Carnets sur sol

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Se convertir à Bruckner. Continuer à maudire Barenboim.


La subjectivité a ses sinuosités et ses pièges imprévus. Il n'y a pas une semaine, je suggérais (fin de notule) aux spectateurs blasés d'aller (se faire) voir dans les merveilles des formations discrètes dans les petites salles.
        Et aujourd'hui, je m'apprête à déverser mon fiel sur le plus vieil orchestre d'Europe et mes doutes sur l'un des chefs les plus célèbres au monde. Quelle ironie.



1. Se convertir à Bruckner.

Je crois que j'ai accédé depuis peu à Bruckner – en tout cas aux symphonies, j'ai toujours révéré les motets (mais leur filiation mendelssohnienne ne les rend pas du tout aussi spécifiques). J'avais déjà tâché de débrouiller les mots que l'on met sur son orchestration très spécifique, sur les (semi-)préjugés de son tempérament d'organiste. Mais, pour ce qui est de prendre régulièrement du plaisir aux 11 symphonies, ce n'est que dans les deux dernières années que je peux réellement me sentir inclus dans le camp des brucknériens – et, comme cela est naturel, le mouvement s'accompagne presque d'une lassitude pour les (fulgurants) tours d'histrions de Mahler. Doucement, j'ai dit presque. Mais le jeu de balançoire entre les deux, tout artificiel qu'il puisse paraître, se vérifie.

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François BOUCHER, Bruckner et Mahler sont sur une branche
Huile sur toile issue de la collection Beurdeley.


C'est qu'à l'inverse de Mahler qui ne séduit jamais autant que lorsqu'il surprend, et parvient à tenir pendant des dizaines de minutes une tension ininterrompue, Bruckner intéresse au contraire (à l'instar de Wagner) d'autant plus quand on est durablement pénétré de sa logique mélodique, qui permet de mieux sentir les nécessités d'enchaînement qui paraissent autrement assez obscurs, voire arbitraires – si l'on peut même parler d'enchaînements chez quelqu'un qui n'aime rien de plus que de vous laisser frustré en interrompant son discours au milieu d'un climax pour repartir sans transition vers tout à fait autre chose… Lorsqu'on peut précéder la logique qui y préside, le plaisir devient tout autre.

Ses points culminants ne sont pas vaine puissance et doublures superflues, mais plutôt la résultante, presque logique, de tous les éléments énoncés patiemment (et, ce qui est atypique, successivement) : l'agglomération de ce qui a déjà été dit. Assez wagnérien donc (façon final du Crépuscule), même si l'aspect de l'orchestration (évidemment !), de l'harmonie et des motifs eux-mêmes l'est rarement, à quelques quasi-citations près.



2. Se préparer à l'expérience.

Ayant depuis ce temps accumulé les écoutes, j'étais assez avide d'entendre une musique aussi physique en concert, et pour laquelle je m'étais beaucoup préparé à coups d'intégrales entiers. D'autant que mes trois seules expériences (n°2 OPRF Inbal, point de départ d'un intérêt progressivement renouvelé, n°5 OP P.Järvi, n°9 OPRF Inbal) furent d'éclatantes réussites.

Je ne m'abusais pas complètement, j'avais conscience de qui j'allais entendre, et j'avais même écouté en partie la nouvelle intégrale Barenboim (en plus des deux précédentes déjà explorées) – jolie, des détails intéressants, quoique vraiment lent, épais et surtout assez figé. Toutefois, pas d'alarmes, mes goûts brucknériens sont assez tolérants, bien sûr tournés vers la sècheresse d'Andreae ou Venzago, mais aussi vers les grands ensembles de Jochum-Berlin et même de l'intégrale Karajan, assez peu aimée des brucknériens ; pour une fois, je n'aime pas forcément plus les lectures cursives de Neuhold que le classicisme apaisé et les couleurs mozartiennes de Masur…  un peu tout en somme, sauf les lectures vraiment épaisses, grumeleuses et opaques. Et encore, Celibidache avec le Philharmonique de Berlin m'enchante dans la Septième, lentissime mais d'une intensité exceptionnelle – chose qui ne le caractérise pas vraiment d'ordinaire, plutôt tourné vers son propre système contemplatif bouddhico-bizarre.

Entre le caractère impérieux des masses sonores, la magie propre du concert – son attention propre et toutes les autres dirigées vers le même endroit, il y a là une forme de légitimité collective qui se révèle un puissant adjuvant pour aimer ce qu'on aurait trouvé indifférent, voire désagréable, au disque –, la découverte en salle de cet orchestre quasi-légendaire (vers 1570 !), et tellement avenant au disque, sous Suitner (entre 1964 et 1990), puis sous Barenboim depuis 1992… je pouvais être confiant sur ma propension à m'émerveiller.
       Par ailleurs, si je n'ai jamais trop vu la singularité (en tout cas positive) de Barenboim, quelques signes intéressants se sont manifestés récemment, avec une intégrale Schumann d'une clarté, d'une nervosité et d'une qualité de coloris qu'on ne lui avait jamais entendues auparavant. Un Schumann ample, mais certainement pas pâteux – un peu à la façon des sérénades de Mozart par Colin Davis, rien moins que baroqueuses, mais révélant mainte moirure qui rendra tout aussi bien justice aux œuvre. Autant ses Beethoven étaient très réussis mais assez « standards » dans leur filiation traditionnelle, autant il semblait essayer quelque chose de neuf dans ses Schumann, pourtant un répertoire qui aurait dû exalter les limites de sa pâte très homogène et de ses articulations peu incisives.



3. Continuer à maudire Barenboim.

Empêché pour le concert de la Cinquième de Bruckner (et manqué le Barenboim pianiste, que j'ai en revanche toujours grandement prisé), je fais donc connaissance avec la Staatskapelle Berlin et Daniel Barenboim hier soir, pour la Septième Symphonie. Autant je pouvais craindre un manque de lisibilité et de tenue dans les élans fugués de la Cinquième (ou un excès de monument dans ses grandes verticales), autant la Septième me paraît taillée sur mesure pour Barenboim, ne souffrant guère de la lenteur ni de l'ampleur. Au contraire, sa générosité thématique, avec des lignes plus longues que dans les œuvres précédentes, permet d'étirer à loisir tempo et pâte sans perdre de vue l'essentiel – attitude beaucoup plus dommageable aux deux premières symphonies numérotées, par exemple.

Depuis l'arrière-scène, une fois de plus l'occasion de mesurer les propriétés de cathédrale de la Philharmonie de Nouvel… Le retour du son, dans les endroits les plus proches de la scène (sauf à être dans les premiers rangs et à ne recevoir quasiment qu'un son direct), subit une réverbération très longue – sans compter, dans le Mozart, il y avait au bas mot cinq secondes de rémanence trouble à la fin des mouvements (sept, c'est Saint-Sulpice, le genre de lieu où il est quasiment impossible physiquement de produire de la musique audible).

Le concerto pour vents (hautbois, clarinette, basson, cor) de Mozartou quelqu'un d'autre… il en a écrit un, mais on n'est pas complètement persuadé que ce soit celui-là ! – était bien sûr joué à l'ancienne, assez peu vif d'esprit et d'articulation ; après l'impression fugace d'entendre Böhm avec le Philharmonique de Berlin, c'est plutôt le sentiment d'épaisseur qui domine ; même avec un petit orchestre (trois contrebasses tout de même, pour un concerto mannheimois), le résultat tire résolument vers le pâteux. Là aussi, je n'ai pas de doctrine forte : je n'ai rien contre un Mozart moelleux et voluptueux, et je ne cherche pas tout prix le boyau dans ce répertoire… mais aussi lent, pour une œuvre d'une densité musicale mince (le classicisme est toujours périlleux en salle, mais quand c'est du mauvais Mozart, c'est d'autant plus difficile), l'ensemble finit par paraître pauvre et inutilement long.

van dyck saint sebastien putto
Van Dyck, Putto de CSS jouant avec le gras de Barenboim.


Au demeurant, l'orchestre est loin d'être laid ; des cordes vraiment allemandes, très rondes et homogènes, une très belle clarinette solo transparente, presque acide, et le hautbois solo d'orchestre pendant le concerto (second hautbois, une dame, je vérifierai plus tard, leur site ne fait pas la part belle aux musiciens) disposait aussi d'une belle franchise et d'un atypique et séduisant vibrato. C'est avant tout ce qu'en fait Barenboim – c'est pareil lorsqu'il dirige la Scala, Berlin et même dans certains cas Chicago.

Après avoir attendu patiemment la fermeture du robinet de Mozart (en finissant par penser vaguement à autre chose), arrive l'œuvre attendue (mais pourquoi prendre une heure de notre vie, entracte inclus, pour faire semblant de jouer Mozart, alors que personne ne vient pour ça ?), voici la Septième Symphonie de Bruckner.
        Je tiens à m'en excuser tout de suite, le public était manifestement très content, les commentaires lus d'autres mélomanes enthousiastes (même ceux qui n'avaient pas aimé la Cinquième de la semaine dernière), on a confié de grandes maisons à ce chef vénérable, qui a bien davantage étudié la musique que moi, et je ne prétends surtout pas avoir raison contre tout le monde. Je ne puis néanmoins dire que ce que j'ai entendu, à tort (vraisemblablement) ou à raison.

Première chose qui frappe, l'épaisseur, du son (où sont passées les parties intermédiaires ?) comme de l'esprit. L'œuvre se prête bien à la lenteur, mais cela n'inclut pas nécessairement les trémolos prosaïques – et même, au premier mouvement, des tutti assez peu homogènes.
→ À propos de trémolos, assez étonné de voir pendant une assez longue période des trémolos réalisés dans le sens inverse (et entre le violon solo et le chef d'attaque derrière lui !), très rare dans les orchestres de très haut niveau, je me demande pourquoi. Quelle œuvre éprouvante pour les poignets, cela dit (trémolos à peu près permanents aux cordes).

Étrangement, le deuxième mouvement est assez rapide, ce qui n'empêche pas l'absence à peu près totale de tension : même les grandes marches harmoniques enflent très lentement et calent. C'est même vérifiable visuellement : Barenboim suggère beaucoup les effets de masse et de souffle (littéralement), et agit beaucoup moins sur les progressions. Plutôt qu'une mutation progressive vers le climax, j'y entendais une vaste flaque, où toutes les ruptures étaient gommées, dans un climat plus morose que véritablement intense.
    Ce n'est pas une question de niveau, il n'y avait pas à redire sur la réalisation technique (sauf sur le climax très opaque, saturé de lignes de cordes secondaires au détriment des parties thématiques aux cuivres), mais plutôt de conception : le grand choral n'était jamais présenté comme une rupture, mais comme un simple thème secondaire, et son articulation très legato lui ôtait son caractère affirmatif, presque verbal. J'ai beau chercher, je ne vois pas bien l'intérêt du parti pris (sauf à supposer que plus homogène et plus legato est forcément meilleur).

Le scherzo siégeait évidemment sur le versant massif (lourd, plus exactement) et pas du côté de la danse ou du folklore.

D'une manière globale, je n'ai pas réussi à être intéressé par ce qui m'a semblé le plus caractéristique de la vision de Barenboim : spectre sonore bouché (cordes thématiques quasiment seules audibles), refus de la rupture (ce qui rendait certains passages peu intelligibles, puisque précisément fondés sur la discontinuité), vision de Bruckner comme un grand aplat immobile. C'est précisément ce dernier point qui est le plus frustrant, puisqu'on a vite l'impression d'entendre sans cesse le même climat, sans altération, au sein d'un langage qui ne brille déjà pas, au naturel, par sa variété.

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Putto de CSS constatant l'ampleur des lignes intermédiaires inaudibles.
Détail en stuc de l'Oratorio del Santissimo Rosario di San Domenico, à Palerme.


J'étais très envieux de mon voisin, totalement conquis (comme à peu près toute la salle, semble-t-il), qui prenait de grandes inspirations au moment des articulations-clefs, et qui semblait jubiler complètement, confiant à sa femme tout ce que j'aurais aimé entendre sur la qualité de construction des crescendos, des retours thématiques… Ce n'est pas faute d'avoir essayé d'écouter l'œuvre toute nue, de ne pas prêter garde à l'interprétation, et de tout simplement profiter du plaisi d'entendre l'œuvre en vrai (pour la première fois de surcroît !). Ça fonctionne assez bien d'ordinaire, mais j'étais déjà trop frustré de m'enfermer alors que le temps invitait à la balade en forêt profonde, ou trop irréconciliablement éloigné de ce que proposait Barenboim – et Bruckner (comme Meyerbeer par exemple) est fragile, il peut devenir pénible s'il est interprété à rebours de sa logique musicale propre. Alors que Beethoven, y compris massacré autant qu'on voudra, restera toujours jubilatoire, ses ressorts étant différents.
       Croyez bien que je suis fort fâché (et passablement honteux) de sortir d'un concert aussi prestigieux en émettant une réprobation si uniforme (à défaut, je l'espère, d'être trop outrancière), mais elle reflète si bien tout ce qui m'a tenu éloigné de Bruckner – l'extériorité, l'immobilité, le tapage, l'odeur de moisi.

Je me suis demandé aussi la raison de cette disposition des seconds violons et altos à droite (donc instruments tournés loin de la majorité du public) qui ne faisait que renforcer le déséquilibre au détriment des parties intermédiaires, sans que la nécessité antiphonique soit très évidente dans Bruckner.



4. Dans/pour le public.

La salle, pleine, semblait très satisfaite. Sans être au point du délire, l'accueil était très chaleureux, et l'essentiel du parterre, de l'arrière-scène et quelques portions du second balcon se sont levés pour acclamer Barenboim (et non l'orchestre, c'était très clair). Je n'ai pu, en toute honnêteté, faire de même, et ai joué seul les vilains petits canards blasés. Public d'initiés manifestement : pas de toux, ni d'applaudissements entre les mouvements… en revanche, dès que le premier musicien a cessé de pousser ou de souffler, alors que la salle était encore complètement saturée de résonance, des avalanches d'applaudissements que j'ai trouvées un rien philistines.

Il est vrai que, même depuis le parterre (où l'on m'a gracieusement replacé), l'acoustique un peu grumeleuse a sans doute accentué les problèmes, et l'orchestre n'a sans doute pas eu le temps, comme les intervenants réguliers, d'en tirer le meilleur parti.

Barenboim maîtrise par cœur les œuvres du soir, ce qui force l'admiration – mais en même temps, vu l'étendue très relative de son répertoire, ça relativise, sûr que c'est plus difficile à assurer pour Antoni Wit, Gerd Albrecht ou Lothar Zagrosek… [Par ailleurs, il en est quasiment toujours resté aux mêmes éditions des symphonies de Bruckner, ce qui facilite d'autant la tâche.]
       Il prodigue de nombreuses grimaces à ses musiciens, faisant mine des les gourmander, sans qu'il soit possible de déterminer s'il leur reproche leur manque d'attention à ses consignes ou les incite simplement à prendre du plaisir aux belles choses qu'ils font déjà.
       Dernière anecdote, l'impression bizarre lorsque le chef d'attaque à la droite du second violon solo se précipite pour lui tendre le verre d'eau au pied du podium ; évidemment, il n'est pas prudent, à son âge, de faire cambrer le Maître du haut de son piédestal, mais l'empressement fébrile, aussi bien pour le tendre que le reposer, a quelque chose d'un culte monarchique un peu suranné, l'impression d'apercevoir une figure semi-divinisée – et la réaction du public ne fait que prolonger l'atmosphère. Pourtant, Barenboim n'est pas une superstar populaire comme d'autres chefs, mais sa célébrité et sa cote de sympathie chez les mélomanes semble décidément très élevée.

Pour ma part, je n'ai jamais beaucoup prisé Barenboim, toujours assez épais et opaque, et contrairement à bien de ses contemporains (Abbado et surtout Mackerras, au contact des interprétations musicologiques, Muti au sein de son style propre, mais même Haitink…), n'a jamais semblé évoluer dans ses conceptions, comme s'il n'avait jamais réinterrogé les pratiques de ses débuts, ou jamais écouté ce qui se produisait autour de lui.
       Au sein d'un legs rarement indispensable, il existe cependant de très beaux disques : son Elektra avec Polaski, certains de ses Wagner (Tannhäuser par exemple, Tristan bien sûr), ses concertos de Mozart (surtout grâce au pianiste qu'il est, certes), les symphonies de Beethoven avec la Staatskapelle Berlin, et par-dessus tout ses Schumann très singuliers ce même orchestre.

Pour la Staatskapelle Berlin, la sélection serait immense, je renvoie à celle de la notule qui y est consacrée.



5. Aimer Bruckner.

Après avoir démoli à peu près tous les aspects de ce que propose Barenboim, je puis difficilement m'esquiver sans proposer quelques médications (et occasions de se gausser de moi, c'est de bonne guerre).

Dans la Septième Symphonie, pas mal de possibilités :

les tradis, où l'ampleur générale et la densité du pupitre de cordes sont capitales : Jochum-Berlin, Celibidache-Berlin, Karajan-Berlin, Jochum-Dresde ;
les hédonistes, où les équilibres timbraux sont particulièrement choisis : Suitner-Staatskapelle Berlin, Jansons-Concertgebouworkest, Venzago-Bâle (inhabituellement modéré), Chailly-DSO Berlin ;
les dramatiques, davantage tournés vers la construction, parfois avec une certaine noirceur (Sanderling !) : P.Järvi-Radio de Francfort (Hesse), Böhm-Radio Bavaroise, Giulini-Philharmonia, Sanderling-Stuttgart ;
les classiques, apaisés et épurés, tel Masur-Gewandhaus ;
¶ les cursifs, plus rapides et directionnels, au besoin violents, comme Kreizberg-Wiener Symphoniker (très doux, lui), Furtwängler-Berlin (1942), Andreae-Wiener Symphoniker, Mravinsky-Leningrad ;
¶ et bien sûr les réductions et transcriptions : l'Adagio réduit pour piano par Bruckner (par Fumiko Shiraga, strates miraculeuses) ; celle de la symphonie entière pour dix musiciens, c'est-à-dire quintette à cordes (deux violons, alto, violoncelle, contrebasse), clarinette, cor, piano à quatre mains et harmonium, commandée par Schönberg à Erwin Stein, Hanns Eisler et Karl Rankl, dont il existe au moins deux superbes réalisations, le Thomas Christian Ensemble chez MDG et le Linos Ensemble chez Capriccio.

De quoi se rassasier largement sans recourir à Barenboim (dont les intégrales ne sont pas vilaines, sans se distinguer particulièrement non plus).

Pour le cycle complet, le choix ne manque pas parmi les grandes versions très habitées (Andreae, Jochum, Karajan, Inbal, Chailly, Skrowaczewski, Venzago…) ; pour ma part, je trouve particulièrement satisfaction dans la nouvelle intégrale d'Inbal sur le vif à Tokyo (Orchestre Métropolitain, chez Exton), particulièrement intense, Jochum à Dresde (surtout pour la première moitié du cycle, et il faut apprécier les cuivres très acides et même tout à fait stridents), Masur à Leipzig (d'une paix incroyable, sans être le moins du monde relâché).



6. Le point acoustique

Pour terminer, je remarque une difficile réacclimatation à l'acoustique de la Philharmonie : il est assez désagréable de ne pas entendre le son directement, voire de l'entendre brouillé par une réverbération très généreuse, et même de très bonnes places, très proches de l'orchestre.

Seuls endroits d'où l'on entend (très) bien, là où l'on est le plus loin, parce que le son, quoique réverbéré, ne nous parvient qu'en une fois, et non avec l'écho de toute la longueur de la salle. Les qualités sonores de cette salle asymétrique peuvent d'ailleurs drastiquement varier d'un côté à l'autre, et même à quelques sièges de distance dans le même bloc. Il faut un certain temps pour isoler les bons endroits, et les places les plus chères ne sont pas extraordinaires à vrai dire. Le concept des nuages était super mignon (et les espaces sont particulièrement beaux, comme derrière le parterre, dommage de ne pas les aménager !), mais forcément, pour de la musique qui réclame l'audition de parties intermédiaires et une certaine précision, c'était clairement une fausse bonne idée.



Espérant que vous ne lui tiendrez pas trop rigueur de ces bougonneries qu'elle a tenté de circonstancier, la joyeuse cohorte des korrigans & putti de céans vous donnent rendez-vous bientôt pour des aventures plus agréablement exemplaires et édifiantes.


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Commentaires

1. Le lundi 12 septembre 2016 à , par antoine

Difficile de donner son avis faute d'avoir assisté à ce concert. Quant à Bruckner, j'apprécie ses symphonies en général et en particulier la deuxième (l'adagio!), une chouïa de tendresse pour la 0.

2. Le mercredi 14 septembre 2016 à , par Diablotin :: site

Barenboim pianiste, ça fait une quinzaine d'années au moins que ce n'est plus très recommandable... Plus les doigts d'avant, sonorité assez terne... C'est dommage, il fut un pianiste vraiment intéressant de la fin des années 60 jusqu'à la fin du 20ème siècle, mais, depuis qu'il s'est plus intensément consacré à une carrière de chef, il semble qu'il ait quelque peu délaissé son piano. Ses concerti de Liszt avec Boulez sont, au moins pour moi, l'un des pires enregistrements de ces oeuvres qui soient !
Quant à la répartition des pupitres de violons G-D, je pense qu'il tient cela de Klemperer, avec lequel il a beaucoup travaillé et qu'il continue à admirer.

3. Le jeudi 15 septembre 2016 à , par Benedictus

En voilà, une notule réjouissante!

4. Le dimanche 18 septembre 2016 à , par DavidLeMarrec

Bonjour !

Pardon pour le délai de réaction, semaine assez chargée… à telle enseigne que ce doit être seulement la quatrième fois, en plus de dix ans d'existence, qu'il n'y a pas au moins une notule publiée dans la semaine… Vos commentaires n'en sont pas moins appréciés, ne me jugez pas trop sévèrement.

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@ Antoine :

Je trouve aussi que la Deuxième est la plus exaltante de toutes, tous les mouvements y sont formidables (mais vous craquez pour le solo de cor final, n'est-ce pas ?), ce qui est rarement le cas chez Bruckner (les mouvements lents de la Première et de la Quatrième sont excellents mais en deçà des autres, la Cinquième est fragile et demande vraiment une interprétation ciselée…). J'aime énormément la 0 aussi, moins typée, très directe, remarquablement écrite (et très beau
mouvement lent également).

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@ Diablotin :

J'ai beaucoup aimé les derniers concerts et les dernières gravures de Barenboim, je n'ai jamais senti d'évolution dans sa manière depuis ses débuts, toujours une valeur très sûre, avec ce jeu très articulé (mais pas insensible aux indications de phrasé et de nuance comme l'affreux Serkin père) qui met très bien en valeur les œuvres.
Il est vraisemblable que sa carrière de chef très importante depuis au moins trente ans, ainsi que l'avancée en âge, l'aient un peu diminué digitalement, mais ça reste du premier choix, me semble-t-il. En tout cas, moi qui ne suis pas forcément difficile ni enthousiaste pour les pianistes, c'est l'un de ceux qui m'apportent une plus-value et vers lesquels je me tourne toujours avec une confiance non déçue.

Quant à la répartition des pupitres de violons G-D, je pense qu'il tient cela de Klemperer, avec lequel il a beaucoup travaillé et qu'il continue à admirer.

Filiation en effet douloureusement audible la semaine dernière.

Je n'ai rien contre fondamentalement (honnêtement, ça ne change à peu près rien en réalité, même si ça permet un peu d'antiphonie et occulte un peu le son des parties intermédiaires), mais quand on a déjà une conception sonore totalement opaque, c'est un peu la double peine – et quasiment drolatique d'essayer de faire passer le message qu'on joue ça dans la filiation Mozart.

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@ Benedictus :

Je ne doute pas que me voir sombrer dans l'intransigeance aigrie contre les chefs qui jouent Bruckner normalement (ou du moins, selon la norme des représentations les plus répandues) te mette en joie. :)  Honnêtement, les Bruckner de Barenboim ne m'ont pas exalté au disque, mais ils ne m'ont pas effrayé non plus… j'espérais que le concert donnerait un coup de pouce, avec la légitimité d'avoir les musiciens devant soi, et dont on ne peut alors douter du sérieux et de la sincérité. Mais non, vraiment, acoustique diffuse de la Philharmonie aidant, c'était assez pénible.

Et encore, sa Cinquième quelques jours plus tôt a été laminée (pour sensiblement les mêmes griefs que ceux que j'expose ici) par les brucknériens tradis et les thuriféraires de Barenboim (certains dont j'avoue même douter de la bonne foi, ou du moins de la subjectivité un minimum raisonnée), tandis que cette Septième a été jugée parfaite. Ça fait peur.
[Mais bon, Barenboim dans les fugatos de la Cinquième, je me suis raisonnablement abstenu. Quand même.]

Je vais faire plein d'heureux brucknéro-visqueux, j'avais pris des places pour les symphonies moins jouées (1,2,3)… Mais la Première jouée ainsi, ça va être un massacre (pourtant, la version disque, avec un mixage qui redistribue agréablement les équilibres, n'est pas mal).

5. Le dimanche 18 septembre 2016 à , par antoine

Mon cher David, si l'on vous pardonnait pour le retard des réactions, cela signifierait qu'elles nous sont relativement indifférentes, donc non, pas de pardon! Le mouvement lent de la deuxième est remarquable par la beauté mélodique, la complexité rythmique, l'envolée des cordes lorsqu'elles sont bien nettes et d'un forte soutenu, et bien entendu le solo final du cor trop souvent remplacé par la clarinette. J'aime beaucoup la 0 dans une interprétation un peu chambriste.

6. Le mercredi 21 septembre 2016 à , par DavidLeMarrec

Soyez surtout très libre de me blâmer, si vous en profitez pour flatter aussi bien que ça !

Quelle version suggérez-vous de la 0 ? Venzago, en bonne logique ? Il n'y en a pas des tonnes, et encore moins si on veut des textures allégées, mais j'aime particulièrement Chailly-DSOB et Solti-Chicago, sans qu'ils soient non plus une explosion de couleurs, ou des tensions du niveau de ce qu'on trouve chez d'autres chefs dans les symphonies de maturité.

J'ai l'impression qu'on ne joue plus guère la 2 avec clarinette doublée des altos depuis un moment, non ? Là aussi, où trouvez-vous vos satisfactions ? (elles sont nombreuses et fortes dans la discographie, je trouve, peut-être aussi parce que c'est la mieux écrite…)

7. Le jeudi 22 septembre 2016 à , par antoine

Pour la 0, j'ai honte d'avouer que je n'ai pas encore écouté la Venzago, à corriger puisque l'"on" en dit le plus grand bien. Jusqu'ici, ma préférence va à Tintner pour son interprétation toute en délicatesse.
Quant à la 2, hélas les chefs les plus fameux tels Jochum, Karajan n'ont pas semblé disposer bizarrement du corniste adéquat.
Je viens de recevoir et écouter l'enregistrement de la symphonie de Rott par Trincks : l'orchestre sonne plutôt bien (mais les soli sont trop en retrait) et devrait vous plaire, ma seule réserve concernant le scherzo auquel manque le zeste de folie et de sarcasme qui lui va si bien.

8. Le samedi 24 septembre 2016 à , par Benedictus

dlm :
Je ne doute pas que me voir sombrer dans l'intransigeance aigrie contre les chefs qui jouent Bruckner normalement (ou du moins, selon la norme des représentations les plus répandues) te mette en joie. :) 


Même pas: ce qui m’a sérieusement réjoui, c’est la première partie de ton texte («Se convertir à Bruckner»), et en particulier les deux derniers paragraphes qui montrent une vraie intelligence de cette musique. (Cela dit, je ne boude pas mon plaisir à te lire brocarder les représentants de la mélasse spiritualiste.)

dlm :
Honnêtement, les Bruckner de Barenboim ne m'ont pas exalté au disque, mais ils ne m'ont pas effrayé non plus…


Pareil. Sa 7 avec la Staatskapelle de Berlin chez DG souffrait des mêmes défauts de conception (refus de la rupture, grand aplat immobile) et de détail (les trémolos prosaïques, l’Adagio à la fois rapide et tout mou), mais le son n’en était pas si bouché ni épais (c’était même plutôt clair - en tout cas par rapport aux antécédents de Barenboim).

dlm :
[Mais bon, Barenboim dans les fugatos de la Cinquième, je me suis raisonnablement abstenu. Quand même.]


Surtout que, moins d’un an après avoir entendu Järvi là-dedans, ça aurait vraiment été du masochisme...

dlm :
Je vais faire plein d'heureux brucknéro-visqueux, j'avais pris des places pour les symphonies moins jouées (1,2,3)…


Je ne sais même pas si j’aurais osé prendre une place pour la 7 (qui pourtant supporte un peu mieux ce type de lecture, tout comme la 9); alors pour alors les 1-3... fureur assurée.

dlm :
Mais la Première jouée ainsi, ça va être un massacre (pourtant, la version disque, avec un mixage qui redistribue agréablement les équilibres, n'est pas mal).


Il y a une version disque avec la Staatskapelle? Chez DG? Je n’ai pas vu passer ça.

9. Le samedi 24 septembre 2016 à , par DavidLeMarrec

@ Antoine :

Je n'ai pas encore essayé la 0 de Venzago, je ne suis pas persuadé à la vérité que ce soit cet univers qui lui convienne le mieux – il dissout  les boursouflures des autres Bruckner, mais il n'y en a pas beaucoup dans celui-là.

C'est moins une question de corniste compétent, passé une certaine date, que d'édition, pouvons-nous soupçonner…

Le Rott n'est pas encore apparu sur mes radars, mais je suis patient (d'autant que c'est probablement la symphonie que j'ai le plus écouté depuis un an…).
Merci pour ce premier retour !

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@ Benedictus :

♦ Le fait qu'on ne puisse adhérer à Bruckner qu'après avoir suffisamment digéré son discours pour le prévoir me rend toujours un peu méditatif sur tout ce qu'on doit manquer chez des compositeurs qui ne sont enregistrés qu'une fois… Certes, le concert peut aider, mais si je n'avais dû entendre Tristan et le Ring qu'une fois, je suis assez persuadé que je me serais trouvé du côté des contempteurs des tunnels et du bric-à-brac inintelligible, des hurlements sans mélodie…

Alors, combien de corpus laissons-nous passer ainsi, en les écoutant une ou deux fois sans en comprendre la logique profonde ?

♦ Barenboim n'est même pas vraiment spiritualiste, sa musique me paraît toujours très terrienne (parfois pour le meilleur d'ailleurs, comme son Requiem de Verdi avec Chicago), et son Bruckner ne vise pas vraiment à l'élévation – le problème est justement que je ne vois pas trop quelle est la contrepartie de la mocheté de la pâte, de la lourdeur des articulations et du tapage (pas toujours bien régulé, en plus).


Sa 7 avec la Staatskapelle de Berlin chez DG souffrait des mêmes défauts de conception (refus de la rupture, grand aplat immobile) et de détail (les trémolos prosaïques, l’Adagio à la fois rapide et tout mou),

Ah oui, on a donc vraiment entendu la même chose. |:-o  La dernière intégrale, avec la Staatskapelle, est effectivement très bien captée et aérée, mais en salle et dans l'acoustique défavorable de la Philharmonie (pas dans l'absolu, mais de là où j'étais et avec ce type de son, ça ne pardonne pas), alors même qu'on entendait les qualités de l'orchestre, c'était au mieux terne, au pire plutôt vilain, et tout à fait bouché (en plus les tutti se démembraient quelques fois, c'était pas beau).


Je ne sais même pas si j’aurais osé prendre une place pour la 7 (qui pourtant supporte un peu mieux ce type de lecture, tout comme la 9); alors pour alors les 1-3... fureur assurée.

Oui, comme j'aime Celibibi-Berlin dans la 7, je me suis dit que la conception n'était pas le facteur capital. Décidément, rien à faire, je trouve toujours Barenboim vraiment moyen (je ne veux pas dire médiocre, ce n'est pas possible à ce niveau, mais c'est ce que j'entends) comme chef, quel que soit le répertoire…

La 2 résiste à peu près à tout, mais de la mélasse dans les 1 et 3, je n'y survivrai pas. Ça s'arrachera et je ferai des heureux. Le pire est que si je vendais 70€ ma place à 10€, je trouverais encore des preneurs qui étreindraient mes genoux.

Ça me gêne, vraiment, d'avoir le sentiment que j'ai raison contre toute une salle euphorique (même ceux qui avaient dédaigné la 5 quelques jours plus tôt, donc).


Il y a une version disque avec la Staatskapelle? Chez DG? Je n’ai pas vu passer ça.

Pas chez DG, il vient de sortir une nouvelle intégrale. Et tu peux laisser passer ça, même si capté avec cette belle aération, ça passe plutôt bien.

10. Le dimanche 25 septembre 2016 à , par antoine

Venzago ferait, tels les yaourts, de l'allégé (et sans vibrato?) qui devrait bien convenir à la 0 et je vais devoir encore faire souffrir mon livret d'épargne.
Quant à Rott, ravi que vous vous soyez aligné sur mon humble oreille, puisque son scherzo est en tête de mon hit-parade perso!

11. Le vendredi 30 septembre 2016 à , par Ouf1er

"il est assez désagréable de ne pas entendre le son directement, voire de l'entendre brouillé par une réverbération très généreuse"

Voilà les mots précis sur ce que je ressentais...

"Les qualités sonores de cette salle asymétrique peuvent d'ailleurs drastiquement varier d'un côté à l'autre, et même à quelques sièges de distance dans le même bloc."
J'en ai fait l'expérience sur les "Scènes de Faust", assis en 1re partie dans la boucle gauche (Jardin) du 2me balcon, où j'ai ressenti une réverbération pénible et un son "brouillé" par le bas du 2me balcon. A la 2me partie, je me suis déplacé de quelques places vers le centre, juste aprés l'allée, et là, MIRACLE, son parfait, particulièrement pour les choeurs et les voix, magnifiquement magnifiées (voire amplifiées naturellement, par les nuages et les renvois des balcons lateraux).

12. Le samedi 1 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

Tout à fait : il y a, à quelques mètres de distance au second balcon, la meilleure et la pire acoustique de la salle. Les côtés sont proprement infâmes (je renonce à aller à un concert plutôt que d'être placé là, on n'entend plus réellement l'armature de la musique, remplacée par un bruit vaporeux constitué d'une multitude de réverbérations décalées, imprécises et anarchiques), tandis qu'au centre, l'équilibre de la respiration du son sont exceptionnels. Et ça fonctionne aussi bien pour Bruckner (quand c'est bien joué…) que pour du baroque – même si, dans les plus petits formats, il est judicieux de ne pas rester complètement au fond, surtout pour les voix, plus directionnelles que les instruments.

13. Le samedi 1 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

@ Antoine :

Oui, le scherzo est clairement parmi les grands écrits (je prévois de faire une liste de mes chouchous en la matière, un jour prochain – il y en a tellement d'inintéressants dans le répertoire, un peu de tri ne peut pas faire de mal), et pourtant ce n'est même pas le mouvement que j'aime le plus dans cette symphonie !

J'ai écouté le tout nouveau Trincks-Mozarteum dans l'intervalle. Extrêmement détaillé, les ingénieux ont bien travaillé. La conception est un peu étonnante pour cette symphnie, très douce (en particulier dans les I et III), sauf dans les tutti au contraire un rien débraillés. Ça ne fonctionne pas mal, mais le mouvement lent dans la tradition du Bruckner épais et la régularité assez raide des variations finales (façon Bach) ne sont pas très gracieux.
Clairement pas pas un premier choix, mais ça renouvelle agréablement l'écoute. La réécoute, pas sûr (surtout quand on a déjà Rückwardt et P. Järvi, voire D.R. Davies et G. Samuel), on verra à l'usage.

Venzago (retour chez Bruckner) n'est pas vraiment allégé dans le sens où son expression est intense, ce serait plutôt « dégraissé » ; effectivement, peu de cordes, et sans refuser le vibrato absolument, il y en a peu.

14. Le samedi 1 octobre 2016 à , par Kna

Bonsoir David,

Je me joins à Benedictus pour me réjouir de cette notule. Tu t'es donc enfin mis à la balançoire !

dlm :
Je me suis demandé aussi la raison de cette disposition des seconds violons et altos à droite (donc instruments tournés loin de la majorité du public) qui ne faisait que renforcer le déséquilibre au détriment des parties intermédiaires, sans que la nécessité antiphonique soit très évidente dans Bruckner.



On discutait encore récemment avec Adriatico de la disposition de l'orchestre. Des éléments de réponse par Benjamin-Gunnar Cohrs, si tu lis l'allemand (page 9 sq.) :

https://www.abruckner.com/Data/articles/articlesgerman/cohrsbenjamingunna/bg_cohrs_bruckner_architektur_100817.pdf

et ici en anglais, les deux derniers paragraphes de la première page :

https://www.abruckner.com/Data/articles/articlesEnglish/cohrspractice/bg_cohrs_bruckner_performance_practice_100817.pdf


15. Le dimanche 2 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

J'essaie sans dégoût depuis longtemps… mais je n'y prends du plaisir à doses rapprochées que depuis assez peu, c'est vrai.

Merci pour les documents ! J'avais lu aussi d'autres explications (notamment une volonté conservatrice de Bruckner ou des chefs, pour remonter à une forme de classicisme), mais je visais surtout la discordance entre la disposition (censée exalter les parties intermédiaires) et la conception totalement fondue du chef, où ces plans sont précisément gommés… comme s'il n'était pas conscient de sa propre esthétique. Étrange.

Au passage, je trouve l'argument de Cohrs bizarre : justement, on entend déjà bien les parties de ténor, il faudrait plutôt faire entendre les parties faibles… Par ailleurs, on peut très bien conserver les altos de face sans placer les violons en antiphonie – autant on peut dire que dans certains répertoires, la stéréophonie des violons peut être ludique, autant les altos de dos, c'est toujours absurde, ça ne répond à aucune logique ni acoustique (bien sûr), ni structurelle au sein des partitions.

16. Le dimanche 2 octobre 2016 à , par Kna

C'est sûr qu'il n'y a aucun intérêt à séparer les pupitres des violons si c'est pour faire épais quand même...
Après comme l'explique Cohrs, la disposition "viennoise" de l'orchestre permet de mieux faire entendre les voix intermédiaires (ténor, alto) à condition que les voix éxtrêmes ne les écrasent pas, ce qui arrivent souvent aujourd'hui en raison de la facture moderne des instruments. Il semble qu'à l'époque il leur arrivait même de doubler les bois à cause du grand nombre de cordes. D'ailleurs j'avais lu une interview dans laquelle Harnoncourt déplorait aussi la généralisation des cuivres surpuissants, "alla Chicago", "auxquels beaucoup de partitions résistent très mal".
Plus fondamentalement, il me semble que cette musique est clairement écrite et pensée pour (à partir de) cette disposition. Il suffit, par exemple, de prendre le début de la 7e ou la Coda du 1er mouvement de cette même symphonie. Le motif en arpège ascendant émerge au cor at aux violoncelles, du profond et du centre de l'orchestre, encadré par le halo des trémolos des violons 1 et 2 répartis à droite et à gauche. Comme le soleil qui se lève lentement, la lumière qui se déploie progressivement à l'aurore depuis un noyau dans les profondeurs. Ensuite ce motif ascendant s'élargit, se déploie en une deuxième vague, cette fois aux bois et aux violons 1 et 2 (mes. 25), donc dans l'espace et au niveau dynamique : d'abord p. puis mz et enfin ff.
Pareil dans la Coda. La première section ("tragique", mes. 391 sq.) bâtie sur le motif de la mesure 12 part du centre, du "noyau" (bois+altos+violoncelles) pour progressivement s'élargir et déboucher dans la deuxième section (mes. 412) avec la réapparition du thème ascendant, "lumineux", qui peu à peu, couche après couche, irradie dans sa plénitude tout l'horizon (motif ascendant aux bois+cuivres, figularismes aux violons 1, puis 1 et 2, trémolos aux altos, violoncelles et contrebasses).
Il y aussi des échanges antiphoniques, par exemple le "non confundar" dans l'Adagio (lettre B. mes. 23 à 26) où la prière est entamé par les 2nds violons, reprise par les 1ers violons, puis les 2 ensembles avec les autres cordes, les bois et les trombones...
Je trouve que si on se représente tout ça dans l'espace la disposition "viennoise" est plus logique.

17. Le dimanche 2 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

Ah oui, on se rend souvent compte, en écoutant des versions sur instruments anciens, combien le spectre sonore est plus riche et parfois occulté par des cordes pléthoriques (et plus métalliques) ou des cuivres surpuissants (et au bien meilleur legato). Ça tient aussi à l'articulation, très fondue, alors que les chefs qui utilisent beaucoup plus les détaché laissent entendre les attaques et les étages de couleur.

À cela, il faut ajouter le biais du disque (les bois sont souvent assez bien audibles en salle, bien plus puissants qu'une poignée de cordes en réalité, ce qui n'est pas souvent le cas au disque).

Ce que tu dis sur la disposition topographique des entrées de pupitres est très intéressant… Après, je dois dire qu'empiriquement, j'ai toujours trouvé frustrants les violons à droite, parce que ça déséquilibre automatiquent le son d'une partie déjà moins fournie et moins thématique. Alors qu'avoir les violons à côté n'empêche nullement les effets d'échange, même s'il les souligne moins. (À cela s'ajoute que dans les orchestres autres que les très grandes phalanges virtuoses, cette disposition souligne plutôt les défauts de mise en place ou les hétérogénéités de timbre, j'ai testé et plutôt peu approuvé avec l'ONBA par exemple…)

Merci pour tous ces éclairages érudits !

18. Le mardi 4 octobre 2016 à , par antoine

David, effectivement il y a une douceur pas désagréable du tout et c'est précisément pour cette raison que par contraste il aurait été intéressant de débrider totalement le scherzo avec, entr'autres, une fugue bien martelée dès l'entrée des basses. Bon, pour Rott c'est fait, et Casella?

19. Le jeudi 6 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

Pour Casella, ça promet d'être plus difficile : il y a beaucoup plus de monde dans cette galaxie esthétique, et il n'est clairement pas prioritaire (Alfano, en revanche…). Pas faute d'avoir continué à explorer le fonds (et d'avoir réécouté les symphonies), mais même si c'est bien fait, ça me touche modérément (et ne m'émerveille pas plus que ça techniquement non plus, pas plus que d'autres en tout cas).

Qu'est-ce qui vous paraît si singulier ou précieux dans ce corpus-là ?

20. Le samedi 8 octobre 2016 à , par antoine

La meilleure solution, écouter! Tiens, par exemple le mouvement lent de la première, superbe!

21. Le dimanche 9 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

Il n'est pas mal, oui. Je retenterai la prochaine fois que j'aurai une période Alfano (ça, c'est grand, symphonique comme chambre !) ou Respighi (il faut vraiment choisir, mais on trouve quelques pépites au milieu d'une mer de choses pas passionnantes ni très raffinées.)

22. Le lundi 10 octobre 2016 à , par antoine

Mon cher David, vous m'avez déjà fait le coup avec notre cher Hans. Pas d'excuses pour Casella puisque nous possédons à ce jour plusieurs enregistrements de très grande qualité, non seulement pour les symphonies mais aussi pour bien d'autres oeuvres exquises (triple concerto, Scarlattiana, etc...).

23. Le vendredi 14 octobre 2016 à , par antoine

David, je viens de recevoir le coffret Bruckner de Venzago. Sur vos conseils...avisés, je me suis précipité sur la 0 : désolante, le premier mouvement fade, sans vie, phrasé absent, les autres kif kif ou presque. Puis la deuxième, quasi idem, le premier mouvement tellement expédié que méconnaissable, le second très moyen avec en prime la clarinette et les altos au lieu du cor, sel merveilleux de son final, le reste très ordinaire. Puis les premières mesures de la neuvième où les trompettes donnent des coups de klaxon dans le style de l'amerlok à Pantruche de Gershwin, donc stop. J'ai alors mis le superbe adagio de la 6ème, plat...De désespoir, j'insère dans mon lecteur en tremblant la 7ème, et là : divine surprise, une belle lisibilité, une remarquable clarté en particulier du deuxième mouvement sans des tutti qui parfois saturent jusqu'à l'incompréhensible, une prestation très étonnante due à on ne sait quoi, l'orchestre (par le même à chaque fois), le chef coutumier de cette partition ou quoi encore?

24. Le samedi 15 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Antoine !


Mon cher David, vous m'avez déjà fait le coup avec notre cher Hans. Pas d'excuses pour Casella puisque nous possédons à ce jour plusieurs enregistrements de très grande qualité, non seulement pour les symphonies mais aussi pour bien d'autres oeuvres exquises (triple concerto, Scarlattiana, etc...).

Disons qu'il y a dix-quinze ans, avant l'Épiphanie, je découvrais à peine Mahler (que j'ai aimé très progressivement) et je n'aimais pas vraiment Bruckner ; Rott était à la frange d'un répertoire que je ne maîtrisais pas bien.

Ça me paraît donc plus difficile pour Casella, parce qu'il est théoriquement au cœur de mon répertoire d'élection, parmi les symphonistes décadents. Mais vous avez raison d'insister, je ne l'ai somme toute ni assez écouté, ni assez détesté (au contraire même, j'ai aimé, même si moins que vous) pour prononcer un arrêt définitif, ce dont je n'ai pas l'intention de toute façon. J'ai même réussi, en écoutant les bonnes pièces (un peu obscures, comme Metamorphoseon XII) à me convertir à Respighi, alors Alfredo ne peut qu'être rassuré sur son avenir !


Sur vos conseils...avisés

J'avais tout de même prévenu : je n'ai pas écouté la 0, et c'est très particulier.

Que vous aimiez davantage la Septième n'est pas étonnant : son traitement de cette symphonie-là est beaucoup plus traditionnel que pour la plupart des autres de son intégrale.

Pour le reste, je n'entends rien de fade (il y a peu de vibrato, oui, mais ça ne nuit pas à l'expression, au contraire même, ça la recentre vers l'essentiel), ni de précipité (là aussi, plutôt l'impression d'un tempo giusto où les thèmes et ponts deviennent saillants), mais j'admets complètement que les timbres rêches et la lecture peu amène peuvent rebuter si on aime son Bruckner de façon assez traditionnelle.

25. Le samedi 15 octobre 2016 à , par antoine

David,
Pour Casella, ne reste plus qu'à laisser infuser...
Quant à la 0 de Venzago, vous ne trouvez pas que le phrasé des cordes, en particulier dans le premier mouvement est totalement inexpressif? Sa 7ème n'est pas si traditionnelle, notamment plus délicate ( les pupitres bien détaillés) et bien moins cuivrée (comme les autres d'ailleurs et notamment la 0, des sourdines?). Enfin, ne pas disposer d'un cor à la hauteur dans la deuxième, mdr...

26. Le vendredi 21 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir Antoine !

Oui, il ne reste qu'à attendre et espérer. :)

Je n'ai pas écouté la 0 de cette intégrale comme je le disais, donc…

Pour la 2, ce détail n'a pas du tout la même importance pour moi, j'aime beaucoup le solo de cor mais je survis très bien si je ne l'ai pas, ce n'est pas comme si on supprimait de la musique. C'est une question d'édition plus que de corniste au niveau, à mon avis.

La Septième est plutôt allégée, certes, mais la structure générale ressemble vraiment à ce qu'on fait d'habitude, il n'y a pas la vitesse ou la rugosité de la plupart des autres volets. En tout cas pas dans les mêmes proportions.

27. Le samedi 22 octobre 2016 à , par antoine

David,
Sauf qu'il me semble bien que le cor a été remplacé par Bruckner parce que les cornistes trouvaient les notes trop hautes et le résultat est totalement différent, avec le cor tout plane, avec la clarinette tout plat...
La sensation d'écoute de la 7ème de Venzago est très différente des autres, toute en clarté.

28. Le mardi 25 octobre 2016 à , par DavidLeMarrec

Oui, au départ c'était pour des raisons techniques, mais aujourd'hui, n'importe quel orchestre a un corniste capable de jouer ça, et particulièrement ceux de cette intégrale, qui sont de seconde notoriété assurément, mais pas du tout de seconde zone. Je suis d'accord d'ailleurs sur le fait que le solo de cor procure une suspension et une poésie supérieures, mais je n'en fais pas un casus belli.

La Septième de Venzago est un peu différente en texte, mais pas vraiment en conception ni en articulation, je trouve. Il faut dire aussi que, côté clarté, je suis habitué à la transcription d'Eisler pour ensemble de chambre (on entend vraiment mieux le détail, à défaut d'avoir l'impact maximal). Mais j'écoute très volontiers Jochum, Böhm et Sanderling là-dedans, donc je devrais sentir cette différence que je ne perçois pas si saillante (sa Septième m'ayant justement paru moins indispensable que celles que vous trouvez pénibles, sa Deuxième par exemple).

29. Le lundi 30 novembre 2020 à , par Michel LONCIN

" ... ce n'est que dans les deux dernières années que je peux réellement me sentir inclus dans le camp des brucknériens – et, comme cela est naturel, le mouvement s'accompagne presque d'une lassitude pour les (fulgurants) tours d'histrions de Mahler. Doucement, j'ai dit presque. Mais le jeu de balançoire entre les deux, tout artificiel qu'il puisse paraître, se vérifie."

Alors là, comme "énormité" ... Avec tout le respect que je vous dois, je ne partage pas, mais alors, PAS DU TOUT, votre "lassitude" ... et encore moins l'expression "tours d'histrions" (mêmes "fulgurants") de Mahler par rapport à Bruckner !!! Il est tout simplement IMPOSSIBLE de les comparer sinon en un SEUL mot, dû d'ailleurs à Mahler : "Unzeitgemässe" ("Inactuel") ...

Bruckner fut "Inactuel" en ce que, "Ménestrel de Dieu", il fut en dehors de son Temps ... un temps où le MATERIALISME, issu des Sacro "saintes" (et prétendues) "Lumières", commençaient à répandre leurs ombres (pour reprendre l'expression de Nietzsche) sur le CHRISTIANISME (voué aux gémonies par le même Nietzsche !) ... Mahler était "Inactuel" en tant qu'il précédait son Temps rongé par le nihilisme et annonçait la TRAGEDIE du XXème siècle et même ... NOTRE Temps où PLUS RIEN n'est VRAI ... A ce point même que sa NOIRE lucidité a ouvert la voie à ses héritiers les plus directs, Alban Berg, Dmitri Chostakovitch et ... Allan Pettersson, le symphoniste suédois si SCANDALEUSEMENT méconnu !!!

Et Brucknet continue à être "Inactuel" en la Foi qui IRRADIE son œuvre de LUMIERE (la VRAIE ... celle de Dieu) demeure SEPAREE de NOTRE Temps (où toute FOI supraterrestre est BANNIE) et Mahler continue à être "Inactuel" en ce que la part d'Espoir de son œuvre (8ème Symphonie) et de Transfiguration ("Das Lied von der Erde" ... 9ème et 10ème Symphonies) ATTEND une LUMIERE qui n'était plus de son Temps et l'est encore moins du Nôtre ...

30. Le lundi 30 novembre 2020 à , par DavidLeMarrec

Bienvenue Michel,

Difficile de vous répondre, tant les ombres des Lumières, les prophéties de Mahler et la vraie présence de Dieu excèdent mes compétences – ainsi que, pour être tout à fait honnête, mon ambition.

Je me contentais de faire état de l'évolution de ma sensibilité : au fil des années où l'on fréquente les corpus, certains qui nous ont paru d'une incommensurable richesse nous paraissent univoques (il y a un peu de cela chez Richard Strauss, plus riche et subtil, mais aussi moins ambivalent, plus directif que Wagner, et qui appelle donc peut-être moins de réécoutes), tandis que d'autres, peut-être plus limités en apparence, permettent par cette caractéristique même une infinité de perceptions différentes…
D'où découlait cette interrogation : ne finirai-je pas aimer toujours davantage Bruckner et par moins écouter Mahler, au fil des ans (sans forcément changer le fait que je me sente, intimement, plus proche du langage du second).

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