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Répertoire à l'Opéra de Paris — Saison 2015-2016 : grand répertoire, Regietheater et glottophilie


Cette année, pas de fuite majeure (même si les glottophiles les plus acharnés auront forcément déjà reconstitué la saison en écumant un à un les agendas d'artistes lyriques)… mais un dévoilement toujours plus tôt de la saison. C'était aujourd'hui. Le site n'est pas encore mis à jour, mais la programmation d'opéra complète, avec les dates et les distributions, est déjà proposée sur l'excellent site de données (francophone, malgré les apparences) Opera Online (sorte d'Operabase un peu moins exhaustif mais un peu plus disert).
En bas de la page, on peut accéder à tous les titres mis en scène et à leur détail. Le ballet et les concerts restent à publier, et devraient être accessibles dans la journée sur le site de l'institution.

C'est peut-être simplement encore une saison de transition (forcément un certain nombre de reprises), mais on peut y percevoir quelques tendances fortes.

¶ Deux véritables raretés :

Moses und Aron de Schönberg, d'abord promis à Chéreau, et finalement dévolu à Castellucci en raison du déménagement extrastellaire du premier. Double radicalité, puisque l'audace du metteur en scène devra s'appliquer à l'une des œuvres les plus monumentales du répertoire (en nombre d'exécutants comme en nombre d'informations musicales), mais aussi parmi les plus difficiles. Une œuvre maniant à la fois le sérialisme et le sprechgesang. Schönberg est l'un des rares à pouvoir en tirer un certain lyrisme, de belles couleurs, et même un certain sens dramatique, malgré l'inachèvement (quel sera l'état choisi de la partition ?)… toutefois ce n'est tout de même pas une œuvre particulièrement évidente ou accessible. En faire le début du nouveau mandat et l'associer à un metteur en scène célèbre aussi chez les spectateurs de théâtre devrait aider à ne pas trop malmener la billetterie ;
Lear d'Aribert Reimann, un opéra dans le goût des années 70, qui a surtout dû à l'implication de Fischer-Dieskau qui en a généreusement fait la promotion… l'œuvre m'a toujours paru très représentative de son époque, cherchant dans une forme aride la profondeur qu'elle ne trouve pas dans la prosodie ou son rapport à la scène. Je tâcherai néanmoins d'essayer si j'ai le temps, peut-être que la scène me fera changer d'avis — néanmoins, ce n'est pas, musicalement, l'esthétique qui renouvellera l'opéra (puisque, précisément, cette esthétique se prête plutôt mal à ce genre-ci).

¶ Probablement à l'Amphithéâtre, une récente création de _Joanna Lee, traduite en français (The Way Back Home devenant Vol retour), interprétée par les solistes de l'Atelier Lyrique. Et puis Iolanta de Tchaïkovski, qui est certes assez peu fréquente, mais semble s'imposer de plus en plus sur les scènes, avec pour point culminant la récente tournée Netrebko (avec à la clef une vidéodiffusion du Met probablement convertie en DVD dans un avenir proche, et un disque tout récemment paru chez DG avec la merveilleuse association Villaume-Philharmonie Slovène. L'œuvre a été donnée il y a deux ans à Pleyel, et ce n'est pas la plus spectaculaire de Tchaïkovski (même si le concept est apparemment de la bidouiller en incluant bouts de Casse-Noisette), j'aurais plutôt aimé qu'on ose enfin l'Enchanteresse… Mais cela reste plutôt un renouvellement dans la programmation.

¶ Pour le reste, uniquement du grand répertoire : Platée (devenu un standard), Don Giovanni, Il Barbiere di Siviglia, L'Elisir d'amore, Rigoletto, La Traviata, Il Trovatore, Die Meisersinger, Madama Butterfly, Der Rosenkavalier, Capriccio, A kékszakállú herceg vára, La voix humaine (ce doit être donné deux fois par an à Paris !). Quasiment que des titres que j'adore, et que je verrais ou reverrais avec plaisir… mais ça ressemble davantage à une saison à l'Opéra de Vienne qu'au modèle généralement plus dépareillé des saisons parisiennes.
À part de l'italien et de l'allemand, quasiment rien — de toute façon, Lissner a prévu, sa programmation ne sera pas « chauvine »… Évidemment, il ne faut surtout pas programmer les titres qu'on est les seuls à posséder dans sa bibliothèque et pour lesquels on dispose du vivier de chanteurs possédant le style et l'aisance linguistique, ce serait quasiment du suprématisme que de montrer aux autres qu'on peut bien faire de l'opéra français.
Mais sinon, indubitablement, que des grandes œuvres.

¶ Le concept semble manifestement de proposer au public les titres qu'il veut entendre, tout en convoquant la fine fleur du Regietheater à succès : Herbert Wernicke, Claus Guth, Calixto Bieito, Àlex Ollé, Alvis Hermanis, Stefan Herheim, Krzysztof Warlikowski, Romeo Castellucci, Dmitri Tcherniakov… tous les noms des metteurs en scène aventureux à la mode, depuis les gentils anthracite comme Wernicke (enfin, ce qu'il en reste) jusqu'aux méchants profanateurs comme Walikowski, Castellucci et Tcherniakov, en passant par des gens inégaux mais plus fins et dotés de leurs grands jours comme Guth, Bieito, Hermanis ou Herheim.
Je n'ai rien contre le Regietheater en vidéo, c'est même souvent stimulant, plutôt que de voir l'œuvre confite dans les mêmes schémas à l'infi, mais j'avoue que lorsque je me déplace, je n'aime pas trop le faire les yeux fermés pour découvrir que, comme pour Król Roger, Warli a décidé que l'œuvre ne l'intéresserait pas et qu'il raconterait autre chose. J'apprécie d'être bousculé, mais quand ça met en valeur l'œuvre (Bieito fait ça très bien dans ses bons jours), pas quand il s'agit de tout refondre dans une sorte de happening théâtral informe… généralement inférieur à l'œuvre de départ. Il est vrai que dans le milieu du théâtre d'où proviennent beaucoup de ces gens, le produit final n'est pas l'œuvre de l'auteur, mais ce qu'on voit sur scène, et il est sûr que ça change tout.
Sauf que dans le cas de l'opéra, le public se déplace tout de même avant tout pour la musique ; une musique dramatisée, certes, mais qu'on ne peut pas malmener impunément. C'est plus délicat à traiter qu'un texte qu'il suffit d'amender, de couper, de réorganiser. Et parfois, se sentant trop à l'étroit, certains sont tentés de tout casser.
Donc, en ce qui me concerne, c'est une demi-bonne nouvelle : de l'ambition scénique est toujours bienvenue, mais vu le défilé de noms à la mode, on peut craindre l'ambition de « faire du théâtre » au détriment du reste.

¶ Mais pour faire bonne mesure, on cherche à faire plaisir au mélomane. Pour chaque titre, que des noms très célèbres, ceux qui passent à la télé en France ou occupent les premiers rôles sur les scènes les plus prestigieuses du monde : Fuchs, Hannigan, Kurzak, Yoncheva, Jaho, Agresta, Dasch, He, Netrebko, Pieczonka, Harteros, Dyka, Moser (Edda !!), Garanča, Gubanova, Semenchuk, Zaremba, Beczala, M. Álvarez, Alagna, Kaufmann, Domingo, Skovhus, Degout, Tézier, Lučić, Finley, Terfel… et plutôt adéquatement utilisés pour une fois, dans des rôles où ils devraient effectivement mettre en valeur leurs qualités — enfin, la Maréchale confiée à l'expressivité bovine de Harteros, heureusement qu'il y aura Kaune en alternance !
Si bien que tout le monde peut être satisfait : ceux qui veulent du théâtre, ceux qui veulent des stars, ceux qui veulent de bonnes voix bien adaptées… Ce ne sera pas le lieu de prise de risque pour de nouveaux talents, mais on en remarque quelques-uns à la marge : Daniel Sindram, Benjamin Bernheim, Simone Piazzola… Plus quelques gens qui font déjà de grandes carrières mais qu'on voit trop peu à Paris : Julia Kleiter, Michael Kaune, Brandon Jovanovich, Martin Gantner dans de premiers rôles.
Même pour les reprises, un soin tout particulier est apporté aux noms apposés sur l'affiche. Très peu de techniciens fragiles, mais aussi très peu de gens obscurs. [J'aurais bien voulu un Faust de Berlioz dans un français châtié avec Antonacci, Bernheim et Duhamel plutôt que Koch-Kaufmann-Terfel, mais force est d'admettre que ça fait quand même très envie.]

En ce qui me concerne ? Dans la mesure où il y a d'autres maisons pour faire des découvertes, et où l'offre est pléthorique dans d'autres domaines qui m'intéressent (avec la fermeture de l'Opéra-Comique et du Châtelet, une saison pour la musique de chambre ?), je ne me plains pas. J'irai sans doute voir les deux raretés Moïse et Lear, plus quelques autres au gré de mes envies : la Damnation, les Maîtres, le Chevalier à la Rose, peut-être le Trouvère… Il sera probablement assez facile d'organiser la saison, vu que si tout fait plus ou moins envie, rien n'est tout à fait incontournable non plus — rien qu'on ne puisse revoir à un autre moment.

Ensuite, sur l'ambition de faire de Paris « la première maison du monde », il manque quand même un brin de quelque chose, ce qui donnerait une personnalité, ce qui permettrait d'entendre des choses qu'on n'entend pas ailleurs. Je ne dis pas qu'il ne faudrait que des voix françaises claires dans des titres français inédits, mais un ou deux par saison, ça ferait probablement la différence, le fait qu'il faut aller à Paris pour entendre quelque chose de différent, et pas un miroir de Vienne, du Met ou de Londres.
Sur le plan des distributions en revanche, il est sûr que c'est du premier choix — qu'il faut sans doute compenser par le remplissage assuré de titres vendeurs, je suppose.


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Commentaires

1. Le mercredi 4 février 2015 à , par DavidLeMarrec

… bien, apparemment, suppression des concerts à l'Amphi (ou est-ce que ce sera annoncé plus tard ?). Juste 4 concerts symphoniques (dont 3 à la Philharmonie), 5 récitals de stars sans programme (lied ou airs ?), et 4 midis musicaux à Garnier. Ça change sévère.
Certes, une maison d'Opéra est avant tout faite pour l'opéra, et tout le monde le lui pardonnera si la programmation principale est bonne, mais tout de même, la rupture est brutale.

2. Le mercredi 4 février 2015 à , par Diablotin :: site

C'est marrant, je n'ai jamais trouvé Moses und Aron d'un accès particulièrement difficile pour ma part, tant l'alternance entre moments de vrai intimisme et passages plus éclatants est bien réussie.
Certes, c'est souvent en sprechgesang et d'un formalisme serré et abouti, mais ça n'en reste pas moins relativement accessible, me semble-t-il.

3. Le mercredi 4 février 2015 à , par DavidLeMarrec

Pour une œuvre sérielle rigoureuse, non, effectivement, il y a du drame et beaucoup d'hédonisme dans les timbres, même du lyrisme…

Je voulais surtout dire qu'il manquait une niche d'œuvres neuves et faciles d'accès… soit du contemporain dans un langage accessible (Daniel-Lesur, Landowski, compositeurs pour film…), soit des œuvres peu courues mais susceptibles de plaire à tout le monde : un Salieri, un Meyerbeer, un Reyer, un R. Strauss rare… des choses susceptibles de s'imposer durablement. Schönberg, surtout dans une vision radicale de Castellucci, ça ne sera pas remonté de sitôt, je suppose. Idem pour Lear.

(Le Roi Arthus non plus, tu me diras…)

4. Le jeudi 5 février 2015 à , par Faust

Je vous trouve - pour une fois ! - plutôt bienveillant à l'égard de Lissner. Côté chefs d'orchestre, hormis Salonen et Metzmacher, je ne vois rien de bien exaltant. On va retrouver Jordan que, personnellement, je n'ai jamais trouvé passionnant, notamment dans Wagner et Strauss.

Oserai-je rappeler que sur le papier la Tétralogie de Lissner à Aix avait l'air plutôt pas mal. Le résultat final fut assez moyen.

Le Moses avait été repris trois saisons de suite par Liebermann lorsqu'il l'avait produit à son arrivée à l'opéra de Paris en 73-75. IL était dirigé par Solti et Rosenthal. Liebermann l'avait fait traduire en français par Antoine Goléa. Il n'a pas été repris ensuite, explique Liebermann dans son ouvrage sur ses saisons à l'opéra de Paris, parce qu'il était précédé de séances de présentation qui s'étaient heurtées à une grève du personnel ... Je n'ai pas vu cette production. Par contre, j'avais vu Lear que j'avais trouvé assez aride.

Il y quelque chose que je trouve étrange, c'est la reprise du Don Giovanni de Haneke que je range volontiers parmi les pire choses de l'ère Mortier (je précise que je l'ai vu avec Cambreling dans la fosse ...).

Mais, je n'ai fait que survoler le programme en me faisant aussi la même remarque que vous. Le programme à l'amphi semble avoir disparu !

5. Le jeudi 5 février 2015 à , par Ugolino le profond

David,

Tu parlais sur l'autre forum de prendre des oeuvres de littérature célèbres pour ramener le public vers l'opéra contemporain : Lissner a annoncé un "cycle de trois créations mondiales "autour de la littérature française"" pour 2016-17.

Rien qu'à penser aux compositeurs et aux titres qui seront choisis, j'en frémis d'avance.

Moises und Aaron est effectivement relativement facile d'accès, c'est bourin et pompier comme il faut (et un peu fatiguant, même si à voir en concert une fois), et ne me paraît pas être une rareté puisque l'oeuvre a le vent en poupe depuis quelques années.
Quant à Lear, ça doit être un autre geste envers nos "amis allemands", qui jouent régulièrement l'oeuvre... Enfin, effectivement, Lissner ne fait pas dans le provincialisme : ses deux raretés sont allemandes et sentent le grenier sériel.

C'est vraiment la saison du consensus mou friqué.

6. Le samedi 7 février 2015 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Faust !


Lissner

Je vous trouve - pour une fois ! - plutôt bienveillant à l'égard de Lissner.

Pas bienveillant (Lissner incarne assez exactement le genre de consensus chic – il vénère Janáček ! – qui n'a pas vraiment ma faveur : j'ai plus de tendresse pour l'audace qui ne cherche pas à se justifier par des arguments extra-musicaux), mais je crois avoir sincèrement essayé l'impartialité.

Il faut bien admettre que, s'il y a peu de titres originaux (hallucinant de voir les titres proclamer son audace, les journaux répètent ses éléments de langage comme avec Mortier !), les œuvres choisies sont quasiment toutes parmi les grandes réussites du (grand) répertoire, et dans des distributions non seulement prestigieuses mais très adéquates (les deux allant rarement de pair).
Bien sûr, on m'aurait demandé mon avis, j'aurais mis Borras et Duhamel dans la Damnation plutôt que Kaufmann et Terfel, mais je ne vais pas bouder mon plaisir d'entendre ces deux-là, même si leur import dans une œuvre française à destination de francophones peut toujours se contester.

Le plus discutable se situe, outre la suppression des riches Convergences (mais il faut bien chercher les sous quelque part pour ces plateaux, on le lui pardonnera si son cœur de métier est réussi), chez les metteurs en scène… Le renouvellement a toute sa ma sympathie, mais le bavardage scénique sans rapport avec les œuvres, beaucoup moins. Or c'est un peu le fonds de commerce de Tcherniakov (que j'aime quelquefois) ou Warlikowski. Pour les autres, c'est généralement moche mais souvent stimulant, tout de même.

Chefs

Côté chefs d'orchestre, hormis Salonen et Metzmacher, je ne vois rien de bien exaltant.

Si, quand même : Minkowski, Callegari, Lombard, Luisi… s'il y a bien des chefs passionnants actuellement… Et puis Altinoglu, toujours très bon lui aussi. Ça fait déjà pas mal : ce sont surtout les Italiens qui sont distribués à des chefs spécialistes de la fosse belcantiste ou verdienne (Oren, Morandi, Mariotti, Luisotti, Sagripanti, Renzetti, Rustioni), qui ne sont pas forcément médiocres à défaut d'être fulgurants ou célèbres ; accompagner discrètement et souplement des chanteurs est un métier en soi, très différent de celui du chef symphonique ou même du chef de fosse dans Mozart ou Wagner.

On va retrouver Jordan que, personnellement, je n'ai jamais trouvé passionnant, notamment dans Wagner et Strauss.

Il faut l'entendre en fin de série ! Autant au début, c'est souvent mou et pas très en place, autant à la fin, sans être vigoureux non plus (les angles durs, ce n'est pas son genre), c'est en général un festival de couleurs. Vraiment, j'insiste, ça change tout !

Par ailleurs, reconduire Jordan est un très bon choix (même si on aurait peut-être pu, initialement, viser plus haut) qui permet d'asseoir une continuité dans le travail de l'orchestre, ce qui n'avait pas été le cas dans les années Mortier (Cambreling n'étant pas tout à fait officiel), et n'avait pas été le cas pour le meilleur dans les années Gall, avec Conlon qui était tout de même un quatrième couteau…

Oserai-je rappeler que sur le papier la Tétralogie de Lissner à Aix avait l'air plutôt pas mal. Le résultat final fut assez moyen.

Ça, ce n'est pas vraiment de la faute de Lissner : la chimie, on ne la mesure qu'après l'avoir mise en œuvre. Que Braunschweig soit aussi peu électrisant, ce n'est pas souvent — encore que j'aie beaucoup aimé, moi, mais il y avait clairement des moments de vide.
Et puis Rattle-Berlin, ça reste Rattle-Berlin, avec des qualités instrumentales intouchables et une inspiration qui n'est pas toujours la plus haute du marché.


Moses & Lear

Le Moses avait été repris trois saisons de suite par Liebermann lorsqu'il l'avait produit à son arrivée à l'opéra de Paris en 73-75. IL était dirigé par Solti et Rosenthal. Liebermann l'avait fait traduire en français par Antoine Goléa. Il n'a pas été repris ensuite, explique Liebermann dans son ouvrage sur ses saisons à l'opéra de Paris, parce qu'il était précédé de séances de présentation qui s'étaient heurtées à une grève du personnel ... Je n'ai pas vu cette production.

Solti et Rosenthal, à en juger par le studio du premier et le Strauss du second, ça fait extrêmement envie.

Par contre, j'avais vu Lear que j'avais trouvé assez aride.

Ça l'est ; vraiment représentatif de l'idéal anti-beauté et anti-facilité de ces années – carrefour de plein de biais idéologiques… J'essaierai de tenter tout de même, on n'a pas si souvent des créations, ni si généreusement servies.


Haneke & Convergenes

Je n'ai pas vu le Don Gio de Haneke — ni le nom, ni le concept ne me tentent, mais les extraits aperçus ont l'air fort valables sur le plan de la direction d'acteurs. Pas toujours fonctionnel, mais manifestement il se passe quand même des trucs (un peu plus que dans la pétrification du legs de Strehler, dont un des principes était pourtant la mobilité…).
Par ailleurs, Don Giovanni fait toujours salle comble quelle que soit la mise en scène, pas la peine d'investir (et le nom de Haneke peut attirer des gens).

À l'exception de l'opéra contemporain joué par l'Atelier Lyrique, oui, j'ai eu confirmation de la disparition de la saison de l'Amphi Bastille !

7. Le samedi 7 février 2015 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir Ugolino,


Créations mondiales & littérature française

Tu parlais sur l'autre forum de prendre des oeuvres de littérature célèbres pour ramener le public vers l'opéra contemporain

Pas tout à fait de cette façon, je précise : je mentionnais des possibilités pour attirer du public externe, autres que le blabla généraliste et la provocation à la petite semaine pour avoir une bonne note dans les Inrocks. Ça peut passer par le langage des œuvres (un opéra au langage « cinématographique » de temps en temps, quitte à ce qu'il soit moyen, ça rassurerait pas mal de monde sur la création contemporaine… et moyen, c'est toujours meilleur que les trucs ennuyeux, inadaptés ou mauvais qui sont largement la norme) ou par le sujet.

Je prenais l'exemple du Grand-Théâtre rempli à Bordeaux, pourtant une terre où Bartók et Schönberg sont déjà hors des bornes, pour une adaptation de Mauriac (localisme). Certes, ce ne fut pas du tout un triomphe, mais beaucoup de gens, quoique perplexes à la fin, avaient fait le déplacement et entendu de l'assez bonne musique.

Évidemment, quand je disais prendre des œuvres célèbres de la littérature, c'était des choses fédératrices : L'Île au Trésor, Les Misérables, Anna Karénine… Effectivement, quand Lissner va nous commander des opéras d'après Angot ou sur la vie de Modiano, ça risque d'être moins opérant dramatiquement. Même si on embauche Aboulker ou le compositeur de la BO de Bambi.


et ne me paraît pas être une rareté puisque l'oeuvre a le vent en poupe depuis quelques années.

Tout dépend ce qu'on appelle rareté effectivement. En France, ce n'est jamais donné. À l'échelle des productions en Europe et du nombre d'intégrales discographieques, en effet, c'est tout sauf une rareté absolue.


Quant à Lear, ça doit être un autre geste envers nos "amis allemands", qui jouent régulièrement l'oeuvre... Enfin, effectivement, Lissner ne fait pas dans le provincialisme : ses deux raretés sont allemandes et sentent le grenier sériel.

Je n'osais pas le dire ainsi, mais c'est un peu l'effet que ça produit : les seules œuvres un peu originales ne ressemblent pas tant à des découvertes plaisantes susceptibles de séduire le public, voire de s'imposer au répertoire, mais plutôt à une sorte d'obligation pesante de jouer du patrimoine abscons pour bien montrer que l'opéra, ça ne rigole pas.


L'avantage, avec mes goûts de midinette, c'est que je peux aussi me consoler en allant voir le Trouvère… Pour toi, je compatis davantage, mais l'Europe est à toi.

8. Le samedi 7 février 2015 à , par Ugolino le profond

J'avais bien compris que ce n'était pas tout à fait comme cela que tu l'entendais, mais en l'attente des noms des compositeurs et des oeuvres adaptées choisies, on peut toujours espérer... ou pas.
Après, je suis tout à fait pour faire jouer à l'opéra de Paris des titres contemporains plus accessibles. Sans se mouiller, l'opéra de Paris aurait pu reprendre Dead Man Walking de Jake Heggie, gros carton international qui n'est pas de la grande musique et est même parfois de la soupe, mais qui contient aussi de vraie belles choses et se goûte comme un bon film hollywoodien (pas vu son dernier, Moby Dick, qui a bonne réputation). Et puis, rien que pour les cris de vierges effarouchées venant des arrière-avant-gardes si un truc du genre était programmé, ca vaudrait le coup.
Et même dans les opéras qui sont autre chose que du mathématico-post-spectralo-sérielo-situationisme-anti-théâtral, il y a du choix, et du bon (un jour, une fois qu'il aura été joué en Papouasie et en Corée du nord, on jouera Brett Dean en France).

Si je peux me permettre, tu devrais faire un billet : "à quoi confier les trois opéras sur des oeuvres françaises des saisons à venir de l'opéra de Paris (et à qui ils seront probablement confiés) ?" Histoire de comparer nos idées avec la réalité l'an prochain, et de rire.

PS : La disparition de Convergences est une honte. C'était le seul lieu lié à l'opéra de paris où l'air était encore respirable.

9. Le dimanche 8 février 2015 à , par DavidLeMarrec

J'avais bien compris que ce n'était pas tout à fait comme cela que tu l'entendaisOui, bien sûr ! Je précisais simplement ton allusion en reprenant le fil de mon raisonnement, qui aboutissait là, mais si on me le disait sans préparation, je trouverais sans doute la proposition simpliste.


mais en l'attente des noms des compositeurs et des oeuvres adaptées choisies, on peut toujours espérer... ou pas.

Moi, ça me fait plutôt peur, surtout considérant les goûts de Lissner en matière de musique d'aujourd'hui (et même du XXe en général). Pareil pour ce que je suppose (j'admets le procès d'intention) de la littérature qu'il peut croire digne d'être programmée… parce que pour adapter une œuvre au théâtre, on se moque du style et des effets, il faut surtout de la matière narrative. J'aime beaucoup Blanchot, mais à l'opéra, ça n'a pas de sens, autant faire un opéra belcantiste sur Godot (où, comme pour la Muette de Portici, Godot pourrait être tenu par une danseuse soliste).

En ce sens, Sue, Soulié, Dumas ou Mendès sont sans doute de bien meilleurs clients que Bataille, Butor ou même Gracq. Évidemment, ça ne fait pas aussi chic sur une affiche (et ça ne fait peut-être même pas déplacer les gens…). D'une manière générale, toute la « littérature de la littérature » faite d'écriture et de propos sur l'écriture, qui déplace les codes propres au roman, n'est pas exportable. D'autres ont essayé, et le résultat est en revanche catastrophique — ou au mieux, si tout le monde est bon, médiocre car inopérant.

Mais on peut trouver un juste milieu en adaptant un Balzac, un Hugo ou un Camus, susceptibles d'attirer le vaste public sans non plus convoquer des feuilletonneurs.


Après, je suis tout à fait pour faire jouer à l'opéra de Paris des titres contemporains plus accessibles. Sans se mouiller, l'opéra de Paris aurait pu reprendre Dead Man Walking de Jake Heggie, gros carton international qui n'est pas de la grande musique et est même parfois de la soupe, mais qui contient aussi de vraie belles choses et se goûte comme un bon film hollywoodien (pas vu son dernier, Moby Dick, qui a bonne réputation). Et puis, rien que pour les cris de vierges effarouchées venant des arrière-avant-gardes si un truc du genre était programmé, ca vaudrait le coup.

Par ailleurs, ça redonnerait confiance au public, je crois. Lui ferait prendre l'habitude d'essayer au moins. Moi, j'avoue que j'y ai largement renoncé, à force d'entendre des trucs pas forcément mal faits, mais où j'attends un peu que le temps passe… Donc je me déplace plutôt pour des choses qui me procurent plus de satisfaction, quitte à ce que ce soit de la musique joliette sur des livrets pas trop ambitieux, comme Catán (Cosma et Shore sont même de très belles réussites).

Heggie en reste à peu près à l'état de la musique tel que laissé par Barber, mais je suis d'accord, c'est bien écrit, il y a des résurgences folkloriques assez sympas, tout ça est très accessible, ça donne envie d'essayer des noms nouveaux, ça dresse une sorte de pont entre la comédie musicale, le cinéma et l'opéra. Je ne dis pas qu'il ne faudrait jouer que des trucs comme ça, mais de temps en temps, ça rassurerait les gens, ferait plaisir et décloisonnerait sans doute plus que les délires plastiques à base de poussière cancerigène. (À l'époque, on n'avait quasiment jamais mentionné le nom de Widmann dans les commentaires, pourtant une figure importante du contemporain-exigeant-mais-pas-trop…)



Et même dans les opéras qui sont autre chose que du mathématico-post-spectralo-sérielo-situationisme-anti-théâtral, il y a du choix, et du bon (un jour, une fois qu'il aura été joué en Papouasie et en Corée du nord, on jouera Brett Dean en France).

:)


Si je peux me permettre, tu devrais faire un billet : "à quoi confier les trois opéras sur des oeuvres françaises des saisons à venir de l'opéra de Paris (et à qui ils seront probablement confiés) ?" Histoire de comparer nos idées avec la réalité l'an prochain, et de rire.

Excellente suggestion ! Je m'y prêterai volontiers. Probablement pas tout de suite, mais c'est programmé. Je vais faire d'abord un peu d'investigation du côté des choses que je n'aime pas, pour en nourrir la partie pronostics. Affûte tes armes !


PS : La disparition de Convergences est une honte. C'était le seul lieu lié à l'opéra de paris où l'air était encore respirable.

Ah, c'était très différent en tout cas : moins de glottolâtres violents, mais aussi moins de spectateurs occasionnels.

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