Carnet d'écoutes - Bruckner, la Huitième Symphonie pour orgue
Par DavidLeMarrec, mardi 23 octobre 2012 à :: Carnet d'écoutes - Disques et représentations - Domaine symphonique - Bons tuyaux et grandes orgues :: #2106 :: rss
Extraits ici.

En réécoutant encore cette symphonie (au demeurant celle que j'aime le moins chez Bruckner) dans la transcription pour orgue de Lionel Rogg, je suis frappé par le caractère à la fois vrai et faux de l'assertion qui décrit l'utilisation brucknérienne de l'orchestre comme fondamentalement organistique.
Je ne reviens pas sur les raisons de cette affirmation discutable, elles ont déjà été débattues ici même. Il ne s'agit pas vraiment de "pans" d'orchestre, comme on le dit souvent, mais plutôt de l'adjonction de registres. Donc, pourquoi pas à l'orgue, pourquoi ne pas revenir à la source de son inspiration ?
Pourtant (et la chose est fort logique), cela ne fonctionne pas. Du tout.
A l'orgue, il manque un effet essentiel de l'écriture orchestrale de Bruckner,
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A l'orgue, il manque un effet essentiel de l'écriture orchestrale de Bruckner, les effets de masse du crescendo. Même si son imaginaire est sans doute celui de l'orgue, il utilise les ressources de l'orchestre de façon infiniment plus souple qu'une « pédale d'expression » ne peut le faire. Les ruptures façon pianissimo subito sont aisément réalisables en changeant de clavier - pas les crescendos. Et cela rend le résultat complètement sans tension.
Pour que cela fonctionne, il faudrait sans cesse ajouter et retrancher des registres, pour modifier les couleurs et surtout les masses en permanence, avec la même facilité et la même immédiateté que dans un orchestre. Ce devrait être faisable, je serais curieux d'entendre ce résultat - même s'il manquera toujours les contrastes dynamiques fins entre pupitres, limités ici à deux dynamiques sur deux claviers. Mais en tout cas, la version Rogg passe tout à fait à côté de cet enjeu (et lasse très vite, dès le début du premier mouvement).
Considérer qu'on peut transposer Bruckner à l'orgue - et ce n'est pas faute de goûter le plaisir pervers des transcriptions insolites (à commencer par les brucknériennes) -, c'est méjuger du caractère profondément simple de cette musique (ou plus exactement, de cette expression musicale, l'analyse des partitions révélant des finesses techniques considérables). Sa jouissance se fonde en grande partie sur les contrastes entre effets de masse, sur la poussée de crescendos ou de tensions harmoniques, voire sur la simple réitération.
En tout cas, j'ai le sentiment, pour avoir été pendant de longues années assez tiède (en dehors des mouvements lents) sur les symphonies de Bruckner, tandis que j'ai toujours vénéré ses motets, d'avoir réellement accédé à ses beautés non pas lorsque je me suis penché sur les partitions ou sur la forme, non pas en partant en quête de l'interprétation idéale, mais tout simplement lorsque j'ai accepté les aspects primordialement acoustiques et physiques de son écriture. Contrairement à la plupart de ses auditeurs, la musique de Bruckner me paraît tout sauf intellectuelle.
Commentaires
1. Le jeudi 22 novembre 2012 à , par Cololi
2. Le samedi 24 novembre 2012 à , par David Le Marrec
3. Le dimanche 25 novembre 2012 à , par Cololi
4. Le dimanche 25 novembre 2012 à , par David Le Marrec
5. Le lundi 20 octobre 2014 à , par Diablotin
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