Faut-il avoir peur des musulmans ? - mauvaises réponses à mauvaises questions
Par DavidLeMarrec, vendredi 16 novembre 2012 à :: Vaste monde et gentils - Discourir :: #2128 :: rss
Le grand jeu, depuis longtemps, est de se faire peur avec l'islam, à coups de fantasmes démographiques et plastiques. Pour s'élever contre cela, deux types de discours existent, sur un principe totalement opposé. Et, à mon sens, seul l'un des deux est opérant - et ce n'est pas celui qu'on peut fréquemment lire ou entendre.
Méthode 1 : N'ayez pas peur des textes
La première méthode, de loin la plus répandue, consiste à dire que l'islam est intrinsèquement une religion de paix, égale à toutes les autres, parce que toutes les religions ne veulent que la paix et le bonheur, parce qu'au fond elles sont toutes bonnes, toutes vraies, toutes légitimes. Sauf les sectes bien sûr, qui sont toutes fausses, mauvaises et illégitimes.
Ainsi avais-je entendu Dounia Bouzar, anthropologue spécialiste de l'islam en France, multi-invitée des médias, déclarer (en substance) que :
La femme n'est pas inférieure à l'homme dans le Coran.
Je n'ai jamais pu retrouver la référence (il me semblait que c'était sur la chaîne parlementaire, mais impossible d'en retrouver la trace dans leurs archives), donc attribution avec les précautions nécessaires. Mais j'avais été très frappé d'entendre cette interprétation audacieuse.
Qui peut effectivement rassurer les honnêtes gens dans leurs chaumières. Ouf, toutes ces manifestations condescendantes ou haineuses des agités extrémistes ne sont que le fruit d'élucubrations de gourous non seulement manipulateurs et exaltés, mais surtout déviants par rapport à la Vérité exprimée par la Récitation.
Seulement, si l'on prend la peine de lire l'ouvrage, l'ambiguïté n'est pas possible. Ni sur le statut social :
Demandez le témoignage de deux témoins parmi vos hommes. Si vous ne trouvez pas deux hommes, choisissez un homme et deux femmes, parmi ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l'une d'elles s'égare, l'autre puisse lui rappeler. (2,282)
ni sur le statut économique :
Voici ce qu'Allah vous enjoint au sujet de vos enfants : au fils, une part équivalente à celle de deux filles. (4,11)
ni sur le libre arbitre :
Vos épouses sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme [et quand] vous le voulez et oeuvrez pour vous-mêmes à l'avance. (2,223)
ni même sur la volonté de Dieu :
Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu'Allah accorde à ceux-là sur celles-ci (4,34)
Ce sont tous des versets de sourates médinoises, mais je n'ai pas vérifié l'appartenance particulière de ces versets. Néanmoins, abrogés ou non, ils donnent clairement une tonalité générale, qui est celle d'un ouvrage juridique du VIIe siècle, assez logiquement.
On pourrait faire le même type de repérage sur le rapport aux autres religions (avec des versets assez disparates, entre taxation et décimation, mais globalement assez hostiles).
Conclusion : En agissant ainsi, c'est-à-dire en s'arrangeant avec le texte, on ne fait que renforcer la suspicion, puisque l'honnête citoyen profane va se dire qu'on lui cache en réalité la dangerosité profonde de ce culte. Plus que tout, c'est un manque de confiance assez choquant envers les individus de foi musulmane : il y a des tas de livres sacrés qui proposent des choses qui ne se font plus, pourquoi seraient-ils plus bas de plafond que les autres ?
Si bien que cette stratégie ne fonctionne que si les lecteurs / auditeurs restent dans leur ignorance.
Méthode 2 : N'ayez pas peur des pratiquants
La méthode inverse, malheureusement rare, appelle tout simplement à faire confiance aux personnes. Oui, le texte sacré a vieilli (plus ou moins bien selon les cultes, d'ailleurs) ; oui, il contient des préceptes inacceptables aujourd'hui. Mais les musulmans français ne lisant pas davantage le Coran en entier que les chrétiens le Deutéronome (pas plus pacifique au demeurant !), ils ne vont pas se comporter comme s'ils appliquaient à la lettre le moindre précepte, sans égard pour la société dans laquelle ils vivent.
Ainsi Tareq Obrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, disait-il en substance :
Les musulmans sont jugés à l'aune du Coran, mais ils ne ne le lisent pas.
On pourrait ajouter à cela que même s'ils le lisent, et malgré son statut singulier de parole divine littérale, rien ne les oblige à s'y conformer en contradiction avec la société et leur conscience - ce premier élément est aussi largement développé par Tareq Obrou.
Evidemment, cela réclame un peu de courage, parce qu'il faut prendre le temps d'exprimer la complexité, ce qui veut dire prendre le risque d'être accusé d'être un mauvais musulman ou un détracteur raciste qui insinue la haine à partir du discrédit porté sur les textes.
Pourtant, cette approche est au bout du chemin infiniment plus puissante. Je lui vois trois avantages :
- Elle est plus honnête. Elle ne prend pas les gens pour des crétins illettrés, et elle accepte de décrire le texte sacré comme il est.
- Elle est plus rassurante. Les musulmans sont peut-être d'autant plus sages si, avec un texte qui a davantage vieilli que d'autres, ils ne l'appliquent qu'avec discernement.
- Elle est plus sympathique. Elle professe une confiance non pas dans les textes (quelle confiance un non-croyant peut faire à des textes dont il ne reconnaît pas l'origine divine ?), mais dans les hommes.
J'ai bien conscience que le raisonnement est un peu subtil pour être développé en vingt secondes en guise de commentaire à un micro-trottoir du vingt heures, mais tout le monde gagnerait à l'adopter, plutôt que de propager l'ignorance, le mensonge - et donc, fort logiquement, la défiance.
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Ajouter un commentaire