réponse" de l'instrument. On a beau ajuster les coulisses d'accord entre les phrases, quand on joue, on doit essayer de transiger avec le déglingage progressif des fonctions de contrôle...

Quiconque a observé de près la vidange diluvienne d'un cor après quelques minutes de jeu ne peut plus s'étonner d'entendre les attaques manquées et les tendances à détonner.

Evidemment, pour le cor naturel sans pistons (ces pistons sont à barillets sur les cors d'harmonie standard, qui se visualisent comme des palettes), la difficulté est encore accrue, puisqu'il faut produire les notes sans pouvoir ajuster la longueur du tube en temps réel, c'est-à-dire seulement avec le souffle, les lèvres, et éventuellement le poing dans le pavillon pour ajuster la hauteur finale des notes.

Nul doute que, ne pratiquant pas moi-même l'instrument, des lecteurs attentifs et informés viendront préciser ces gros traits.

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En réalité, quand on y regarde de près, on s'étonne tout simplement qu'en dehors de certaines sonneries de chasse (où l'on ne trouve quasiment que des sauts de quarte et de quinte), il soit humainement possible de jouer du cor ! On raconte d'ailleurs que les cornistes pros ont la réputation d'être des gens passablement nerveux dans la vie quotidienne... On compatit.

La preuve que le cor est l'instrument le plus difficile du monde : après l'avoir pratiqué pendant des années, il devient facile de jouer le grand répertoire avec un tuyau d'arrosage.


Ou bien de réaliser de grandes aventures trépidantes dans le répertoire ultracontemporain.



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Commentaires

1. Le mercredi 27 juin 2012 à , par klari :: site

Avant que Qui-Tu-Sais ne vienne casser du sucre sur ces malheureux cornistes, vite, un comm':

et la vuvuzela, hein ? http://www.youtube.com/watch?v=wf2P8SnOwLo (il nj'y a pas que les tuyaux d'arrosage dans la vie)

(bizarrement, les quelques cornistes que j'ai croisés jusqu'ici avaient l'air (mais je ne les ai pas psychanalysés, hein, plutôt sereins et confiants)
(oh, voilà un bon sujet de stats)
(Tu as lu 'Au coeur de l'orchestre' de C. Merlin ? Le chapitre 'cornistes' est vraiment rigolo et interessant !)

2. Le mercredi 27 juin 2012 à , par Ugolino Le profond

Bah aussi, David prend les cornistes de l'opéra de Paris pour illustrer son article ! Là, c'est quand même une invitation à dire qu'on entend pas de différence entre leur jeu habituel et leur jeu avec des tuyaux d'arrosage.

3. Le jeudi 28 juin 2012 à , par DavidLeMarrec

Je ne vois pas ce que tu veux dire, Klari : personne n'a jamais eu le front de dénigrer devant moi des cornistes.
(Mise à jour du 28/06 : Ah, manifestement il y a un début à tout...)
(Mais en fin de compte, Ugolino ne compte pas, depuis que nous avons eu la preuve que c'était un éloquent spambot.)

Oui, j'avais vu cet excellent moment de l'orchestre du Konzerthaus berlinois... le plus fort est quand même lorsqu'ils retirent solennellement leurs klaxons.

(bizarrement, les quelques cornistes que j'ai croisés jusqu'ici avaient l'air (mais je ne les ai pas psychanalysés, hein, plutôt sereins et confiants)

Ce sont des bruits de couloirs. J'en ai assez peu fréquenté de près, tous étaient bizarres, mais ça allait du bizarre-super-gentil au bizarre-super-méchant (en nette majorité, et provenant d'un orchestre dont il a déjà été question...). Néanmoins, réaliser des stats sur trois cornistes, dont un seul réellement familier, ce n'est peut-être pas très sérieux.

(oh, voilà un bon sujet de stats)

Oh oui, un tableau, Klari, s'il te plaît, un tableau !

(Tu as lu 'Au coeur de l'orchestre' de C. Merlin ? Le chapitre 'cornistes' est vraiment rigolo et interessant !)

Non, pas lu, mais j'ai beaucoup d'estime pour le travail de Merlin (même si, forcément, dans la masse colossale de ses interventions, il y a du déchet parfois agaçant). Je croyais que c'était un ouvrage assez grand public, pas censé faire découvrir beaucoup aux habitués, mais s'il est amusant...

4. Le jeudi 28 juin 2012 à , par DavidLeMarrec

@ Ugolino le Profond :
Attention, tu vas finir par devenir l'incarnation d'un running gag en ces lieux. Tiens, j'essaierai de glisser un compliment sur l'Orchestre de Paris dans une notule sur la tragédie lyrique ou le théâtre d'Ibsen, voire sur un site consacré au point-de-croix, manière de voir si ça fonctionne aussi. :)

5. Le vendredi 29 juin 2012 à , par Ugolino Le profond

Les spambots n'ont-ils dont pas droit à l'amour, eux aussi ?

(Le livre de Merlin est très grand public, et on y a apprend rien sur le fond, mais il n'est constitué à 95% que d'anecdotes : c'est mal écrit, ca fait très "Voici des orchestres", mais dans le lot un certain nombre sont amusantes. Et en plus, dans des pages tout à fait jouissives pour le spambot pervers que je suis, il parvient à faire passer, sans qu'on ait besoin de lire entre les lignes, ses amis de l'Orchestre de Paris pour un orchestre arrogant, irresponsable et fainéant - comme quoi la totale dissimulation de la vérité n'est jamais possible. C'est un livre accablant pour la France (l'OP et l'OdP en particulier), et ca fait plaisir.)

6. Le samedi 30 juin 2012 à , par DavidLeMarrec

Bien sûr que si, mais l'amour porté à une mascotte n'est pas tout à fait de même nature que pour un être humain.

Ugolino, en substance :
Je fais le mal et je le fais bien.

Je ne doute pas que tu te réjouisses de ce genre de médisances, mais je ne peux pas vraiment en débattre avec toi : je fréquente moins de ces musiciens que toi... et je serai vraiment le dernier à défendre le caractère de certains musiciens de l'Orchestre de Paris...

J'irai jeter un oeil aux anecdotes révélatrices, on verra ! Merci !

7. Le lundi 2 juillet 2012 à , par antoine

Encore plus fort, quelques partitions contraignement le corniste à jouer deux notes simultanément!

8. Le lundi 2 juillet 2012 à , par DavidLeMarrec

... ce qui est formellement défendu par les Conventions de Genève.

9. Le lundi 2 juillet 2012 à , par Joël Riou :: site

Je vois que l'on s'amuse beaucoup par ici. (J'aurais bien fait un commentaire « utile » en proposant une vidéo de vuvuzela, mais je vois que cela a déjà été fait !)

10. Le lundi 2 juillet 2012 à , par antoine

Ce qui explique que par exemple Weber ait pu le faire puisqu'il composait bien avant la première convention chocolatée...

11. Le mercredi 4 juillet 2012 à , par Philippe

Etant moi-même corniste, il me semble que cette analyse de la propension du corniste à émettre des pains mérite d'être corrigée. L'instrument est très peu sensible aux variations climatiques (au pire il suffit de l'accorder s'il monte ou descend un peu) et l'eau dans l'instrument ne gêne pas l'émission du son (tout au plus peut elle générer un glougloutement s'il y en a trop).
La difficulté du cor tient essentiellement à sa tessiture et au fait que l'on joue dans les harmoniques hautes (par rapport aux harmoniques, le cor joue en gros une octave plus haut que la trompette). Or plus on monte plus les harmoniques sont rapprochées. Lors de l'attaque, il est donc très vite fait d'attaquer l'harmonique voisine qui, dans le medium/aigu peut se situer à un ton, un demi ton, voire moins.
Un autre facteur est la taille et la forme de l'embouchure. L'embouchure est sensiblement plus petite qu'une embouchure de trompette (alors que l'instrument est beaucoup plus grave), et minuscule à côté de celle d'un trombone qui a pourtant la même longueur. Enfin, l'embouchure à cuvette conique qui est à la base de la douceur et la rondeur du son du cor est aussi connue pour être plus difficile, surtout dans l'aigu.

12. Le mercredi 4 juillet 2012 à , par DavidLeMarrec

Merci beaucoup, Philippe, pour ce retour d'expérience très précis. Il diverge assez nettement d'avec les témoignages que j'avais pu recueillir, mais qui ne se situaient pas un tel degré de technicité !

Bonne soirée !

13. Le mercredi 4 juillet 2012 à , par antoine :: site

Sauf que pour l'aléa climatique, à l'extérieur en plein hiver comme le font souvent les militaires de la musique du même nom qui en plus marchent au pas, jouer subliment du cor est digne d'un numéro de cirque. Je résume : jouer dans les conditions de ce bidasse le concertino de Weber où il faut émettre deux notes en même temps (David, c'est une réalité musicale et non une plaisanterie, encore que son beauf en ait fait une), c'est un summum de l'art instrumental...

14. Le vendredi 6 juillet 2012 à , par DavidLeMarrec

Mais je vous ai complètement pris au sérieux, Antoine !

Les cuivrés que j'ai croisés étaient toujours assez nerveux à l'approche de l'hiver (soin de lèvres, chauffage de l'instrument...), même pour jouer à l'intérieur.

Et tout ça rien que pour de la musique, alors qu'il existe de très bons échantillonneurs MIDI, quelle perte d'énergie...

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