Carnets sur sol

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mardi 22 avril 2014

[Avant-concert] Les grands cycles du piano français : Schmitt, Hahn, Decaux, Dupont, Debussy, Ravel, Inghelbrecht, Le Flem, Koechlin, Samazeuilh, Tournemire et Migot


Les Heures dolentes de Gabriel Dupont sont données ce mercredi à l'Amphi Bastille.

Pour ceux qui seraient intrigués sans avoir écouté les disques, on peut se reporter à cette vieille notule autour des mélodies (avec extrait sonore). Ses opéras, dans des styles très différents – du vérisme de La Cabrera, très apprécié en son temps, à la veine épico-orientale d'Antar (extrait ) – n'ont pas encore eu les honneurs du disque. En revanche, en musique de chambre, on trouve son Poème pour piano et quatuor à cordes, et ses deux grands cycles pour piano.

Ceux-ci s'inscrivent dans la veine française des grands cycles pittoresques pour piano seul, sous forme de vignettes, travaillant la couleur harmonique et le figuralisme évocateur – au contraire de la littérature germanique, concentrée sur la forme abstraite du développement d'idées purement musicales.

C'est tout un pan du patrimoine pianistique, parfois de premier plan, qui est ainsi absent des salles et à peine représenté au disque. Dupont figure parmi les premiers à exploiter ce type bien particulier.

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Ont à ce jour été édités commercialement :

Florent SCHMITT : Les Crépuscules (1898-1911).
Comme les Clairs de lune de Decaux, les Miroirs de Ravel et les Images de Debussy, ce sont encore des recueils courts et un peu dépareillés, où les points communs restent lâches entre les pièces qui ne forment pas de réelle progression. Néanmoins une très belle œuvre thématique, avec des couleurs harmoniques originales et superbes, comme toujours chez Schmitt.
Il en existe plusieurs versions (Wagschal chez Saphir est excellent).

Reynaldo HAHN : Le Rossignol Éperdu (1899-1910).
C'est le premier cycle véritable, une très vaste fresque de plus de deux heures, répartie entre quatre livres (« Première Suite », « Orient », « Carnet de voyage » et « Versailles »), qui exploitent toute l'étendue des possibles pianistiques, avec énormément d'aspects et de techniques différents. Cette volonté totalisante se réalise sous forme de catalogue, mais avec un soin de l'évocation, de la couleur, du climat, très particulier, et typiquement français. Peut-être le plus ambitieux de tous, avec Les Clairs de lune et Les Heures persanes.
Deux versions : Earl Wild (Ivory Classics) et récemment Cristina Ariagno (Concerto).

Abel DECAUX : Clairs de lune (1900-1907).
Quatre pièces qui exploitent l'atonalité franche (les deux premières), en 1900. On ne trouve rien d'autre d'aussi radical, à ma connaissance, avant Erwartung (1909) et le Sacre du Printemps (1913), avec une avance d'une ou deux décennies sur toutes les grandes recherches hors de la tonalité traditionnelle, sans que Decaux semble s'être illustré par ailleurs dans la composition. Surtout un professeur, et d'autres de ses pièces sont beaucoup plus académiques. Pourtant, ces pièces ont un pouvoir atmosphérique rare – en particulier la troisième, « Au cimetière », qui alterne atonalisme et lyrisme de glas.
Ce cycle, ces deux dernières années, est joué de temps à autre à Paris (par Kudritskaya cette saison à Orsay, par Bavouzet la saison prochaine au Louvre... et il me semble l'avoir vu passer ailleurs). C'est le mieux enregistré de sa famille : Chiu chez Harmonia Mundi (1996), Girod chez Opes 3D (2001, épuisé), Hamelin chez Hyperion (2006) ; les deux dernières versions sont tout à fait remarquables.

Gabriel DUPONT : Les Heures dolentes (1905).
Le premier cycle publié, et aussi le premier à ménager une forme de contnuité – sur près d'une heure. Les pièces s'enchaînent selon un ordre logique qui raconte les épisodes de la maladie, avec des moments particulièrement spectaculaires (les délires cauchemardesques), un figuralisme permanent (mais sous forme d'esquisse plutôt que d'imitation, un peu comme chez Schubert). L'ensemble est un sommet de l'esprit « illustratif » français.
Assez nombreuses versions à présent : Blumenthal, Girod, Naoumoff, Lemelin, Paul-Reyner...

Claude DEBUSSY : Premier Livre des Images (1905).

Maurice RAVEL : Miroirs (1904-1907).

Claude DEBUSSY : Second Livre des Images (1907).

Désiré-Émile INGHELBRECHT : La Nursery (1905-1911).
À rebours des cycles « sérieux », une série d'arrangements délicieux. Quelques extraits dans cette notule (Lise Boucher chez Atma).

Maurice RAVEL : Gaspard de la nuit (1908)

Gabriel DUPONT : Les Maison dans les dunes (1908-1909).
Versant lumineux des Heures dolentes ; un peu plus court, un peu moins spectaculaire, mais tout aussi abouti, avec la contemplation émerveillée de paysages plaisants, au gré de recherches de figures pianistiques et de couleurs harmoniques adéquates.
Là aussi, de rien auparavant, les versions se sont accumulées en moins de dix ans : Girod, Naoumoff, Kerdoncuff, Lemelin, Paul-Reyner. Je recommande Kerdoncuff (Timpani), en particulier pour débuter : jeu très harmoniques, qui fait très bien entendre le contenu des accords, et les changements de textures sont spectaculaires (on entend des traits translucides, je ne vois même pas comment c'est techniquement possible). Sinon, Girod, avec plus de rondeur, fait de très belles nuances, et ses Dupont ont été réédités il y a quelques semaines par Mirare. Ou bien Naoumoff (intégrale chez Saphir), dans une perspective plus narrative et cursive, sur un piano plus cassant.

Claude DEBUSSY : Deux livres de Préludes (1909-1913).
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Debussy n'est donc absolument pas pionnier dans ces Préludes, même s'il pousse la recherche de la couleur et de la singularité à son plus haut degré.

Paul LE FLEM : Sept prières enfantines (1911).
Elles s'inscrivent, à l'opposé, dans la recherche de la plus grande sobriété : pas d'ostentation digitale, harmonique ou même mélodique. Un petit cycle charmant, sans rechercher l'envergure.
Gravé par Girod pour Accord. Il existe aussi une orchestration, bien plus tardive (1946).

Florent SCHMITT : Les Ombres (1912-1917).
Langage proche des Crépuscules.

Charles KOECHLIN : Les Heures persanes (1913-1919).
Autre véritable cycle, qui décrit réellement un parcours à travers l'Orient. La musique sent la touffeur des étés généreux et les vapeurs lourdes de styrax, sans non plus verser dans la couleur locale simili-orientale alors à la mode. C'est à travers un langage personnel et tout à fait inédit que Koechlin bâtit ces vignettes évocatrices. Il faut en particulier entendre les mélismes infinis d' « À l'ombre, près de la fontaine de marbre » (XI), dans le goût des Nectaire et les couleurs résonantes des « Collines au coucher du soleil » (XIII), des sommets de la littérature universelle pour piano.
À ce jour, quatre versions, et on entend de plus en plus souvent des extraits en concert : Herbert Henck (Wergo 1986), Kathryn Stott (Chandos 2003), Michael Korstick (Hänssler 2009) et Ralph van Raat (Naxos 2011). À cela, il faut ajouter deux disques consacrés à la version orchestrée par le compositeur (qui perd l'essentiel de son charme, à mon humble avis) : Segerstam (Marco Polo) et Holliger (Hänssler). Je recommande Henck sans hésiter, pour la qualité des plans et de la suspension générale, mais Stott (plus ronde) et van Ratt (rond aussi, et rapide, par peur d'ennuyer le public dit-il, puisqu'il l'ose manifestement en concert !) s'écoutent très bien. Korstick est différent, la prise de son plus sèche laisse moins de place à la poésie, mais ici encore, beau jeu d'une assez bonne clarté.

Charles KOECHLIN : Paysages et Marines (1915-1916).
De même que pour les Heures, un beau travail de peintre d'émotions, sans la progression / procession de l'autre cycle, bien sûr. La version pour petit ensemble (flûte, clarinette, quatuor à cordes, piano), achevée un an plus tard, est plus chatoyante et entraînante.
Deux versions au piano (et davantage pour la version septuor) : Michael Korstick (Hänssler) et Deborah Richards (CPO). La seconde est particulièrement élégante.

Gustave SAMAZEUILH : Le Chant de la Mer (1918-1919).
Le moins intéressant de la liste. Même principe, mais la densité musicale y est moindre.
Existe par Girod (3D Classics, épuisé) et par Lemelin (Atma).

Charles TOURNEMIRE : Préludes-Poèmes (1931-1932),
dotés de titres mystiques. L'une des œuvres pour piano les plus virtuoses de tous les temps, dans une langue musicale totalement différente de l'œuvre pour orgue : c'est une réelle écriture pour piano, bardée de traits (souvent récurrents, d'où la dénomination de Préludes), mais avec un pouvoir évocateur et la volonté de créer un ensemble cohérent, une sorte d'univers propre. La diversité des moyens et des atmosphères est phénoménale, à telle enseigne que l'œuvre figurait dans la sélection des dix disques.
Bien qu'organiste, le disque de Georges Delvallée chez Accord est stupéfiant de robustesse et de finesse à la fois.

Charles KOECHLIN : L'Ancienne Maison de campagne (1933).
Plus apaisé et épuré que ses autres cycles, mais une autre très belle collection de moments convergents.
On trouve Christoph Keller chez Accord (réédité), Jean-Pierre Ferey chez Skarbo (épuisé), Michael Korstick (Hänssler), Deborah Richards (CPO).

Georges MIGOT : Le Zodiaque (1931-1939),
évocation thématique dans le style de ses confrères, moins personnelle que les meilleurs cycles, mais qui mérite l'écoute.
Existe par Girod chez 3D Classics (2001, épuisé) et Lemelin chez Atma (2004).

Suite de la notule.

mardi 15 avril 2014

Franz SCHUBERT – Die schöne Müllerin – discographie exhaustive


Contrairement à d'autres répertoires, la discographie des cycles de Schubert n'est pas qu'un exercice formel : on y découvre quantité de fantaisies qui stimulent la curiosité. C'est moins le cas pour la Meunière que pour le Voyage d'Hiver, mais j'avais déjà mentionné, il y a huit ans de cela (il doit donc en manquer beaucoup désormais), certains bizarreries discographiques.

Plus modestement, donc, voici la Belle Meunière, qui doit rester le second cycle le plus enregistré (ou le troisième, après Frauenliebe qui se pousse facilement dans un coin de récital).

181 références commerciales tout de même (le Winterreise dépassant les 300), et j'ai bien dû en laisser passer une poignée – sans compter donc les multiples témoignages radio, certains librement accessibles, d'autres conservés par les collectionneurs, et parfois revendus par des intermédiaires peu scrupuleux.

1. Remarques

¶ En matière d'arrangements, rien à voir avec le Winterreise, ce cycle a peu inspiré hors du sérail. On trouve seulement, à partir de 1980, 6 accompagnements pour guitare (dont un avec deux guitares), une version pour trombone solo (sans pianiste !) et une version pour chœur et piano, assez intrigante.

Il y a aussi l'atypique version pour contre-ténor (fort peu convaincante, mais il fallait bien essayer) de Kowalski – côté femmes, Stutzmann est la seule contralto de la discographie.

Karl Kammerlander a gravé deux versions (non incluses dans la liste ci-après) pour piano solo (en 96 en tonalité originale, en 98 transposée pour voix grave), vendue sur le site MusicSense. Manifestement plutôt à but d'accompagnement, je ne suis pas certain de la qualité artistique.

Les versions pour guitare fonctionnent remarquablement bien avec la veine folklorique, les lieder strophiques et ces accompagnement réguliers, dansants et assez simples. Parmi celles disponibles, je recommanderais en priorité Persson / Bergström, très douce et intime, très bien dite (avec un reste audible de rondeur suédoise dans l'accent). Côté guitare, Ragossnig, Kläger et Bergström sont tous admirables (il faut de toute façon de sacrés doigts pour remplacer un piano, même en enlevant quelques notes !), avec plus de tranchant chez Kläger et plus de douceur chez Bergström.

Je n'ai pas inclus les extraits arrangés sur des poèmes de Pagnol (souvent sans rapport avec le poème original) et orchestrés façon Francis Lopez, délicieusement chantés par Tino Rossi pour le film, et présentés en CD il y a peu.

¶ On remarque l'ère d'expansion incroyable du disque à partir de 1997 jusqu'en 2003 – pour la période suivante, je n'ai pas pu recouper mon travail avec d'aussi bonnes discographies, donc je suis sûr qu'il m'en manque. On parle de la crise du disque, mais il est un fait que si les grands se regroupent pour éviter de s'étioler, le nombre de petits labels a au contraire explosé dans ces vingt dernières années. Beaucoup étant liés à une institution, une région, publiant les bandes de leur pays, de leur ville, de leur festival... Par exemple Gramola ne publie peu ou prou que des enregistrements d'autrichiens en Autriche, dans un répertoire surtout... autrichien : Adrian Eröd dans Schubert, un chœur masculin de Linz dans Bruckner, Hüttenbrenner par Bästlein (certes, l'interprète est allemand)...

¶ Ce panorama permet aussi d'identifier les pionniers.

Nigel Rogers (le Deuxième Berger dans l'Orfeo fondateur d'Harnoncourt, puis Orfeo lui-même dans deux enregistrements) est le premier à oser, dès 1975, une version sur piano d'époque, un Hammerflügel joué par Richard Burnett (vinyle Telefunken, introuvable aujourd'hui).
Il est suivi, cinq ans plus tard, par Schreier III (avec Steven Zehr, la plus difficile à trouver des 5 versions Schreier), gravée en février 1980, entre sa version avec guitare (Ragossnig) et la version Shetler en juin. Viennent ensuite Haefliger & Dähler en 1982 ; ce n'est qu'à partir de la fin des années 80 que l'usage des instruments anciens dans ce cycle se répand grandement.

Pour la guitare, c'est justement Peter Schreier II & Konrad Ragossnig qui ouvrent la voie de ce qui est devenu un arrangement habituel et légitime. C'est toujours la version pour guitare la plus couramment diffusée.

¶ On se régalera de la présence de quelques traductions :
– 2 en anglais (Singer), bien sûr ;
– 1 en néerlandais (Jan Rot), chantée par Marcel Beekman (ce qui ne doit pas produire un écart énorme, à part pour les « j » toujours étonnants) ;
– 1 en français (Chevillard), la plus ancienne. Malheureusement Germaine Martinelli n'articule que très mal, ce qui ne permet pas de goûter pleinement la traduction assez réussie de Chevillard, bien sonnante sans s'éloigner trop du texte. Un peu niaise, certes, mais la caractéristique est d'origine !
– 1 en russe, chantée par Georgi Vinogradov ;
– 1 en slovène, chantée par Marcos Fink ;
– 2 en japonais (Takashi Matsumoto au moins pour l'une des deux), une nation assez fortement représentée dans ce cycle ces vingt dernières années, même si leurs versions sont très peu distribuées en Europe.

2. Statistiques

Peter Schreier a enregistré trois le cycle en six mois (avec guitare en janvier, avec pianoforte en février, avec piano en juin).

Rudolf Buchbinder a enregistré deux fois ce cycle : en 1967 (à 21 ans) et en 2010 (à 64 ans), soit une distance de 43 ans entre ses deux témoignages.

¶ Qui a occupé la discographie du cycle comme accompagnateur ?
5 versions : Gerald Moore (Schiøtz en 1943, Fischer-Dieskau I en 1951, Rudolf Schock en 1958, Fischer-Dieskau II en 1961, Fischer-Dieskau IV en 1971).
5 versions : Graham Johnson (Hill en 1982, Bostridge I en 1995, Kutschera en 1998, R. Kohn en 2001, Maltman en 2011).
4 versions : Helmut Deutsch (Protschka en 1986, Skovhus en 1997, Jarnot I en 2001, Kaufmann en 2009).
3 versions : Jörg Demus (Fischer-Dieskau III en 1968, Holzmair I en 1983, F. Koenig en 1992).
3 versions : Hubert Giesen (Walther Ludwig I en 1949, Wunderlich sur le vif en 1965, studio Wunderlich en 1966). Accompagnateur terne, par ailleurs.

¶ Qui a occupé la discographie du cycle comme chanteur ?
6 versions : Dietrich Fischer-Dieskau, bien sûr, de 1951 à 1991. Plus une version comme récitant des poèmes non mis en musique par Schubert (version Bostridge & Johnson chez Hyperion).
5 versions : Peter Schreier, de 1971 à 1989. Bel exploit pour une voix peu avenante et un chanteur qui n'a pas du tout le même statut international ou starisé que d'autres collègues. Sa voix et sa conception du cycle restent, au passage, très similaires.
4 versions : Ernst Haefliger, de 1959 à 1982. Pour lui au contraire, depuis la franchise un peu blanche de la voix de 59 jusqu'à l'instrument un peu lassé de 82 (avec pianoforte), il y a plusieurs mondes parcourus.
4 versions : Hermann Prey, de 1971 à 1986.
4 versions : Fritz Wunderlich, de 1957 à 1966. Attention à l'effet d'optique : le statut icônisant de Wunderlich a conduit à l'édition de nombreux témoignages sur le vif (57 et 59 avec Stolze, ainsi qu'un concert de 65 avec Giesen, juste avant le studio DG). Il n'y a pas eu de démarche de réenregistrement, en réalité – et, sur une période aussi courte, on verra peu d'évolution d'une conception assez lyrique et fort simple.
- 3 versions : Walther Ludwig, de 1949 à 1957. - 2 versions : Jorma Hynninen (même pianiste), Benjamin Luxon, Wolfgang Hozlmair, Zeger Vandersteene (même pianiste), Andreas Schmidt (même pianiste), Florian Prey, John Elwes, Ian Bostridge, Christoph Prégardien, Matthias Goerne, Konrad Jarnot, Michael Schade.

Tempo : – Le cycle se joue habituellement pour une durée autour d'une heure, qui tend d'ailleurs à augmenter, depuis 2008, vers une moyenne plutôt autour de 65'. L'immense majorité des disques se tiennent entre 55' et 68'.
- Franz Navál à 31'03 et Germaine Martinelli à 36'04 ne sont pas des extraits ; ils chantent réellement deux fois plus vite que les autres. [Il faudra néanmoins vérifier s'il ne manque pas des strophes, je n'ai pas eu l'impression chez Martinelli, mais je n'ai pas écouté tout Navál.] Ce n'est pas tant que les parties vives soient précipitées : il n'y a pas d'alanguissement dans les parties lentes, qui filent droit. Je n'ai au demeurant aucune impression de précipitation en les entendant, surtout Navál qui manifeste beaucoup d'équilibre. Même à l'époque de Martinelli (on n'a pas beaucoup d'autres témoignages intégraux d'avant 1930...), ce minutage était atypique.
– Sinon, dans les rapides plus « normaux », on peut citer Walther Ludwig III (50'37), Singher (52'08) qui ne paraît pas du tout excité, Vinogradov (53'41).
– Pour la lenteur, le spectre est encore plus étagé. On ne trouve que Fischer-Dieskau 51 à plus de 65' (66'06), valeur qui n'est approchée que par Haefliger 59 (65'02) et Bufkens, avant les années 70. Il faut attendre Tappy en 1974 pour dépasser cette barre. Et il est un fait qu'au fil du temps, à partir des années 70 et singulièrement depuis 2000, le nombre de versions lentes (au-dessus de 65') tend à augmenter. Sans que cela s'entende vraiment, la fourchette étant minime et les changements de tempo nombreux (et diversement abordés).
– Le record est détenu par Schade II & Buchbinder (71'51), Goerne II & Eschenbach (71'03), Tappy & Lifschitz (70'53), P. Naef & Bassa (70'17), Goerne I & Schneider (70'01). Szmyt, Hadjikinova et Jarnot II sont aussi au-dessus de 68'. Dans le cas de Goerne, on entend bien la lenteur, parce que les mouvements lents sont vraiment suspendus. Ce n'est pas évident pour tous les cycles au-dessus de 65'.

3. La sélection de CSS

¶ Je n'ai bien sûr pas pu tout entendre (une soixantaine de cycles), mais je peux mentionner :

  • Ian Partridge & Jennifer Partridge,
  • Matthias Goerne I & Eric Schneider,
  • Jonas Kaufmann & Helmut Deutsch IV,
  • Christian Gerhaher & Gerold Huber I,
  • Francisco Araiza & Irwin Gage,
  • Hans Peter Blochwitz & Cord Garben,
  • Josef Protschka & Helmut Deutsch I,
  • Jorma Hynninen II & Ralf Gothóni II,
  • Brigitte Fassbaender & Aribert Reimann,
  • Olle Persson & Mats Bergström,
  • Gérard Souzay & Dalton Baldwin

comme particulièrement souverains, dans des genres très différents.

¶ Ce n'est bien sûr que mon goût personnel : Bostridge, Padmore, Bär (fantastique, mais le piano de Parsons me gâche vraiment le plaisir), Mammel II (surtout pas le I, mal chanté), Marshall, de Mey, Schade, Trekel, Kobow, van Egmond, Hendricks, Jarnot, Prégardien, Krebs, Fischer-Dieskau (avec des réserves sérieuses), Schiøtz, Haefliger, Wunderlich, Güra et quelques autres méritent complètement le détour, et je prends aussi beaucoup de plaisir chez eux, notamment.

¶ Je peux tout de même nommer aussi quelques rares cycles dont je ne recommanderais pas la fréquentation :

  • Dietrich Fischer-Dieskau I & II : très vocal (la voix est même lourdement couverte en 51, aux antipodes de ses Winterreise de ces années), dur, peu expressif, et tout à fait à côté du sens. Ce n'est pas que parce qu'on attend beaucoup de DFD, c'est vraiment parce que ça ne fonctionne pas du tout. Cela dit, il faut l'écouter, parce que c'est DFD, et que si on veut pouvoir causer avec d'autres mélomanes, il est bon d'avoir un avis dessus.
  • Christian Elsner : ici aussi, alors que son Winterreise (avec le Quatuor Henschel) est très valable, la voix s'engorge jusqu'au naufrage. Même pas intéressant expressivement.
  • Jochen Kowalski : pour falsettiste, ça ne fonctionne pas du tout. Trop mis à distance pour du romantisme, et puis les mots sont noyés dans l'émission lâche. En musique populaire (en tout cas celle de ce genre), même les sopranos utilisent la voix de poitrine, pour des raisons de proximité, de stabilité, de naturel, d'élocution. Alors un homme en fausset...
  • Lotte Lehmann : vraiment pas expressif, lourdement chanté, et l'accompagnateur (Ulanowsky) sonne surtout comme un répétiteur. Pas du tout horrible, néanmoins.
  • Les versions avec Peder Severin, Elka Puukko et David Breitman sont, tout simplement, très mal chantées. La dernière est même difficile à croire pour un chanteur professionnel (voire pour un semi-professionnel).


¶ Côté accompagnateurs, se distinguent tout particulièrement Deutsch (avec Kaufmann en particulier, mais aussi avec Protschka) pour le tranchant et la danse, Schneider pour le galbe, Gothóni pour le tranchant, Eisenlohr pour la souplesse musicale. Et plus discrets, Huber (avec Gerhaher) ou Gage (avec Araiza) font montre d'un grand goût.

¶ Au chapitre des souhaits, on peut regretter qu'Anthony Rolfe-Johnson, Mark Ainsley, Thomas Bauer (du moins dans son état d'il y a cinq ans) ou Henk Neven n'aient rien laissé au disque. Sur le vif (et à la radio), Fouchécourt (avec Planès au pianoforte) a été particulièrement mémorable, rendant au cycle toute sa dimension de chansons populaires sans arrières-pensées.

4. Registre d'abréviations

À des fins de clarté, je n'ai pas multiplié les informations. Ne figurent pas le nombre de publications chez un label donné ni les tessitures exactes de chaque interprète – paramètre d'autant plus intéressant qu'il évolue au fil d'une carrière, et permet de se représenter ce qu'on entendra. S'il y a des questions à ce sujet, il suffit de les poser en commentaire.

Les dates sont celles d'enregistrement. Évidemment, vu la quantité d'information à traiter, il n'a pas été possible de toujours les contre-vérifier, il reste donc des manques, ou des dates qui peuvent être celles de publication, voire de réédition. En principe très peu, j'ai tâché d'être vigilant.

En gras, les cas atypiques.

s : soprano
ms : mezzo-soprano
a : alto
t : ténor
br : baryton
bs : basse
pf : pianoforte
hkl : Hammerklavier
hfl : Hammerflügel
St : Steinway moderne
LD : libre de droits en France, donc probablement partout dans le monde, le droit français étant particulièrement restrictif ; susceptible d'être publié sous divers éditeurs, et librement copiable et distribuable.

La numérotation en chiffres romains indique que la commercialisation de plusieurs témoignages chez un artiste. Évidemment, au fil des reparutions.

Quelquefois, les voix peuvent s'écarter de la catégorie officielle de l'artiste. J'essaie de m'adapter à ce qu'il fait dans le cycle.

5. Liste complète

Et voici le matériau discographique :

Suite de la notule.

David Le Marrec

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