Entendre parler la musique
Par DavidLeMarrec, lundi 25 avril 2016 à :: Saison 2015-2016 :: #2795 :: rss
CNSM – Récital de la classe de direction de chant d'Erika Guiomar
Voici sept ans que je parcours les saisons franciliennes… et mon premier récital intégralement consacré au piano ! Il faut dire que les programmes vraiment originaux sont peu ou prou au nombre d'un par an, et qu'ils ne tombent pas toujours au bon moment. Par ailleurs, je trouve la plus-value en concert moindre que pour le chant, l'orchestre, le quatuor…
Il faut dire aussi que les pièces virtuoses habituellement choisies m'ennuient un peu, même lorsqu'elles sont de qualité : mon intérêt est en général déclinant, à densité égale, lorsqu'on habille le tout de gammes, arpèges, et autres ornements aussi ostentatoires que peu substantiels.
Ce concert était donc le choix parfait : la classe de directeur de chant forme les chefs de chant, c'est-à -dire ces pianistes excellents lecteurs qui préparent les chanteurs sans se produire eux-mêmes en concert – sauf si telle star veut son chef de chant pour plus de confort, bien sûr. Au lieu de leur faire accompagner des chanteurs qui leur auraient nécessairement volé la vedette, ils jouent seuls, des transcriptions de pièces symphoniques et surtout lyriques.
Si l'on retrouve quelques classiques comme la paraphrase de Tannhäuser par Lisz et La Valse de Ravel, on y entend aussi des transcriptions moins pratiquées : le Prélude des Gurrelieder (transcrit par l'une des élèves, Lucie Seillet), la réduction pour quatre mains de La Mer de Debussy, de la main du compositeur, es arrangements lisztiens d'Aida, la mort de Thaïs paraphrasée par Saint-Saëns, une paraphrase originale de Faust (Rémi Chaulet), des variations simples sur la Flûte Enchantée, les Danses polovstiennes, une version de l'Ouverture du Barbier de Séville émaillée de faux pains.
Outre l'intérêt de certaines pièces (La Mer ainsi radiographiée, ou la spectaculaire mort de Thaïs), et la beauté de toutes (moins convaincu par le Prélude des Gurrelieder, un peu minimaliste ainsi, presque du Glass bien harmonisé), ce concert était impressionnant par l'audible compréhension des pianistes de ce qu'ils jouaient. Les plans, les équilibres internes, la logique harmonique étaient soudains mis à nus : ces gens plongent au cœur de la musique, et le font entendre. En cela, il existe des gammes sans doute plus égales, des arpèges plus vigoureux (au demeurant, tous d'excellents doigts, vraiment pas le tout-venant des chefs de chant !), mais j'ai rarement entendu des pianistes regarder aussi profondément à l'intérieur de la musique. On ne cherche pas les petites anticipations de basse et autres expédients du virtuose, on appuie simplement les notes qui, dans l'accord, exaltent la tension et la logique de succession. Très impressionnant, passionnant, grisant.
Particulièrement aimé Pierre Thibout (rien qu'en plaquant les accords simples de la marche des pèlerins de Tannhäuser, on entendait la causalité de chaque accord, chacun pourvu d'un relief extraordinaire… on entendait Wagner composer !) et Nicolas Chevereau (judicieusement servi par la superbe paraphrase sur Massenet, d'un véritable niveau de soliste), qui officie régulièrement avec L'Oiseleur des Longchamps – prochain concert le 11 mai, autour des berceuses.
L'un des meilleurs concerts de toute la saison francilienne, sans hésitation.
Commentaires
1. Le mercredi 27 avril 2016 à , par Diablotin :: site
2. Le jeudi 28 avril 2016 à , par DavidLeMarrec
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