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mercredi 29 janvier 2025

[nouveauté] Pavel Vranický – Symphonie pour la Paix avec la France – ou comment les interprètes façonnent (faussement) l'image publique d'un compositeur


J'ai déjà insisté sur la qualité particulièrement singulière et  novatrice du legs de Pavel Vranický (plus largement connu sous sa déclinaison germanique Paul Wranitzky), à l'opéra surtout – son Oberon (1789), créé entre Don Giovanni et Così fan tutte, évoque bien davantage l'Oberon de Weber (1826) !  Mais si l'on veut écouter de la musique symphonique exaltante de la période mozartienne, qui sorte des canevas prévisibles, Vranický constitue également une approche prioritaire.

On ne disposait jusque là que de quelques (très belles) symphonies, dans un goût qui peut évoquer le panache dramatique de Gossec ; les meilleures versions étant, sans surprise, celles des Tchèques (Bohumil Gregor avec le Dvořák Chamber Orchestra), dont le son acidulé rend justice, même dans une optique tradi, aux équilibres sonores et à l'élan de cette musique.

Naxos a lancé une entreprise de documentation passionnante qui en est à son huitième volume, et d'où sourdent quelques merveilles inattendues, notamment du côté du ballet.

Dans celui-ci, trois symphonies, où triomphe en particulier la Symphonie en ré majeur P17 (sans numéro d'opus), comme ses prédécessrices au disque – l'opus 36 et l'opus 52, que je tiens assez nettement pour ses meilleures. Très généreuse et exaltée, sans doute marquée par Gluck.

La Symphonie pour la Paix avec la République Française, qui ne contient pas d'airs français que j'aie pu identifier, avait déjà été enregistrée et demeure toujours assez peu héroïque ou suggestive, une bonne symphonie du temps parmi d'autres.



Cependant, on retrouve ici la même limite qui serre le cœur que dans tout le reste de la série : l'Orchestre Philharmonique de Chambre Tchèque de Pardubice (veuillez nous transmettre vos idées de dénominations plus longues, nous sommes vivement intéressés) est une phalange qu'on ne peut pas décrire comme « sensibilisée musicologiquement », et les choix stylistiques de Marek Štilec renforcent cet aspect – son d'orchestre très lisse et blanc (vraiment peu de couleurs vives), articulation très legato, primauté du fondu sur la couleur et les accents, uniformisation du spectre, rythmes lissés : c'est une vision très policée de la musique du XVIIIe siècle qui s'exprime, et il me semble que cela souligne surtout les harmonies consonantes, atténue les originalités ou audaces de ces musiques.

La série est donc indispensable, un travail que personne n'a fait – il commence à exister un certain nombre d'anthologies, mais aucun travail d'exploration systématique, ce qui nous privait en particulier des ballets, pourtant véritablement marquants pour certains d'entre eux. Pour autant, à l'écoute, le résultat produit paraît souvent assez mesuré et ne produit pas la sidération que cette musique devrait produire ; je pense même qu'il peut y avoir un aspect contre-productif sur la perception du compositeur, tendant à l'assimiler dans l'esprit du public au style des interprètes de cette anthologie, et compromettant ainsi, paradoxalement, l'engagement pour sa remise au théâtre. 

Ce phénomène advient quelquefois, un peu à la façon de l'engagement absolu et admirable de Colin Davis – qui, pour le coup, a réellement fini par influer positivement sur la programmation de Berlioz ; mais qui a, dans le même temps, par son style propre, largement contribué à la perception d'un Berlioz monumental, emphatique, statique, voire pompier – toutes choses que Berlioz peut être par ailleurs (statique excepté !), mais qui ont à tort été associées à l'essence même de sa musique, alors qu'il ne s'agissait que d'options interprétatives. 

Mon sentiment serait sans doute à nuancer par le fait (indéniable) que le public cible de ce genre de publication de niche est sans doute assez averti – si l'on s'intéresse aux compositeurs moins connus du XVIIIe siècle, on connaît très vraisemblablement la distinction entre les exécutions informées par la musicologie / influencées par la redécouverte des instruments et modes de jeu anciens d'une part, et celles qui n'en tiennent pas compte d'autre part !  Il ne faut donc pas s'exagérer l'influence sur la perception d'une telle série discographique ; pour autant, à l'écoute distraite au rapide d'une oreille curieuse, il serait possible de passer à côté de la formidable singularité de Pavel Vranický – non pas, au demeurant, que les interprétations de Pardubice-Štilec soient dénuées de valeur !



Pour prolonger, d'autres notules sur les demi-frères Vranický : 

¶ une décennie, un disque : 1780 (Symphonies de Vranický par B. Gregor & Dvořák Chamber) ;  

¶ sur l'opéra Oberon, König der Elfen (avec des extraits de cet inédit dans une très belle version radiodiffusée que j'ai moi-même mise en ligne) ;

¶ « Qui peut égaler les symphonies de Mozart ? »

¶ un mot sur le volume 1, le volume 2, puis le volume 3 de la série Naxos, dans le cadre du bilan des nouveautés 2021 ;

quelques symphonies précédemment publiées ;

¶ un double concerto (pour deux altos) par le spécialiste HIP Goebel, dans une série Sony sur les contemporains de Beethoven ;

¶ conseils de quatuors à cordes ;

¶ sur la singularité du style des compositeurs : « D'où vient l'émotion ? — Pourquoi Mozart est-il aussi différent ? — La preuve par l'exemple » ;

¶ un tentative de réflexion plus large : « N'aimez-vous pas les œuvres davantage pour leur rareté que pour leur qualité ? »

samedi 25 janvier 2025

Pourquoi je ne joue pas de piano au piano — [Un an et demi de déchiffrages d'inédits – VII – Arrangements inédits, de Mozart à Sibelius]


asgér hamerik
Asgér Hamerik, l'une des seules pas-vraiment-superstar de cette notule.

Pour les implications techniques (pianistiques) de l'entreprise, voyez la première notule de la série.

Pour le point sur les dernières découvertes côté opéras en français, voyez la deuxième notule de la série.

Pour les opéras en allemand, voyez la troisième.

Pour les opéras en d'autres langues, le répertoire sacré, la musique symphonique, les mélodies françaises : épisode n°4.

Pour les lieder et songs : épisode n°5.

Quant à la musique de chambre, au clavecin, au piano solo, aux mélodies slaves : épisode n°6.

J'ai aussi recueilli ces lectures dans un fichier que je mettrai à jour.



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(Quelques transcriptions ou fantaisies pour piano à partir de tubes mentionnés plus bas.
Le disque le plus conforme que je connaisse, la Troisième Symphonie de Bruckner
transcrite pour piano à quatre mains par Mahler,
n'est pas disponible en flux.)


13. Tubes en réduction

Je touche à la fin de ce panorama, avec dans l’intervalle des nouveautés, évidemment.

Je n’ai pas évoqué cependant une catégorie d’inédits, qui m’a beaucoup occupée, mais qu’il serait probablement assez peu utile de commenter (et encore moins de diffuser) : une vaste partie des pièces que je joue au piano sont des transcriptions, de symphonies, de quatuors... jamais enregistrées en version piano ou, quand c’est le cas, pas dans l’arrangement que j’ai soigneusement sélectionné.
Je ne parle même pas des opéras en version réduite, où j’intègre moi-même les lignes vocales à l’« orchestre ».


a) Répertoire

Dans cet ensemble, des œuvres peu célèbres (Concertos pour violon de Pierre Rode [lien], Quatuors d’Anton Rubinstein [lien], Symphonie n°1  de Kalinnikov ou n°2 d’Asgér Hamerik [lien]…), et beaucoup de tubes. Les symphonies de Beethoven (1,2,3,4,5,6,7,8,9), de Schubert (3,5), de Mendelssohn (3,4,5), de Schumann (2,3,4), de Bruckner (2,3,4,5,6,7,9), de Brahms (1,4), de Tchaïkovski (1,2,3,4,5,6), de Dvořák (7,8,9), de Mahler (1,2,3,5,8,9), de Sibelius (1,5, faute de trouver les autres) ; les poèmes symphoniques de Tchaïkovski, les trois grands ballets français de Stravinski ; les quatuors de Beethoven (1,2,3,4,5,6,7,8,9,15 pour l’instant), Schubert (12,13,14,15), Mendelssohn (2,6), Schumann (3), Debussy...

Côté opéra, parmi les plus joués :
→ l'horrible Richard Wagner [notules] : le Vaisseau fantôme, les scènes aquatiques et célestes de Rheingold, les actes I et III de la Walkyrie, l'acte III de Parsifal… souvent dans des traductions françaises ;
→ Richard Strauss [notules] : tout le début d'Elektra jusqu'à la fin de la première scène de Chrysothemis, les débuts du I et du II du Rosenkavalier, tout Ariadne auf Naxos, le début de Die Frau ohne Schatten, et surtout tout Arabella, ;
→ Mozart : actes pairs des Noces, tout Don Giovanni, tout Così, toute la Clemenza ;
→ Verdi : Stiffelio, Un Ballo in Maschera (tableau du gibet), Don Carlos (actes impairs), Aida (actes III et IV), Otello (acte II)… ;
→ Debussy : tout Pelléas & Mélisande ;
→ Bizet : tout Carmen ;
→ Puccini : tout Tosca, acte I de La Bohème ;
→ Reyer : acte IV de Sigurd ;
→ Meyerbeer : actes I et V des Huguenots ;
→ Halévy : extraits de La Juive ;
→ Bellini : actes I et II, fin de l'opéra des Puritains ;
→ etc.
Le plus joué sans conteste, l'acte III de Die Walküre (comme d'habitude), suivi des I et III d'Arabella, puis l'acte IV des Noces, tout Tosca, Pelléas, l'acte II d'Otello, le final de Stiffelio. (Si l'on compte les extraits isolés, le duo de révélation du V de La Reine de Chypre d'Halévy arrive dans le trio de tête !  Réduction réalisée par… l'horrible Richard Wagner.)

Côté musique sacrée, beaucoup de lectures de la Missa Solemnis de Beethoven, du Psaume 42 et d'Elias de Mendelssohn, du Requiem de Verdi, du Deutsches Requiem de Brahms

Et sans doute bien d'autres choses que j'oublie.



b) Effets

Et il faut bien le dire, accéder à une partie de la richesse de ces musiques, la réaliser seul, en incarner les arcanes, a quelque chose de particulièrement grisant. Parmi les bonnes surprises, le Quatuor de Debussy se joue assez bien au piano, qui tombe assez bien sous les doigts, peu de sacrifices à opérer dans la musique, alors qu'il faut souvent opérer des choix déchirants dans les réductions de quatuor !  Quant au mouvement lent de l’opus 59 n°2 de Beethoven, voilà probablement l’une des pièces « pour piano » que j’ai le plus jouées... une partie de son caractère ineffable et de la succession ininterrompue d’idées fulgurantes se communique très bien à la version piano.

Évidemment, toutes les polyphonies ne sont pas réalisables (certaines ne sont même pas notées par les transcripteurs !) et les effets de timbre ou de texture peuvent ne pas trouver de correspondance au piano, mais ce reste tout de même un outil d’approche incroyablement intuitif et jubilatoire ! 

Les choix des transcripteurs sont en eux-mêmes éclairants, également : ainsi pour les symphonies de Beethoven, Otto Singer II, le grand transcripteur d’opéras de Wagner et Strauss, n’est-il pas le plus confortable pianistiquement ni le mieux sonnant quand aux équilibres des registres. Liszt, que je n’ai jamais beaucoup aimé ici, me paraît vraiment un attrape-pianiste – des octaves partout, mais cela imite assez mal les textures d’un orchestre à cordes et vents ; on le perçoit déjà à l’audition, et c’est encore plus vrai lorsqu’on le lit et le joue. (En outre, quoique très pianistique, je ne trouve pas ça confortable à jouer, on sent les grandes mains puissantes, on a l'impression de toujours courir après le brillant plutôt que de travailler le fondu et la couleur.) Une œuvre pour faire briller le pianiste plutôt que pour évoquer fidèlement le souvenir de l’original. Après pas mal d’essais, je me suis tourné vers Ernst Pauer, pianiste et compositeur deux générations plus tard (né en 1826), dont les propositions modestes et équilibrées, qui visent davantage à la fidélité qu’à l’effet, permettent réellement de faire réentendre le matériau d’origine, avec, évidemment, son lot de simplifications ou d’impossibilités pratiques. De même pour Tchaïkovski, où j’ai privilégié l’éditeur moscovite Jadassohn, lui-même transcripteur, sur d’autres noms plus prestigieux.



c) Déviance

Vous vous posez peut-être la même question que celle naguère émise par un camarade : il existe tellement de chefs-d’œuvre pour le piano (documentés ou non), pourquoi t’acharner sur des œuvres qui ne sont pas écrites pour l’instrument?

Et en effet, je joue beaucoup plus d’opéras, de symphonies, de musique de chambre (avec ou sans piano prévu !) que de musique pour piano. Phénomène encore spectaculairement accentué lorsqu’il s’agit de jouer des œuvres qui figurent dans le grand-répertoire.

C’est à la vérité une très bonne et légitime question, et il se trouve que je dispose de réponses – qui éclairent certes mon approche, mais aussi, je crois, une dimension musicale susceptible de tous nous concerner à divers degrés.

1) Beaucoup de pièces pour piano sont déjà disponibles au disque : ce sont les plus faciles à enregistrer et diffuser ; même si je ne les trouve pas de prime abord, il est fréquent qu’en réalité une piste isolée (et mal référencée) se dissimule dans une anthologie, sans parler bien évidemment des captations artisanales publiées sur YouTube. Le risque de travailler pour rien est donc assez élevé.

2) Les œuvres pour piano sont souvent écrites pour mettre en valeur les pianistes, nécessitent de la virtuosité, contiennent des traits purement pianistiques. Autant je peux arriver à donner le change en première lecture d’un opéra (quitte à opérer des choix d’urgence dans les voix et/ou l’accompagnement), autant sur une pièce écrite pour piano, si on escamote les cabrioles prévues, le résultat paraît tout de suite moche. Néanmoins, cette considération ne concerne en réalité surtout les captations / diffusions – rien ne m’empêche de les jouer pour moi-même.

3) La véritable raison, c’est que ladite virtuosité est souvent présentée comme une vertu (un grand pianiste, c’est un « virtuose »), alors que pour ma part, en tant qu’auditeur, à matériau égal, je trouve l’œuvre virtuose moins intéressante. Non seulement les fanfreluches n’apportent rien au discours, mais elles l’affadissent (pour moi), se reposant sur des formules vives et stéréotypées au lieu de laisser chanter la mélodie, l’harmonie, en somme le discours.
Or, très peu de compositions pour piano échappent à ce genre de réflexe. Je trouve donc plus satisfaisant de jouer d’autres genres musicaux transcrits, qui échappent à ces formules prédéfinies que je trouve à la fois inutilement difficiles à jouer et particulièrement pauvres en sens musical.

4) Mais la motivation ultime, celle à laquelle vous n’aviez peut-être pas pensé, celle qui fait que je reviens sans cesse, à mon piano, plutôt aux Quatuors de Beethoven et aux Symphonies de Tchaïkovski (pourtant vraiment virtuoses) qu’aux Études de Chopin et aux Rhapsodies de Liszt : la rêverie.
Lorsque vous jouez une pièce pour piano écrite pour le piano, tout est écrit sur la partition, il faut exécuter ce qui est prévu, il n’y a pas vraiment de place à la créativité. Tandis qu’avec une œuvre prévue pour un autre instrumentarium, il faut souvent opérer des choix (y compris sur la réduction piano déjà écrite, pas nécessairement exécutable en l’état), choisir les voix à faire sonner... Une sorte de co-transcription, en quelque sorte, assez stimulante intellectuellement. Cet aspect est encore plus évident concernant les opéras, évidemment : il faut chercher à intégrer les voix au maximum tout en jouant l’accompagnement piano, lire le texte et les didascalies pour comprendre ce qui s’y passe... mais quel cocktail d’émotions !

5) Corollaire : une grande partie du travail se situe du côté de l'imagination. Il faut se figurer les timbres des instruments absents, et essayer de rendre audibles leurs textures, leur étagement,  leurs contrastes – l'attaque fine d'un hautbois, la transparence pénétrante d'un cor, un glissando de corde ou un portamento de voix. on a réellement l’impression d’effectuer un travail d’interprète, de coloriste, de concepteur. On se représente les timbres que l’on veut suggérer, et ce sont des mondes qui s’ouvrent en plus de la simple exécution : ainsi, jouer une symphonie, c’est aussi être chef d’orchestre en plus d'être co-arrangeur.
Évidemment, je ne pense pas du tout avoir le niveau pour parvenir à communiquer cela (j’essaie), mais sur le plan intérieur, cette approche est d’une richesse sans commune mesure avec la simple tentive de jouer bien propre des bouts de gammes ou d’arpège conçus pour épater la galerie – et, accessoirement, pour écarter des scènes des pianistes médiocres comme moi.

6) Encore plus irrationnel, dans des pièces transcrites, je ressens le frisson d’être utile (même si ces lectures-plaisir n’ont pas du tout vocation à être jamais diffusées !) : je suis certain que personne n’a capté les transcriptions de Pauer, Jadassohn ou Singer, et d'une certaine façon, je documente un état de la partition qui n'est disponible nulle part. (Et ce, même si l'intérêt de publier des disques de transcription piano assez littérales par des pianistes compétents n'aurait peut-être pas un intérêt majeur – vous ne serez pas surpris que je pense en réalité que si.)



D) Point final

Vous connaissez à présent mon secret, celui que mon confesseur tremble de devoir un jour révéler sous les sévices, portant ainsi malgré lui le désarroi dans le monde, pour la seconde fois depuis l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal.

Vous pouvez désormais vous constituer tribunal et me mettre aux fers avec Dreyfus et Valjean.

Vous serez, estimé lecteur, le héros de l'épisode qui achèvera cette série : je dois vous poser une question dont dépendra – peut-être – le reste de ma vie.

lundi 20 janvier 2025

Un an et demi de déchiffrages d'inédits – VI – Musique de chambre, piano & clavecin solos, mélodies slaves – (G. & A. Krein, Bürgel, Posa, Samson-Himmelstjerna, Berezovsky, Bortniansky, Kalinnikov, Akimenko, Ornstein…)


theodore akimenko
Théodore Akimenko, le symboliste ukrainien qui exerça longuement en France.

Pour les implications techniques (pianistiques) de l'entreprise, voyez la première notule de la série.

Pour le point sur les dernières découvertes côté opéras en français, voyez la deuxième notule de la série.

Pour les opéras en allemand, voyez la troisième.

Pour les opéras en d'autres langues, le répertoire sacré, la musique symphonique, les mélodies françaises : épisode n°4.

Quant aux lieder et songs : épisode n°5.

J'ai aussi recueilli ces lectures dans un fichier que je mettrai à jour.



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(Choix parmi quelques œuvres disponibles des compositeurs dont les inédits sont présentés ci-dessous.)



10. Mélodies slaves

Du côté des mélodies slaves, je n'ai pas remis sur le métier les mélodies inédites de Roslavets (notamment les Verlaine, traduits en russe), vraiment élusives rythmiquement, et dont le sens prosodique et plus généralement expressif est difficile à suivre – clairement pas la part la plus généreuse de sa production. J'ai en revanche essayé celles d'Obouhov / Obuhow, toujours aussi énigmatiques (avec son propre système de notation, du reste).

En revanche, deux découvertes importantes.

La première, le recueil Lvov-Prač, dont j'ai déjà devisé à propos de la « Grande Matrice » commune des musiques ukrainienne et russe.

Extrait de la présentation :
Une large part de la musique russe se fonde sur des thèmes folkloriques russes : beaucoup des mélodies prenantes qu'on entend dans les œuvres emblématiques de Tchaïkovski, Moussorgski, Rimski-Korsakov, Arenski… sont en réalité des thèmes préexistants.

Ces mélodies sont en général tirées du premier recueil du genre, et le seul à ma connaissance avant un regain d'intérêt à la fin du XIXe siècle : Collection de Chansons populaires russes avec leurs mélodies, de Nikolay Lvov & Jan Prač (souvent sous la forme Ivan Prach), plus communément connue sous le nom de « Lvov-Prač Collection ». Lvov était l’ethnographe qui a collecté les chants (également architecte, et à ses heures perdues poète, historien, géologue, etc.), Prač le compositeur qui les a transcrits de façon nette, incluant même leurs accompagnements au piano.

Ce recueil est fondamental pour comprendre la constitution de la musique russe au XIXe siècle : énormément de thèmes utilisés par les principaux compositeurs que nous connaissons y sont empruntés. Et un certain nombre sont en réalité des thèmes ukrainiens !

J'en ai donc lu-joué-chanté une partie pour retrouver certains thèmes, vous trouverez quelques exemples particulièrement évidents dans la notule concernée. Prač ayant écrit un accompagnement, tout cela se lit très facilement ; c'est plutôt la langue qui ralentit la lecture, en fin de compte.
(Je m'aperçois à cette occasion que ladite notule arrive en premier des résultats Google pour « lvov prac collection », même sans être connecté et depuis un ordinateur tiers, je suis impressionné – je veux dire, impressionné à quel point ça n'intéresse manifestement personne depuis une IP francophone. Résultats suivants tous en anglais : un article universitaire sur JSTOR, un extrait de catalogue sur WorldCat, l'article anglophone de Wikipedia.)

Seconde découverte importante, les frères Krein, issus d'un père violoniste lituanien spécialiste de la musique klezmer. Les deux frères furent, d'ailleurs, membres de l'antenne moscovite de la Société de Musique Folklorique Juive, et ont réutilisé abondamment le folklore et les sujets juifs dans leurs œuvres – Rhapsodie hébraïque, poème symphonique Saul & David pour Grigori, et pour Alexandre Esquisses hébraïques, 3 Chansons du Ghetto, Caprice hébraïque, cantate Kaddish pour ténor, chœur mixte et orchestre, 2 Chansons hébraïques, Mélodie juive pour violoncelle & piano….

C'est Aleksandr, le plus jeune (né en 1883), ayant étudié la composition à Moscou avec Taneyev, et violoncelliste de formation, qui a laissé le plus vaste catalogue et s'est le mieux intégré musicalement, occupant même des fonctions dans les instances artistiques soviétiques. Les quelques mélodies (Chansons du Ghetto) que j'ai lues de lui sont très personnelles et écrites avec science.

Mais j'ai encore été encore plus frappé par Grigory (né en 1879), avec ses 3 Peintures vocales Op.8 (comme les Esquisses hébraïques de son frère, le titre est en français), tableaux sonores évocateurs, sinueux, à la fois exigeants et séduisants, écrits sur des glossolalies – « Berceuse funèbre », « Air », « Un matin dans la forêt de Pan  ». Ce cycle est précédé d'un autre, au titre identique, que je n'ai pas encore lu (avec les mélodies « Chant d'automne », « Sainte Cécile », « О милом » – assez polysémique, je ne sais pas quel sens prévaut ici).
Sa formation a été un peu différente, puisqu'il était violoniste comme leur père, et formé à la composition à Moscou par le Suisse Paul Juon et l'Ukrainien Reinhold Glière, mais aussi à Leipzig par Max Reger. Après avoir été professeur de violon et de théorie musicale à Moscou, il a vécu en divers point d'Europe avec son fils Julian, également compositeur : Vienne, Paris, Berlin, Tachkent, Saint-Pétersbourg et des retours à Moscou…

Clairement des corpus que j'entends explorer à l'avenir.



11. Chambre

Autant la fascination pour l'opéra est comprise (et il est souvent possible de se débrouiller pour chanter soi-même ou pour intégrer les lignes de chant dans la partition piano), autant il peut paraît étrange de déchiffrer seul au piano des œuvres écrites pour un dialogue à égalité entre plusieurs instruments – les partitions de piano en musique de chambre sont souvent les plus difficiles (parfois plus exigeantes même que des concertos !), et ne permettent pas d'intégrer les lignes mélodiques des autres instruments.
Pour autant je trouve l'exercice très stimulant, et fais l'hypothèse qu'en plus de la qualité musicale souvent supérieur qu'on y rencontre (par rapport aux pièces pour piano solo notamment, c'est frappant !) que la dimension onirique en est bien plus puissante, puisqu'il faut à tout moment imaginer des interactions, des équilibres, et qu'on ne produit jamais un résultat tout à fait complet et autonome.

C'est probablement l'un des ressorts qui me fait jouer autant de réductions d'œuvres symphoniques, d'arrangements de quatuors à cordes ou de piano prévu pour jouer en interaction chambriste, alors même que je n'ai aucune perspective d'exécution avec des partenaires.

(Je ne serais pas contre au demeurant, si jamais je croise des gens curieux de répertoire nouveau prêts à partager une expérience de lecture à vue de qualité moyenne… mais la plupart des chambristes que j'ai croisés sont professionnels ou peu s'en faut, ou pas intéressés par le répertoire occulté, ou trop épris de perfection pour l'aventure d'un déchiffrage simple.)

Constantin Bürgel (né en 1837), Sonate violon-piano. La chose est écrite dans un langage très avancé pour sa génération : très lyrique et expansif, du grand romantisme tardif - on peut faire le lien avec une génération Tchaïkovski, mais en Allemagne, le style de ses contemporains les plus célèbres reste dans des normes beaucoup plus massives en général. J'ai été très séduit (et amusé) par la façon dont il utilise des éléments archaïques (des rythmes pointés très présents et les tremblements, comme lorsque le dernier XIXe siècle veut faire du baroque) dans une grammaire tout à fait romantique. Très beau, avec quelques poussées grisantes qui évoquent davantage, çà et là, la génération Posa.
J'y reviendrai à propos de la musique pour piano, puisque la découverte de la sonate m'a incité à aller fouiller plus avant dans le peu qui se trouve aisément disponible en partition.

Oskar Posa (né en 1873), Sonate violon-piano. Une progression absolument folle, pas une mesure qui ne soit musicalement indispensable, le jeu des harmonies et la récurrence des motifs créent une forme de halètement permanent. Tout cela est à ajouter au beau lyrisme, pour un résultat totalement grisant, même en version piano seul sans intégrer les lignes de violon ! 
J'en ai déjà parlé dans l'épisode précédent à propos des lieder, mais aussi dans plusieurs notules, dont celle-ci.
(Un double disque comprenant une belle version de la Sonate sortira à l'automne.)

Toujours de Posa, des extraits du Quatuor à cordes, à partir de la partition d'origine à quatre voix. Je pressens là aussi de très belles idées, pas aussi tourmentées et urgentes que dans la Sonate, mais d'une grande beauté musicale - là aussi, rien n'est écrit à la légère ou pour le remplissage, même si le ton y est un peu plus traditionnel et purement consonant. 

Côté Ukraine, outre un regard jeté sur le Trio (déjà présent au disque, une très belle veine mélodique assez sobre et directe, dans un style qui reste globalement assez germanique) de Vladimir Dyck (né en 1882 à Odessa), j'ai pu découvrir son Kadisch pour violon et piano de 1932, dédié à son frère Jacques. Style qui évoque plutôt les années 1860 que 1930, mais le langage y est particulièrement maîtrisé et proportionné à son propos expressif.
Terrible destin que celui de ce compositeur ukrainien, arrivé en France à dix-sept ans, remportant le Prix de Rome 1911, professeur de piano de Mme Poincarré… arrêté en 1943 par la Gestapo et assassiné peu après son arrivée à Auschwitz.
Tant d'histoires en une seule vie, je suis étonné qu'il ne suscite pas davantage l'intérêt, ne serait-ce que pour conter son histoire. (Et la musique est bonne.)

Sinon, beaucoup lu de choses pas très fréquentes, mais qui existent déjà au disque, comme la musique de chambre de Taneïev (Quintette et Quatuor piano-cordes) et de Pejačević (Quintette, deux Sonates violon)…



12. Piano (ou clavecin) solo

Pour la les mêmes raisons proposées pour expliquer mon intérêt pour les réductions d'opéras ou de symphonies, voire la musique de chambre même en l'absence de partenaires, j'ai finalement assez peu déchiffré de musique pour piano solo, qui serait la plus naturelle à explorer en théorie. (Et encore moins joué de musique pour piano connue à la simple fin de me contenter, alors que je me suis gavé de réductions de symphonies et de quatuors superstars.)

J'ai donc poursuivi avec Constantin Bürgel (né en 1839), où j'ai retrouvé sensiblement les mêmes qualités : un geste mendelssohnien (le scherzo de la Sonate pour piano Op.5 !) mais aussi une sensibilité archaïsante qui affleure (ces accompagnements en notes alternées dans le premier mouvement). La Suite Op.6 est plus personnelle dans ses explorations, toujours de très belles idées. Pour finir (en réalité, j'ai commencé par là) un Schlummerlied, sorte de romance sans parole en forme de berceuse, très joli mais qui n'est pas très représentatif de la personnaltié de son auteur.

Chez Guido von Samson-Himmelstjerna (né en 1871), le langage n'est pas nécessairement plus avancé, au contraire. Très consonant – jusqu'à des basses d'Alberti dans le final, c'est perturbant ! –, pour autant j'aime beaucoup les éclats consonants de son premier mouvement – un peu dans le goût de ceux de la Symphonie n°2 de Hamerik, pour situer. (Autrement dit, une œuvre qui utilise plutôt le langage musique de la génération Mendelssohn, voire légèrement antérieur.)
Le mouvement lent à variations est le plus périlleux à jouer ; ça ne rend pas grand'chose en première lecture. Le reste utilise davantage des empreintes très familières.
(Dans l'intervalle, la Sonate a été captée et diffusée en vidéo sur la chaîne YouTube de Carnets sur sol.)

Autant j'ai admiré passionnément les opéras de Paul von Klenau (né en 1883) dans ma série de déchiffrages (les postromantiques comme les dodécaphoniques !), ou ses quatuors et symphonies au disque… autant au piano, que ce soit son ballet ou, ici, les 3 Stimmungen, j'ai perçu peu de saillances. Beaucoup moins d'invention ici, des œuvres qui pourraient être de n'importe qui ayant des connaissances en musique.

Pour quitter l'aire germanique, je cite Alexandre Tinyakov (né en 1886, j'imagine qu'on translittère plutôt Tiniakov en français, mais comme vous ne verrez guère son nom dans des ouvrages ou articles francophones…) et ses 2 Lieder ohne Worte, Op.1 (1900), charmants.



Mais en réalité, l'essentiel de mon énergie pianistique, en ce qui concerne le corpus expressément écrit pour l'instrument, s'est concentrée sur la série ukrainienne – qui avance peu, mais c'est précisément parce que je lis beaucoup de musique pour avoir une idée de ce dont je parle, et préparer les illustrations sonores !

J'ai déjà publié une Sonate de Maksym Berezovsky (né vers 1745), le premier des compositeurs ukrainiens (et des compositeurs russes, par la même occasion), transcription d'une sonate pour violon et piano, afin d'illustrer la notule-podcast sur la Triade d'Or. J'en avais parcouru quelques autres pour choisir laquelle enregistrer, toutes dans le même style classique, pourvues de réelles qualités d'évidence mélodique.

De même, dans le premier des épisodes consacrés à Anton Rubinstein (né en 1829), après avoir feuilleté pas mal d'œuvres et joué en survol les 6 Préludes & Fugues Op.53, j'en avais choisi le Prélude en sol (que vous pouvez donc entendre ici). Comme c'est en général la norme pour les préludes d'esthétique romantique, il se fonde sur une structure rythmique assez régulière, où accords pour grandes mains répondent à des octaves en intervalles de secondes mineures dans le grave du clavier. Le principe en est très perceptible à l'écoute seule, et les suites d'accords très complets (beaucoup de doigts sollicités), souvent des renversements du même accord, sont typiquement de l'écriture de Rubinstein… même lorsqu'il écrit pour orchestre !  (Ce qui, comme je l'évoquais dans l'épisode précédent, entre en amusante contradictions avec les conseils prodigués à ses élèves.)
La pièce a déjà été gravée par Martin Cousin (et il en existe aussi une version MIDI sur les sites de flux…) pour Naxos, et publiée dans les jours même où je l'enregistrais, à l'été 2023… si bien que malgré mon suivi régulier des nouveautés, je n'avais pas encore vu que mon inédit ne l'était plus guère. Je vous invite bien évidemment à découvrir le cycle entier, avec ses fugues, dans une interprétation techniquement incomparable à la mienne.
Le contraste est cependant intéressant entre les deux approches : à la lecture, je perçois une ambiance assez furieuse – un peu dans l'esprit du Prélude Op.28 n°22 de Chopin –, avec des graves martelés et en regard des accords altiers ou vindicatifs, tandis que Martin Cousin joue la chose avec beaucoup plus de souplesse et de modération, rien de tempêtueux chez lui, et des accords qui répondent plus doucement aux basses (ce n'est pas marqué sur la partition). Deux interprétations (au sens linguistique !) possibles de ce texte, donc.

J'ai ensuite poursuivi dans mon ordre chronologique, même si je ne suis pas certain de vouloir faire éterniser la série dans les parties les moins singulières du patrimoine sonore ukrainien – peut-être faudra-t-il accepter d'en passer par des thématiques qui oscilleront d'une période à l'autre, en classant plutôt par degré d'intérêt.

De Mikhailo Kalachevsky (ou Kolachevsky ; Kalatchevsky en translittération française), né (en 1851) et mort dans la même région du centre de l'Ukraine (dans la courbe du Dniepr), je n'ai mis la main que sur un Nocturne, de facture très traditionnelle : basse + accord à la main gauche, des enchaînements typiques du romantisme, quelques recherches de contrechant simples (une descente chromatique en triolets, par exemple), et beaucoup de réponses en imitation d'un petit motif de quintolets – en cela, nocturne dans la veine chopinienne, avec des rythmes en forme d'ornements de durée variée.
Très joli et agréable. (Le compositeur est surtout célèbre pour sa symphonie sous-titrée « ukrainienne ».)

Sergei Yuferov (ou Sergueï Youferov, ou Serge Youferoff…), né à Odessa en 1865, a en revanche une éducation musicale russe, aux conservatoires de Saint-Pétersbourg (sous la conduite de Glazounov, notamment) et Moscou. Comme Dyck, il est l'auteur d'un très beau trio piano-cordes qui se trouve au disque, ainsi que de plusieurs opéras (Myrrha, Yolande, Antoine & Cléopâtre) qui ne sont pas enregistrés.
Dans l'Élégie que j'ai déchiffrée de lui (depuis publiée en vidéo ici), tirée de ses Arabesques Op.1, je suis frappé, malgré le moment précoce de sa carrière, par la grande intelligence musicale de la construction : il s'agit d'un nocturne assez traditionnel (un chant accompagné, avec une partie plus vive au milieu), mais où le chant s'épanouit sur des silences (la basse s'interrompt) et se développe sur le même patron rythmique un peu hésitant (un triolet dont la deuxième note est allongée) ; sa mutation rapide centrale, progressive et  généreuse, ainsi que sa progression harmonique, se caractèrisent non par l'ostentation, mais pas la juste mesure et la connaissance précise de ce qui fait la différence entre une pièce fade et une miniature pleine d'esprit.

Par pure appropriation culturelle (les Russes annexent les frigos, je peux bien leur subtiliser un compositeur obscur si je veux), et pour permettre l'inclusion de compositeurs marquants, j'ai décidé que Vasily Kalinnikov (ou Vassili ou Basile, né en 1866 à Voïna) pouvait être considéré comme compositeur ukrainien – cela n'a pas grand sens eu égard à sa formation en Russie, mais comme il est mort à Yalta, sur un territoire qui est depuis devenu ukrainien, tout dépend de la délimitation (nécessairement arbitraire) que l'on met à « compositeur ukrainien ». Ethniquement ukrainien, incluant des territoires perdus ?  Ou à l'inverse correspondant au sol ukrainien, incluant l'histoire de territoires qui ne l'étaient pas à l'origine – de même qu'on considère le patrimoine de Nizza comme du patrimoine français. C'est une question de principe, un choix à faire en amont – et, comme je l'ai expliqué dans les notules concernées, je pars du principe que les appartenances simultanées sont possibles, et choisis donc l'extension maximale. Ainsi, tout compositeur ayant des origines ethniques ukrainiennes ou ayant résidé sur un fragment de terre ayant appartenu à un moment ou l'autre à l'Ukraine peut entrer dans cette série – je m'efforce ensuite à chaque fois de bien préciser la nature de cette appartenance. Cela permet d'élargir au maximum le corpus de belles choses que l'on peut embrasser – et, je l'avoue, ça m'amuse de pouvoir moi aussi annexer des trucs.
En ce qui concerne Rubinstein et Kalinnikov, on se situe clairement à la limite de l'exercice, rien dans leur musique n'est marqué, à ma connaissance par une influence du terroir ukrainien.
Je crois que j'ai oublié de parler de sa grande cantate 1812 que j'ai un peu parcourue, débauche de moyens musicaux, très généreusement écrit… et dans l'Ouverture, réduite pour quatre mains, j'ai d'abord cru à une œuvre pour deux mains, tant la densité en idées est forte. On y retrouve l'élan mélodique irrésistible de sa Première Symphonie, mais avec un degré de sophistication rythmique et formel plus grand.
Pour le piano proprement dit, j'ai pu trouver un petit nombre de pièces, où, comme chez Youferov (et peut-être encore davantage) j'ai admiré la qualité de la finition musicale : rien n'est jeté au hasard, tous les équilibres sont travaillés.
¶ Le Nocturno (sic) en fa mineur est un petit bijou, bâti sur des rythmes complexes avec liaisons, silences, syncopes, pas mal d'irrégularités sur ce qui débute comme une romance sans paroles avant de développer des lignes polyphoniques et des harmonies de plus en plus subtiles – même si l'ensemble reste romantiquement consonant. On pourrait dire qu'on se trouve à équidistance presque parfaite entre les Nocturnes de Chopin et ceux de Mossolov.
¶ Sa Valse en la, plus simple, contient tout de même les petites tensions harmoniques et les notes de goût ajoutées (appoggiatures) qui procurent un caractère inhabituellement dynamique et ample (beaucoup d'accords de quatre notes à la main droite pour jouer la mélodique), pour un format destiné au salon !
¶ Lui aussi a commis une Élégie, en si bémol mineur, sur un balancement simple mais parcouru de petites fusées en chevron, comme un trait de flûte pastorale – Debussy en use quelquefois. Là aussi, appoggiatures rythmiques, enflements dramatiques et même évolutions harmoniques fortes ponctuent, avant de retrouver la dimension chopinobelcantiste de l'exercice dans l'accroissement des fusées (avec beaucoup plus de notes à placer dans le même tempo) à la réitération du thème principal. Délicat, simple et direct à l'écoute, mais à nouveau écrit au cordeau, beaucoup de beautés musicales à se mettre sous la dent.
¶ Une Pièce isolée dans la tonalité rare de sol bémol majeur, fondée sur la superposition du thèmes (sur le temps) et d'accompagnements syncopés, développe les mêmes qualités : petites subtilités rythmiques, évolutions harmoniques, évidence mélodique… Simple en apparence, et beau en tout cas.
¶ La seule pièce réellement simple, plus proche du charme folklorisant de la Première Symphonie, était cet Intermezzo russe, moins aventureux mais d'une force mélodique, d'un caractère et d'une force souterraine pour ainsi dire tribaux. Carton plein dans le corpus de Kalinnikov, j'ai envie de tout entendre à présent.

Andrey Shcherbachov (Chtcherbatchov), dont le nom patronyme se confond avec Vladimir, l'auteur de l'exceptionnel nonette avec harpe et danseuse-mime (dans le goût du futurisme pré-soviétique, quoique publié en 1930).
Vraiment rien à voir, celui-ci est né en 1869 et écrit dans un style tout à fait romantique, bien écrit pour le piano et non dépourvu d'idées, mais tout à fait consonant. Je n'ai lu que le « Crépuscule » des Pièces de l'opus 4 ; pour les 6 Miniatures Op.5, le geste pianistique m'a paru plus osé – des frottements de seconde ajoutés à des octaves qui s'enchaînent, pour les accords de septième, une configuration inhabituelle car elle contraint le pouce et l'index à être très rapprochés alors que la main est par ailleurs en extension.
Pour autant, le discours musicale lui-même, quoique tout à fait harmonieux et bien mené, ne présente pas de saillances majeures. Je n'y ai clairement pas pris le même plaisir que pour Youferov et Kalinnikov (ou même Rubinstein), sans parler des profils plus fantaisistes qui vont suivre !

Je n'ai pas pu trouver aisément de partition disponible de Lopatynsky (né en 1871) en ligne, et pour ce qui est de Mossolov (né en 1900), je crois que ce qui a été publié, du moins, est disponible au disque – même si, dans le cadre de la série, je ferai sûrement l'effort, puisque c'est le jeu, d'en enregistrer moi-même un bout. Nous restent donc, dans la suite, deux oiseaux rares, très singuliers.

Théodore Akimenko d'abord (né en 1876).
(Prénom russophone Fiodor francisé, le plus couramment diffusé dans les notices en français et en anglais.) Compositeur itinérant, né à Kharkiv (alors Kharkov), étudiant et exerçant à la Chapelle Impériale de Saint-Pétersbourg (élève de Rimski-Korsakov et Balakirev), directeur de conservatoire en Géorgie, puis professeur (de Stravinski !) au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, chef de chœur à l'église russe de Nice, repassant par Kharkov et Saint-Pétersbourg, fuyant la Révolution russe en France puis à Prague, avant de finir sa vie à Paris.
Je ne connaissais de lui que ses œuvres pour violon avec accompagnement de piano, publiées par Toccata Classics (dont il faut saluer le formidable travail, documentant inlassablement des corpus totalement perdus de vue) – des œuvres postromantiques assez traditionnelles, où rien ne m'a pas particulièrement accroché l'oreille au cours de mes deux écoutes, certes un peu distraites. J'ai aussi survolé en lecture ses Poèmes ukrainiens Op.91 (voix-piano), d'un romantisme tout à fait habituel, quoique ménageant de belles modulations et des contrastes très réussis.
Au piano solo en revanche !  Beaucoup de cycles sont disponibles, et je les ai enchaînés devant leur intérêt et, plus encore, leur disparité de ton.
¶ En quatre mains, les Six Pièces ukrainiennes Op.71 explorent des matières folkloriques avec une recherche polyphonique (n°3) ou harmonique (n°4) assez marquante.
¶ J'ai été absolument fasciné par plusieurs cycles où, sans avoir du tout lu sa biographie, je sentais l'influence de couleurs françaises (peut-être davantage du côté de Dupont ou Mariotte que de Debussy) : les Préludes caractéristiques Op.49 reprennent une structure assez chopinienne (avec des allures de nocturne, ou de pièces fulgurantes à la main gauche tempêtueuse), mais enrichis par une exploration harmonique qui semble guider toute l'inspiration et rechercher avant tout la couleur et l'évocation, bien au delà du caractère univoquement pianistique qui prévaut en général, pour un Prélude. Les influences qui affleurent naviguent entre le postromantisme franc, les sophistications scriabiniennes ou même le goût pour les mélodiques chromatiques et les enchaînements imprévus propres aux futuristes – un futurisme largement pondéré par toutes les autres influences. J'en ai publié des extraits en vidéo ici.
¶ Pour les Récits d'une âme rêveuse Op.39, c'est encore plus évident, beaucoup d'ambiances de préludes debussystes (n°1) ou de danses françaises (n°2, proche du schrerzo de la Symphonie n°3 de Magnard, de danses de d'Indy, etc.), avec toujours une identité propre, des enchaînements harmoniques inattendus, des couleurs évocatrices. « Au bord du lac » a été publié par mes soins en vidéo ici.
¶ Le plus étrange de tous étant Uranie, La muse du ciel Op.25, un cycle dans une couleur beaucoup plus néoclassique, des effets de nudité et de répétition, mais pas du tout simplifiée harmoniquement, quelque chose de très étrange, un peu comme les œuvres les plus personnelles de Poulenc et de Riisager, mâtinées de symbolisme, voire de futurisme ou de minimalisme. Je ne sais pas si j'aime vraiment, mais c'est fascinant. (captée en vidéo, je dois désormais réaliser le montage des commentaires)
¶ Les Deux Esquisses fantastiques (en français dans le texte à chaque fois), qui promettent aussi de très belles ambiances et des pièces de nature très variée.
¶ Il me reste à lire le cycle Rêve mystérieux. Le reste n'est pas aisément trouvable, ou peu propice à l'exécution en solo.

Je voulais terminer en mentionnant Leo Ornstein (né en 1893), bien documenté par le disque, mais pas complètement, croyais-je. Natif de Krementchouk (oblast de Poltava, au centre-Est de l'Ukraine, une région d'où proviennent beaucoup de nos héros dans cette série), il est dès neuf ans élève à Saint-Pétersbourg (ce qui, à nouveau, en fait aussi un artiste culturellement formé par le centre du pouvoir en Russie) : alors qu'il donnait un récital dans sa ville natale, le pianiste superstar Josef Hofmann le remarque et lui offre une lettre de recommandation, clef pour les études dans la capitale de l'Empire. Cependant l'essentiel de sa vie se déroule aux États-Unis et une bonne partie de sa formation a lieu a la future Juilliard School : il n'a que douze ans lorsque sa famille fuit les pogroms et s'installe à l'autre bout du monde.
    Bien qu'éloigné de l'Ukraine et de la Russie, Ornstein creuse un sillon très parent du futurisme, avec une audace qui stupéfie ; des pièces chargées d’enchaînements plus expressifs que fonctionnels (au sens de la syntaxe musicale), ou suspendant la tonalité, mais toujours avec une verve, en particulier rythmique, immédiatement saisissante.
    Je me suis fait plaisir en jouant (partiellement, c'est vraiment exigeant digitalement, et on a peu de repères en lecture tant qu'on n'est pas immergé dans son style très idosyncrasique) les Sonates 4 et 7, la Tarentelle diabolique, Suicide in an Airplane, et même les Impressions de Notre-Dame, que je croyais inédites mais qui se trouvent en cherchant – et bien mieux jouées que je ne pourrais le faire, ces pièces sont vraiment exigeantes techniquement. Je crois qu’on n’a pas capté tout ce qui a été publié, sans même parler de probables inédits dans ses archives ou de pièces jamais rééditées, mais dans ce qui est accessible sans courir les bibliothèques, je n’ai finalement rien trouvé. Je le mentionne car j’ai cru, dans mon cycle de raretés ukrainiennes, en enregistrer certaines pour la première fois – mais il n’en était rien.
    Figure d’une puissanye singularité que je vous recommande vivement, dans le top des compositeurs du vaste legs ukrainien.




Le prochain volet devrait clôturer cette série qui se sera en réalité étendue sur un an, pour « deux ans et demi de déchiffrages », même si je n'ai pas mentionné au fil des publications les nouvelles partitions explorées dans les genres déjà traités !

Il comprendra des questions à votre attention, estimés lecteurs. La Nation, le Continent et l'Univers comptent sur votre indispensable contribution.

dimanche 19 janvier 2025

HAENDEL, Rinaldo : la révision de 1731


Quelques mots sur l'état de la partition de 1731 (jamais enregistrée, ce me semble) et aussi sur les enjeux musicologiques, esthétiques et glottologiques de l'interprétation d'Il Groviglio. C'est par ici.

Et davantage de nouveautés et de commentaires discographique sur cette annexe à laquelle il est possible de s'abonner.



Anton BRUCKNER – la wagnermania jusque dans les motets


Des parentés attendues et inattendues entre l'univers des motets mendelssohniens de Bruckner et… l'horrible Richard Wagner. Avec des extraits calés pour pouvoir bien tout entendre. C'est par ici.

Et davantage de nouveautés et de commentaires discographique sur cette annexe à laquelle il est possible de s'abonner.



mardi 14 janvier 2025

Anton BRUCKNER : la Wagnermania, jusque dans les motets


En réécoutant les (divins) motets de Bruckner – pour ceux qui n'ont pas encore essayé, dans un style très épuré et mendelssohnien, très loin du grandiose (du tapage ?) de ses symphonies –, je suis frappé coup sur coup par deux parentés wagnériennes. L'une très explicable, l'autre qui constitue peut-être une coïncidence, ou plutôt une imprégnation.

Je vous ai calé les vidéos pour que vous puissiez entendre le bon extrait.

Tout figure dans cette annexe de CSS.

samedi 11 janvier 2025

[inédit] Théodore AKIMENKO – symbolisme, scriabinisme ou futurisme ? – 3 Préludes caractéristiques Op.49


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Une nouvelle vidéo consacrée à la musique ukrainienne. Déchiffrage de trois pièces inédites, tirées des 11 Préludes caractéristiques de l'Opus 49.

Inclut commentaires et extraits de partitions. Je vous reproduis le texte ci-dessous, pour qu'il soit plus facilement accessible si vous préférez l'écoute pure (ou distraite).



Théodore (Fiodor) AKIMENKO (1876-1945)
Compositeur symboliste ukrainien.

Compositeur itinérant, né à Kharkiv (alors Kharkov), étudiant et exerçant à la Chapelle Impériale de Saint-Pétersbourg (élève de Rimski-Korsakov et Balakirev), directeur de conservatoire en Géorgie, puis professeur (de Stravinski !) au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, chef de chœur à l'église russe de Nice, repassant par Kharkov et Saint-Pétersbourg, fuyant la Révolution russe en France puis à Prague, avant de finir sa vie à Paris.

Au catalogue, des œuvres symbolistes (Souvenirs d'une âme rêveuse), parfois mêlées de néoclassicisme (Uranie), purement romantiques  (Poèmes ukrainiens, œuvres violon-piano…), parfois folklorisantes, ou encore, comme ici, davantage marquées par le postromantisme décadent – et peut-être les courants scriabiniens.

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Prélude caractéristique n°8

Une basse de nocturne chopinien, une mélodie très chromatique (descendante), qui m'évoque le thème de l'Adagio atonal de la Sonate de Barber, des frottements de seconde qui ne sont pas tout à fait des accords… à la fois romantique et très dégingandé.

Étrange cadence soudain très consonante.

Pour finir, un riche accord de cinq sons (on hésite entre cadence plagale très enrichie et une appoggiature de cadence parfaite, dans les deux cas c'est d'une jolie sophistication) qui débouche sur un accord parfait, mais présenté de façon peu mélodique, avec la quinte à la partie supérieure.

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Prélude caractéristique n°6

Lui aussi fondé sur une mélodie chromatique, mais tout en accords, une sorte de prélude Op.3 n°2 de Rachmaninoff, version décadente, avec une conception harmonique plus proche des futuristes.

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Prélude caractéristique n°3

Je l'inclus à titre de documentation, puisqu'il n'existe aucun enregistrement
de ce cycle, mais pour ce prélude-ci, on entend très fort toutes les hésitations du déchiffrage : après 2h30 de lectures d'inédits, j'étais manifestement rincé…
Navré, ce n'est pas agréable à écouter.

Je le joue ici avec le balancement d'une berceuse, mais c'est écrit en spécifiant l'indépendance de la mélodie, davantage à la façon d'un nocturne.

(Oui, cette vidéo contient à la fois la présentation des œuvres, leur exécution filmée, et la critique de l'interprétation.)
CARNETSOL GESAMTKUNSTWERK

J'aime beaucoup les deux moments en accords, aux harmonies étonnantes. Leur étrangeté est pour beaucoup dans le charme de la pièce.

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Pour les autres vidéos d'inédits ukrainiens, voir par ici (playlist YouTube).

Et davantage de musique ukrainienne, célèbre ou inédite, en notule ou podcast, dans ce chapitre : http://carnetsol.fr/css/index.php?La-musique-en-ukraine .

dimanche 5 janvier 2025

[bilan] Les meilleures nouveautés de 2024


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2024 s'achève, et tout occupé à mes méditations autour des concerts, à mes enregistrements d'inédits et à diverses notules futiles ou profondes, j'ai manqué de temps pour conseiller des disques, que ce soient mes compagnons réguliers, mes belles découvertes, ou les nouveautés.

Comme j'ai tout de même pris la peine de sélection 514 albums parus en 2024 et d'en écouter 276, je peux au moins vous proposer, classés par genre (puis par ordre chronologique approximatif), les quelques-uns qui me paraissent particulièrement remarquables.

Voici les playlists qui correspondent : ma sélection des 514 nouveautés les plus attirantes, les 276 que j'ai écoutées, et les coups de cœur qui apparaissent ci-après.

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Musiques vocales

1. Opéra

¶ LULLY, Armide – Le Poème Harmonique
¶ Jacquet de la Guerre, Céphale & Procris – A Nocte Temporis
¶ Destouches, Télémaque & Calypso – Les Ombres
¶ Duval, Les Génies – Il Caravaggio 
¶ Blamont, Les Feſtes Grecques & Romaines – Les Ambassadeurs
¶ Mondonville, Le Carnaval du Parnasse – La Chapelle Harmonique
¶ Gluck, Iphigénie en Aulide – Le Concert de la Loge Olympique

Côté tragédie en musique (LULLY, Jacquet de La Guerre, Destouches, plus tard Gluck) et opéra ballet à entrées (Duval, Blamont, Mondonville), c'était faste !

On gagne quelques versions de haute volée pour Armide, Céphale & Procris (l'une des meilleures tragédies pessimistes de la génération post-LULLYste, dont il n'existait qu'une version, en mauvais français et difficile à trouver) et Iphigénie en Aulide, et surtout on documente pour la première fois deux opéras ballets musicalement très intéressants – en particulier Les Feſtes Grecques & Romaines qui pétarade très généreusement dans ses ensembles triomphaux.

Et surtout, découverte de bijoux : Télémaque qui s'enflamme de plus en plus, finissant par atteindre le meilleur de l'école post-LULLYste, tout en urgence déclamatoire ; Les Génies, un ballet où l'absence d'intrigue permet à la compositrice, l'énigmatique Mlle Duval, de déployer une vaste fantaisie d'effets très prenants – dans l'esprit du Destin du Nouveau Siècle de Campra, mais avec un aspect un peu plus tardif / galant / Louis XIV.

¶ Bellini, I puritani – Oropesa, Brownlee, Frizza – chez EuroArts 
¶ Borgstrøm, Der Fischer – Opéra d'Oslo, Terje Boye Hansen
Erlanger, La Sorcière – Tourniaire
¶ Messager, Coups de Roulis – Les Frivolités Parisiennes
¶ Yvain, Yes ! – Les Frivolités Parisiennes
¶ Samaras, Tigra – Sofia Amadeus Orchestra, Fidetzis

Deux opérettes (Messager, Yvain) qui ont circulé en tournée avec les Frivos, pleines d'invention… la musique s'en soutient remarquablement au disque, il faut juste tolérer les résumés mal faits et mal dits, qui partent d'une bonne intention mais rejettent loin de l'action… des dialogues raccourcis auraient été beaucoup plus agréables.
aire sorciaire

Des opéras romantiques inattendus : une nouvelle version des Puritains chantée par la crème des belcantistes, et s'incarne très bien ; l'autre opéra du critique Borgstrøm (dont je tiens Thora på Rimol pour l'un des plus beaux opéras de tous les temps), cette fois en allemand, très dramatique et réussi, quoique nettement moins saisissant et coloré que Thora (Der Fischer imite beaucoup les invariants de l'opéra du XIXe siècle) ; une sorte d'opéra verdien grec du XXe siècle (Samaras) ; et surtout le premier opéra d'Erlanger officiellement publié, très bien chanté (Borras !), mâtiné d'influences tristaniennes, d'une grande richesse musicale et orchestrale, bâti sur des caractères forts, bien balancé dramatiquement, le grand choc d'opéra post-1800 de l'année. (J'ai dans mes projets de déchiffrer et mettre à disposition d'autres Erlanger, mais ce ne sera jamais pareil que Tourniaire avec un excellent orchestre et plein de grands chanteurs.)


2. Musiques de scène

¶ Mendelssohn, Athalie – Spering (réédition numérique)

J'ai inclus dans ma sélection (souvent, je m'en suis rendu compte a posteriori) certaines rééditions (ou premières éditions en numérique) de disques qui étaient parfois difficilement disponibles ou peu visibles auparavant. J'ai fait des choix, parfois arbitraires, pour ne pas saturer ma liste de nouveautés de non-nouveautés – mais clairement, l'entrée de Château de Versailles Spectacles et d'Hyperion au catalogue des plateformes de flux, ce fut pour moi comme un déversoir soudain de nouveautés !

En l'occurrence, la meilleure musique de scène de Mendelssohn après le Songe, que j'aime beaucoup et qui se pare ici d'urgence et de couleurs que je n'avais pas soupçonnées jusqu'ici.


3. Oratorio

¶ Ziani, La morte vinta sul Calvario – Dagmar Šašková, Les Traversées Baroques
¶ Franck, Les Béatitudes – Madaras

Un assez inventif oratorio du XVIIe siècle (toujours beaucoup plus variés que ceux de l'époque de l'opera seriatriomphant), à la forme assez souple (mais où l'on sent l'arrivée de plus en plus forte des numéros clos), et une révélation pour une œuvre de Franck qui m'avait paru platement sulpicienne, et qui se révèle ici contrastée, débordant d'ambition et de tension totalement insoupçonnées !


4. Musique sacrée

¶ YULE – Trio Mediæval
¶ LULLY, Te Deum – Les Épopées
¶ Desmarest, Te Deum de Lyon – Les Surprises

¶ Haendel, Dixit Dominus – Les Argonautes
¶ Zelenka, Missa Gratias agimus tibi – Barockorchester Stuttgart, Bernius
¶ Mozart, Requiem – Pygmalion
¶ Beethoven, Missa Solemnis – Le Concert des Nations
¶ Fauré, Requiem & Gounod, Messe de Clovis – Le Concert Spirituel
¶ Lloyd, A Symphonic Mass – Bournemouth SO & le compositeur
¶ Briggs, Hail Gladdening Light – Trinity College Cambridge, Layton

Une version totalement repensée du Te Deum de LULLY, une lecture cinglante du Dixit Dominus de Händel, le plus beau et personnel Requiem de Mozart entendu depuis… (Currentzis ? mais Pichon me paraît à la fois plus consensuel et plus abouti), de même pour un Requiem de Fauré particulièrement déclamé et animé. J'y ai adjoint la Messe Symphonique de Lloyd, grand format aux belles idées musicales.
Par ailleurs le grand organiste David Briggs (auteur notamment d'une transcription tétanisante de la Cinquième Symphonie de Mahler) propose des œuvres pour chœur radieuses, à la fois riches harmoniquement et tournées vers des atmosphères qui évoquent davantage l'espérance.

Dernière pépite arrivée, des hymnes en bokmål, suédois, anglais et latin par le Trio Mediæval, des épures d'une grande beauté, avec quelques mélodies très entraînantes( Det hev ei rosa sprunge !).

5. Musique chorale profane

¶ Mendelssohn, Chœurs masculins profanes – SWR Vocalensemble Stuttgart, Bernius

Mendelssohn excelle dans l'écriture chorale, mais ses œuvres profanes pour chœur d'hommes sont très peu données, et à peine plus enregistrées. Le meilleur spécialiste du compositeur (qui a tout enregistré de sa musique sacrée, et à très degré d'inspiration) propose ici l'une des plus vastes anthologies disponibles, suprêmement articulée de surcroît.


6. Récitals d'opéra avec orchestre

Nahuel Di Pierro – Fra l'ombre e gl'orrori
Christopher Purves – Handel: Finest Arias for Base Voice vol.1 (2012, réédition numérique)
¶ Michael Spyres – In the Shadows
¶ Pene Pati – Nessun Dorma
¶ Roberto Alagna – 60

Deux disques baroques pour basse, trois disques romantiques pour ténor. Le marché est ainsi fait.

Clairement pas la gamme de disques la plus exaltante… et pourtant on y rencontre quelques pépites : le disque de Nahuel Di Pierro mêlant recitar cantando et opera seria met une diction affûtée au service d'extraits judicieusement choisis. Le disque de Christopher Purves, pas du tout une nouveauté mais paru en dématérialisé cette année, quoique exclusivement consacré à du seria haendelien, a tourné en boucle pendant deux mois pour accompagner mes moments de délassement…

Un Méhul tubesque, un Meyerbeer italien, un Marschner méconnu, le jeune Wagner… une très originale sélection par le versatile et électrique Michael Spyres, accompagné par les Talens Lyriques. Beaucoup de standards au contraire pour le second album solo de Pene Pati, mais lorsqu'on l'a entendu en salle, l'aisance surnaturelle de la voix et la générosité de l'acteur se perçoivent – de près en studio, on entend aussi le détail de charpente, moins joli que de loin (et l'on peut aussi comparer avec les chanteurs morts, ce qui diminue le caractère exceptionnel du disque). Enfin l'album des soixante ans de Roberto Alagna, le ténor-sapin (moins à cause de Noël que de sa morphologie), dont la diction impeccable et la belle patine sont un délice à écouter dans ce florilège improbable : chansons américaines, italiennes et espagnoles, airs de Gounod, Verdi, Wagner, Sadko de Rimski-Korsakov en français mais Onéguine en russe et Halka de Moniuszko en polonais… Il faut aimer le style un peu sanglotant, mais la générosité emporte mon adhésion, et c'est pour le coup un ensemble… original.


7. Lieder avec orchestre

¶ Samuel Hasselhorn, « Urlicht » – Philharmonique de Poznań, Łukasz Borowicz
Strohl, mélodies orchestrales – Marie Perbost, Lucile Richardot, ONDIF, Case Scaglione
¶ Schoeck, Nachhall – Stephan Genz, Symphonique de Berne, Graziella Contratto

Émerveillé en découvrant le naturel de Samuel Hasselhorn dans le lied et la mélodie lors de ses deux ans au CNSM de Paris, avant de remporter le Concours Reine Élisabeth, cette clarté si singulière qui se répand au gré de couleurs changeantes, ce sens du texte, je suis aussi conscient depuis toujours des limites de cette voix, fragile techniquement. Ce qui la rend très touchante est aussi ce qui la perd dès qu'il s'éloigne de son répertoire prédilection : en anglais, le timbre devient soudain tout gris ; et avec orchestre, l'orchestre concurrence impitoyablement cette voix très peu métallique. Je suis donc ravi qu'il ait réussi à se faire connaître dans le seul créneau où il pouvait réellement faire carrière. Les derniers disques montrent qu'il a épaissé et charpenté son timbre, ce qui doit grandement lui faciliter la vie mais lui a fait perdre, dans sa Meunière par exemple, pas mal de charme et de singularité. Ce disque le présente quelque part entre ces deux mondes, robuste mais sensible, pour un répertoire de décadents : Humperdinck, Mahler, Zemlinsky, Braunfels, Pfitzner, Korngold, Berg !

Encore plus incroyable, une nouvelle version très aboutie avec, là aussi, un orchestre de niveau exceptionnel et précisément spécialiste de Schoeck (Mario Venzago lui a fait jouer en enregistrer trois de ses opéras et des lieder orchestraux, notamment). Stephan Genz semble inaltérable, toujours aussi splendidement chanté et dit après une carrière déjà vaste.

La grande découverte, ce sont les mélodies orchestrales (sur Rodenbach, Louÿs, Baudelaire) de Rita Strohl, d'un romantisme généreux mais très personnellement orchestré – on dirait qu'elle a entendu pas mal de Sibelius, des effets de nappes très différents mais très marquants. Avec Lucile Richardot et l'ONDIF, c'est de la dynamite.


8. Mélodies & lieder

Wonder Women – Capezzuto, L'Arpeggiata, Pluhar
Doux silence  – Roset, Richardot, Les Musiciens de Saint-Julien, Lazarevitch
Contes mystiques – de Hys, Beynet
¶ Mélodies sur des poèmes de Ronsard – Mauillon, Le Bozec
¶ Cycles de Louis Beydts – C. Dubois, Raës

Énorme coup de cœur pour le parti pris très bienvenu, chez Pluhar de faire chanter un spécialiste de la chanson italienne, Vincenzo Capezzuto (dont la voix semble à s'y méprendre féminine, j'ai vraiment dû opérer des vérifications tant je n'y croyais pas), pour interpréter en particulier la bouleversante Canzone di Cecilia, œuvre anonyme des Pouilles du XVIIIe siècle, exhumée par Leonard García Alarcón, qui l'a fait chanter à nombre de ses interprètes (à commencer par la magnétique Francesca Aspromonte – et ici plus officiel avec traduction). Chaque inflexion est particulièrement juste pour raconter cette histoire terrible. Par ailleurs album chatoyant à la manière de l'Arpeggiata, largement consacré aux compositions féminines du XVIIe siècle italien (Barbara Strozzi, Francesca Caccini, Isabella Leonarda, Antonia Bembo).

Les pistes chantées de Doux silence, des airs de cours français, sont très réussies, avec des choix d'alliages et de coloris très spécifiques aux Musiciens de Saint-Julien. Malgré son ton très homogène (uniquement des prières) de Contes mystiques, la variété des compositeurs et les qualités des musiciens proposent un album passionnant – un récital parmi les plus intelligents qu'on puisse trouver : parmi toute une époque de la musique française, une collection de prières ou de scènes édifiantes, servies par une collection de grands compositeurs. Le résultat est, forcément, un peu ressemblant, mais offre un camaïeu de sentiments mystiques qui ressemble à un acte de recherche, illustrant la sensibilité de chacune de ces figures tutélaires. (Et évidemment chanté au cordeau.)
De même, pour les mélodies sur les poèmes de Ronsard, la diversité des compositeurs et les qualités de conteurs des interprètes constituent l'essentiel de ce témoignage précieux.

À l'inverse, pour Louis Beydts, l'intérêt provient en premier lieu du corpus : bonheur d'entendre D'ombre et de soleil, déchiffré avec plaisir (et c'ce fut un étonnement, Beydts étant surtout connu comme compositeur d'opérettes, certes raffinées…) il y a plus de dix ans, renaître ainsi. Tout le disque se révèle à la hauteur : ce sont des mélodies très travaillées musicalement, sans mettre le texte au second plan ni se contenter de support à des poèmes ou de jolies mélodies… de véritables œuvres d'art total, finement calibrées, dans un langage qui doit à Fauré mais qui semble aussi regarder vers Schmitt. Et la bonne surprise est que Cyrille Dubois, que je trouve d'ordinaire très opératique dans le lied (tout est chanté à pleine voix, sans beaucoup de variété de textures et de coloris, comme son intégrale Fauré qui m'a très peu touché), parvient ici à une intimité et une tendresse tout à fait adéquate, tout en conservant son verbe clair et sa voix insolente. Grand disque de mélodie !


9. Chansons

Sea Songs – Bryn Terfel
¶ Imants Kalniņš, Klusās dziesmas - Līga Priede, Andrejs Grimms

Deux ambiances très différentes.

Je n'ai jamais trop aimé les autres cross over de Terfel, ses chansons galloises noyées sous un sirop de flonflons néoromantiques qui standardisaient et affadissaient tout. Ici au contraire, arrangements très bien pensés, comparses chanteurs de haute qualité, et lui-même trouve un ton moins uniment opératique… le fameux Wellerman trouve ici une des versions les plus probantes que je connaisse !  Album de bout en bout réjouissant, que j'ai pas mal réécouté à sa sortie.

Imants Kalniņš est la grande figure patrimoniale vivante de la Lettonie, sur un versant différent de Vasks : toujours à cheval entre la chanson (comme ici) et le classique – j'ai le souvenir émerveillé d'un Psaume 150 pour six voix de femmes, chanté en letton, et d'une évidence mélodique miraculeuse. Très belles mélodies très naturelles qui s'écoutent avec grand plaisir, même sans le texte.


Musiques instrumentales

10. Symphonies

¶ Haydn, dernières symphonies vol.3 – Chambre Danoise, Ádám Fischer
¶ Beethoven, intégrale des symphonies – Kammerakademie Potsdam, Manacorda
Ries, Symphonies 4 & 5 – Tapiola Sinfonietta, Nisonen
¶ Bruckner 9 – Symphonique de Bamberg, Hrůša
¶ Brahms, intégrales des Symphoniques – Chamber Orchestra of Europe, Nézet-Séguin
¶ Mahler 9 – Mahler Academy Orchestra, Philipp von Steinaecker
Sibelius 4 – Göteborg, Rouvali
¶ Strohl, Symphonie de la Forêt – Orchestre National d'Île-de-France, Scaglione
¶ Khatchatourian, Symphonie 1 – Philharmonie Robert Schumann, Beermann
¶ Adam Pounds, Symphonie n°3 – Sinfonia Of London, John Wilson
¶ Carlos Simon, A Folklore Symphony – National Symphony (Washington), Noseda

Beaucoup de versions remarquables de symphonies déjà très documentées, je ne m'attarde pas : non seulement j'ai réévalué très à la hausse l'intelligence de l'intégrale Haydn d'Ádám Fischer (les timbres ne sont pas fabuleux, les instruments pas d'époque, mais tout est construit et phrasé avec une très grande intelligence), mais ses dernières productions avec la Chambre Danoise, qui ont le mordant des meilleures interprétations musicologiques, sont d'une finition tout à fait extraordinaire. Une nouvelle (remarquable) version des symphonies de Beethoven, avec la vivacité de Manacorda. Une Neuvième de Bruckner tendue et colorée par Bamberg & Hrůša (probablement l'association orchestre-chef actuellement la plus révérée par les mélomanes concertivores). Une lecture à la fois dégraissée et voluptueuse des Symphonies de Brahms par Nézet-Séguin (je redoutais une sorte de facilité cursive, mais pas du tout). Une Neuvième de Mahler sur instruments d'époque (des jeunes musiciens encadrés par des instrumentistes des meilleurs orchestres d'Europe), aux timbres particulièrement savoureux et captés avec un beau réalisme physique. Surtout, une Quatrième de Sibelius où Rouvali propose son concept révolutionnaire, jouant les infinies transitions comme si elles étaient les thèmes, associé avec un train instrumental saisissant, comme si le son sourdait de la terre même.

Je n’avais jamais aimé le tapage de Khatchatouriane (Khachaturian en graphie anglaise sur les disques), et ce davantage encore dans le redoutable Concerto pour violon que pour Gayaneh (dont l’exubérance est le propos). Ses symphonies – pas toutes écoutées, à la vérité – ne m’avaient pas non plus laissé un bon souvenir. Sont-ce la direction plus carrée de l’excellent Frank Beermann (son intégrale Schumann est une merveille d’équilibres intelligents), la culture plus germanique de la Philharmonie Robert Schumann (orchestre de l’Opéra de Chemnitz) ?  En tout cas je suis émerveillé ici par les couleurs et la qualité du récit assez dramatique de cette Première symphonie et de la Suite de danses qui suit (en particulier les deux numéros ouzbeks), véritable musique de scène !

Le plus intéressant réside bien sûr dans les œuvres qui n'était pas documentées ou peu mises en avant : ainsi l' « Elegie » de la Troisième Symphonie d'Adam Pounds servie par les couleurs de Wilson (au sein d'un album lui-même original), les déhanchements issus du gospel dans le symphonisme consonant de Carlos Simon (issu d'une communauté religieuse américaine où la musique profane était bannie).

Impressionné par les qualités d’orchestratrice de Rita Strohl dans son album symphonique. Pour la Symphonie, au sein d’une forme rhapsodique, qui évoque les épisodes de vie de la forêt (sous un prisme très romantique : âme en peine, marche funèbre…), on entend une véritable touche singulière, proche des Nocturnes (parfois de façon saisissante, comme ces appels de trompettes mystérieux très parents de « Fêtes ») et de la Mer de Debussy, mais aussi du roi Arthus de Chausson pour les sections plus sombres, et, par touches, Shéhérazade de Ravel, Boris Godounov de Moussorgski, (les doublures de piano pour des mélodies dégingandées, comme pour le début de la scène du Couronnement), le jeune Scriabine, la Sixième Symphonie de Tournemire, l’horrible Richard Wagner (les bois seuls comme dans l’interlude qui précède le dernier duo de Die Walküre). Et cependant, le style en est tout à fait cohérent, c’est vraiment une personnalité complète qui s’en dégage, avec ses parentés mais sans impression de patchwork. J’aime assez ses effets bondissants (lutins), la construction dramatique de l’épisode de chasse, avec les appels de cuivres qui s’approchent et s’éloignent, se perdent, reviennent, ambiance assez opéra. Harmoniquement aussi, il se passe de belles choses, par exemple du côté de l’usage des quintes augmentées, ou encore la façon dont la couleur de la chasse mute soudain (de Debussy à Wagner), de l’épure plutôt lumineuse jusqu’à une atmosphère plus sombre et menaçante, simplement en faisant bifurquer une résolution : elle nous transporte soudain d’un univers calmement descriptif à un autre, fantastique et terrible – comme un nuage, en voilant le soleil, révèle immédiatement d’autres émotions enfouies.

Le plus gros choc symphonique de cette année : les symphonies de Ferdinand Ries. J'avais déjà été frappé, en 2023, en découvrant ses opéras, d'une qualité exceptionnelle – du romantisme allemand très animé, sans les baisses de tension récurrentes chez Beethoven, Schubert ou Weber. Il en va de même pour ses symphonies, qui complètent très bien le corpus beethovenien, dans une belle interprétation qui n'est pas sur instruments anciens mais conserve des équilibres très décents et fait valoir une belle animation. Hâte de découvrir les autres !


11. Poèmes symphoniques

¶ « French Opera Overtures » – National d'Estonie, Neeme Järvi
¶ Brahms-Sheng, « Black Swan » – Kansas City Orchestra, Michael Stern
¶ Fauré, Dolly – National d'Irlande, Tingaud
¶ Stanford, Verdun – Ulster Orchestra, Shelley (réédition numérique)
Schmitt, La Tragédie de Salomé – Radio de Francfort, Altinoglu
Bliss pour Brass Band – Black Dyke Band, John Wilson
¶ Gilse Kverndokk, Le Tour du Monde en 80 jours – Symphonique de Trondheim, Peter Szilvay
¶ Crumb, Americascapes 2 – National Basque, Treviño

Parmi les œuvres symphoniques déjà connues, les ouvertures d'Auber et Planquette, et surtout une suite tirée de Lecocq (La Fille de Madame Angot), dans des interprétations très élancées du National d'Estonie – qui sans adopter un équilibre « français », comprennent très bien l'enjeu de cette musique. Ou encore cette version d'un équilibre suprême de la suite Dolly de Fauré, par Tingaud et le National d'Irlande, qui ont déjà livré des cycles Franck et Fauré d'une qualité inattaquable. Plus original mais toujours au sein du grand répertoire, les orchestrations de pièces de Brahms : Chorals pour orgue par le grand symphoniste Virgil Thomson (la Symphonie n°2 vaut le détour !), une version très équilibrée et limpide du Premier Quatuor piano-cordes (dans la célèbre orchestration de Schönberg), et surtout cet inattendu Black Swann orchestré par Bright Sheng, d'après les pièces tardives pour piano de l'opus 118 !

Je n'ai en réalité pas été passionné également par tout le disque Stanford (qui documente cependant des œuvres moins lisses que la majorité de son corpus), mais particulièrement frappé par Verdun, une orchestration de sa Sonate pour orgue n°2. La façon dont la Marseillaise est sans cesse retravaillée et sourd çà et là, sans fanfariser, m'a beaucoup séduit – un sens épique plein de dignité, qui ne cède rien au clinquant.

Deux versions intégrales de La Tragédie de Salomé de Florent Schmitt ont paru en quelques mois, très belles, mais celle de la Radio de Francfort avec Altinoglu, où les pupitres de cordes sont renforcés, fait valoir une évidence, une tension, un lyrisme assez merveilleux. Grande version d'un des chefs-d'œuvre ultimes du symphonisme français (et ce n'en est que la troisième intégrale).

Et puis les pièces les plus improbables : Americascapes 2 de George Crumb, beaux paysages évocateurs dans une langue contemporaine ; une réjouissante Suite de Gilse Kverndokk (compositeur norvégien né en 1967), dans un style plaisant, bondissant et pittoresque caractéristique du goût du premier XXe siècle) consacrée à Phileas Fogg !

Pour finir, le bon, les suites de musiques d'accompagnement ou de cérémonie d'Arthur Bliss arrangées pour section de cuivres… je les ai abondamment écoutées, et je les trouve sensiblement plus jubilatoires ainsi que les Suites bien connues d'Adam Zero ou Checkmate dans leurs versions originales !


12. Concertos

¶ « Venice » – Kobekina, Kammerorchester Basel
¶ Vivaldi, « Norwegian Seasons » – Ragnhild Hemsing, Barokkanerne
¶ Mozart, Concertos piano n°20 & 23 – Pashchenko, Il Gardellino
Antoine & Max Bohrer, Grande symphonie (concertante) militaire, deux Concertos (violon, violoncelle) – Eichhorn, Hülshoff, Philharmonique de Jena (Iéna), Nicolás Pasquet
¶ Gershwin, Concerto en fa – Trifonov, Philadelphie, Nézet-Séguin
¶ Thomas de Hartmann, Concerto pour violon – Bell, Lviv, Stasevska
Nather, Matthus, Kochan – Concertos pour flûte d'Allemagne de l'Est – Frankfurt (Oder), David Robert Coleman
¶ Akhunov, Concerto pour violoncelle « Actus Tragicus » – Andrianov, Orchestre Svetlanov, Zangiev

Bien qu'on puisse (à juste titre) considérer les concertos comme la lie de la production musicale mondiale, je vais en toucher un mot, pour quelques belles productions. Parmi les tubes : une version trépidante du Concerto de Gershwin avec Trifonov et Philadelphie, la plus marquante que j'aie entendue à ce jour – au sein d'un album de raretés, mais beaucoup moins intéressant dans l'ensemble. Une version mordante et méchante des concertos-phares de Mozart, sur piano ancien, qui renouvelle un peu l'écoute et fait valoir les véritables équilibres pour lesquels cette musique a été pensée – même si la prise de son met artificiellement en avant le pianoforte. Une version hallucinée des Quatre Saisons de Vivaldi par les Barokkanerne, jouée comme de la musique populaire de plein air semi-improvisée, avec quantité de notes de goût ajoutées, et volontiers mimétique de la nature, beaucoup d'attaques par en-dessous, de raucités… à la fois d'un niveau instrumental fulgurant et comme joué au débotté à un coin de rue pendant un marché aux asperges. Très différente de toutes les autres (ce qui fait du bien, vu la discographie pléthorique), et contre toute attente très réussie.

La violoncelliste Kobekina a toujours des programmes originaux et des arrangements intéressants, cette fois-ci elle arrange des extraits d'opéras de Monteverdi et Sartorio, au milieu de concertos de Vivaldi et d'autres pièces plus inattendues (Britten, Kurtág, Eno…).

Dans le lot, quelques concertos beaucoup plus rares.

Le Concerto pour violoncelle « Actus Tragicus » d’Akhunov a déjà bénéficié d’un enregistrement il y a quelques semaines : généreux et riche, ça s’écoute très bien – que ce soit dans une perspective romantique-lyrique ou soviétique-inventive.

Le Concerto pour violon de Thomas de Hartmann m'a révélé une facette jusque là inédite du legs de ce compositeur ukrainien, beaucoup plus sophistiqué et décadent que les pièces postromantiques assez traditionnelles qui avaient paru au disque.

Première parution discographique des frères Bohrer, et elle est particulièrement marquante !  Fils d'un trompettiste (& contrebassiste !) de la Cour de Mannheim, nés à Munich dans les années 1780 à deux années d'intervalle, ils sont violoniste et violoncelliste. Leur langage évoque l'opéra comique du temps, avec une grammaire qui reste marquée par le classicisme, mais aussi une versatilité émotive un peu mélancolique, caractéristique du premier romantisme – on pense à Rossini, Hérold et surtout, me concernant, à Pierre Rode !  Ce n'est pas absurde, Rodolphe Kreutzer fut le professeur de violon d'Antoine à Paris. La symphonie (« militaire » surtout par sa caisse claire liminaire et son ton décidé) est co-écrite par les frères (bien que l'interaction des instruments reste très largement de jouer en homorythmie à la tierce ou à la sixte !), tandis que chacun a écrit le concerto pour son instrument fourni en couplage (très beaux, mais moins prégnants à mon sens). Sur instruments modernes, mais le Philharmonique d'Iéna a déjà enregistré avec les mêmes Eichhorn et Pasquet les concertos de Pierre Rode avec beaucoup de présence, le résultat est très probant !  Quant à Eichhorn, toujours aussi exceptionnellement sûr, généreux et éloquent, je le trouve vraiment extraordinaire.

Mais le clou de cette livraison concertante 2024, ce sont les concertos pour flûte d'Allemagne de l'Est de Gisbert Nather (en particulier), Günter Kochan, Siegfried Matthus… chacun dans un style propre, pas de facilité douceureuse ni de complexités inaccessibles… de belles œuvres personnelles et qui explorent la symbiose plutôt que l'affrontement entre soliste et orchestre. Album très marquant pour moi.


13. Musique de chambre

¶ Coleridge-Taylor, Quintette clarinette & quintette piano – Nash Ensemble (réédition numérique)
¶ Taneïev, Quintette piano-cordes – Spectrum Concerts Berlin
¶ Donizetti, Quatuor à cordes 15,17,18 – Quatuor Delfico
¶ Debussy, Poulenc… « Impressions parisiennes – Quatuor Van Kuijk
¶ « Chopin Project » (via Sabina Meck, Piot Moss, Leszek Kołodziejski) – Polish Cello Quartet
Jeanne Leleu,  Quatuor piano-cordes – A. Pascal, Hennino, Luzzati, Oneto Bensaid
¶ Wolf-Ferrari, Trios à cordes – Trio David
¶ Brahms, intégrale des Trios – Trio Sōra
¶ Chaminade, Trio n°2 – Trio Aralia
Strohl, Trios (et autres œuvres de chambre) – les Moreau, Williencourt
Melcer-Szczawiński, Trio – Apeiron Trio

Du fait des moindres coûts impliqués (et du temps de préparation maximisé), les parutions de musique de chambre contiennent immanquablement mainte merveille.

Du côté des Quintettes, ceux de Coleridge-Taylor, au sein de la série que je lui ai consacrée – j'ai été assez émerveillé de la qualité de ce qu'il a produit dans tous les genres, et la délicatesse de pensée de ces quintettes n'y fait pas exception. (Il en existe beaucoup d'autres très belles versions.)
La version du Quintette piano-cordes de Taneïev n'est pas aussi suprême que les Trios parus par le même Spectrum Concerts Berlin, mais ce demeure une splendide interprétation d'une œuvre majeure, alliant exigence du développement et abandon émotionnel.

Pour les Quatuors, si les versions de ceux de Donizetti (très réussis, d'une densité musicale sans comparaison avec ses opéras) sont nombreuses, elles ne sont pas toujours de très haut niveau, le répertoire semble boudé par les meilleurs ensembles, aussi cette très belle interprétation des Delfico est particulièrement bienvenue, incluant deux de ses meilleurs opus (le 17 et le 18) !  J'ai été surpris d'être autant séduit par les arrangements (Petite Suite de Debussy, mélodies de Poulenc sans chanteurs…) joués par le Quatuor Van Kuijk, d'une fraîcheur et d'une vérité telle qu'on les croirait pensés d'emblée pour l'effectif à cordes

De même pour les arrangements du Chopin Project, etite merveille inattendue : des arrangements de Chopin pour quatuor de violoncelles. Ce serait, a priori, une très mauvaise idée – ajouter les pleurnicheries du violoncelle, dans une zone très concentrée du spectre, aux interprétations déjà dégoulinantes de Chopin… C'est tout l'inverse qui se produit.
1) Le choix des pièces est particulièrement intelligent : il inclut évidemment des tubes (Préludes n°4 et n°15, Nocturne opus posthume en ut dièse mineur, Nocturne Op.9 n°2, Valse op.18, Valse-Minute, Valse Op.64 n°2…), mais aussi des œuvres beaucoup moins courues comme le Nocturne en sol dièse mineur (le n°12) et trois Mazurkas – pas les plus célèbres d'ailleurs, mais toutes parmi les plus belles à mon sens. L'occasion de se faire plaisir de façons très différentes, qui ménage à la fois le plaisir de la transformation de la chose connue et des (semi-)redécouvertes.
2) L'arrangement ne sonne pas du tout comme les horribles ensembles de violoncelles (plus larges, il est vrai, octuor souvent) qui s'entassent sur la même zone du spectre… on croirait entendre un véritable quatuor à cordes, d'autant que les interprètes ont une technique et un son merveilleux – l'impression d'entendre une contrebasse dans le grave, un alto dans le médium, un violon dans l'aigu… Si bien que le résultat est particulièrement équilibré et homogène. Les siècles d'expérience dans l'écriture pour quatuor à cordes ont clairement été mises à profit, et nous jouissons d'un festival de contrechants et pizz bien pensés. Les arrangeurs (Sabina Meck, Piot Moss, Leszek Kołodziejski) ont fourni des reformulations très abouties des œuvres originales.
3) Les interprètes sont formidables, on se repaît des couleurs sombres et chaleureuses, des touches de lumière, de la précision immaculée.
4) Surtout, ce disque procure une rare occasion de réentendre Chopin comme compositeur et non comme compositeur-pianiste. Non pas que personne ait jamais pu considérer que Chopin n'était qu'un pianiste, mais l'œuvre qu'il laisse est tellement liée au piano qu'on s'est habitué à entendre des tics pianistiques, des traits (écrits, bien sûr), et que l'instrument ou les modes pianistiques font quelquefois écran à la musique telle qu'elle est écrite. On peut alors, grâce à cette nouvelle proposition, s'abstraire des contingences pour en goûter la substance pure, réinvestie dans d'autres truchements – qui ont aussi leurs contraintes propres, évidemment. Et je dois dire qu'entendre Chopin sans les aspects percussifs du piano, un Chopin caressant, un Chopin plus harmonique (et polyphonique !) que jamais… m'a absolument ravi. Car il est sans conteste, aux côtés de Berlioz (pour l'orchestration) et de Meyerbeer (pour la pensée formelle) le musicien le plus novateur des années 1830 ; personne n'est aussi avancé que lui sur les questions harmoniques. Le libérer du seul piano lui rend d'autant mieux justice.

Le Quatuor piano-cordes de cette sélection est dû à Jeanne Leleu, compositrice encore moins documentée, s'il est possible, que les précédentes publications du label La Boîte à Pépites (Sohy, Strohl). Une véritable immédiateté des motifs dans un langage qui reste dans un esprit français marqué par Debussy, élégant, épuré, recherché, mais jamais élusif. Beaucoup de séduction à tous les étages ici, et des interprètes particulièrement chaleureux. (Les mélodies sont intéressantes mais la diction opaque et le timbre peu varié de Marie-Laure Garnier ne permettent pas d'en prendre toute la mesure ; il est à espérer que ces œuvres puissent vivre désormais, dans des interprétations variées répondant à tous les goûts !) 

Il faut vraiment attendre la fin du disque consacré à la musique de chambre pour cordes (frottées) de Wolf-Ferrari pour tomber sur quelque chose d’intéressant, mais les trios à cordes à la fin de l’album en valent la peine : larghetto du trio en si mineur, presto fugué du trio en ut mineur…

Et pour finir une belle brassée de trios piano-cordes. Une très belle interprétation, épurée et incarnée, de tous les trios de Brahms (dont celui avec cor) par le Trio Sōra. Et de réelles raretés.

Le Deuxième Trio de Cécile Chaminade, d'une sensibilité dramatique très inattendue. (Avec la charismatique Iris Scialom au violon.)

Melcer-Szczawiński (1869-1928) est quelquefois (et notamment pour ce disque) nommé plus simplement Melcer (à prononcer « Mèltsèr »). Pourtant, il dispose d'atouts proprement musicaux exceptionnels. Formé aux mathématiques et à la musique à Varsovie puis à Vienne, il devient concertiste, comme pianiste accompagnateur et soliste, tout en remportant pour ses compositions le premier prix lors de la deuxième édition du Concours Anton Rubinstein (1895). Je suis avant tout frappé par la générosité de ses inventions mélodiques. Ce Trio, que je n'entendais pas pour la première fois, développe quelque chose dans le goût la phrase slave infinie, comme une chanson d'opéra inspirée du folklore, mais dont la mélodie s'étendrait sur un mouvement entier. L'évidence, l'élan, mais aussi la cohérence thématique sont immédiatement persuasifs, et le rendent accessible à tous les amateurs de romantisme tardif, même sans connaissance des normes en matière de structure – sans lesquelles il est plus difficile d'apprécier d'autres figures comme Brahms, mettons. J'ai vraiment pensé très fortement au Premier Trio et au Second Quatuor d'Anton Arenski. Le reste du disque n'est pas beaucoup moins intéressant, incluant une Rhapsodie en trio de Ludomir Różycki (autre figure polonaise capitale, davantage tournée vers la modernité, quelque part entre Melcer et Szymanowski), une très lyrique Romance en duo (violon-violoncelle) d'Antoni Stolpe, et 6 Bagatelles de Mikołaj Górecki (le fils de Henryk) pleines de simplicité. Un petit tour d'horizon d'œuvres polonaises remarquables, qui élargissent le répertoire du trio, dans une exécution à la fois maîtrisée et intense.(extrait)

Enfin, le clou du spectacle, la musique de chambre de Rita Strohl. J'ai classé ici le disque sous le patronage des Trios, mais le Quintette piano et le Quatuor piano sont aussi des merveilles !  Le feu qui se dégage de chaque mouvement est assez spectaculaire, avec une qualité mélodique remarquable, des thèmes longs, très lyriques et passionnés. Les mouvements lents, en particulier, sont d’une intensité rare (je pense quelquefois à ceux de Taneïev, pas tant dans le style que dans l’attitude exaltée !). Le Quatuor piano-cordes est sans doute le sommet de tout cela, avec un Thème et variations final dont l’incroyable surenchère (à tempo modéré) rappelle le second mouvement du Trio de Tchaïkovski, ou encore son Andante dont le thème est très apparenté à l’apothéose retrouvée des Contes d’Hoffmann (« Des cendres de ton cœur », réapparu à la fin des années 1980), mais en plus varié dans les résolutions ; irrésistible. Ce thème se révèlre assez parent, d’ailleurs, de celui du premier mouvement du Quintette. Servi par une équipe de chambristes incroyables, parmi lesquels Héloïse Luzzati, Célia Oneto-Bensaid, Alexandre Pascal, Edgar Moreau et bien d’autres, particulièrement engagés (et d’un niveau individuel, d’une singularité sonore plutôt extraordinaires). Clairement le type d’anthologie dont on sent (dont on sait !) qu’elle a été mûrie – les œuvres ont été données en concert, plusieurs fois –, et non enregistrées en un après-midi pour compléter une intégrale économique comme cela arrive quelquefois (et c’est déjà très bien en soi).


14. Sonates ou duos

Schmelzer, Döbel, Biber : « Labyrinth Garden » – Josef Žák, Ensemble Castelkorn
¶ Bruckner (arr. Hermann Behn), Symphonie n°7 (pour deux pianos) – Julius Zeman, Shun Oi

Labyrinth Garden a tourné en boucle pendant des semaines chez moi : répertoire mal connu (danses de Döbel de Gdańsk, sonates et danses de Schmelzer, vice-Maître de chapelle de la Cour de Vienne, une chaconne irrésistible de Biber…), très inventif formellement, dense musicalement, et toujours prompt à l’élan mélodique et à l’esquisse du pas de danse, davantage suggéré que souligné. Vraiment ce que le baroque a fait de meilleur – pour moi le plus beau disque de violon baroque de tous les temps, place enviable à partager Il Sud de l’Ensemble Exit (sur un autre grand pôle violonistique européen : Falconieri, Montalbano, Pandolfi, Trabaci, Leoni…). Les danses sont vraiment transfigurées en quelque chose de très musical et organique, sans aucune rigidité formelle, sans l’impression d’un patron prévisible ; et les sonates « représentatives » qui imitent les bruits de la nature font valoir leur aînesse sur Les quatre Saisons, dont elles annoncent hautement le principe – l’évocation se produit par le truchement d’une virtuosité qui cherche d’abord la musicalité, tel ce Coucou de Schmelzer, dont le chant se devine caché au milieu de traits très habillés et lyriques du violon. L’ensemble porte le nom de l’évêque d’Olomouc, qui fournit aussi le programme de ce concert via ses archives de Kroměříž : des copies, parfois uniques, de la musique de la Cour impériale. Quatre musiciens, parmi lesquels je remarque tout particulièrement l’inventivité très juste de Felipe Guerra (clavecin & positif) et bien Josef Žák au violon, fulgurant sur tous les registres : projection sonore exceptionnelle pour du violon baroque, timbre toujours très charnu, phrasés extrêmement variés, expressifs et dansants. Il est pour beaucoup dans la qualité superlative du disque (et du concert vu peu après).

¶ Bruckner (arr. Hermann Behn) – Symphonie n°7, version pour deux pianos – Julius Zeman, Shun Oi (Ars Produktion) Absolument enchanté de cette proposition, où les pianos scintillent. Tandis que l'Adagio fonctionne très bien au piano seul (c'est même une œuvre officielle du piano de Bruckner), les mouvements vifs, et en particulier le premier, permettent d'atteindre une qualité vibratoire toute particulière qui rend bien justice à l'œuvre – d'autant plus aidés par les très beaux timbres de ces deux solistes.


15. Solos

Piano solo

Mendelssohn, intégrale du piano – Howard Shelley
Brahms, Sonate n°1 – Alexandre Kantorow
Liapounov (Lyapunov) – Luca Faldelli
¶ Reger, Variations Bach Op.81 – Eden Walker
Schmidt (arr. Kolly), Chaconne en ut#m – Karl-Andreas Kolly
¶ Alkan, Erkin, Cowell, Ichiyanagi… « Hydropath » – Işıl Bengi
Cage², In the Name of the Holocaust – Bertrand Chamayou

Dans le choix immense du piano, quelques albums se dégagent assez nettement dans mes écoutes. Deux grandes versions de corpus très connus : l'intégrale Mendelssohn de Howard Shelley, remarquablement équilibrée et élégante, mettant en valeur y compris les pièces moins courues. Même si le piano n'est pas le médium où Mendelssohn a le plus fort exprimé sa puissance créatrice, cette somme est l'occasion d'en découvrir d'innombrables facettes (129 pistes, 5h30 de musique !) dans les meilleurs conditions possibles grâce à l'élégance et l'aisance de Howard Shelley, tête de pont du label Hyperion, admiré à juste titre pour la vastitude de son répertoire et la justesse de ses interprétations. J'ai pu entendre probablement pour la première fois quelques pièces remarquables qui étaient passées sous mon radar (Reiterlied, certains Préludes…), réévaluer jusqu'à certaines Romances sans paroles, et dans des interprétations qui ne réclament pas d'aller ensuite voir ailleurs !  Proposition salutaire.
Et contre toute attente, magnétisé par la Première Sonate de Brahms par Alexandre Kantorow, suprêmement capté par BIS – comme tout chante et respire, un Brahms qui a l'évidence de Schubert, sans rien perdre de sa majesté, simultanément ample et intime. Je l'ai beaucoup réécoutée, j'en suis le premier surpris. Le reste du disque, autour des transcriptions de lieder de Schubert par Liszt (que je ne trouve pas très bonnes, comme souvent chez Liszt on perd beaucoup de la saveur de l'original pour en faire une pièce de concert beaucoup plus impersonnelle), est remarquablement joué mais m'intéresse beaucoup moins.

De belles Variations Bach de Max Reger, qui prévilégient l'atmosphère sur la pure virtuosité, tout y est très phrasé et pudique. Un rare album de Franz Schmidt pour piano solo, avec en particulier deux pièces orchestrales arrangées par le pianiste : profiter avec de la Chaconne en ut dièse mineur avec ce luxe de détail, c'est un rare bonheur, se plonger dans les méandres de cette musique sans être tributaire des équilibres d'orchestration, d'interprétation, de prise de son !

Alkan, Massenet, Brahms, Moussorgski, Beach, J. Scriabine, Cowell, Erkin, Augusta Read Thomas, Ichiyanagi…  Album particulièrement original et intelligent d'Işıl Bengi, fondé sur l'exploration de figuralismes aquatiques de nature très différentes, autour de compositeurs variés. En termes d'interprétation (quel timbre magnifique !), suprêmement joué et phrasé comme à chaque fois.

Je n'attendais que de la curiosité de Cage, en pensant à ses Préludes pour piano préparé (dont l'écriture, hors procédés timbraux, est très conservatrice finalement), mais les effets de cloche déchirée pour commémorer le génocide m'ont beaucoup impressionné, pièce en deux volets qui appelle au recueillement plus qu'à la tristesse, quelque part entre le cri et la prière. Le reste de l'album est beau aussi, et Chamayou révèle, comme dans ses Messiaen, une ardeur et une intensité qui n'affleurait pas lorsqu'il jouait le grand répertoire.


Théorbe solo

Visée, suites pour théorbe – Jakob Lindberg
Visée, Hotman, du Buisson, Bousset, Lambert – Thibaut Roussel

Depuis que je l'ai entendu dans une cave (littéralement), il y a une dizaine d'années, je me dis que Thibaut Roussel est un très grand du théorbe… dans un instrument où il est difficile de soutenir le son, peu parviennent à phraser avec sa précision et son éloquence. Très bel album, qui mêle deux suites de Robert de Visée (dont la célébrissime Suite en la, le grand standard de l'instrument) à une Chaconne de Nicolas Hotman (peut-être le plus intéressant des compositeurs de danse du XVIIe) et à des airs de cour de la même époque, très bien chantés (Perrine Devillers). Le disque, bien bâti, remarquablement joué, pâtit seulement de la proximité de sa parution avec un banger absolu.

Un des disques que j'ai le plus écoutés cette année : les Suites de Robert de Visée par Jakob Lindberg, qui jusque là avait plutôt enregistré du répertoire plus tardif et plus léger (du type Gaspar Sanz, début du XVIIIe pour guitare baroque), où il ne m'avait pas paru spécialement singulier. Ici, l'évidence, l'éloquence, le léger déhanché, l'impression d'ampleur aussi (merci les ingénieurs de BIS !), rendent chaque pièce absolument irrésistible ; d'ordinaire, dans ce répertoire, le rythme se perd un peu dans les contingences des doigtés et la faible durée du son, avec l'impression un peu vaporeuse d'une danse qui ne danse plus vraiment… ici c'est tout l'inverse, tout pulse, avec beaucoup de souplesse, et un chant d'une très belle fermeté. Le plus beau disque de théorbe (archiluths compris) de tous les temps, sans hésiter. Si vous ne devez n'en écouter qu'un dans votre vie : celui-ci.

Guitare solo

Porqueddu, « The Impressionistic Guitar » – D'Alo, Pucci

Pour finir, un ravissement inattendu : Cristiano Porqueddu est un interprète guitariste très bien représenté au disque… mais aussi un compositeur. Et cet album, à travers trois Sonates, des Études, une série de Métamorphoses, nous fait traverser un langage riche où miroitent beaucoup de belles harmonies – rien de dissonant comme le laisse pressentir le titre de l'album, mais beaucoup d'irisations, de recherches de coloris, et qui ne s'y limite pas, avec un discours bien conduit. Vraiment magnifique – transcrites pour piano, ces pièces auraient sans doute à espérer une belle diffusion auprès d'un plus vaste public.




Les plus écoutés

Mon opinion est une bonne chose, l'épreuve des faits en est une autre… lesquels de ces disques sont revenus le plus souvent dans mes écoutes ?

En réalité, les deux plus écoutés sont des cas particulier : le disque Haendel de Christopher Purves est une réédition numérique d'une parution Hyperion de 2012, tandis que, sur, Wonder Women, j'ai énormément écouté la piste isolée de la « Canzone di Cecilia ».

Si je les écarte, ce sont donc deux disques de musique instrumentale baroque – étonnamment, puisque ce n'est pas du tout le genre que je fréquente le plus assidûment, étant plutôt tourné vers la musique vocale baroque, ou alors la musique de chambre à partir de la fin du XVIIIe siècle. D'une part Labyrinth Garden de Castelkorn, d'autre part, vous l'aurez compris, le disque Visée de Jakob Lindberg.

Très écoutés aussi, mais en de moindres proportions, les trios de Strohl, les quintettes de Coleridge-Taylor, Bliss pour brass band et la Sonate de Brahms par Kantorow – alors même qu'il s'agissait d'une parution assez tardive dans l'année.


Les références

Je vous laisse ci-après les références plus complètes de ma sélection.


Nom de l'album Nom(s) de l'artiste
Polish Piano Trios Melcer-Szczawiński, Różycki, Stolpe, Górecki – par l'Apeiron Trio – chez DUX
Beethoven: Missa Solemnis, Op. 123 Ludwig van Beethoven, Jordi Savall, Lina Johnson, Olivia Vermeulen, Martin Platz, Manuel Walser, Le Concert Des Nations
Franck: Les Béatitudes César Franck, Orchestre Philharmonique Royal de Liège, Gergely Madaras, Hungarian National Choir, Csaba Somos, Anne-Catherine Gillet, Héloïse Mas, John Irvin, Artavazd Sargsyan, Patrick Bolleire, David Bizic
Charpentier & Desmarest: Te Deum Henri Desmarets, Ensemble les Surprises, Louis-Noël Bestion de Camboulas, Jehanne Amzal, Jean-Christophe Lanièce
Stanford: A Song of Agincourt & Other Works Charles Villiers Stanford, Howard Shelley, Ulster Orchestra
Sibelius: Symphony No. 4 - The Wood Nymph - Valse Triste Jean Sibelius, Gothenburg Symphony Orchestra, Santtu-Matias Rouvali
Chopin Project Frédéric Chopin, Polish Cello Quartet
Jeanne Leleu, une consécration éclatante, Vol. 1: Musique de chambre et mélodies Jeanne Leleu, Alexandre Pascal, Léa Hennino, Heloïse Luzzati, Célia Oneto Bensaid
Briggs: Hail, gladdening Light & Other Works David Briggs, The Choir Of Trinity College\, Cambridge, Stephen Layton, Harrison Cole
Schmidt: The Piano Album Franz Schmidt, Karl-Andreas Kolly
Mademoiselle Duval: Les Génies ou les Caractères de l'Amour Mademoiselle Duval, Guilhem Worms, Camille Delaforge, Ensemble Il Caravaggio, Chœur de l'Opéra Royal
Hjalmar Borgstrøm: Der Fischer Hjalmar Borgstrøm, Ketil Hugaas, Ingebjorg Kosmo, Terje Boye Hansen, Steffen Kammler, The Norwegian Opera Orchestra, Norwegian National Opera Orchestra
Coleridge-Taylor: Piano Quintet & Clarinet Quintet Samuel Coleridge-Taylor, Nash Ensemble
Ravel, Berkeley, Pounds: Orchestral Works Adam Pounds, Sinfonia Of London, John Wilson
Mendelssohn: Chöre für Männerstimmen Felix Mendelssohn, SWR Vokalensemble Stuttgart, Frieder Bernius
Handel: Finest Arias for Base (Bass) Voice, Vol. 1 George Frideric Handel, Jonathan Cohen, Christopher Purves, Arcangelo
Venice Antonio Sartorio, Anastasia Kobekina, Kammerorchester Basel
Mendelssohn, Felix: Athalie Felix Mendelssohn, Dirk Schortemeier, Anna Korondi, Sabina Martin, Ann Hallenberg, Barbara Ochs, Chorus Musicus Köln, Neue Orchester, Christoph Spering
Donizetti: String Quartets Gaetano Donizetti, Quartetto Delfico, Mauro Massa, Andrea Vassalle, Gerardo Vitale, Federico Toffano
Antoine Bohrer & Max Bohrer: Orchestral Works Antoine Bohrer, Max Bohrer, Friedemann Eichhorn, Alexander Hülshoff, Jena Philharmonic Orchestra, Nicolás Pasquet
Felix Mendelssohn: Complete Works for Solo Piano Felix Mendelssohn, Howard Shelley
Contes Mystiques Guy Ropartz, Paul Beynet, Enguerrand de Hys
In the Shadows Daniel Auber, Michael Spyres, Christophe Rousset, Les Talens Lyriques
Lully: Te Deum Jean-Baptiste Lully, Stephane Fuget, Les Épopées, Les Pages & Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles
Elisabeth Jacquet de la Guerre: Céphale et Procris Élisabeth Jacquet de La Guerre, Lisandro Abadie, Deborah Cachet, Reinoud Van Mechelen, A Nocte Temporis
Louis Beydts: Mélodies & Songs Louis Beydts, Cyrille Dubois, Tristan Raës
Bruckner: Symphony No. 7 in E Major, WAB 107 (Arr. for 2 Pianos by Hermann Behn) Anton Bruckner, Julius Zeman, Shun Oi
Maurice Yvain: Yes! Maurice Yvain, Les Frivolités Parisiennes, Sandrine Buendia, Léovanie Raud, Amélie Tatti, Irina De Baghy, Norma Nahoun, Laure Ilef, Marion Dhombres, Servane Brochard, Tiphaine Chevallier, Guillaume Durand, César Matthieu, Sinan Bertrand, Aurélien Gasse, Philippe Brocard, Olivier Podesta
Sea Songs Bryn Terfel, Archie Churchill-Moss, Ben Tunnicliffe, Patrick Rimes, Evan Carson, Sion Owen, Phylip Nichols, Iwan Griffiths, Aled Powys Williams, Osian Rowlands
NACHHALL - Othmar Schoeck Orchesterlieder Othmar Schoeck, Graziella Contratto, Berner Symphonieorchester, Stephan Genz
Porqueddu: The Impressionistic Guitar Cristiano Porqueddu, Riccardo D'Alo
Doux silence Honoré d'Ambruis, Les Musiciens De Saint-Julien, François Lazarevitch, Julie Roset
Brahms: Piano Trios, Opp. 8 & 87 Johannes Brahms, Trio Sora
Destouches: Télémaque & Calypso Andre Cardinal Destouches, Les Ombres, Sylvain Sartre, Margaux Blanchard, Isabelle Druet, Emmanuelle De Negri
Beethoven: The Complete Symphonies Ludwig van Beethoven, Antonello Manacorda, Kammerakademie Potsdam
Mondonville: Le Carnaval du Parnasse Jean-Joseph Cassanéa De Mondonville, Mathias Vidal, Les Ambassadeurs ~ La Grande Écurie, Alexis Kossenko
Wonder Women Traditional, Christina Pluhar, L'Arpeggiata, Vincenzo Capezzuto
Sergey Ljapunov: Piano Works Sergey Mikhailovich Ljapunov, Luca Faldelli
Schmitt: La Tragédie de Salomé & Chant élégiaque Florent Schmitt, Frankfurt Radio Symphony Orchestra, Alain Altinoglu
Bruckner: Symphony No. 9 in D Minor, WAB 109 (1894 Version, Ed. L. Nowak) Anton Bruckner, Bamberg Symphony, Jakub Hrůša
Robert de Visée: Theorbo Solos Robert de Visée, Jakob Lindberg
Lully: Armide Jean-Baptiste Lully, Vincent Dumestre, Le Poème Harmonique
Entre deux mondes Cécile Chaminade, Iris Scialom, Magali Mouterde, Théodore Lambert
Reger: Bach Variations, Op. 81, Träume am Kamin Max Reger, Eden Walker
Cage² John Cage, Bertrand Chamayou
Labyrinth Garden: Violin at the Court of Kroměříž Johann Heinrich Schmelzer, Ensemble Castelkorn, Josef Žák
Ziani: La morte vinta sul calvario Marc'Antonio Ziani, Pietro Antonio Bernardoni, Les Traversées Baroques, Etienne Meyer
Mahler: Symphony No. 9 on Period Instruments Gustav Mahler, Mahler Academy Orchestra, Philipp von Steinaecker
Colin de Blamont: Les Fêtes grecques et romaines François Colin de Blamont, Valentin Tournet, La Chapelle Harmonique
French Opera Overtures Alexandre Lecocq, Estonian National Symphony Orchestra, Neeme Järvi
Brahms: Reimagined Orchestrations Bright Sheng, Kansas City Symphony, Michael Stern
Akhunov: Cello Concerto "Actus tragicus" Sergey Akhunov, Boris Andrianov, State Academic Symphony Orchestra of Russia "Evgeny Svetlanov", Timur Zangiev
Mozart: Piano Concertos 20 & 23 Wolfgang Amadeus Mozart, Olga Pashchenko, Il Gardellino
Urlicht: Songs of Death and Resurrection Hans Pfitzner, Samuel Hasselhorn, Poznań Philharmonic Orchestra, Łukasz Borowicz
Lloyd: A Litany & A Symphonic Mass George Lloyd, Bournemouth Symphony Orchestra, Brighton Festival Chorus
Brahms: Symphonies Johannes Brahms, Chamber Orchestra of Europe, Yannick Nézet-Séguin
Bliss: Works for Brass Band Arthur Bliss, Black Dyke Band, John Wilson
Brahms: Piano Trio Op. 101, Trio for Horn Op. 40, Wiegenlied & Op. 49 No. 1 Johannes Brahms, Trio Sora
Fauré: Requiem - Gounod: Messe de Clovis Gabriel Fauré, Le Concert Spirituel, Herve Niquet
Samaras: Tigra, Epinikeia & Chitarrata Spyridon Samaras, Maria Vlachopoulou, Lenia Safiropoulou, Angelo Simos, Sofia Amadeus Orchestra, Byron Fidetzis
Haydn: Late Symphonies, Vol. 3 Joseph Haydn, Danish Chamber Orchestra, Ádám Fischer
Thomas de Hartmann Rediscovered Thomas de Hartmann, Joshua Bell, INSO-Lviv Symphony Orchestra, Dalia Stasevska
Taneyev: Violin Sonata in A Minor & Piano Quintet in G Minor, Op. 30 Sergei Taneyev, Spectrum Concerts Berlin
Wolf-Ferrari: String Trios, Quartets & Quintet Ermanno Wolf-Ferrari, Trio David, Gloria Santarelli, Chiara Mazzocchi, Tommaso Castellano
Wolf-Ferrari: String Trios, Quartets & Quintet Ermanno Wolf-Ferrari, Trio David, Gloria Santarelli, Chiara Mazzocchi, Tommaso Castellano
Ronsard et la musique. Cueillez, cueillez votre jeunesse ! Albert Groz, Marc Mauillon, Anne Le Bozec
Rita Strohl: Volume 2, Musique de chambre Rita Strohl, Raphaëlle Moreau, Edgar Moreau, Tanguy de Williencourt
Roberto Alagna: 60 Richard Wagner, Roberto Alagna, Morphing Chamber Orchestra, Giorgio Croci
Nessun dorma Saverio Mercadante, Pene Pati, Orchestre National Bordeaux Aquitaine, Emmanuel Villaume, Amitai Pati
Carlos Simon: Four Symphonic Works Carlos Simon, Gianandrea Noseda, National Symphony Orchestra\, Kennedy Center
Messager: Coups de Roulis (Live) André Messager, Christophe Gay, Chœur des Frivolités Parisiennes, Orchestre des Frivolités Parisiennes, Alexandra Cravero
Impressions parisiennes Claude Debussy, Quatuor Van Kuijk
Ries: Symphonies Nos. 4 & 5 Ferdinand Ries, Janne Nisonen, Tapiola Sinfonietta
Gluck: Iphigénie en Aulide Christoph Willibald Gluck, Le Concert de la Loge, Julien Chauvin, Cyrille Dubois, Tassis Christoyannis
My American Story: North George Gershwin, Daniil Trifonov, Philadelphia Orchestra, Yannick Nézet-Séguin
Mozart: Requiem Wolfgang Amadeus Mozart, Ensemble Pygmalion, Raphael Pichon
Rita Strohl: Volume 3, Musique orchestrale Rita Strohl, Orchestre national d'Île-de-France, Case Scaglione, Lucile Richardot
Vivaldi - The Norwegian Seasons Antonio Vivaldi, Ragnhild Hemsing, Barokkanerne
Aram Khachaturian: Symphony No. 1 · Dance Suite Aram Khachaturian, Robert Schumann Philharmonie, Frank Beermann
Camille Erlanger: La sorcière (Live) Camille Erlanger, Andreea Soare, Joé Bertili, Chœur de la Haute école de musique de Genève, Orchestre de la Haute école de musique de Genève, Guillaume Tourniaire
East German Flute Concertos Gisbert Nather, Claudia Stein, Brandenburgisches Staatsorchester Frankfurt, David Robert Coleman
Americascapes 2: American Opus George Crumb, Basque National Orchestra, Robert Trevino
Alexandre Kantorow plays Brahms and Schubert Johannes Brahms, Alexandre Kantorow
Fauré: Orchestral Works Gabriel Fauré, National Symphony Orchestra Of Ireland, Jean-Luc Tingaud
Imants Kalniņš. Klusās dziesmas
Līga Priede, Andrejs Grimms
Dixit Dominus - Händel, Lotti George Frideric Handel, Les Argonautes, Jonas Descotte, Julie Roset, Camille Allérat, Anthea Pichanick, Maxence Billiemaz, Ilia Mazurov
Fra l'ombre e gl'orrori George Frideric Handel, Nahuel di Pierro, Ensemble Diderot, Johannes Pramsohler
Robert de Visée: Suites à la Mémoire d'un Poète Jacques Du Buisson, Perrine Devillers, Mathilde Vialle, Myriam Rignol, Thibaut Roussel
Hydropath Ulvi Cemal Erkin, Işıl Bengi
Zelenka: Missa Gratias agimus tibi Jan Dismas Zelenka, Hannah Morrison, David Allsopp, Kammerchor Stuttgart, Barockorchester Stuttgart, Frieder Bernius
Bellini: I Puritani Vincenzo Bellini, Dresdner Philharmonie, Riccardo Frizza


Autres écoutes

Je ne pourrai pas faire un bilan de tout ce que j'ai aimé cette année hors nouveautés, mais vous pouvez vous en faire une idée par les playlists suivantes : liste de toutes mes écoutes (discographiques) de 2024, soit 1500 albums – ne me demandez pas comment ça entre, je lis juste les chiffres et pourtant j'ai écouté nettement moins de musique que les années précédentes, du fait de mon temps dévolu à la pratique musicale, à la marche…. Surtout, la liste des 124 coups de cœur hors nouveautés – que ce soient des découvertes pour moi ou des retrouvailles avec des disques déjà aimés. Et bien sûr, je continue d'alimenter la liste (très incomplète) de mes disques indispensables (les « doudous ») au fil des moments où ils reviennent sur la platine.

Par ailleurs, énormément de playlists (dernièrement, concertos pour flûte et concertos pour cor) qui permettent d'explorer des genres par ordre chronologique. Du quatuor à cordes à la musique d'orgue en passant par l'opéra. Même si vous n'écoutes pas sur Spotify, il y a sans doute beaucoup d'idées d'écoutes à glaner, selon vos goûts – sachant qu'à peu près tous les disques sont désormais disponibles intégralement sur YouTube.

Beaucoup de projets de notules pour 2025, tous ne pourront pas être réalisés… à bientôt pour la suite, estimés lecteurs !

David Le Marrec

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