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Trios de Théodore GOUVY et Lucien DUROSOIR (Trio Hoboken)


Au Salon d'honneur des Invalides, trois chefs-d'œuvre (rien de moins) du trio avec piano :

=> Deux premiers mouvements de Théodore Gouvy, un jeune romantisme généreux, avec un mouvement lent très beethovenien – assez parent de ceux des trios Op.11 ou Op.97 –, mais déjà inscrit dans la période ultérieure. De belles structures, de belles figures mélodiques, un ensemble à la fois dense (de belles states dans le premier mouvement) et varié.

=> Le capiteux et diaphane Trio de Maurice Ravel, dont les desccriptions, présentations et exécutions ne feront jamais.

=> Et, chose étonnante, le Trio en si mineur de Lucien Durosoir pour clore le programme, au lieu du tube de la soirée... disposition qui tient toutes ses promesses.
Le premier mouvement travaille une thématique fugace de motifs sans cesse présents, comme autant de balbutiements mystérieux qui affleurent et disparaissent.
Le mouvement lent est encore plus beau s'il est possible, dans une veine mélodique paradoxale (sorte d'antimélodie très identifiable, un peu comme pour le mouvement lent de la Sonate pour piano de Barber), qui s'anime par deux fois dans des harmonies très audacieuses et dissonantes, à comparer avec les mouvements centraux du Quintette avec piano de Koechlin.
Le troisième et dernier mouvement s'approche du style de la Seconde Sonate pour violon et piano de Roussel : une sorte de contrepoint libre, où des enchaînements très complexes défilent à toute allure ; un pendant plus tourmenté de la manière de Ravel dans son Trio, précisément.


L'acoustique est très défavorable au Fazioli joué par Jérôme Granjon (on peine à percevoir les détails, et on ne reçoit qu'une forme de bruit englobant), mais tous semblent plus à l'aise dans le Durosoir (qu'ils ont sans doute beaucoup travaillé pour leur bel enregistrement chez Alpha), et ont vraisemblablement dû s'adapter au son du lieu après le petit entracte : il n'y a plus de problème d'équilibre et de détail à ce moment-là.

Au fil de la soirée, je suis de plus en plus impressionné par les musiciens, en particulier violoniste (Saskia Lethiec) et violoncelliste (Éric Picard), les circonstances rendant le piano plus lointain, moins précis dans les articulations (telles que jouées ou telles que perçues une fois déformées, je suis incapable de le dire). Toujours tendus, « entrant » dans la corde avec une ardeur assez enivrante...

Le gain de la proximité est aussi inestimable quand on a pris l'habitude d'écouter de la musique dans de grandes salles, ce qui est un non-sens. La proximité du grain, surtout avec des instrumentistes aussi engagés, apporte une plus-value inestimable.

Même dans des circonstances aussi propices, je n'avais pas entendu de concert chambriste aussi impressionnant (et pas seulement à cause du programme merveilleux) depuis des années, avant même mon exil parisien. Il doit falloir remonter à 2008 et à la dernière fois que j'ai vu le Quatuor Quiroga (Arriaga n°3 et l'Octuor de Mendelssohn), soit un bon lustre.

Si le Trio Hoboken continue à donner des programmes dans ce goût-là (et donc à se produire, les pauvres, devant des salles peu remplies –– et en matière de renouvellement des publics, cette fois, il devait y avoir trois spectateurs en-dessous de 60 ans, sur quelques dizaines de personnes), il me retrouveront très bientôt !

Il existait déjà les Trios n°3 et 4 de Gouvy chez Orfeo (Münchner Klaviertrio), ainsi que le Quatrième par le Trio Werther (couplé avec le Premier de Benjamin Godard) ; par ailleurs l'ensemble Voces Intimæ vient de publier les n°2,3 et 4 chez Challenge Classics, à la suite de la rétrospective Bru Zane.

Il existe trois disques de musique de chambre de Durosoir chez Alpha (dont le Trio par les mêmes Hoboken). Il faut en particulier entendre le Deuxième Quatuor, où l'on retrouve le même goût des ostinati et des atmosphères voilées. Et le mouvement lent retrouve des qualités comparables de lyrisme paradoxal.


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Commentaires

1. Le mardi 26 novembre 2013 à , par phc :: site

Il est vrai que le Trio de Durosoir est très beau ! Je l'ai découvert récemment, par l'intermédiaire de son fils Luc...

2. Le mercredi 27 novembre 2013 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir Philippe !

Oui, les Durosoir font de l'excellent prosélitisme !

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