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mercredi 24 novembre 2021

Les plus beaux Requiem


lattès

Une amie, enthousiasmée par le Requiem de Campra, pose la question des plus beaux Requiem. Sujet particulièrement vaste, mais j'ai tâché de lui complaire le plus tôt possible, en jetant à la hâte les titres qui me venaient à l'esprit, les versions pour bien débuter, les œuvres les plus frappantes, le tout regroupé par thèmes (il s'agit d'une mélomane aux goûts spécifiques, LULLY-Messiaen plutôt que Rameau-Bellini).

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Introitus du Requiem de Campra, version Malgoire.

Je me dis que, faute de disposer des quelques années nécessaires à produire une synthèse raisonnée des plus beaux Requiem, je peux toujours vous proposer, dans le cadre des petites listes informelles des Goblin awards, les conseils que je lui ai rapidement prodigués.



requiem



1. Corpus

Petite liste des Requiem (majoritairement) célèbres auxquels j'ai pensé.
Par ordre chronologique très approximatif de naissance des auteurs / d'écriture / création / publication (dans une vraie belle notule, tout aurait été bien classé…).
Puis les conseils de versions après les flèches.

Févin / Divitis→ Organum
Morales
Victoria
Lassus
Purcell, Funérailles de la reine Mary (pas un Requiem) → Gardiner
Lalande (Séquence seulement)
Jean Gilles → Sow ou Herrewehge I avec Mellon-Crook
Charpentier H.2, H.7, H.10
Campra → Malgoire
Biber
Haendel, The Ways of Zion Do Mourn → Parrott, Mallon, Wachner
Zelenka, pour Fridrich August Ier → Luks
Zelenka, pour Joseph Ier
Lotti
Gossec
Salieri
Michael Haydn
Mozart
→ Currentzis, Mackerras-Gritton, Hickox (Herreweghe, Davis-BBCSO, Harnoncourt-Yakar, Bernstein, Davis-Radio Bavaroise, Christie, Malgoire I…)
Plantade
Cherubini, Requiem n°1 en ut mineur → Grünert, Spering, Niquet
Cherubini, Requiem n°2 en ré mineur → Markevitch
Berlioz → Ozawa
Gouvy
Schumann → Bauer-Hielscher
Liszt, Requiem pour solistes, chœur masculin et orgue
Liszt, Requiem pour orgue
Verdi
→ Fricsay 53, Markevitch 59 (Barenboim I, Hickox, Bosch, Fricsay 60, Jochum 50, Bernstein, Leinsdorf, Markevitch 60, Muti 87, Abbado 2001, Pappano, Otterloo…)
Suppé → Corboz
Brahms, Ein deutsches Requiem (les textes ne sont pas ceux du Requiem)
→ Maazel-Prey, Tennstedt-Allen, Wit-Bauer, Herreweghe, Giulini-Fischer-Dieskau, Solti-Weikl, Kubelik-Brendel, P.Järvi-Tézier, Norrington, Furtwängler…
Dvořák
→ Ančerl-Berlin, Wit, Jansons, Topp, Sawallisch, Košler, Ančerl-Prague…
Fauré version chambre → Svensson (Herreweghe, Romano)
Fauré version orchestre
→ Bolton, Spanjaard (Corboz, Herreweghe, P. Järvi, Frémeaux…)
Saint-Saëns
Borodine
Bomtempo
Stanford
Duruflé
Puccini
Ropartz
Howells → Toll
Pizzetti
Oskar Lindberg
Foulds
Britten (avec poèmes intercalés)
→ Giulini, Pappano, Britten (Ančerl, Orawa, Masur, Hickox…)
Takemitsu (pour cordes)
Schnittke
Ligeti
Penderecki, Un Requiem polonais
Bernd-Alois Zimmermann, Requiem pour un jeune poète (textes composites)
Chesnokov, Requiem n°2 (en russe)
Kilar
Desenclos



lattès



2. Conseils
« Puisque c'est Campra qui t'a d'abord séduite : il existe assez peu de Requiem intégraux dans le baroque français. Les offices funèbres existaient évidemment, mais pour les mises en musique, on rencontre le psaume De profundis clamavi ad te, Domine (« Des profondeurs de l'abîme j'ai appelé vers toi, Seigneur »), qui n'est pas initialement lié à la Résurrection. Je te ferai une liste si tu le veux, mais c'est autre chose que le Requiem, dont j'ai déjà proposé une liste élargie contenant des offices funèbres excédant le texte du Requiem latin.
    On a aussi des traces de mises en musique de la Séquence isolée (c'est-à-dire la partie spécifique à la messe des morts, qui débute par Dies iræ et parcourt des versets célèbres comme « Tuba mirum »,  « Liber scriptus », « Quid sum miser », « Rex tremendæ majestatis », « Recordare », « Ingemisco », « Confutatis maledictis », « Lacrymosa »…), comme chez Lalande. Dans un esprit qui n'est pas du tout paroxystique comme chez les Romantiques.

    Pour le baroque français, outre Campra, c'est Jean Gilles qu'il faut connaître, remarquable pour sa marche liminaire dont les rythmes pointés sont entrecoupés de longs silences ; ou pour l'entrée en canon des solistes dans l'Offertoire, moment ineffable inclus dans mes boucles favorites. Je te recommande la version Sow, ou la première de Herreweghe (celle avec Mellon & Crook).

    Parmi les grands anciens, plus purement polyphoniques et donc probablement moins calibrés pour ton goût, plutôt que Victoria ou Lassus, je te conseille Févin / Divitis (on ne sait lequel des deux l'a composé !), par Organum, très savoureux (Doulce Mémoire est excellent aussi dans un genre complètement opposé, davantage appuyé sur la couleur que sur le trait). Et puis tout de même, Morales, dont le savoir-faire contrapuntique donne le vertige. Je ne sais si ce peut te plaire, mais c'est à connaître.

    Pour les Anglais, deux pièces funèbres, non des Requiem, mais qui en tiennent lieu et sont à connaître absolument :
→ la cérémonie pour Queen Mary (Purcell), pour son recueillement saisissant, aux confins du silence ; 
→ et The Ways of Zion Do Mourn (Haendel), pour ses tuilages vocaux à l'intensité affolante. Trouvable en cantate séparée, ou bien inclus dans les première et troisième versions d'Israel in Egypt (supprimé dans la deuxième), que tu trouveras notamment chez les excellents Parrott (saisissante expression du désarroi), Mallon, Wachner…

    J'aurai moins à te proposer chez les Classiques, où les Requiem n'ont, pour ce que j'en connais, pas la même force. Mozart par Currentzis (ou Mackerras-Gritton, ou Hickox, ou Herreweghe, C.Davis-BBCSO, Harnoncourt-Yakar, Bernstein, C.Davis-Radio Bavaroise, Christie, Malgoire I, Böhm-Siepi… le choix ne manque pas). Pourquoi pas Michael Haydn, qu'il connaissait et dont l'Introitus a inspiré celui que nous connaissons tous désormais. Gossec. Mais tout cela me paraît moins prioritaires – non que Mozart ne le soit, mais tu le connais déjà bien.

    C'est une tout autre histoire chez les jeunes romantiques : bien sûr les deux Cherubini, liés à l'histoire que tu connais, la pierre de Rosette du grégorien, le succès des concerts spirituels, la défiance envers le faste grégorien et pour finir le bannissement des femmes des cérémonies funèbres parisiennes.
    Le premier (ut mineur), pour chœur mixte, qui respecte les inflexions accentuelles du texte latin, est vraiment fabuleux (par Grünert ou Spering, voire Niquet – pour toi qui as tes habitudes musicologiquement conformes, je dirais Spering en priorité).
    Le second (ré mineur), pour hommes seulement, fut écrit par Cherubini pour s'assurer que la musique pour sa propre mort ne serait pas interdite (!), après la catastrophe des funérailles de Bellini. Il en existe peu de versions (3), je te recommande Markevitch.

    On pénètre à présent chez les gros Requiem dramatiques.
→ Comme le signalait Clément, le Requiem de Berlioz doit vraiment être écouté avec ses volumes et sa spatialisation, très spectaculaires et physiques, en salle. Au disque, on entend surtout les gros blocs pas très subtils (et il faut sans cesse jouer avec le potentiomètre). Gouvy, plutôt parent de Berlioz mais pas pour sa Messe des morts beaucoup plus recueillie, mérite le détour, mais n'est pas prioritaire.
Verdi, de la folie pure, tout en exubérance et en génie mélodique (essaie Fricsay pour que ça ne dégouline pas).
Suppé, qu'on est surpris d'entendre aussi mordant, est écrit dans un style similaire, très dramatique, tout en éclats – et écrit lui aussi au cordeau.
Brahms, grands récits de baryton et fugues chorales, épatant, tu devrais aimer cet aspect très verbal / incantatoire. Versions : Maazel-Prey, Tennstedt-Allen, Wit-Bauer, Giulini-DFD (surtout pas les autres Giulini), Solti-Weikl… Particularité : le texte allemand n'est pas une traduction de la messe des morts, mais constituté de fragments de l'Écriture (plusieurs par mouvement !).
Stanford débute doucement, mais à partir de l'Offertoire, les parentés avec les élans de Brahms sont assez frappantes.
→ Bien sûr Dvořák, le mieux psalmodié de sa catégorie, peut-être à la fois le plus saisissant (terrifiant Dies iræ infernal) et le plus poétique (le début de l'Offertoire aux vents seuls, avec ses chœurs à l'unisson imitant le grégorien).

Borodine est à part : il n'y a que le Dies iræ, il n'y a pas de voix… et c'est particulièrement court. Mais très frappant.

    À l'opposé, à partir du milieu du siècle, apparaissent des épures, en particulier françaises. Cécilianistes, néo-grégoriennes, ou post-fauréennes, elles reviennent à la nudité du texte.
Liszt (au titre français de Messe des morts), remarquable et mal connu, dans le même esprit totalement dénué du Via Crucis, le contrepoint en sus. Pour quatre solistes, chœur masculin et orgue, vraiment du texte et de la musique dans leur ultime pureté. Il a aussi écrit un Requiem pour orgue seul, conçu pour être joué en alternance avec le texte parlé de la messe des morts.
Fauré, que tu connais. Particularité : très facile à chanter, d'où sa programmation par tous les ensembles amateurs – il n'y a vraiment aucune difficulté vocale, même pour les solistes on reste dans l'ordre de l'abordable. Tu peux essayer la version de chambre pour renouveler l'écoute, bien que je ne sois pas persuadé qu'elle soit meilleure que la traditionnelle pour orchestre.
Saint-Saëns, écrit dans le dépouillement extrême qui devait, depuis les controverses des années 1830, favoriser la prière.
Duruflé, explicitement fondé sur les modes grégoriens, mais je te préviens que l'ensemble ménage assez peu de contrastes et de drame.
Ropartz, dans le même esprit que les précédents, le raffinement harmonique en prime.
→ Et, à la fin du XXe siècle, Desenclos, très apaisé, comme du Poulenc très décanté.
→ Ailleurs en Europe, on retrouve le même esprit chez Chesnokov (véritable écriture liturgique dans le style de l'Obikhod), et parfois avec plus d'entrelacement des voix : Howells, Pizzetti

Le XXe siècle a aussi ses grandes fresques dramatiques, souvent nationales :
Foulds (en mémoire de la Première guerre mondiale) et Britten (pour la seconde), les deux incluant de la poésie profane au sein du texte liturgique habituel.
→ Le Requiem polonais de Penderecki.

Et bien sûr, plus composites et étranges, les nuages de Ligeti, les textes collés de B.A. Zimmermann…

Avec tout cela, tu devrais pouvoir varier les plaisirs funéraires pendant quelque temps, manière de patienter jusqu'à la nouvelle fin du monde ! Sois sage dans l'intervalle.  »



lattès



3. En bref

On me souffle (pas ma commanditaire, qui n'aurait garde d'être aussi impudente) que la liste est un peu touffue pour être explorée. Et on me demande tout de bon : quels sont tes préférés ?

Quoique secrètement révolté par l'impudeur de la requête, je m'y plie avec grâce.

1. Haendel
2. Dvořák
3. Britten
4. Cherubini 1
5. Gilles
6. Verdi
7. Brahms
8. Campra
9. Howells
10. Desenclos
11. Foulds
12. Cherubini II
13. Liszt
14. Ropartz
15. Chesnokov
  
(Numérotage moulé à la louche et toute subjectivité bue : vous n'en aurez pas pour plus cher que vous ne m'avez versé !)



Belles découvertes à vous !



lattès


David Le Marrec

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