jeudi 30 mai 2013
Chœur n°5
En écoutant Athalie de Mendelssohn pour la première fois dans sa version française, ce soir, il était difficile de ne pas être frappé par l'aspect totalement mendelssohnien de la chose. Le style reste purement allemand, un français n'aurait pas pu écrire cela ; aussi bien les grands chorals que les fugatos. Un Mendelssohn qui tire au besoin vers le Schumann dans l'Ouverture - non sans parentés avec celle de Manfred.
Aussi, il est assez troublant d'entendre chanter en français sur une telle musique, et avec naturel.
L'oeuvre, composée en 1843, révisée et créée en 1845, est conçue dans la même veine que les musiques de scène d'Œdipe à Colone ou d'Antigone, également commandes de Frédéric-Guillaume IV (et toutes écrites et représentées entre 1841 et 1845). Le français est la langue de la création, au même titre que l'anglais pour Le Songe d'une Nuit d'Été.
Au disque, on ne trouve, sauf erreur, que des versions allemandes (Spering chez Capriccio, et, mieux, Rilling chez Hänssler), avec les textes intercalés d'Eduard Devrient (1849). Ces parutions ne rendent de toute façon pas justice à la tonalité exaltée de la partition - à peu près exclusivement des chants de louange, genre où Mendelssohn a toujours placé le plus haut de son art.
Les deux musiques de scène de Sophocle par Soltesz (Capriccio) me paraissent attester d'un impact plus évident, rien qu'au disque.
Pourquoi soulever ceci ? C'est que dans le cinquième choeur [1], « Partez, partez, enfants d'Aaron » (So geht, ihr Kinder Aarons, geht dans la version traduite), on assiste à une exaltation rythmique du français comme je ne l'ai jamais entendue. La prosodie reste tout à fait exacte, mais la musique semble s'être fondue dans la langue, avec le même naturel de mélodie et de rythmes récurrents que dans une symphonie en forme-sonate, aux antipodes de la monotonie, de la grisaille, de la platitude, du flou [2] qui sont souvent l'apanage de la mise en musique [3] du français.
C'est au delà du naturel - qui existe chez bien des compositeurs : Lully, Desmarest, Francoeur & Rebel, Piccinni, Grétry, Meyerbeer, Massenet, Landowski, Daniel-Lesur... les figures de la prosodie triomphante ne manquent pas. Ici, ce n'est pas la prosodie qui est première, mais bien la musique, et ce qui est spectaculaire est précisément l'inclusion de la musique à l'intérieur des équilibres de la phrase, absolument pas forcés ni déplacés par les carrures récurrentes du discours musical. Une forme de miracle.
Et puis Mendelssohn en français, c'est un rêve qui s'accomplit, et qui fait - ô combien ! - regretter l'absence de mélodies de salon produites dans notre langue. Nul doute qu'il y aurait davantage brillé que dans le lied, où précisément quelque chose d'un peu suave et musicale limite le plaisir narratif du genre.
Le concert a été capté par France Musique, je crois, et je tâcherai d'en publier l'extrait ici.
Notes
[1] Et non quatrième : le programme de salle de la Cité de la Musique a fusionné les choeurs 3 et 4.
[2] Les notules brèves de ces jours-ci sont d'ailleurs dues à la préparation d'une notule plus détaillée autour de ces questions, dans Pelléas.
[3] Voire de la déclamation, comme ce soir par Mathieu Genet.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Oeuvres - Disques et représentations - Musique de scène - Opéra romantique allemand - Saison 2012-2013 a suscité :
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