Voici la rentrée ! Au terme de
214 spectacles la saison passée et cet été, l'occasion de reprendre la
tradition de l'agenda des concerts classiques.
a) Une proposition d'agenda
des concerts
J'ai désormais adopté la forme
efficace, copiable, exportable du tableur, qui est en permanence
disponible à cette adresse ou dans les liens en haut du site «
agenda des concerts », en rouge.
Les pépites apparaissent plus tard dans la saison, avec les concerts
des conservatoires ou des ensembles semi-pros, amateurs, qui
travaillent plutôt pendant l'année scolaire (donc grosse concentration
en décembre et au printemps). Les grandes institutions ayant été
particulièrement timides en matière de programmation – Opéra de Paris
et Philharmonie n'ont pas exagéré leurs efforts en direction de la
découverte, du dépaysement, du chef-d'œuvre inconnu – ; il faut donc
patienter un peu pour les réels immanquables de la saison. Décembre
sera très riche : Isis, Il Pirata,
Kniaz Igor, Fortunio, la Missa di Gloria de Puccini, Le Martyre de saint Sébastien, Yes !,
le deuxième quatuor de Korngold, Rain
Coming, The Ghosts of Versailles… il y aura de quoi
s'émerveiller.
b) Lire le tableau
Petit rappel des codes couleur (qui sont seulement les miens
personnels, pas de symbolique particulière) :
♦ violet
pour les immanquables,
♦ bleu pour les remarquables,
♦ vert pour les tentants.
Avec pour paramètres décroissants la rareté, l'intérêt des œuvres, les
interprètes, et bien sûr mon goût personnel (j'attends avec gourmandise
Canellakis ou Honeck dans des œuvres pourtant rebattues, et je vais
courir réentendre, sans me plaindre, Mahler 3 parce que j'aime
particulièrement cette œuvre…).
En jaune, les concerts pour
lesquels il faut réserver, ou bien vérifier le programme (pas annoncé,
ou œuvres que je n'ai jamais entendues). En rouge, les concerts où j'ai des
places à vendre (en générales bonnes et pas chères, ou du moins les
meilleures des pas chères).
En principe, plus les concerts sont près du bord gauche, plus ils sont
intéressants, sans que ce soit un classement non plus – c'est surtout
que j'ai mis les concerts plus banals ou à date multiple davantage à
droite, pour ne pas encombrer.
Avec mes excuses pour certaines abréviations
(Mzt, Mendel, Bruck, Dvo, Rachma, Btk, Stra, Chosta, Proko sont
courants) : malgré la place gagnée grâce au tableur, toutes les
informations ne peuvent pas être entrées en toute slettres. Ce ne
devrait pas être trop périlleux pour des mélomanes qui connaissent
leurs noms des principaux compositeurs et des formes musicales (symph,
SQ, QuatPia, etc.), mais je sais que ça complique la lecture. J'ai
essayé de conjuguer au maximum concision et lisibilité, mais il s'agit
d'une base d'abord à visée personnelle, je ne nie pas qu'il y ait un
petit effort à faire pour la lire. Mais d'un autre côté, cela
représente des heures de dépouillement de dizaines de salles
franciliennes, pour certaines absentes de Cadences ou l'Offi (dont les
formats sont à mon sens moins lisibles, notamment en ce qui concerne
les œuvres jouées, pas
toujours précisées), je me dis que ce peut tout à de même être utile.
c) Présélection
Je n'ai pas finalisé moi-même mes choix, mais j'attire déjà votre
attention sur quelques événéments :
¶ Frédéric
Goncalves dans un bouquet de
mélodies avec clarinette et piano, en français, allemand,
anglais, polonais… ;
¶ de la musique de chambre
contemporaine accessible à la Cité Internationale des Arts
(piano de Fedele…) et au
Regard du Cygne (trio de Nigel Keay)
;
¶ chœurs patrimoniaux russes à
la Cité de la Musique (c'est complet, il faut surveiller le site et la
Bourse) par le chœur de la Chapelle d'État Russe ;
¶ visites de Champs-sur-Marne et du Panthéon chantées par Grégoire Ichou, avec leur lot de
sourires et de raretés absolues ;
¶ Ossian vu par Gade et Chansons Écossaises de Beethoven
par Insula Orchestra ;
¶ reprise à l'Athénée desÉtats de la Lune de Cyrano par Lazar en prononciation
restituée (avec accompagnement de gambe et théorbe) ;
¶ programme de trios élancés
et exaltants (les 1 de Mendelssohn, Arenski et Chostakovitch !) à
Louis-le-Grand ;
¶ Moby-Dick en musique à la
Maison de la Radio (pas d'info sur la composition) ;
¶ gala Bru Zane avec plein de
raretés et les artistes maison, au TCE ;
¶ Phèdre, un versant ambitieux
et sombre de la production d'Auric,
à la MR ;
¶Richard
Cœur de Lion de Grétry
mis en scène à Versailles. Pas du tout un chef-d'œuvre musical ni
dramatique qui tiendrait au corps, mais le témoignage d'une époque, et
un tube qui marqua l'imaginaire, notamment pendant la Révolution (« Ô
Richard, ô mon roi, l'univers t'abandonne » était devenu chant de
ralliement) ;
¶ le retour de Savall, en feu
pour les symphonies de Beethoven en fin de saison dernière, et celui de
Bloch (Mahler 7) qui a
transfiguré l'orchestre lillois
; Dohnányi dans ses
répertoires (Haydn, Brahms, Ligeti).
Il suffit de cliquer ici. Je remets régulièrement à jour au fil
des nouvelles informations.
En chasse !
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Saison 2019-2020 a suscité :
[[]]
L'entrée en matière tempêtueuse de la Première
Symphonie.
☼ Je m'aperçois, en complétant mes recherches pour cette notule,
que la date de première édition, inscrite sur la publication des Première et
Deuxième Symphonies, est de 1793.
Les deux autres étant stylistiquement
proches, il est probable qu'elle aient aussi été composées dans les
années 1790 – les dates de composition exactes des quatres symphonies
sont inconnues. Néanmoins, considérant que je souhaitais à la fois
éviter
de multiplier exagérément les œuvres vocales dans ce parcours (déjà
abondantes sur CSS) et m'en
tenir à des œuvres considérables, le choix discographique dans la
décennie 1800 n'était pas considérable. Cartellieri est de la
génération de Beethoven (voire Méhul), et ces symphonies partagent une
forme d'ardeur assez étrangère au style classique, même le plus
gluckisé. Cartellieri étant mort à 34 ans dans la décennie 1800, je me
permets donc cette extrapolation
– stylistiquement, il se situe à la confluence, à la fois baigné de ses
maîtres et doté de quelques caractéristiques d'avant-garde pour les
années 1790. Disque formidable par ailleurs, vous ne me blâmerez pas de
ma hardiesse, je crois.
Un peu de
contexte : génération 1770
Antonio Casimir Cartellieri naît à Gdańsk (encore polonaise pour
quelques années), d'une mère lettonne
au patronyme germain (Mlle
Böhm) et d'un père milanais.
Il étudie à Berlin et Vienne, fréquente Beethoven d'assez près pour
être dans l'orchestre lors de la création de l'Héroïque (au violon) et du Triple Concerto… Ses biographes
estiment possible / probable qu'il ait étudié avec Salieri.
Sa musique est encore de style classique – que ce soit dans
ses concertos pour clarinette parents de Mozart et Krommer, mais aussi
dans ses finals haydniens de symphonies, ou dans la forme de ses
mouvements lents (mélodies accompagnées, variations, part des
instruments solistes) comme rapides (développements brefs dans les
formes-sonates, assez proche des canons).
Pourtant il laisse aussi percevoir un sens du contraste et une agitation passionnée qui évoquent,
en certains endroits, des propositions de Beethoven (qui n'arriveront,
dans le domaine symphonique, que dix à quinze ans plus tard).
Compositeur :Antonio Casimir CARTELLIERI
(1772-1807) Œuvre :4 Symphonies
– à partir des années 1790 Commentaire 1 : La première symphonie, en ut mineur,
est à mon sens la plus marquante – la plus enflammée, la moins
classique, ou du moins la plus marquée par le classicisme fiévreux du
théâtre postgluckiste. Son premier mouvement fait entendre, au sein
d'une forme traditionnelle, des fusées descendantes de cordes &
bassons comme part thématrique, des sforzando
insistants, quelques transitions harmoniques un peu plus romantiques,
ou cette incroyable montée & descente en notes répétées, pendant
neuf mesures de la fin du premier Allegro.
Beaucoup de débuts semblent très marqués par Mozart
(ou ces unissons des menuets en mineur !), comme celui de la Quatrième,
très parent des « Linz » et « Prague », de finals par Haydn, mais
pas d'épigone ici, cette musique possède sa saveur propre – celle de la
jeunesse ? –, et une qualité mélodique absolument remarquable. Si vous
êtes lassés des meilleurs Haydn, Mozart et… Vranický, si vous aimez les symphonies de Méhul…
vous devriez être enchantés.
Interprètes :Evergreen Symphony Orchestra, Gernot
Schmalfuss Label : CPO (2012) Commentaire 2 : L'énergie,
la verdeur, la conscience stylistique sont admirables, dans cet
enregistrement une fois de plus remarquablement capté par CPO – a fortiori pour un orchestre aussi
jeune (2001 !), recruté dans un aussi petit pays (et on peut se figurer
qu'il est compliqué pour un orchestre taïwanais de recruter alentour
avec l'influence chinoise à l'œuvre), et qui n'est pas du tout
spécialisé dans ce répertoire. Le résultat est tout à fait remarquable,
au niveau des orchestres européens les plus rompus aux symphonies de
cette période.
La fin de la partie de violon I de l'Allegro de la Première
Symphonie.
[[]]
La qualité mélodique et les solos délectables de
l'Adagio de la Première Symphonie
Un peu de
contexte : orchestres taïwanais Le cas des orchestres
taïwanais pourrait aisément rejoindre ceux de Berlin, Francfort ou des
Pays-Bas, déjà traités dans la série consacrée aux noms & lieux
(ambigus) des orchestres. En effet, il existe beaucoup de formations,
et aux noms très similaires.
♦ National Taiwan Symphony Orchestra,
le plus ancien (1945), sis à Wufeng (les autres, sauf mention
contraire, résident à Taipei).
♦ National
Symphony Orchestra (1986), celui qui est en résidence à l'Opéra
et dans la grande salle de concert, connu par quelques enregistrements
à l'étranger sous le nom de Taiwan
Philharmonic (d'assez beaux disques du grand répertoire avec
Herbig).
♦ National Chinese Orchestra
Taiwan (1984), dépendant du Ministère de l'Éducation.
♦ Taipei Chinese Orchestra (1979),
dépendant du Ministère de la Culture.
♦ Taipei Century Symphony
Orchestra (1968).
♦ Taipei
Symphony Orchestra (1969), le second orchestre le plus
important, à en juger par ses chefs étrangers et plus prestigieux.
♦ Taipei Philharmonic
Orchestra (1985).
♦ Chamber Philharmonic Taipei
(2008).
♦ Kaoshiung City Symphony
Orchestra (1981), privatisé depuis 2009.
Un peu de
contexte : orchestres d'entreprises
L'Evergreen Symphony Orchestra,
bien qu'il joue pour large part de la musique
traditionnelle orchestrée en version symphonique, ne tire pas
son nom de son répertoire mais de la société
qui l'a créée, un consortium d'entreprises spécialisées dans la
livraison (voire l'hôtellerie). Ce n'est pas un cas unique dans l'île,
il existe aussi le Chimei Symphony
Orchestra, créé en 2003 par le groupe Chimei, installé dans
l'industrie du plastique !
Un peu de
contexte : les chefs d'orchestre étrangers à Taïwan Gernot
Schmalfuss, ancien hautbois solo du Philharmonique de Munich,
membre de l'excellent ensemble chambriste Consortium Classicum, chef de
l'orchestre du Conservatoire R. Strauss de
Munich, ancien directeur du Conservatoire de Detmold, fait partie des
assez nombreux chefs centre-européens à avoir occupé des fonctions de
directeur musical dans les orchestres de Taipei. Car, après les
fondateurs locaux, on trouve beaucoup de noms qui ont aussi exercé à
des postes assez importants à l'Ouest (on peut supposer qu'il s'agit
d'une charge attractive, bien rémunérée et avec des musiciens très
compétents) : András Ligeti, Eliahu Inbal (et Fischer-Dieskau Jr) pour
le Taipei SO, Günther Herbig pour le Taiwan National SO (Taiwan
Philharmonic)…
Complément
discographique :
Les concertos pour
clarinette (au nombre de trois, et au moins un double concerto)
méritent définitivement le détour, parmi les plus beaux de leur
génération – leur élan et leur veine mélodique les placent largement, à
mon sens, au niveau de Mozart, Krommer ou Weber (ils ont même ma
préférence, je dois dire). C'est par là que Cartellieri a été restitué
au public, avant la parution de ces symphonies (chez Gold MDG, que vous
ne trouverez pas en dématérialisé).
Il existe aussi de jolis divertimenti gravés, justement, par
le Consortium Classicum (chez CPO) où officiait notre chef du jour,
plaisants sans être majeurs, et un oratorio
(en italien) consacré à la Nativité (chez Capriccio), qui ne m'a pas
paru particulièrement singulier ni saillant. À l'heure actuelle, on
attend toujours la remise au théâtre de ses opéras…
À noter également : un
ensemble de trio (piano-cordes) a pris le nom du compositeur,
mais n'a pour l'heure rien gravé de lui ! (Pas sûr qu'il en ait
composé d'ailleurs, ce n'est vraiment pas la formation reine de ces
années-là.) Il existe au moins un disque d'eux, consacré à Turina,
Takács et Piazzolla.
… oups :
Alors que cette notule est déjà bien avancée, à force de réécoute du
corpus, de plongée dans la partition, je m'aperçois que l'on entend
tout de même très bien la veine certes post-Mozart,
mais vraiment pré-1800 de ces
symphonies. Je suis un peu gêné de l'avoir proposée pour cette
décennie. Je me ferai peut-être pardonner en publiant une véritable
entrée pour 1800. Ce n'est pas un drame, voilà fort longtemps que je
souhaitais distinguer Cartellieri – c'est notule faite.
Débuter une œuvre en étant captivé. C'est parfois à cela que tient
l'adhésion ou le dégoût : une fois interpellé, on écoute vraiment.
L'objet
de cette série est, en plus de donner envie d'écouter, d'essayer
d'approcher le pourquoi –
pourquoi sommes-nous intrigués ou émus par cet instant-là ?
[[]]
City of Birmingham Symphony Orchestra Sakari Oramo (Erato-Warner)
L'une des toutes plus belles intégrales, et particulièrement
intéressante pour notre démonstration en raison de ses timbres clairs
(on entend parfaitement les entrées de basson, dont le timbre ne se
confond pas avec les cors ; les bois translucides et assez acides
reproduisent bien une idée de folklore) et de son déhanchement
légèrement dansé.
Alors, pourquoi cette symphonie nous saisit d'emblée ?
a) Principaux procédés
¶ L'accord arpégé des quatre cors,
très simple, pas tout à fait mélodique mais immédiatement marquant. Il
sous-tend tout le passage, et glisse d'un accord à l'autre avec de petits frottements qui induisent de
jolies tensions.
¶ L'effet de tuilage avec les bassons (pas phrasés exactement au
même endroit que les autres vents), sur un rythme déhanché qui ajoute
le mouvement à l'atmosphère enveloppante des cors.
¶ Les interventions des autres bois dans
l'aigu, sortes de petits cris
folklorisants, qui complètent le tableau.
¶ Le décalage permanent des appuis
de la mélodie par rapport au temps métronomique – il serait impossible
de battre la mesure à l'instinct, sans avoir lu la partition. À la fois
bien pulsé et irrégulier, décalé.
¶ Le roulement de timbales, dont la hauteur conditionne la couleur.
b) Pas à pas
→
0'00 à 0'11 (mesures 1-2) : Deux cors,
puis les deux suivants, aplat
de mi bémol majeur. Les deux bassons
les rejoignent (dans l'aigu) sur le point d'orgue, apportant une
couleur plus sombre, plus
chaude. La timbale, qui était
sur la dominante (la note de tension, qui appelle la résolution),
arrive sur la tonique (la note principale de la gamme et ici de
l'accord), mais vers l'aigu, ce qui relâche la tension tout en éclairant la teinte générale. On
voit l'effet simultané : le
timbre de l'accord se densifie, mais à la fois en s'assombrissant et
s'éclairant.
→ 0'12 à 0'19 (mes. 3-4) : séparation des bassons ; premier frottement, puis
descente ensemble en tierces, mais le
temps tombe sur la note courte (flèches bleues), alors que le poids mélodique (cercles rouges) va
sur la note longue. Effet dansant un peu dégingandé. Petits cris des flûtes et hautbois, là aussi décalés
par rapport au temps – on pourrait avoir une première note qui lance
sur la note tenue (une « levée »), mais ici, elle est précédée d'une
autre note moitié plus courte. Effet ornemental, là aussi un peu
décalé, boiteux, comme une musique qui cherche encore à se caler. Les cors, derrière, se séparent en
laissant un peu frotter les notes intermédiaires. Tout est suspendu
(tenues de cor) et tendu à la fois (rythmes, frottements).
→ 0'20 à 0'38 (mes. 5-8) : mêmes phrases aux bassons & cors. Hautbois (et clarinettes qui répondent un ton
plus bas) développent un peu le « cri » initial, sur un rythme
différent mais qui est lui aussi en décalage avec la mesure (le temps
tombe sur une note de passage), ce qui crée un étrange effet de «
lancer », de contretemps. Puis développement supplémentaire avec l'ajout de volutes.
→ 0'38 à 0'48 (mes. 9-10) : à nouveau une extension de la partie jouée par
flûtes-hautbois (même procédé) puis flûtes seules (encore plus aigu),
avec le même procédé – le temps
ne tombe pas sur la note qu'on accentuerait, longue et dans
l'aigu (et avec le frottement de seconde), mais sur celle qui précède
(qui serait en général juste avant le temps), produisant une sorte de
double départ, ou d'appui-surprise. Le temps tombe ensuite pendant la
tenue de la note longue (syncope). Petite volute des cors et retour du
roulement de timbales.
→ 0'48 à 0'59 (mes. 11) : dérivé
du même motif, les hautbois en commencent un autre, à nouveau syncopé,
mais plus sinueux, qui
persiste en se modifiant pendant toute la page suivante, jusqu'à
l'entrée réelle dans le mouvement rapide (quoique le tempo demeure identique).
■
Une sorte de grande émergence
autour de contenus très simples, donc,
progressivement complexifiés,
procédé qui se poursuit durant le reste
du mouvement. Typiquement du Sibelius… quelque chose d'une forme sonate
(thèmes concurrents) dont il ne resterait plus que le développement
(les motifs sont immédiatement altérés et transmutés).
Pour écouter librement l'intégralité de la musique sans enfreindre les
droits d'auteur, voyez par exemple la version Lahti-Saraste,
sur la chaîne officielle du chef ou celle de la
Radio de Francfort avec Hugh Wolff, sur la chaîne officielle de
l'orchestre.
c) L'envers du miroir
Il existe en réalité plusieurs états de
la Cinquième Symphonie, assez différents. La version de 1919, donnée partout, enregistrée
des dizaines de fois, est l'une des symphonies les plus souvent jouées
de son auteur (la plus, après la Deuxième, il me semble). Mais il ne
s'agit que de la seconde révision – écrite en 1914, créée en 1915,
remaniée en 1916 puis en 1919.
Il n'existe, à ma connaissance, qu'une seule version discographique
témoignant de ces états antérieurs, la version originale de 1914, telle que gravée par Osmo
Vänskä (en plus de la Cinquième
habituelle, de 1919) avec l'Orchestre Symphonique de Lahti, au sein de
son archi-intégrale Sibelius, dont la valeur documentaire est
inestimable (et la qualité d'exécution fort satisfaisante).
J'y avais consacré une notule entière (Aux origines :
l'autre Cinquième de Sibelius), car il s'agit en réalité d'une tout autre symphonie, développée différemment à partir du même
matériau (et en quatre mouvements au lieu de trois).
[[]]
Orchestre Symphonique de Lahti,
Osmo Vänskä (BIS)
Le début est particulièrement
frappant dans son choix opposé de disposition des motifs : on
retrouve bien les aplats de cor
suspendus, sur les mêmes harmonies, mais en accords, bien simultanés et non
perlés, et on débute d'emblée
par les motifs pépiés aux bois
(0'03 à 0'07). La figure d'ouverture
aux cors apparaît, mais plus tard
(1'21-1'30), dans une tonalitéplus aiguë, pour faire la
transition avec les trémolos de cordes qui lancent le mouvement rapide.
Il est d'ailleurs ouvertement parent
(réponse à 1'31-1'34) du motif qui ouvre cette partie plus agitée
(1'37-1'44, aux cordes au lieu des bois).
Je trouve cet état de la partition
tout aussi intéressant (voire davantage), à la vérité, que le définitif
auquel nous sommes habitués : le premier mouvement est peut-être un peu
moins subtil, le dernier un peu moins majestueux, mais on y gagne aussi
des couleurs plus inquiétantes
(soudaines « sorties de route » dans un mode mineur très tourmenté, au
I et au IV), ainsi qu'un mouvement
lent dont les variations sont sensiblement plus nourrissante –
davantage de diminutions
audibles et d'effets d'orchestration. J'aimerais vraiment pouvoir
disposer de la possibilité de la réécouter dans diverses autres
versions (Vänskä-Lahti étant dans les autres symphonies pas très
mordant ni coloré, quoique tout à fait bien conduit et évocateur).
d) Un mot de discographie
Je profite de cette notule pour un petit mot discographique, dans
l'immensité du choix de très grandes interprétations disponibles au
disque.
Un peu comme pour Mahler, il est difficile de jouer cette musique aussi
bien instrumentalement (vents très sollicités en particulier, dans
toutes les tessitures) que solfégiquement – rythmiquement très
délicate, tout est tout le temps décalé, et souvent davantage que dans
ce début… si chacun ne tient pas parfaitement son couloir ou ne se
rattrape pas très proprement, tout le mouvement est mort. Aussi, les
orchestres qui peuvent le jouer et l'enregistrer sont en général très
aguerris. Ce n'est pas du Haydn, que n'importe quel orchestre peut
(mal) jouer – et dont peu parviennent à conserver l'intérêt.
Par ailleurs, il s'agit d'une musique très écrite, dont les effets ne
dépendent pas de la juste réalisation musicologique. Ainsi on dispose
de beaucoup de très grandes versions (davantage au goût de tel ou tel,
bien sûr), et la principales différences qu'on puisse établir d'une
version à l'autre résident dans la clarté de la structure, les couleurs
propres à chaque orchestre (Sibelius les met toujours très en
évidence), l'animation générale, et la lisibilité des plans (pour
laquelle la prise de son joue un rôle considérable). Beaucoup de
subjectivité et peu de contrastes spectaculaires par rapport à d'autres
répertoires, sans doute.
Je recommande donc Rattle-Berlin (transparence
incroyable, sens de la danse), Ashkenazy-Philharmonia
(sens du discours ; la version avec le Royal de Stockholm est très bien
aussi), Oramo-Birmingham
(couleurs), Maazel-Pittsburgh
(netteté d'articulation), Storgårds-BBCPO
(couleurs, aération de la prise de son), Segerstam-Helsinki, P.Järvi-Paris… Je n'ai plus de
souvenirs précis de Sanderling-Konzerthaus
(Berliner Sinfonieorchester), Saraste-Radio
Finlandaise, Elder-Hallé
(prise de son incroyablement flatteuse), Bernstein-NYP (son un peu
gris, tout est dans le grain et le discours, fabuleux), Maazel-Vienne (tranchant)…
mais ce sont des intégrales très marquantes, je me figure que leur n°5
devait être très bien !
Beau parcours à vous dans cet univers… en attendant la prochaine
livraison de la série – d'un compositeur né la même année, mais pas
forcément l'œuvre à laquelle on s'attendrait.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Domaine symphonique a suscité :
Sans reprendre l'ambitieux parcours (que j'avais cependant beaucoup aimé
constituer) autour des opéras rares donnés dans le monde, et présentés un par un (saison 2017-2018), car il y a
d'autres séries à achever (une décennie un disque, débuts de
symphonie…), voici une petite sélection de titres qui donnent envie de
se déplacer.
Cliquer sur l'image permet d'ouvrir le tableau.
a) Organisation
Quelques remarques méthodologiques :
♦ Contrairement à la précédente instance, je n'ai pas cherché à donner
un panorama de tout ce qui
était donné hors de l'ordinaire ; j'ai effectué une sélection personnelle de ce qui me
paraissait – à moi – tentant. On y retrouve tout de même l'essentiel
des titres rarement donnés, mais je n'y ai pas inclus les titres pour
lesquels le voyage me semblait moins justifié : œuvres courtes (je suis
fan du Maestro di cappella de
Cimarosa, mais 20 minutes de musique…), légères (beaucoup de petits
Offenbach), contemporains inconnus de moi, Philip Glass. J'admets que
ce soit moins intéressant que le vrai panorama, mais il existe une
différence significative en temps : voyez-le comme un recueil de conseils pour aller voir
quelque chose, plutôt qu'en tant que document encyclopédique sur l'état
de la programmation mondiale.
♦ Il a fallu effectuer un classement : j'ai choisi celui qui fait le
plus sens pour moi, par langue puis
par ordre chronologique approximatif des compositeurs. En
accédant au tableau, vous pourrez effectuer votre propre
classement par compositeur, ville, pays… selon vos priorités.
♦ Je tiens à préciser qu'étant issu d'un recensement à but personnel,
vous trouverez des incohérences
: j'ai relevé des dates à Tel-Aviv et Montevideo alors qu'il ne s'agit
supposément que d'Europe, ajouté quelques opéras (Clemenza di Tito, Pikovaya Dama) très régulièrement
donnés mais que j'ai envie de revoir cette saison… Je ne les ai pas
retirés du relevé, ça n'y retranche rien. Mais je suis conscient de ces
distorsions, oui.
♦ À cela s'ajoute que beaucoup de
saisons n'ont pas encore paru sur mes radars (notamment aux
Pays-Bas, en Europe Centrale…), et que je n'ai évidemment pas pu tout
surveiller et relever. Beaucoup de petites pièces (théâtres secondaires
moscovites !), notamment pour enfants ou à destination locales, ont
ainsi dû, hélas, m'échapper.
b) Quelques immanquables
Dans la vastitude de la proposition, quelques pistes (en gras, en
rouge).
Nadia Boulanger, La Ville morte, Göteborg.
Très grande compositrice, éclipsée par le destin tragique de sa petite
sœur Lili – et arrêtant la composition à sa mort –, elle a laissé un
opéra. Non pas d'après Rodenbach mais d'après D'Annunzio (hé oui), elle
achève en réalité l'œuvre de Raoul Pugno (qui nous est resté comme
compositeur de plaisantes mélodies). On ne dispose pas
d'enregistrement, ce sera une grande découverte.
… j'ai finalement fait le choix d'inclure, pour plus de clarté, de
brefs commentaires directement en face des titres. En sélectionnant
la case, le texte apparaît dans la barre du haut (et en
double-cliquant, il apparaît en entier).
Évidemment, je suis très tenté par les opéras contemporains tchèques,
lituaniens, lettons, grecs ou hongrois (toute une série en
janvier-février à Budapest !) que je ne connais pas !
c) Tableau
L'original, qui comporte davantage de colonnes (dont les pays et
commentaires !), qui peut être importé dans votre propre tableur et
sera potentiellement complété, figure ici.
Cet aimable bac à sable accueille divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées en séries.
Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées.
N'hésitez pas à réclamer.