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vendredi 24 août 2012

Antonín Dvořák - Quatuor à cordes n°14


En réécoutant l'oeuvre, je suis frappé une nouvelle fois par ce Dvořák particulièrement inhabituel, assez hystérisant. On est très loin du folklorisme policé (voire formaliste), de ses autres quatuors. Même les 12e (l' « Américain » ) et 13e, qui offrent davantage de personnalité que les précédents, s'en tiennent à une forme de séduction qui repose essentiellement sur la mélodie - finalement plus proche du charme de la rhapsodie, malgré l'usage de formes-sonates très appliquées.

Le premier mouvement de ce Quatorzième Quatuor, au contraire, est d'un esthétique percussive, où les phrases semblent être poussées jusqu'à entrer dans un mur invisible, où les lignes jaillissent sauvagement, et évoque assez fort (n'était l'harmonie) la logique plus sombre et paroxystique du premier quatuor de Bartók. Si le deuxième mouvement se rattache complètement à l'esthétique du scherzo propre à Dvořák, imprégnée de folklore, mais d'un niveau d'inspiration assez haut pour son corpus, à rapprocher de l'emblématique Douzième, le troisième, lui, bien que d'un lyrisme assez romantique, multiplie les frottements de textures et d'harmonie, avec une tessiture très centrale assez étonnante - et alterne les épisodes presque galants avec des sections entières d'une noirceur très inhabituelle pour le compositeur. Le quatrième retourne dans des aspects folkloristes, mais assez jubilatoires - qui évoquent assez fort le final de la Sénérade pour cordes de Tchaïkovski ou le Souvenir de Florence.

Je n'ai pas forcément une vue assez vaste de l'offre (et pas une idée très exacte de ce qu'elle est), mais je peux attester d'expériences très positives avec les Vlach de Prague (Naxos), d'une grande sobriété (sans rondeurs indolentes ni effets apprêtés), ou au contraire, plus généreusement captée, les Alban Berg (EMI), beaucoup plus ronds et exaltés. Encore plus extraverti et contrasté, les Psophos (Orchard), captés dans un petit espace un peu reverbérant mais très précisément. Le résultat qui sonne un peu "en boîte" est un peu moins convaincant que pour les deux précédents (et je ne suis pas sûr d'adorer cette manière très accidentée dans un aussi studio), mais elle a la vertu de pouvoir s'écouter en intégralité, librement et légalement, sur MusicMe.

http://www.musicme.com/#/Dana-Ciocarlie/albums/Antonin-Dvorak:-String-Quartet-No.-14-&-Piano-Quintet-No.-2-0829410116565.html

Oh non



Le lied en français - XXII - Der greise Kopf (Winterreise n°14)


Et voici l'un des plus beaux poèmes du cycle (musique à l'avenant), un de ceux où l'émotion est vive pour le traducteur.

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Poème

Der greise Kopf / La tête chenue

Der Reif hatt' einen weißen Schein / Un froid reflet des blancs frimas
Mir übers Haar gestreuet ; / A couvert le front de ma jeune tête.
Da glaubt [1] ich schon ein Greis zu sein / J'ai cru [2] être un vieillard déjà,
Und hab' mich sehr gefreuet. / Et sentais mon coeur en fête.

Doch bald ist er hinweggetaut, / Hélas, le givre a tôt fondu,
Hab' wieder schwarze Haare, / Je reprends mes cheveux sombres,
Daß mir's vor meiner Jugend graut – / Et pleure mon âge perdu –
Wie weit noch bis zur Bahre ! / Si loin est donc ma tombe !

Vom Abendrot zum Morgenlicht / Du crépuscule à l'aube d'or,
Ward mancher Kopf zum Greise. / Les têtes deviennent blanches d'âge.
Wer glaubt's? und meiner ward es nicht / La mienne hélas ne l'est encore,
Auf dieser ganzen Reise ! / Au terme du funeste voyage ! [3]

Notes :
[1] Le texte original de Müller dit : « Da meint' ».
[2] Malgré l'hiatus, l'appui prosodique de « j'ai cru » me paraît plus solide que « je crus », et plus intelligible aussi. Evidemment, il est très facile de substituer l'un à l'autre, selon les affinités de chacun. Je dois avouer que j'hésite assez pour la partition.
[3] L'expression me paraît plus élégante qu' « Après ce sombre / long voyage », même si elle précise sensiblement l'allusion funèbre - qui n'est de toute façon pas hors sujet.

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Partition

Suite de la notule.

David Le Marrec

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