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mercredi 29 décembre 2010

Histoire de l'opéra allemand : essai (raté) de schéma


Contrairement aux développements de genres et styles parallèles dans l'histoire de l'opéra français ou aux ruptures dans l'histoire de l'opéra italien, l'opéra allemand suit en réalité un chemin assez linéaire, qui ne se complexifie qu'à l'orée du XXe siècle.

Toutefois, à cette date, les courants et les langages deviennent si riches, si complexes, s'entrecroisant et se contredisant jusque chez un même compositeur, et quelquefois menant deux courants idéologiquement antagonistes à des résultats sonores similaires... qu'il est assez difficile de proposer cela sous forme synthétique. On serait incomplet, ou bien allusif et obscur, ou au contraire trop détaillé.

En l'occurrence, le résultat sera trop touffu pour les lecteurs plus néophytes.

Bref, le résultat de cette tentative n'est pas satisfaisant, mais on le livre tout de même, à titre de repère (un tiens valant mieux...)

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1. Exception hambourgeoise : un seria local

L'opéra allemand n'existe pas au XVIIe siècle en tant que genre. Il existe peut-être des partitions expérimentales enfouies, mais je n'en ai jamais vu, et elles resteraient de toute façon marginales.
On cite une Dafne de Schütz (1627), dont seul le livret subsiste, mais rien qui puisse permettre de documenter un genre en tout cas.

Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir apparaître des exceptions locales. On jouait alors l'opéra italien partout en Europe, sauf en France, et plus précisément cet opéra seria. Ce genre opératique était né en Italie de la fascination croissante pour la voix comme instrument, au détriment du projet original d'exalter un poème dramatique par la musique. On y trouvait des airs clos (dits "à da capo", c'est-à-dire de forme ABA') très virtuoses, entre lesquels l'action avançait rapidement par des "récitatifs secs" (une écriture rapide et peu mélodique, calquée sur la prosodie italienne et uniquement accompagnée par la basse continue).

Il a cependant existé, pendant des périodes plus ou moins restreintes, des exceptions locales en Europe (cour de Suède par exemple), et spécialement dans certaines villes d'Allemagne. On y écrivait aussi du seria, avec les mêmes recettes... mais en langue allemande.

Quelques compositeurs célèbres se produisirent à Hambourg : Haendel (son premier opéra, Almira, Königin von Kastilien, était en allemand sur un livret adapté de l'italien) et Telemann, mais aussi Reinhard Keiser, qui produisit près de 70 opéras, et quasiment tous pour Hambourg. On trouve aussi mention de Philipp Heinrich Erlebach, Georg Caspar Schürmann ou Johann Christian Schieferdecker, dont certaines oeuvres sont disponibles au disque, mais qui n'ont pas, aujourd'hui encore, de grande renommée.
L'Orpheus de Telemann, comble du syncrétisme, mêle même des airs en italien et des choeurs en français, selon le caractère recherché, à une trame allemande.

L'opéra hambourgeois est un opéra virtuose, bien écrit, qui adopte certaines tournures harmoniques spécifiquement germaniques, et dont les récitatifs sont par la force des choses assez différents des italiens... mais il ne s'agit que d'une adaptation limitée géographiquement d'un genre qui vient de l'étranger. On est très loin d'un opéra proprement national.

2. Le Singspiel, première forme originale

Au milieu du XVIIIe siècle, apparaît une forme nouvelle, une version comique de l'opéra, qui s'apparente à l'opéra comique français : des "numéros" musicaux (airs, ensembles, parfois pièces d'orchestre...) clos sont entrecoupés de dialogues parlés, le tout étant en langue allemande.

La forme trouve probablement son origine avec les miracles du XVIIe siècle, mais on considère que ses "inventeurs" sont Hiller & Weisse, qui collaboraient ensemble vers le milieu XVIIIe siècle.

C'est le genre dans lequel sont écrits les opéras allemands de Mozart : Bastien und Bastienne, Die Entführung aus dem Serail, Die Zauberflöte. Peu d'oeuvres d'autres compositeurs de l'époque sont disponibles au disque : Holzbauer par exemple, qui est extrêmement intéressant ; ou (Paul) Wranitzky dont l'Oberon, König der Elfen (1789) est un bijou déjà très romantique, bien plus moderne que la Flûte Enchantée (1791) par exemple.

Ainsi, la naissance d'un opéra réellement attaché à la langue allemande se fait sous la forme comique et hybride du parlé et du chanté. Ce qui n'aura pas une conséquence durable sur son évolution.

3. Développement sérieux du Singspiel

Suite de la notule.

mardi 28 juillet 2009

Der Vampyr (« Le Vampire ») de Marschner sur 'Carnets sur sol'


Pour naviguer plus aisément, voici un petit rappel à l'issue de cette série (la dernière étape a paru aujourd'hui).

Tout d'abord, vu la quantité et l'interpénétration des notules, les lutins ont créé une catégorie spécifique autour du sujet, afin de facilité le repérage des lecteurs. Mais cette catégorie ne contiendra pas les oeuvres littéraires fantastiques abordées cet été. Donc, un petit mode d'emploi.

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A. Sources

Le texte original de John William Polidori ou bien la traduction d'Henri Faber : http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Vampire_(Polidori) (texte non vérifié, il comporte donc encore quelques coquilles, et notamment quelques confusions entre passé simple et subjonctif imparfait à la troisième personne du singulier - amplement lisible cela dit !).

Le livret en bilingue allemand / espagnol (même pour les francophones stricts, c'est relativement lisible).

B. Série de Polidori à Marschner

1. La genèse improbable du texte de Polidori, premier texte emblématique autour de la figure du vampire : à cause d'une éruption indonésienne.
2. Les enjeux fondamentaux de la préface du Vampire de John Polidori.
3. Le découpage en motifs de la nouvelle.
4. Le réagencement des motifs dans l'opéra.

C. Autres entrées sur Marschner

=> Le mélodrame du I dans la discographie du Vampire.
=> Une version audio libre de droits (mp3).
=> Quelques mots sur d'autres oeuvres de Marschner.
=> Pensez à consulter la catégorie opéra romantique allemand, dans laquelle il est souvent dressé des parallèles avec cet opéra.

D. Sujets connexes : fantastique et vampires

=> Les deux notules autour du roman Dracula de Bram Stoker, acte de naissance du phénix des vampires : contexte et structure ; complexités et réécriture. On y aborde notamment la question de la notion de fantastique, qui évolue entre le début du XIXe et la fin du même siècle.
=> Par ailleurs, par extension, on fait aussi appel de temps au Moine de Lewis, que nous avions commenté en son temps , jusqu'à regarder d'un peu plus près la réécriture d'Antonin Artaud.

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Bonne lecture !

Le Vampire de Byron / Polidori à Marschner / Wohlbrück - IV - Réagencement des motifs chez Marschner, et conséquences


Avant de poursuivre avec Marschner, ajoutons peut-être deux mots sur le texte de Polidori lui-même.

  • On perçoit bien que ce qui donne de l'intérêt à ce récit, en fin de compte, est bien le ressort du passage de l'incrédulité à l'adhésion - typique des histoires de vampires. Même la préface rationnalisante ne l'atténue pas, au bout du compte. Une fois pris dans l'illusion romanesque, même assez peu vigoureuse comme ici, le lecteur se laisse dériver rapidement vers l'adhésion aux thèses impossibles qui conduisent le récit - sinon, de toute façon, on ferme le livre et on part marcher en forêt à la place.
  • Concernant plus précisément Aubrey, son sort est quasiment une fable sur les dangers de la curiosité (sa motivation principale, à moins que cette fascination, comme les tuteurs le lui écrivent à Rome, ne soit le fait de l'art vampiresque). Puis lié à l'imprudent d'un serment trop absolu à un mourant suspect (le cas typique où l'auteur cherche à faire crier le lecteur d'indignation devant la crédulité fatale du personnage). Ensuite, la débilité qui s'empare de lui, alternant avec des crises plus vigoureuses, une folie de douleur devant le sort possible de sa soeur, mais qui décribilise par avance son propos devant tuteurs et médecins... Et celui-ci n'est pas prêt, on ne sait trop pourquoi, à rompre ce serment inique. Ce héros trop romantique, comme nous le dit d'emblée Polidori, réagit par l'abattement rêveur face au danger, et abandonne de ce fait sa soeur. Si bien qu'on peut se demander, quelque part, si Aubrey a bien vu ce qu'il a vu, considérant sa faiblesse mentale...


N.B. : Plusieurs liens peuvent être utiles si des allusions sont faites dans cette notule.

  1. Le texte original de John William Polidori ou bien la traduction d'Henri Faber : http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Vampire_(Polidori) (texte non vérifié, il comporte donc encore quelques coquilles, et notamment quelques confusions entre passé simple et subjonctif imparfait à la troisième personne du singulier - amplement lisible cela dit !).
  2. La genèse improbable du texte de Polidori, premier texte emblématique autour de la figure du vampire : à cause d'une éruption indonésienne.
  3. Les enjeux fondamentaux de la préface du Vampire de John Polidori.
  4. Le découpage en motifs de la nouvelle.
  5. Les deux notules autour du roman Dracula de Bram Stoker, acte de naissance du phénix des vampires : contexte et structure ; complexités et réécriture.


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5. Le livret de Wohlbrück

A présent, observons le livret utilisé par Marschner. On reprendra les numéros de situations pour établir les correspondances.


Heinrich (August) Marschner.


Suite de la notule.

lundi 27 juillet 2009

De Byron / Polidori à Marschner / Wohlbrück - III - Déroulement et motifs de la nouvelle de Polidori

On aura aussi vite fait de le lire, mais pour les lecteurs qui souhaitent juste remonter le fil depuis Marschner, un petit synopsis. Surtout, nous marquons les jalons de ce qui va se retrouver dans le livret de Wohlbrück. Dès que nous publierons la suite, nous utiliserons ces repères pour identifier les motifs qui ont été réutilisés mais changés de place.


John William Polidori, médecin personnel de Lord Byron, présent lors de la fameuse soirée.


Comme le résultat sera par la force des choses long à lire, on permet aux lecteurs de CSS de s'avancer un peu en s'imprégnant déjà des structures importantes de Polidori. Cette notule n'a donc pas d'intérêt en soi que de constituer l'introduction indispensable à ce qui va suivre.

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N.B. : Plusieurs liens peuvent être utiles si des allusions sont faites dans cette notule.

  1. Le texte de John William Polidori dans la traduction d'Henri Faber : http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Vampire_(Polidori) (texte non vérifié, il comporte donc encore quelques coquilles, et notamment quelques confusions entre passé simple et subjonctif imparfait à la troisième personne du singulier - amplement lisible cela dit !).
  2. La genèse improbable du texte de Polidori, premier texte emblématique autour de la figure du vampire : à cause d'une éruption indonésienne.
  3. Les enjeux fondamentaux de la préface du Vampire de John Polidori.
  4. Les deux notules autour du roman Dracula de Bram Stoker, acte de naissance du phénix des vampires : contexte et structure ; complexités et réécriture.


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4. Le récit de Polidori

Suite de la notule.

samedi 25 juillet 2009

De Byron / Polidori à Marschner / Wohlbrück - II - Préface et enjeux du Vampire original



Arrivée d'Aubry priant, puis menaçant Lord Ruthven sur le point d'épouser à sa place sa fiancée pour se repaître de son sang. Ruthven lui fait la réponse terrifiante qu'on peut lire ci-dessous.


N.B. : Plusieurs liens peuvent être utiles si des allusions sont faites dans cette notule.

  1. Le texte de John William Polidori dans la traduction d'Henri Faber : [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Vampire_(Polidori)] (texte non vérifié, il comporte donc encore quelques coquilles, et notamment quelques confusions entre passé simple et subjonctif imparfait à la troisième personne du singulier - amplement lisible cela dit !).
  2. La genèse improbable du texte de Polidori, premier texte emblématique autour de la figure du vampire : à cause d'une éruption indonésienne.
  3. Les deux notules autour du roman Dracula de Bram Stoker, acte de naissance du phénix des vampires : contexte et structure ; complexités et réécriture.



Combat du Giaour et du Pacha d'Eugène Delacroix.
Huile sur toile, 73 x 61 cm.
Musée du Petit-Palais, Paris.
Voir plus bas la citation correspondante : ce tableau de 1835 est directement inspiré du poème de Byron de 1814, cité par la préface de Polidori.


On le mentionnait précédemment, le plus intéressant dans la nouvelle Le Vampire de John William Polidori, tirée de l'ébauche de Lord Byron, est bien son Introduction. En plus de rattacher le vampire à l'univers de la superstition, cette préface le caractérise avant tout par son injustice effroyable : le châtiment peut frapper l'innocent, et le conduire à torturer, impuissant mais en toute conscience, les êtres qu'il a le mieux aimés.

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1. Superstition

Polidori rappelle ainsi les origines orientales immémoriales, les superstitions de la Grèce chrétienne (le rite latin empêchant prétendûment la décomposition des corps), puis en Europe Centrale. Il en décrit même les variantes ; celle d'Europe Centrale correspond précisément au vampirisme de Stoker : le monstre ne tue pas ses victimes d'un seul coup, mais les affaiblit nuit après nuit.
Il pousse la documentation (et la mise à distance avant même de débuter son récit !) jusqu'à citer la Gazette de Londres de 1732, et à relater l'histoire d'Arnold Paul, assailli par un vampire en Hongrie, et malgré les rites, devenu vampire à son tour. On retrouve les caractéristiques bien connues : absence de corruption du corps inhumé, rejet d'un sang pur jusque par les pores. Pour régler la cause, épieu, décapitation, immolation, cris horribles du mort, on voit de quel coin Stoker avait tenu son corpus superstitieux.

Dans une préface destinée à introduire une nouvelle brève et épouvantable, on fait mieux pour la mise en condition du lecteur. Ici, on lui fournit toutes les clefs pour se défendre de l'impression qu'elle pourrait lui faire.

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2. Véridique

Cependant cette parole rationnelle, et l'accumulation de ses sources, dont certaines hautement qualifiées de véridiques (les Voyages de Tournefort), donnent du crédit à celui qui va raconter cette histoire. On avait déjà vu le procédé, précisément, chez Stoker : mobiliser la science pour bien montrer qu'on ne peut pas expliquer le phénomène, qu'il la dépasse.

Polidori me paraît toutefois dans une démarche beaucoup plus saine d'information de son lecteur, lui procurant amplement les moyens de faire résistance aux assauts qu'on va porter contre son incrédulité.

De son propre aveu, il fournit les renseignements « nécessaires à l'intelligence de la Nouvelle qui suit », c'est-à-dire que le but affiché est tout simplement d'instruire le lecteur - si bien qu'il achève son introduction par un catalogue de vocables équivalents au terme retenu de « vampire ».

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3. Un but littéraire

(Et Giaour.)

Suite de la notule.

mercredi 22 juillet 2009

Marschner / Wohlbrück - DER VAMPYR : une histoire des sources depuis Byron-Polidori

Il faut peut-être débuter cette balade par l'Indonésie, lorsqu'en 1815, le Mont Tambora entra en éruption. Il s'agit de la plus forte éruption connue depuis l'an 186, sur le degré 7 de l'échelle de Chris Newhall (baptisée Volcanic Explosivity Index). Le seul degré restant, le huitième, remonte à 26500 années.
Pour donner une idée simple : chaque degré suppose une multiplication par 10 de la force de l'éruption. La vulgarisation s'arrête généralement au degré 3 ou 4, baptisé péléen, et qui correspond à l'explosion de la Montagne Pelée en 1902. Au dessus, le cas du Mont St. Helens est bien connu, car assez récent (1980), ayant décapité la montagne, et dont le seul bruit, devenu onde de choc, pouvait aisément tuer. On est là au degré 5.
C'est-à-dire que l'éruption du Tambora a été 100 fois plus violente, propulsant 100 km³ de matière.

On comprend aisément que, l'été qui suivit, le soleil, masqué autour du globe par les poussières expulsées du volcan, n'a guère été au rendez-vous. Il était de plus, paraît-il, assez pluvieux.

Toujours est-il qu'en 1816, lorsque Mary Wollstonecraft Godwin, accompagnée de son futur mari (dont elle avait déjà décidé de porter le nom), frappe à la grille de la Villa Diodati, sur le Lac Léman, le ciel est couvert et l'atmosphère particulièrement fraîche.


L'entrée de la Villa Diodati, de nos jours.


Aussi leur hôte, un Lord dont l'Histoire a conservé quelque souvenir, convient-il avec eux de renoncer à leurs activités de plein air pour rentrer causer. On sait notamment que la conversation a abordé, à travers le galvanisme, la possibilité de ramener un corps - ou des morceaux de corps - à la vie. On a même débattu d'Erasmus Darwin, à qui on attribuait l'animation de cadavres. Puis on lut des histoires germaniques de fantômes (tiens, tiens), et le maître de maison proposa que chacun écrive, pour prolonger leur conversation, une nouvelle.

Mary Godwin prépara sa nouvelle, mais, sur les encouragements de son accompagnateur, Percy Bysshe Shelley, finit par livrer à la postérité Frankenstein ou le Prométhée moderne. Bien qu'étant à l'origine du projet, Lord Byron fut moins disert : il proposa une ébauche de conte de vampire, largement inspirée de récits qu'il avait entendus en Europe Centrale et dans les Balkans.

Cependant le médecin personnel de Byron assistait à la soirée. Il reprit l'histoire et la développa un peu dans une nouvelle cohérente, précédée d'une introduction, en réalité plus intéressante que le récit lui-même, dans laquelle l'origine du mythe et ses états dans l'Europe Centrale sont rappelés. Le récit paraît en 1819, et il s'agit du premier récit de vampire de langue anglaise. Le nom de Byron, plus prestigieux, est conservé pour la publication originale, mais aujourd'hui, on s'accorde généralement pour reconnaître que, si la matière est bien de Byron (ou plutôt recueillie par lui...), les mots sont du docteur John William Polidori.

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Les sources de Marschner

Heinrich August Marschner, maillon manquant de l'opéra romantique allemand entre Weber et Wagner, a particulièrement aimé les sujets habités par un surnaturel inquiétant, ou à tout le moins baignant dans une atmosphère historique pesante. Parmi les plus célèbres, outre Le Templier et la Juive, il y a le sombre Hans Heiling au royaume des fées (le contexte n'est pas sans rappeler le premier opéra de Wagner), mais aussi Das Schloß am Ätna (« Le Château au bord de l'Etna »), Adolf von Nassau ou encore Sangskönig Hiarne und das Tyrfingschwert (qui évoque l'épée Hervararkviða - Tyrfing en allemand - de la saga Hervarar dans l'Edda). Jusque dans ses assez nombreuses pièces comiques, la veine moyen-âgeuse est exploitée, à défaut de - témoin Des Falkners Braut (« La Fiancée du fauconnier »).

Sa veine favorite, à l'instar de Weber au demeurant, mais en plus sombre, se situe donc aux confins du Moyen-Age... et du fantastique gothique. [1]

Le Vampire de Marschner (1828) se situe en réalité à la croisée de sources extrêmement nombreuses et significatives de son époque. Le rôle-titre porte le nom du personnage de Byron / Polidori (1819) : Lord Ruthven, personnage froid et séducteur, s'exerçant exclusivement sur les femmes. La dimension que nous trouvions défaillante chez Bram Stoker (voir l'entrée '5.') est ici, non pas développée, mais tout à fait suggérée. La psychanalyse de comptoir parlerait volontiers de couple Eros-Thanatos, et c'est effectivement peu ou prou l'idée qui s'attache à la figure du vampire dans ce qu'elle peut avoir de plus riche.
A noter qu'un autre opéra allemand (Peter Josef von Lindpaintner sur un livret de Cäsar Max Heigel), écrit l'année des représentations du Marschner, fait porter le nom d'Aubri - Aubrey chez Polidori, Aubry chez Wohlbrück / Marschner - au vampire, c'est-à-dire celui, à l'origine, du principal opposant de Ruthven...

Le nom de Ruthven lui-même apparaît dès 1816 dans le roman Glenarvon, de type gothique, de Lady Caroline Lamb - paru anonymement. Il correspond à Byron, qu'elle a quitté à cause de la passion dévorante et dangereuse (y compris pour son mariage avec Lord William Lamb), et le portrait n'est pas flatteur. Mais il ne s'agit pas d'un vampire. Il a fallu sans doute une certaine dose d'autodérision à Byron pour réemployer ce nom non pas trois ans plus tard (date de publication de la nouvelle de Polidori), mais la même année (date du défi avec Mary Shelley) !

Dès février 1820, le personnage, d'après Polidori, est prolongé par Cyprien Bérard, directeur du Théâtre de Vaudeville (et publié par Charles Nodier, à qui on attribue souvent à tort, Wikipedia en tête [2], la paternité du récit - décidément, que d'usurpateurs dans cette histoire !), dans Lord Ruthwen ou les Vampires.
Et voilà une adaptation pour le théâtre (toujours le même titre : Le Vampire), sous forme de mélodrame (pas au sens musical [3] du terme, même s'il y avait peut-être de la musique dans l'affaire), par Pierre François Adolphe Carmouche, Charles Nodier lui-même et Achille François Eléonore Marquis de Jouffroy d'Abbans [4]. C'est la première source directe de Marschner, et aussi celle de la pièce homonyme d'Alexandre Dumas père (1851), qui avait précisément rencontré Nodier en 1823 à l'occasion d'une reprise de ce Vampire.

La seconde source directe est elle aussi tirée de Polidori : il s'agit du drame allemand de Heinrich Ludwig Ritter : Der Vampir oder Die Totenbraut (1821).

Tout cela est adapté par le très méconnu Wilhelm August Wohlbrück pour l'opéra.

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Bref, on voit le profit qu'il y a à se reporter à cette pierre angulaire qu'est le court récit de Polidori, aussi bien pour comprendre l'origine et les propriétés de l'adaptation de l'opéra que pour affiner la perception du vampire qu'on a déjà débutée presque malgré nous.

On sait donc ce qu'il nous reste à aborder...

Notes

[1] Je préfère parler de merveilleux horrifique, parce que le fantastique est également une catégorie, à partir du la fin du XIXe, qui joue de l'hésitation sur l'interprétation d'événements inexplicables. Mais on peut fort bien s'entendre sur le fait que, s'agissant du début du siècle, il ne s'agit pas de débattre de la véracité des faits présentés : dans le cadre d'une fiction épouvantable, on accepte comme aussi naturel le vampire ou le royaume des Fées qu'on le fait pour le dragon ou la mélusine dans la littérature médiévale.

[2] Qu'on se rassénère promptement : c'est corrigé.

[3] Un mélodrame, on l'a souvent indiqué, est un moment musical dans lequel le texte est déclamé en voix parlée tandis que des instruments accompagnent et ponctuent la récitation. Le principe est issu du théâtre grec antique.

[4] La même année, on compte pas moins de trois pièces à vampire, dont une parodie, Cadet Bouteux ou le Vampire, qui raille notamment les prétentions d'authenticité avec les faux-nez d'éditeurs bien connus depuis un siècle. Polidori ne joue d'ailleurs pas du tout sur cette corde, bien au contraire démystifiant par avance ce qu'il qualifie lui-même de superstition.

mardi 11 décembre 2007

Heinrich August MARSCHNER - Hans Heiling - Joseph Keilberth (avec Hermann Prey) ; Grand Trio n°7 ; Der König in Thule (Bär / Deutsch)

Ce soir à partir de 19 heures, soirée Marschner sur France Vivace.

Non que ce soit une programmation plus excitante que le tout-venant de Vivace, toujours très stimulant, mais il en avait été question sur CSS - ce sera l'occasion de prolonger.

Les deux autres opéras les plus célèbres de Marschner, Hans Heiling (version Keilberth, avec Hermann Prey), et l'Ouverture de Der Templer und die Jüdin (« Le Templier et la Juive »). Le Grand Trio n°7 (Op. 167). Et deux lieder, dont un Roi de Thulé (par Olaf Bär et Helmut Deutsch).

Le livret de Hans Heiling est disponible sur la Toile, mais sans traduction :

Un montage avec Babelfish est toujours possible, mais jamais très probant...




Pour ceux qui ne seraient à l'écoute en temps et en heure pour Hans Heiling (qui n'est ni le plus rare, ni le plus piquant, ni le mieux exécuté de cette soirée), le rattrapage est possible à tout moment grâce à Opera Today qui propose en permanence la même version. [Lisible avec Winamp sur PC, ou VLC pour tous systèmes d'exploitation.]




En revanche, toujours dans la veine fantastique, CSS avait proposé au téléchargement son opéra le plus célèbre, Der Vampyr, mais avec bien entendu la possibilité de consulter un livret bilingue germanique / roman.

Auparavant, nous avions brièvement commenté cet opéra par la marge.

samedi 21 avril 2007

Enregistrements, domaine public - VI - Heinrich MARSCHNER, Der Vampyr (Kurt Tenner, Radio de Vienne, 1951)

L'opéra intégral libre de droits.

Et les commentaires afférents, naturellement.

Suite de la notule.

samedi 17 mars 2007

Entsetzlich ! Entsetzlich !

Trahison suprême.
[Der Vampyr, Heinrich Marschner]

Et état comparé du chant de jadis et d'aujourd'hui. Paradoxes et enjeux.

Suite de la notule.

David Le Marrec

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