Carnets sur sol

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mercredi 29 janvier 2025

[nouveauté] Pavel Vranický – Symphonie pour la Paix avec la France – ou comment les interprètes façonnent (faussement) l'image publique d'un compositeur


J'ai déjà insisté sur la qualité particulièrement singulière et  novatrice du legs de Pavel Vranický (plus largement connu sous sa déclinaison germanique Paul Wranitzky), à l'opéra surtout – son Oberon (1789), créé entre Don Giovanni et Così fan tutte, évoque bien davantage l'Oberon de Weber (1826) !  Mais si l'on veut écouter de la musique symphonique exaltante de la période mozartienne, qui sorte des canevas prévisibles, Vranický constitue également une approche prioritaire.

On ne disposait jusque là que de quelques (très belles) symphonies, dans un goût qui peut évoquer le panache dramatique de Gossec ; les meilleures versions étant, sans surprise, celles des Tchèques (Bohumil Gregor avec le Dvořák Chamber Orchestra), dont le son acidulé rend justice, même dans une optique tradi, aux équilibres sonores et à l'élan de cette musique.

Naxos a lancé une entreprise de documentation passionnante qui en est à son huitième volume, et d'où sourdent quelques merveilles inattendues, notamment du côté du ballet.

Dans celui-ci, trois symphonies, où triomphe en particulier la Symphonie en ré majeur P17 (sans numéro d'opus), comme ses prédécessrices au disque – l'opus 36 et l'opus 52, que je tiens assez nettement pour ses meilleures. Très généreuse et exaltée, sans doute marquée par Gluck.

La Symphonie pour la Paix avec la République Française, qui ne contient pas d'airs français que j'aie pu identifier, avait déjà été enregistrée et demeure toujours assez peu héroïque ou suggestive, une bonne symphonie du temps parmi d'autres.



Cependant, on retrouve ici la même limite qui serre le cœur que dans tout le reste de la série : l'Orchestre Philharmonique de Chambre Tchèque de Pardubice (veuillez nous transmettre vos idées de dénominations plus longues, nous sommes vivement intéressés) est une phalange qu'on ne peut pas décrire comme « sensibilisée musicologiquement », et les choix stylistiques de Marek Štilec renforcent cet aspect – son d'orchestre très lisse et blanc (vraiment peu de couleurs vives), articulation très legato, primauté du fondu sur la couleur et les accents, uniformisation du spectre, rythmes lissés : c'est une vision très policée de la musique du XVIIIe siècle qui s'exprime, et il me semble que cela souligne surtout les harmonies consonantes, atténue les originalités ou audaces de ces musiques.

La série est donc indispensable, un travail que personne n'a fait – il commence à exister un certain nombre d'anthologies, mais aucun travail d'exploration systématique, ce qui nous privait en particulier des ballets, pourtant véritablement marquants pour certains d'entre eux. Pour autant, à l'écoute, le résultat produit paraît souvent assez mesuré et ne produit pas la sidération que cette musique devrait produire ; je pense même qu'il peut y avoir un aspect contre-productif sur la perception du compositeur, tendant à l'assimiler dans l'esprit du public au style des interprètes de cette anthologie, et compromettant ainsi, paradoxalement, l'engagement pour sa remise au théâtre. 

Ce phénomène advient quelquefois, un peu à la façon de l'engagement absolu et admirable de Colin Davis – qui, pour le coup, a réellement fini par influer positivement sur la programmation de Berlioz ; mais qui a, dans le même temps, par son style propre, largement contribué à la perception d'un Berlioz monumental, emphatique, statique, voire pompier – toutes choses que Berlioz peut être par ailleurs (statique excepté !), mais qui ont à tort été associées à l'essence même de sa musique, alors qu'il ne s'agissait que d'options interprétatives. 

Mon sentiment serait sans doute à nuancer par le fait (indéniable) que le public cible de ce genre de publication de niche est sans doute assez averti – si l'on s'intéresse aux compositeurs moins connus du XVIIIe siècle, on connaît très vraisemblablement la distinction entre les exécutions informées par la musicologie / influencées par la redécouverte des instruments et modes de jeu anciens d'une part, et celles qui n'en tiennent pas compte d'autre part !  Il ne faut donc pas s'exagérer l'influence sur la perception d'une telle série discographique ; pour autant, à l'écoute distraite au rapide d'une oreille curieuse, il serait possible de passer à côté de la formidable singularité de Pavel Vranický – non pas, au demeurant, que les interprétations de Pardubice-Štilec soient dénuées de valeur !



Pour prolonger, d'autres notules sur les demi-frères Vranický : 

¶ une décennie, un disque : 1780 (Symphonies de Vranický par B. Gregor & Dvořák Chamber) ;  

¶ sur l'opéra Oberon, König der Elfen (avec des extraits de cet inédit dans une très belle version radiodiffusée que j'ai moi-même mise en ligne) ;

¶ « Qui peut égaler les symphonies de Mozart ? »

¶ un mot sur le volume 1, le volume 2, puis le volume 3 de la série Naxos, dans le cadre du bilan des nouveautés 2021 ;

quelques symphonies précédemment publiées ;

¶ un double concerto (pour deux altos) par le spécialiste HIP Goebel, dans une série Sony sur les contemporains de Beethoven ;

¶ conseils de quatuors à cordes ;

¶ sur la singularité du style des compositeurs : « D'où vient l'émotion ? — Pourquoi Mozart est-il aussi différent ? — La preuve par l'exemple » ;

¶ un tentative de réflexion plus large : « N'aimez-vous pas les œuvres davantage pour leur rareté que pour leur qualité ? »

dimanche 19 janvier 2025

Anton BRUCKNER – la wagnermania jusque dans les motets


Des parentés attendues et inattendues entre l'univers des motets mendelssohniens de Bruckner et… l'horrible Richard Wagner. Avec des extraits calés pour pouvoir bien tout entendre. C'est par ici.

Et davantage de nouveautés et de commentaires discographique sur cette annexe à laquelle il est possible de s'abonner.



David Le Marrec

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