Corneille – Sophonisbe – Jaques-Wajeman (aux Abbesses)
Par DavidLeMarrec, samedi 30 novembre 2013 à :: Saison 2013-2014 - Au théâtre :: #2359 :: rss
Tiré du fil de la saison :
Moins de bizarreries et de forçages du texte ici (que dans Pompée), et de toute façon une pièce considérablement plus vertigineuse, où les indécidables affrontements rhétoriques voisinent les sommets de Cinna – l'ordre de visite dans notre calendrier n'était pas fortuit. Je suis surtout frappé par la disparité de traitement du vers selon les comédiens : certains réalisent soigneusement les diérèses pour scander régulièrement le vers, d'autres le prononcent à la moderne. Ce n'est pas une question de joliesse et de naturel, mais vraiment de comédien, individuellement : certaines difficultés ne sont pas éludées, et les mêmes mots subissent des traitements différents – tels « violence », « précieux », et même le nom de Lélius, tantôt « Lélyusse », tantôt « Léliyusse » ! Comme pour Pompée, certains acteurs semblent mieux dirigés (ou plus inspirés ?) que d'autres – Pierre-Stéfan Montagnier (Syphax) semble toujours aussi embarrassé de ses mains, usant d'un geste unique répété à la glassienne dans les moments d'emphase, sorte d'arpège visuelle unique dont la nudité s'affiche jusqu'à l'écœurement. Comment le metteur en scène n'intervient-il pas pour habiller ce type de désarroi, a fortiori quand il affleure seulement chez un acteur, et dans les deux pièces ?
Cela m'évoque des expériences en ensemble amateur, l'une vécue, l'autre vue, où l'on se rend compte au bout d'un moment que l'un des continuiste respecte l'inégalité rythmique sous-entendue tandis que les autres jouent régulièrement, et, plus fort, un orchestre où le premier violoncelliste se rend compte, au bout d'un quart d'heure de répétition du mouvement lent, qu'il ne joue pas la même partition que les autres (le chef n'avait rien remarqué). Chez des professionnels, et pour une chose aussi simple que la correction du vers et la cohérence des noms des personnages (une seule prononciation commune...), en plus en fin de série, je me demande vraiment comment se sont déroulées les répétitions !
Sinon, malgré le style hétéroclite (et cela ne se limite vraiment pas à la seule scansion !), pas mal de satisfactions dans la distribution : la voix très douce (très peu éclatante hors des cris) d'Aurore Paris (Sophonisbe), la stature admirable, la présence sonore et le naturel du vers (où la rime est par ailleurs plus audible qu'en Achorée) de Bertrand Suarez-Pazos (Massinisse), et la bonne surprise de Marc Arnaud (Lélius), guère aimé en Photin minaudant, et ici d'une sobriété olympienne très réussie.
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