Fake
Par DavidLeMarrec, mardi 1 octobre 2013 à :: Citations passantes - En passant - brèves et jeux :: #2324 :: rss

En faisant mes devoirs autour de quelques standards (semi-)populaires de la littérature mondiale (1,2,3,4,5), je démasque bravement les impostures.
He noticed then that subtle background music hung over the lounge. It had been there all this time. The same as on the chopper. “Dies irae, dies illa,” the voices sang darkly. “Solvet saeclum in favilla, teste David cum Sybilla.” The Verdi Requiem, he realized.
[...]
“Quantus tremor est futurus,” the voices sang. “Quando judex est venturus, cuncta stricte discussurus.”
[...]
“Tuba mirum spargens sonum,” the voices sang. “Per sepulchra regionum coget omnes ante thronum.”
[...]
“Mors stupebit,” the voices sang. “Et natura, cum resurget creatura, judicanti responsura.” They sang on and on.
Soit, dans une rapide traduction :
Il remarqua alors la musique de fond qui pesait subtilement sur le salon. Elle jouait depuis le début. La même que dans l'hélicoptère. « Dies irae, dies illa », chantaient des voix sombres. « Solvet saeclum in favilla, teste David cum Sybilla. » Le Requiem de Verdi, se dit-il.
[...]
« Quantus tremor est futurus », chantaient les voix. « Quando judex est venturus, cuncta stricte discussurus. »
[...]
« Tuba mirum spargens sonum », chantaient les voix. « Per sepulchra regionum coget omnes ante thronum. »
[...]
« Mors stupebit », chantaient les voix. « Et natura, cum resurget creatura, judicanti responsura. » Et elles poursuivaient inlassablement.
Choix d'une musique au fort pouvoir de suggestion, petit effet de climat fort sympathique, soigneusement réalisé dans l'ordre du Dies irae... néanmoins, tous les auditeurs un peu réguliers ou attentifs du Requiem de Verdi noteront que Philip K. Dick n'est pas des leurs : « Mors stupebit » est un solo de basse, sans chœur. Dans un roman consacré à l'illusion, l'auteur lui-même se fait passer pour cultivé par un grossier tour de passe-passe.
Ça n'a évidemment aucune espèce d'importance, mais le procédé est amusant : on pourrait croire que pour ressentir le besoin de préciser de quel Requiem la musique est tirée (sans parler du symbole fort de la musique du passé persistant comme référence jusque dans les institutions technologiques d'un roman de science-fiction, comme un acte de foi de mélomane), l'auteur aurait cédé à une impulsion admirative forte... Combien de littérateurs se sentent obligés d'écrire (plus ou moins maladroitement) sur leurs musiques préférées ! Mais apparemment, il s'agit ici davantage d'un simple « effet de réel » (un peu imprécis), d'autant plus étonnant que la principale faiblesse dudit roman (Ubik) réside précisément dans le manque d'ancrage – l'identité du monde décrit ne se stabilise vraiment qu'aux deux tiers de l'ouvrage. Ou alors Dick a l'habitude d'écouter de la musique très distraitement, en ambiance, comme ses personnages dans la maison de semi-vie.
Ce n'est donc pas l'erreur en elle-même (sans gravité ni intérêt, réellement) que les questions qu'elle soulève sur la raison de la précision, et potentiellement les « ficelles » de l'écrivain...
Peut-être rien du tout, d'ailleurs.
Commentaires
1. Le mercredi 2 octobre 2013 à , par Clarisse
2. Le mercredi 2 octobre 2013 à , par DavidLeMarrec
3. Le mercredi 2 octobre 2013 à , par Thomas Savary :: site
4. Le mercredi 2 octobre 2013 à , par DavidLeMarrec
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